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CINETOM
5 décembre 2023

FRANCOIS TRUFFAUT, LES 400 COUPS

                 

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          FRANCOIS TRUFFAUT   1932 - 1984 

                 Cinéaste, Scénariste, Acteur, Critique Français

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Depuis le début de sa carrière, François Truffaut a prouvé qu'il possède ces qualités à différents degrés, et il est sans doute l'un des réalisateurs français les plus intéressants de sa génération. Le trait dominant de sa personnalité est la sensibilité. Il tourna des films à fleur de peau, cuirassant d'humour une émotion intense. Il a appris que la création artistique est d'abord un "acte d'amour". Truffaut est celui qui a mis en scène de nombreux comédiens que l'on peut citer : Bernadette Lafont, Gérard Blain, Jean-Pierre Léaud, Claire Maurier, Charles Aznavour, Marie Dubois, Michèle Mercier, Jeanne Moreau, Françoise Dorléac, Jean Desailly, Julie Christie, Claude Rich, Jean-Claude Brialy, Michel Bouquet, Charles Denner, Michael Lonsdale, Maurice Garrel, Delphine Seyrig, Claude Jade, Marie-France Pisier, Jean-Paul Belmondo, Catherine Deneuve, Philippe Léotard, Claude Brasseur, Guy Marchand, André Dussolier, Jean-Pierre Aumont, Jacqueline Bisset, Valentina Cortese, Dani, Bernard Menez, Isabelle Adjani, Jean-François Stévenin, Brigitte Fossey, Nathalie Baye, Jean Dasté, Henri Serre, Gérard Depardieu, Jean Poiret, Andréa Ferreol, Paulette Dubost, Richard Bohringer, Jean-Louis Trintignant et tant d'autres... 

Le mot clef du monde intérieur de François Truffaut, de sa vie et de son œuvre est la "peur". Ce mot n'explique peut-être pas tout, mais constitue un indice précieux. Prenez pas exemple l'admiration du cinéaste Alfred Hitchcock et la façon dont le maître joue avec les psychoses et les terreurs secrètes du spectateur; ensuite, examinez les portraits d'hommes timides brossés par Truffaut, de Charlie (Charles Aznavour) dans "Tirez sur le pianiste" (1960) au Pierre Lachenay de "La Peau douce" (1963) en passant par toutes les variations du personnage aussi peu machiste que possible d'Antoine Doinel incarné par Jean-Pierre Léaud... On n'en finirait pas de les énumérer.

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François Truffaut est né le 6 février 1932 à Paris. Fils unique, il fut élevé par sa grand-mère jusqu'à l'âge de huit ans. A ce moment-là, sa mère et son père adoptif le prirent en charge, quoique à contrecœur. Ces deux personnages apparaîtront dans de nombreux films : "Les 400 Coups" (1959), l'histoire d'un garçonnet incompris et maltraité par ses parents (Claire Maurier et Albert rémy), ses professeurs (Guy Decomble et Pierre Repp), et plus tard la police; ce film a été doublement couronné au Festival de Cannes 1959 : Prix de la mose en scène et Prix de l'Office Catholique International du Cinéma."L'homme qui aimait les femmes" (1976), portrait d'un homme obsédé par les personnes du beau sexe.

Truffaut a souvent raconté son adolescence qui fut une période particulièrement houleuse : fugues, fréquentations clandestines des cinémas, un amour malheureux - qui inspirera "Antoine et Colette" -l'épisode français de "L'Amour à vingt ans" (1962). L'amour du cinéma commence très tôt, et, en 1942, devient méthodique avec la révélation des "Visiteurs du soir" de Marcel Carné. A quinze ans, Truffaut fonde son propre ciné-club. C'est à ce moment-là qu'il fait la connaissance du futur rédacteur en chef des "Cahiers du cinéma", André Bazin. Une rencontre décisive qui devait marquer le début de sa carrière de critique, quelques années plus tard après son renvoi du service militaire en 1953. Truffaut écrira également dans "Art" et accessoirement dans "Elle", "Le temps de Paris", "La Parisienne" etc. En 1956, il travaillera avec Roberto Rossellini sur trois scripts, dont aucun ne sera filmé.

Le critique François Truffaut, fut l'un des initiateurs de la "politique des auteurs" dont il ramassa les principaux points dans son manifeste de 1958 : il fallait déserter les studios pour aller tourner en plein air; remplacer les dialogues "léchés", trop littéraires, par un discours plus naturel, à la limite de l'improvisation; supprimer les artistes reconnus; enfin la seule qualification nécessaire à un réalisateur pour faire un film était un besoin impérieux de s'exprimer par l'image, comme un écrivain s'exprime par la lecture, et de faire œuvre d'auteur.

Truffaut était aussi véhément dans ses haines - il s'attaquait violemment aux cinéastes "arrivés" des années 40-50 : Claude Autant-Lara, Jean Delannoy, René Clément, Henri Verneuil ou Gilles Grangier... qu'il considérait (à tort, car chaque période cinématographique avait son style) tout juste comme d'habiles adaptateurs - que dans ses  enthousiasmes : lui-même et ses collègues des "Cahiers du cinéma" furent les premiers à accorder à des réalisateurs tels que Howard Hawks et Hitchcock le statut d'auteurs. Il réhabilita aussi, parmi d'autres, Sacha Guitry, Abel Gance et Max Ophüls. Truffaut s'acquit bientôt le surnom d'enfant terrible de la critique cinématographique française. Mais cela lui valut de se faire connaître, et son article célèbre "Une certaine tendance du cinéma français" (Cahiers du cinéma no 31) est considéré comme le premier manifeste de la future nouvelle vague.

En 1959, Truffaut, alors âgé de vingt-sept ans, réalisa son premier long métrage, "Les 400 Coups". Truffaut n'était pas jeune par rapport aux pionniers hollywoodiens du muet ou des débuts du parlant, ni même par rapport aux enfants gâtés du cinéma américain des années 70, mais il l'était pour la France des années 50 (seul Louis Malle avait fait mieux en 1957). Depuis, il a réalisé une vingtaine de films. Mais l'essentiel de ce qu'il avait à dire se trouvait déjà contenu dans "Tirez sur le pianiste" et "Jules et Jim" (1961), illustrant sa propre théorie selon laquelle tout cinéaste expose ses principales préoccupations dans ses trois premiers films et ensuite ne fait, plus ou moins, que se répéter.

C'est ainsi que "Les Mistons" (1958), un petit film évoquant l'éveil sexuel d'une bande de garçons, annonçait déjà plusieurs thèmes qui hantent encore l'œuvre du cinéaste , bien des décennies plus tard : le caractère éphémère du bonheur le rôle du destin, l'importance des femmes, la passion du cinéma. La conception du bonheur de Truffaut pourrait se résumer par cette phrase du romancier Thomas Hardy : "Un accident au cours d'un long parcours douloureux... L'idée, particulièrement bien illustrée par une scène qui se déroule dans un chalet au bord d'un lac dans "Les Deux Anglaises et le Continent" (1971), revient dans "Jules et Jim" et dans "Les 400 Coups", quand les parents d'Antoine l'emmènent au cinéma. Le bonheur, dans les films de Truffaut, ne dure qu'un bref instant avant de sombrer dans l'ennui du mariage "Domicile conjugal" (1970) ou la mort "Tirez sur le pianiste", "Jules et Jim", "La Mariée était en noir" (196)7), "La Chambre verte" (1978), "La Femme d'à côté" (1981).

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On peut distinguer trois catégories de femmes dans les films de Truffaut : les créatures de rêve, les mères et les prostituées. Les dernières consolent des déceptions infligées par les premières, comme dans "Baisers volés" (1968) et "Domicile conjugal". La formule "Toutes les femmes sont des putains sauf ma mère et ma sœur" prévaut chez Truffaut. L'homme vulnérable, exposé au rejet (de même que le cinéaste fut rejeté par sa mère), est enclin à mépriser ou à idéaliser les femmes, ce qui le rend incapable de se plier aux fluctuations d'une liaison durable.

Le rôle qu'interprète Bernadette Lafont dans les "Mistons" est un objet sexuel idéalisé, désirable parce qu'inaccessible : Catherine (Jeanne Moreau) de "La Mariée était en noir" est une véritable tueuse d'hommes, de même que la Marion (Catherine Deneuve) de "La Sirène du Mississippi" (1968) ou la Mathilde (Fanny Ardant) de "La Femme d'à côté". Quant à la soif insatiable de nouvelles conquêtes de "L'Homme qui aimait les femmes", elle pourrait bien être une revanche du héros contre sa mère, qui le négligeait, petit, au profit de ses nombreux amants. De tout cela, qui renvoie invariablement aux "Mistons", se dégage une image de la femme dévoreuse d'hommes, redoutable mante religieuse.

Le monde de Truffaut est essentiellement solitaire, en dépit des efforts du cinéaste pour le peupler par des familles de remplacement. Et malgré le verdict final sur la vie du père de madame Tabard (Delphine Seyrig) dans "Baisers volés" : "Les gens sont fantastiques", aux moments cruciaux de leur existence, les héros de Truffaut sont seuls ou retournent dans la solitude. L'espoir est représenté par les enfants : des "400 Coups" à "L'Argent de poche" (1976), sans oublier "L'Enfant sauvage" (1969), Truffaut défend et protège l'innocence et la pureté de l'adolescence, comme s'il cherchait ainsi à se consoler des blessures reçues dans le passé.

Un autre élément compensatoire important est le cinéma. "Le cinéma règne, suprême" déclare Truffaut dans "La Nuit américaine" (1972). Pour lui, non seulement les films reflètent la vie, mais ils sont la vie, ils remplacent la vie. Lorsqu'on les regarde, qu'on les fait, qu'on en parle, la solitude est écartée. Auteurs et techniciens constituent une famille idéale : l'écriture et le tournage de l'œuvre représentant le processus de conception et gestation. Le film naît, un autre se prépare. Le film se substitue à la vie, mais avantageusement, car lui au moins survit aux hommes.

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Dans "Le Dernier métro"(1980), c'est le théâtre qui remplit cet office, mais cela revient au même. Dans ce film, au déroulement ambigu, Truffaut a multiplié les références à deux de ses maîtres favoris (voir "Les Films de ma vie", ce livre fondamental, un de ceux où Truffaut a livré le plus de lui-même, avec la préface du recueil posthume d'André Bazin, "Le Cinéma de l'Occupation et de la Résistance"), deux de ses admirations les plus constantes, Renoir et Lubitsch. Pour celui-ci, on pense bien sûr à "Jeux dangereux" (To be or not to be,1942), avec son va-et-vient incessant entre le réel et la fiction. On a moins relevé que le dénouement tranquillement amoral du "Dernier métro", enfin celui qui paraît le plus probable, et qui permet de résoudre une situation triangulaire, reprise de "Jules et Jim", est calqué directement sur celui de "Sérénade à trois" (Design For Living,1933), un des grands succès de Lubitsch. Marion Steiner interprétée par Catherine Deneuve, saluant narquoisement le public, entre son mari Lucas Steiner (Heinz Bennent) et son amant Bernard Granger incarné par Gérard Depardieu, se trouve dans la même situation que Miriam Hopkins se refusant à choisir entre Gary Cooper et Fredric March, à la fin du film de Lubistch. Cette solution ironique du ménage à trois, vieux cliché du théâtre de boulevard, repris ici avec un clin d'œil à Sacha Guitry, c'est non seulement un pied de nez à la morale traditionnelle, mais aussi au thème de la solitude, traité pour une fois à la légère, dans son œuvre à dominante pourtant plus dramatique. C'est encore une manière de donner la préférence au monde de la fiction, théâtre ou cinéma, ou mieux de la comédie, où il est permis de conserver son masque, sur celui de la réalité, moins accommodant. 

Curieusement, Truffaut rejoint ici une certaine morale de la frivolité, qui sévissait dans les milieux intellectuels qu'il côtoyait au temps du journal "Arts", qui fit tant pour sa renommée, et qu'avait regroupés, durant quelques saisons, l'écrivain Jacques Laurent. De la frivolité au cynisme, il n'y a qu'un pas, que Truffaut franchit souvent, et auquel on n'a pas toujours prêté suffisamment attention. Cela permettrait pourtant de réviser sensiblement l'image qu'on se fait de son œuvre et de lui-même, et de découvrir que l'auteur de "La Nuit américaine" est bien autre chose qu'un cinéaste des "cœurs brisés". Au besoin, il peut aussi jouer les "cœurs bronzés", comme disait Chamfort. Dans "Le Dernier métro", film doublement important par son immense succès public (le plus grand de Truffaut) comme par sa réussite artistique, il l'a prouvé à travers le personnage de Daxiat, portrait-charge d'après nature, d'une rare férocité, auquel il ne concède aucun trait sympathique, en dépit de son peu de goût pour le schématisme. Ici, le coup d'œil sur le réel devient sans pitié et s'éloigne de Lubitsch ou de Renoir, pour le retrouver plutôt du côté d'un Autant-Lara (qu'il a pourtant énormément critiqué) ou d'un Clouzot, les vieux adversaires de jadis. Qui disait qu'à cinquante ans, les hommes ont tous la même vision du monde, malgré les opinions divergentes ? Nous entrevoyons alors un autre Truffaut, qui, par plus que les autres, n'est le "vrai", mais qui achève de composer sa figure...

Le puzzle Truffaut se reconstitue fragment par fragment, film après film. Il est improbable que le cinéaste nous livre jamais une pièce gigantesque qui, d'un coup, achèverait son portrait. Point de révélation spectaculaire, mais plutôt des notations fugitives qui, au fil des années, élaborent une image de plus en plus complexe et fascinante. On lui appliquera volontiers ces mots qu'il écrivit jadis dans "Les Cahiers du cinéma" sur un de ses maîtres, Jacques Becker : "Sa réussite est celle d'un jeune qui ne concevait pas d'autre voie que celle choisie par lui, et dont l'amour qu'il portait au cinéma e été payé de retour." Cela, au moins, est une certitude.

C'est le 10 août 1983 que l'on a pu voir dans les salles de cinéma, la sortie du vingt-et-unième long métrage avec "Vivement dimanche" et serait son ultime succès et le point final d'une œuvre mondialement célébrée. Au cours des derniers mois de sa vie, fatigué, malade, il avait subi en 1983 une trépanation, le cinéaste nourrissait encore de nombreux projets. Il avait terminé son dernier scénario, "La Petite voleuse", avant sa première attaque et en aurait sans doute tiré son 22e film. François Truffaut décède le 21 octobre 1984 à Neuilly-sur-Seine à l'âge de 52 ans.

 

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