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CINETOM
25 novembre 2023

CAROL REED, REFLETS DU PESSIMISME D'APRÈS-GUERRE

         

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        CAROL REED    1906 - 1976 

        Cinéaste, Scénariste, Producteur Anglais

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Cinéaste britannique très respecté pour son professionnalisme et son sérieux, Carol Reed menait une carrière parallèle à celle de David Lean pendant de nombreuses années. Il devance ce dernier à la réalisation dès les années 30, alors que Lean était encore monteur. Tous deux feront un bref passage chez J. Arthur Rank dans les années 40, époque de gloire pour Reed puisque plusieurs films marquants dont il est l'auteur lui vaudront d'être anobli en 1952. Carol Reed, qui a déjà prouvé son solide métier dans les années 30, donnera toute la mesure de son talent après la guerre, avec trois chefs-d'œuvre qui reflètent admirablement le pessimisme de l'époque.

Carol Reed incarne de façon exemplaire une certaine qualité du cinéma anglais des années d'après guerre. A tel point que la British Film Academy lui décernera pendant trois années consécutives le titre de meilleur réalisateur : pour "Huit heures de sursis" (Old Man Out,1947), "Première désillusion" (The Fallen Idol,1948) et "Le Troisième homme" (The Third Man,1949). En 1952, il sera fait baronet en considération des services rendus au cinéma britannique, dont il a considérablement accru le prestige international.

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Comme beaucoup de réalisateurs anglais, Carol Reed est né à Londres le 30 décembre 1906. Destiné par sa famille à devenir fermier, il fait ses études à la King's School de Canterbury, mais se passionne très tôt pour le théâtre. Dès 1923, il joue dans des troupes de province, et débute à Londres en 1924 dans la troupe de Sybil Thorndyke, puis fait la connaissance du romancier Edgar Wallace pour lequel il va superviser les adaptations théâtrales de certains de ses romans. Reed devient véritablement l'homme à tout faire du romancier : à la fois acteur, régisseur et metteur en scène. 

Lorsque Wallace entre en 1927 au conseil d'administration de la British Lion, une société de production cinématographique qui vient de se créer, Reed le suit comme assistant; son travail consistera à superviser les activités des studios de Beaconsfield, où sont tournées les adaptations des œuvres du romancier. De ces années d'apprentissage auprès d'Edgar Wallace, Carol Reed gardera le goût des intrigues habilement construites, ainsi qu'une certaine prédilection pour les atmosphères dramatiques.

Après la mort d'Edgar Wallace en 1932, Carol Reed entre à l'Associated Talking Pictures, qui deviendra plus tard la Ealing. D'abord assistant-réalisateur, il signe sa première mise en scène en 1935 : "Midshipman Easy", un film d'aventures maritimes particulièrement mouvementé et interprété avec un enthousiasme juvénile par Hughie Green, alors âgé de quinze ans. 

Carol Reed van tourner ensuite film sur film, attirant l'attention des critiques par la vigueur de son style. En 1936, c'est "Laburnum Grove" une comédie policière tirée d'une pièce de J.B. Priestley. "Week-End" (Bank Holiday,1938), chronique de la vie d'estivants modestes sur les plages surpeuplées du sud de l'Angleterre, hantée par le souvenir d'une récente maternité tragique, avec Margaret Lockwood et John Loder, frappe déjà par son ton très personnel et son atmosphère réaliste. Dans ce film où Reed s'impose comme un réalisateur à suivre, la comédie se mêle au drame lorsqu'il observe les différents comportements des personnages lors d'un week-end à la mer. L'année suivante, Reed dirige encore Margaret Lockwood, ainsi que Lilli Palmer, dans "A Girl Must Live" (1939), une pétillante comédie sur le monde du spectacle, qui bénéficie d'un brillant scénario de Frank Launder. La même année, Reed tourne une œuvre beaucoup plus ambitieuse, "Sous le regard des étoiles" (The Stars Look Down), d'après le célèbre roman de Cronin. Avec cette fresque sur la vie difficile des mineurs défendus par un jeune idéaliste incarné par Sir Michael Redgrave, il aborde un certain type de cinéma social et documentaire dont s'inspirera sans doute John Ford pour "Qu'elle était verte ma vallée". Reed maîtrise parfaitement son sujet, sans toutefois témoigner d'un quelconque engagement politique.

Au début de la guerre, Carol Reed tourne un film d'espionnage au rythme alerte, "Train de nuit pour Munich" (Night Train to Munich,1940), sur un excellent scénario de Launder et Gilliat, visiblement inspiré par "Une Femme disparaît" d'Alfred Hitchcock. Une réussite toutefois gâtée par d'horribles décors en carton-pâte, en particulier les montagnes de la poursuite finale qui, de l'aveu même du réalisateur, font penser à de la crème fouettée!. "Kipps" (1941) est une adaptation conventionnelle et fort discutable du roman de H.G. Wells, dont le héros arriviste devient ici un vulgaire escroc, interprété par Sir Michael Redgrave. Non moins académique, "Le Jeune Mr Pitt" (The Young Mr. Pitt,1942) est une œuvre de circonstance, probablement dictée par les impératifs de la propagande militaire. Comment en effet ne pas voir dans cette évocation du ministre anglais incarné par Robert Donat, acharné à détruire Napoléon, une allusion transparente à la combativité du vieux lion Winston Churchill face à l'Allemagne de Hitler ?

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Comme la plupart des cinéastes de cette époque, Carol Reed va d'ailleurs contribuer à l'effort de guerre national; en 1942, il tourne "The New Lot", d'après un sujet d'Eric Ambler. Ce moyen métrage de 45 minutes de propagande, produit par l'Army Kinema Corporation, présente les différents corps d'armée et est destiné à aider les nouvelles recrues à fixer leur choix. Le succès est tel que le réalisateur décide d'en faire un long métrage. Ce sera "L'Héroïque parade" (The Way Ahead,1944), l'un des meilleurs films de guerre anglais, sur un remarquable scénario d'Eric Ambler et Peter Ustinov. Il s'inscrit parfaitement dans l'œuvre de Reed avec David Niven dans le rôle-type de l'officier anglais astucieux. Le cinéaste nous fait suivre l'itinéraire d'un groupe fort hétérogène au départ, montrant avec beaucoup de finesse le passage graduel de la vie civile à l'univers des combattants. Le film s'achève par le baptême du feu en Afrique du Nord et par le torpillage d'un transport de troupes. L'année suivante, Carol Reed réalise "La Vraie gloire" (The True Glory,1945), en collaboration avec le cinéaste américain Garson Kanin. Ce film de montage où alternent bandes d'actualité et interviews se veut un hommage, au demeurant assez honnête, à l'héroïsme des combattants alliés.

De film en film, Carol Reed a affirmé son style. La perfection formelle à laquelle il a atteint lui permet de donner désormais toute la mesure de son talent. Entre autres mérites, "Huit heures de sursis" (Odd Man Out,1947) peut être considéré comme l'un des rares films importants consacrés au problème irlandais. "Huit heures de sursis" témoigne d'une incontestable recherche plastique qui hausse le fait divers à la hauteur d'une tragédie. Le héros, Johnny interprété par James Mason, est un militant de l'IRA, qui a été grièvement blessé lors d'un hold-up destiné à procurer des fonds au mouvement révolutionnaire. Hier encore familières, les rues de Belfast s'ouvrent désormais devant lui comme autant de pièges. Johnny n'est plus qu'une proie traquée : il erre sans espoir, d'un asile précaire à l'autre, en une course tragique, ponctuée de quelques rencontres pittoresques ou insolites, qui le conduira inexorablement à la mort. En dépit de certains effets visuels par trop appuyés et d'un symbolisme parfois outrancier, "Huit heures de sursis" reste une magnifique réussite, grâce à l'extrême rigueur de la construction dramatique et à l'habile utilisation des éclairages expressionnistes.

L'année suivante avec "Première désillusion", Reed entame une fructueuse collaboration avec Graham Greene, qui appréciait son talent lorsqu'il était critique cinématographique dans les années 30. L'écrivain et le cinéaste présentent d'ailleurs d'indéniables affinités : même goût de la parabole morale, des intrigues dramatiques rigoureusement construites et des décors bien typés, à l'exotisme insolite.

Si "Première désillusion" se déroule entièrement à Londres, l'intrigue a pour cadre le quartier des ambassades, un monde aux règles à part, vu par les yeux innocents d'un enfant. Le petit Felipe, admirablement interprété par Bobby Henrey voue un véritable culte à Baines, joué par Sir Ralph Richardson, le majordome qui a su l'éblouir par le récit de ses captivantes aventures. Mais Baines est soupçonné d'avoir assassiné sa femme, et les efforts désespérés de Félipe pour fournir un alibi à son grand ami feront au contraire peser encore plus lourdement les charges sur lui...Carol Reed se livre ici à une brillante démonstration de style : la précision des cadrages, l'utilisation symboliques des décors, tout concourt à nous faire ressentir le désarroi d'un enfant confronté au monde des adultes.

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Graham Greene et Carol Reed sont tous deux attirés par les héros déchus. tout comme le majordome de "Première désillusion", Harry Lime, le personnage central du "Troisième homme" sera déboulonné de son piédestal. Son ami Holly Martins (Joseph Cotten) découvre en effet que l'homme qu'il admirait tant n'est qu'un trafiquant dénué de scrupule, qui a par surcroît monté une sinistre comédie pour faire croire à sa propre mort. Reed et Graham Greene excellent à restituer l'atmosphère envoûtante de la capitale autrichienne au lendemain de la guerre : une ville encore contrôlée par les forces de l'occupation, avec ses ruines, ses quartiers sinistrés, ses ruelles louches où règnent à la faveur de l'obscurité le marché noir et les trafics de toute sorte.

"Le Troisième homme" recevra un accueil triomphal et contribuera pour beaucoup au prestige international du cinéma britannique. Un succès auquel n'est pas étrangère la partition musicale d'Anton Karas, ce fascinant leitmotiv à la cithare devenu aussitôt universellement célèbre. Le film souffre toutefois d'un excès de formalisme et a de ce fait moins bien vieilli que d'autres œuvres moins connues de Carol Reed.

Le cinéaste saura d'ailleurs revenir à un style plus sobre et plus dépouillé dans ses films suivants qui pour être moins célèbres n'en sont pas moins fort intéressants. "La Banni des îles" (An Outcast of the Islands,1951) est sans doute l'une des plus fidèles transposition à l'écran de l'univers désespéré de Joseph Conrad. Ici encore, Reed dépeint une déchéance, celle de Willems (Trevor Howard), à qui le capitane Lingard (Ralph Richardson) a confié le commandement d'un bourg des Indes. Willems se révèle aussi incapable de dominer les luttes tribales que de résister aux charmes d'une belle indigène (Kerima).

Si "L'Homme de Berlin" (The Man Between,1953) rappelle à bien des égards "Le Troisième homme", Carol Reed ne s'est pas contenté de réaliser une version berlinoise de son plus grand succès. La virtuosité technique cède ici le pas à l'étude des personnages incarnés par James Mason, Claire Bloom et Hildegarde Neff, qui accèdent à une certaine "épaisseur" romanesque alors inhabituelle dans les films d'espionnage. Après "Première désillusion", c'est encore un enfant qui sera le principal protagoniste de "L'Enfant et la licorne" (A Kid for Two Farthings,1955), une adaptation sensible et très soignée d'un roman de Wolf Mankowitz ayant pour cadre les quartiers pauvres de l'East End. Un film attachant, quoique d'un sentimentalisme excessif.

Reed est désormais un metteur en scène de réputation internationale et il se verra confier des superproductions fastueuses, dans lesquelles il ne parviendra guère à imposer un style personnel. Malgré une intrigue d'une grande banalité, "Trapèze" (1956) est intéressant par son évocation de la vie quotidienne du cirque, il s'agissait de la plus grosse production Lancaster-Hecht. Il était donc normal que Burt Lancaster, ancien acrobate et trapéziste, tienne le rôle du trapéziste aux côtés de Gina Lollobrigida et Tony Curtis. "La Clé" (The Key,1958) n'est pas un film de guerre, mais un film avec un arrière-plan de guerre. "La Clé" montre un homme courageux et brave interprété par William Holden aux côtés de Sophia Loren et Trevor Howard.

En 1959, Carol Reed retrouve Graham Greene pour "Notre agent à la Havane" (Our Man in Havana), un film d'espionnage parodique interprété par Sir Alec Guinness et Noel Coward. Contacté par l'Intelligence Service britannique, un négociant en appareils ménagers lui communique des plans d'une soi-disant base secrète ennemie, qui sont en réalité ceux...d'un aspirateur. Il se retrouvera ainsi à la tête du réseau d'espionnage cubain. Un amusant clin d'œil -parfois un peu laborieux - au film d'humour anglais de la grande époque. En 1965, Reed tourne une superproduction nous montrant Charlton Heston en Michel-Ange  Buonarroti face au Pape Jules II incarné par Rex Harrison. Tourné en Italie et bénéficiant d'un très gros budget, construite pour neuf millions de dollars dans les studios de Dino de Laurentis, la Chapelle Sixtine fut longtemps le plus grand intérieur jamais reconstitué en studio. "L'extase et l'Agonie" connut un retentissant échec financier. En 1968 cependant, Carol Reed retrouvera une nouvelle fraîcheur d'inspiration avec "Oliver !", adaptation d'une comédie musicale à succès d'après le "Oliver Twist" de Dickens, qui lui vaudra l'Oscar de la meilleure mise en scène. Deux derniers longs métrages à son actif, le premier en 1970 avec Anthony Quinn dans le rôle principal "L'Indien" (Flap ou the Last Warrior,1970) et "Sentimentalement vôtre" (Follow Me,1972) avec Mia Farrow. Marié de 1943 à 1947 à l'actrice Diana Wynyard, puis à la comédienne Penelope Ward. Carol Reed fut anobli en 1953 pour son œuvre cinématographique. Son décès est survenu le 25 avril 1976 à l'âge de 69 ans à Londres.

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               Sous le regard des étoiles - 1939 -

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            Le Jeune Mr Pitt - 1942 -

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            La Vraie Gloire -1945 - 

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             Huit heures de sursis -1947 -

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               L'Enfant à la licorne - 1955 -

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