ALAN LADD, L'HOMME DES VALLÉES PERDUES

1 octobre 2023

ALAN LADD, L'HOMME DES VALLÉES PERDUES

ALAN LADD 1913 - 1964

Acteur Américain

Deborah Kerr résume la séduction de l'acteur en ses termes : "Il savait terriblement bien se servir de ses atouts physiques, de sa manière d'être; il avait quelque chose de très séduisant - une personnalité cinématographique bien réelle, qu'il avait réussi à soigner à force de travail." Alan Ladd est l'une des premières grandes stars du film noir des années 40, l'un des premiers à appartenir à cette nouvelle génération d'anti-héros, dont Bogart était l'incarnation suprême. Sur les recommandations de l'imprésario d'Alan Ladd, la Paramount accepte de lui confier son premier grand rôle, celui du tueur psychopathe de "Tueur à gages" (This Gun For Hire,1942) de Frank Tuttle, auprès de Veronica Lake. Il accède au vedettariat du jour au lendemain, dix ans après avoir débuté, comme figurant, dans "Une Fois dans la vie" (Once In A Lifetime,1932).

Alan Ladd est né le 3 septembre 1913 à Hot Springs en Arkansas, de son véritable nom Alan Walbridge Ladd. Son père était comptable et représentant de commerce. A l'âge de huit ans, Alan Ladd était livreur de journaux, suite au décès de son père alors qu'il n'avait que trois ans. A l'Université, malgré sa petite taille de 1,65 mètre, il excelle dans tous les sports et devient entre autres champion de natation.

Les jeunes années d'Alan Ladd sont difficiles : il vit dans une réelle pauvreté à la suite de la mort prématurée de son père. Plus tard, il exerce divers métiers, et travaille notamment dans les coulisses de l'industrie cinématographique, soit devant la caméra, comme figurant, soit derrière comme machiniste. Sans grande expérience de la comédie, il possède les gestes gracieux, près d'un athlète, une voix douce mais ferme, travaillée au cours de ses débuts à la radio, et, avec ses yeux verts et sa blondeur, un physique différent de celui des autres stars masculines du moment.

Marié une première fois en 1936, son épouse se suicidera un an plus tard, après la naissance de leur premier enfant. Ladd s'est orienté vers le journalisme également, il fait de la figuration au cinéma, on l'aperçoit furtivement dans le célèbre film d'Orson Welles "Citizen Kane". Ses débuts au cinéma remonte à l'année 1932, il tourne pour Erle C. Kenton dans "I'île du docteur Moreau" (Island of Lost Souls). En 1937, on le retrouve dans un film avec Gary Cooper dans "Ames à la mer" (Souls at Sea) de Henry Hathaway et enfin avec Clark Gable dans "L'Aventure commence à Bombay" (They Met in Bombay,1941) de Clarence Brown.

C'est sa seconde femme, Sue Carol, ancienne actrice du muet devenue agent de publicité qui va prendre sa carrière en main : elle réussit à l'imposer à la Paramount pour incarner le criminel de "Tueur à gages" d'après un récit de Graham Greene. En un seul rôle, Alan Ladd se voit soudain propulsé au rang de star. Avec sa partenaire Veronica Lake qui représente son équivalente féminine, il formera le couple le plus populaire des années 40 et la Paramount à laquelle il restera fidèle durant dix ans, le fera tourner plusieurs fois en sa compagnie.

Si à l'origine, les responsables de la Paramount se font tirer l'oreille pour l'employer, la réponse enthousiaste du public vient vite les rassurer. Afin d'utiliser au mieux le premier succès de l'acteur, le studio s'empresse de la faire tourner dans un autre film policier, toujours aux côtés de Veronica Lake dans "La Clef de verre" (The Glass Key,1942). Lors du tournage de "Tueur à gages", Alan Ladd avait une pneumonie au moment du tournage, ce qui a contribué à accentuer son apparence morose et ténébreuse d'homme traqué. Le personnage lui-même, tueur cynique amoureux des chats, lança la vogue des criminels nourrissant une tendresse particulière pour un animal. La mode fut tenace...La même année, Alan Ladd retrouvait son réalisateur Frank Tuttle pour un film similaire "Jordan le révolté" (Lucky Jordan).

"La Clé de verre" de Stuart Heisler est la seconde version cinématographique du roman de Dashiell Hammett. Le film assurera la célébrité d'Alan Ladd qui avait déjà une trentaine de rôle à son actif. Alan Ladd et Veronica Lake formeront un couple cinématographique fameux. Opposés l'un à l'autre pour la première fois dans "Tueur à gages", ils se retrouveront, en dehors de "La Clé de verre", dans "Au pays du rythme" (Star Spangled Rhythm,1942) de George Marshall, "Duffy's Tavern,1945) de Hal Walker, "Hollywood en folie" (Variety Girl,1947) de G. Marshall, "Le Dalhia bleu" (The Blue Dahlia,1946) de G. Marshall et enfin "Trafic à Saïgon" (Saïgon) de Leslie Fenton, leur dernier film en 1948.

"Sa dernière course" (Salty O'Rourke,1945) de Raoul Walsh marque sa rencontre avec Alan Ladd, qu'il dirigea à nouveau neuf ans plus tard dans "La Brigade héroïque" (Saskatchewan,1954). Quant à "Révolte à bord (Two Years Before the Mast,1946), ce fut le second film des cinq qu'Alan Ladd tourna sous la direction de John Farrow; le premier avait été "Le Défilé de la mort" (China,1943), les trois autres seront "Meurtre à Calcutta" (Calcutta,1947), "Retour sans espoir" (Beyond Glory,1948) et "Les Bagnards de Botany Bay" (Botany Bay,1952). A noter sa prestation dans un film d'Irving Pichel "Les Héros dans l'ombre" (O.S.S.,1946) pour lequel Alan Ladd participa au scénario, ainsi qu'à trois autres films, "Le Prix du silence" (The Grat Gatsby,1949) de Elliott Nugent, "Les Bérets rouges" (The Red Beret,1953) de Terence Young et "L'Enfer au-dessous de zéro" (Hell Below Zero,1954) de Mark Robson.

Début 1945, Alan Ladd devait retourner sous les drapeaux. John Houseman demanda à Raymond Chandler scénariste, s'il n'avait pas une histoire sous la main, le film devait être tourné très rapidement, Chandler dit qu'il avait un roman inachevé, de cent vingt pages environ Houseman proposa de le transformer en scénario original et Chandler accepta. L'histoire fut écrite au jour le jour, mais le film fut un énorme succès : "Le Dalhia bleu". Vers la fin des années 40, Alan Ladd change de registre pour s'attaquer à des rôles dramatiques, notamment dans "Le Prix du silence", mais aussi dans "Enquête à Chicago" (Chicago Deadline,1949) de Lewis Allen, "Le Dénonciateur" (Captain Carey,U.S.A.,1950) de Mitchell Leisen, mais aussi "Echec au hold-up" (Appointment With Danger,1951) de Lewis Allen.

De 1947 à 1950, Alan Ladd figure parmi les dix acteurs les plus populaires des Etats-Unis. Un peu las du film policier, il se reconvertit dans le western à partir de 1948 avec "Smith le taciturne" (Whispering Smith) de Leslie Fenton, au titre on ne peut plus évocateur. Il réussit cette performance d'un certain nombre de westerns, parmi lesquels "Marqué au fer" (Branded,1951) de Rudolph Maté ou "La Montagne rouge" (Red Mountain,1952) de William Dieterle. En 1953, il interprète le personnage le plus célèbre de la deuxième partie de sa carrière avec "L'Homme des vallées perdues" (Shane) réalisé par George Stevens au meilleur de sa forme. Dans ce film, il sait faire bon usage de son jeu tout en nuances pour camper un mystérieux tueur qui vient au secours d'un groupe de fermiers, en guerre avec le plus gros éleveur de la contrée.

Champion du box-office en 1953-1954 en Angleterre, Alan Ladd tourne à cette occasion dans la partie de Shakespeare "Les Bérets rouges", le comédien était au pinacle de sa carrière lorsqu'il signa en 1952 un contrat pour trois films avec la Warwick Company anglaise, associée à la Columbia et dirigée par Irving Allen et Albert R. Broccoli. Les deux autres films sont "L'Enfer au-dessous de zéro" et "Le Serment du chevalier noir" (The Black Knight,1954) de Tay Garnett. Peu de temps avant de tourner en Angleterre, Alan Ladd avait tourner sous la direction de Gordon Douglas dans "La Maîtresse de fer" (The Iron Mistress,1952), mais aussi diriger par Charles Vidor dans "Tonnerre sur le temple" (Thunder in the East,1953) aux côtés de Deborah Kerr et Charles Boyer. Alan Ladd incarnait ici une fois encore l'un de ces mercenaires profiteurs et cyniques qui participèrent à des guerres qui leur sont étrangères dans le seul but de s'enrichir et qui finissent par s'humaniser au contact d'une femme. C'était déjà le cas dans "Meurtres à Calcutta" ou de "Trafic à Saïgon".

En 1955, Alan Ladd crée sa propre compagnie, la Jaguar, qui co-produira huit films jusqu'en 1962. Mais le coeur n'y est plus : il apparaît maintenant dans quantités de films sans importance et sans audience dont "Colère noire" (Hell on Frisco Bay,1955) de Frank Tuttler avec Edward G. Robinson, "L'homme dans le filet" (The Man In the Net,1959) de Michael Curtiz. En 1957, Alan Ladd retrouvait pour la quatrième et dernière fois Gordon Douglas qui le dirige dans "Les Loups dans la vallée" (The Big Land). Le seul western efficace et intéressant de cette période serait "L'Or du Hollandais" (The Badlanders,1958) de Delmer Daves avec Ernest Borgnine.

Symboliquement, son dernier rôle sera celui d'un ancien acteur de western vieilli et oublié, dans une œuvre sur les milieux du cinéma, celui de Nevada Smith dans "Les Ambitieux" (The Carpetbaggers,1964) de Edward Dmytryk. Bien que cardiaque, depuis quelques années, il s'est mis à boire. En 1963, il est victime d'un accident curieux, grièvement blessé alors qu'il "nettoyait" une arme à feu...Certains commentateurs considèreront l'évènement comme non-accidentel. Quatorze mois plus tard, il succombe à une congestion cérébrale causée par une overdose de sédatifs mélangés à de l'alcool. Là encore, on parlera d'un suicide éventuel. Il disparaît le 29 janvier 1964 à l'âge de 51 ans.