YVES BOISSET, ÉMOTIONS & PROVOCATIONS
YVES BOISSET 1939
Cinéaste Français
Certains cinéastes n'ont pas beaucoup tourné de films, mais ces longs métrages là sont d'une grande qualité cinématographique. Ce fut le cas pour le réalisateur Yves Boisset, a qui l'on doit "Dupont Lajoie" avec Carmet, Tornade, Bouise, Lanoux et tant d'autres comédiens, mais aussi "Le Juge Fayard" avec Patrick Dewaere. On peut citer également "Un Taxi mauve", "Allons z'enfants", "Le Prix du danger", "La Femme flic", "R.A.S." ou "Canicule".
Yves Boisset est né le 14 mars 1939 à Paris. Etudiant, il prépare une licence d'histoire pour laquelle il ne donnera pas suite et préfère s'orienter pour le cinéma, et c'est ainsi qu'il entre à l'IDHEC (Institut des Hautes Etudes Cinématographiques). Mais très vite, dès l'âge de vingt-ans, il décide d'entrer dans l'atmosphère des tournages de films. Il rencontre le cinéaste Yves Ciampi qui lui propose de le suivre au Japon pour le tournage de "Qui êtes-vous, Mr Sorge?" (1959). Durant huit ans, il fut l'assistant-réalisateur de quelques cinéastes prestigieux parmi lesquels : Jean-Pierre Melville, Claude Sautet, Vittorio De Sica, René Clément, pour un total de vingt-six films.
Parallèlement, il collabore à un certain nombre de revues spécialisées : "Les Lettres Françaises", "Cinéma", "Midi-Minuit Fantastique", et travaille avec Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier à la première édition (1960) de "Vingt-Ans de Cinéma Américain". Après avoir fait office de réalisateur de seconde équipe en Italie auprès de Riccardo Fredan qui participe aux repérages de lieux de tournage pour le compte de Harry Saltzman pour certains films de James Bond. En 1967, à l'âge de vingt-huit ans, il peut enfin diriger son premier film, une bande d'espionnage librement inspirée d'un roman de Paul Kenny, "Coplan sauve sa peau" (1968), qu'il parvient à sauver de la banalité par de constantes références à certains mythes cinématographiques de ce film d'aventures riche en rebondissement. Il tournera en 1970 son deuxième film, un thriller "Cran d'arrêt" avec Bruno Cremer et Renaud Verley sans pour autant réussir à déplacer les spectateurs.
Yves Boisset connaîtra un succès certain avec son troisième film "Un Condé" (1970), adapté par Claude Veillot, ancien critique cinématographique de "L'Express", d'un récit de Pierre Lesou. "Un Condé" déchaîne les passions par sa volonté critique qui lui vaut quelques démêlés avec la censure. Le cinéaste renouvellera d'ailleurs cette performance l'année suivante en portant à l'écran sous une forme politico-policière l'affaire Ben Barka dans "L'Attentat" d'après un scénario écrit par le complice du cinéaste Costa-Gavras : Jorge Semprun. Le film remportera le grand prix de la mise en scène au Festival de Moscou en 1972.
Sa voix est tracée : son cinéma, inscrit volontiers dans un contexte social actuel et vrai, comme il aime à le dire, fait prendre conscience de certaines réalités contemporaines dérangeantes. Dans cet ordre d'idée, son film suivant "R.A.S." (1973) évoque le problème de la condition des appelés confrontés à la violence durant la guerre d'Algérie. On peut citer la prestation réussie de Jacques Weber, Jean-François Balmer, Jacques Villeret, Roland Blanche et Jacques Spiesser. En 1975, sort sur les écrans de cinéma "Dupont Lajoie" qui lui vaut l'Ours d'Argent au Festival de Berlin 1975, stigmatise le racisme quotidien de la "France profonde" avec une pléiade d'acteurs tous excellents dans leurs rôles respectifs : Jean Carmet, Victor Lanoux, Pierre Tornade, Robert Castel, Jean Bouise, Jean-Pierre Marielle et Michel Peyrelon.
Yves Boisset se réclame d'un cinéma qui, au-delà de l'action, mais par elle, propose des motifs de réflexion à travers "un contexte social actuel et vrai. Pour le tournage du "Juge Fayard dit le Shériff" (1977), d'après la tragique histoire du juge Renaud, remportera le Prix Louis Delluc 1976. Boisset retrouve le romancier et scénariste Claude Veillot qui collabora également à son quatrième film "Le Saut de l'ange" (1971) avec Jean Yanne. Côté suspense, Boisset tourne également "Folle à tuer" (1975) avec Marlène Jobert, Michael Lonsdale et Victor Lanoux. Deux ans plus tard, il dirige six grands acteurs internationaux dans "Un Taxi mauve" dont Philippe Noiret, Charlotte Rampling, Peter Ustinov et Fred Astaire. "Un Taxi mauve" fut présenté au Festival de Cannes 1977, en compétition officielle, où il représenta la France dans cette grand histoire romanesque très anglo-saxonne pour sortir des sujets habituels. Et enfin en 1978, il réalise "La Clé sur la porte" avec Annie Girardot et Patrick Dewaere. Mais son domaine de prédilection reste quand même les sujets à prétexte policier qui prennent des dimensions politiques comme "La Femme flic" (1980) avec Miou-Miou ou "Espion lève-toi !" (1982) avec Lino Ventura, Michel Piccoli et Bruno Cremer.
Il est considéré comme un cinéaste "politique". Pourtant il déclara : "Le cinéma doit-être avant tout un spectacle. Et à travers ce spectacle, on peut éventuellement amener le public à prendre conscience de certains problèmes." S'il envisage le film comme une denrée "périssable", il doit néanmoins être pour lui un "sujet de réflexion, de discussion, de débat." Son souci permanent d'inscrire ses intrigues dans la réalité quotidienne de la société française contemporaine l'a fait considérer comme un cinéaste de la provocation, qualificatif qu'il accepte volontiers : "Pour moi, les provocateurs sont indispensables, dit-il encore. Ils suscitent des prises de conscience, même parfois s'ils sont excessifs et manichéens.
"Canicule" (1984) est le seizième film d'Yves Boisset avec Lee Marvin, Miou-Miou, Jean Carmet, Victor Lanoux et Bernadette Lafont. Le réalisateur a déclaré que "Canicule" était peut-être son film le plus inclassable, "à la fois comédie dramatique, film comique, policier, érotique, western.." et qu'il partageait avec l'auteur du roman Jean Vautrin, un pessimisme fondamental allié au goût de l'action et à une attirance vertigineuse pour la bizarrerie. Suivront le tournage de "Bleu comme l'enfer" (1986) avec Lambert Wilson qui doit beaucoup à la tradition américaine, Boisset renoue avec le polar. Tiré d'un roman de Philippe Djian profondément transformé, "Bleu comme l'enfer" développe une intrigue somme toute banale habitée de personnages stéréotypés : un voleur de voitures, un flic sadique, une femme adultère davantage propres au roman noir américain qu'à un film français. Il faut également souligner la sortie d'un film d'anticipation tourné par Yves Boisset en 1983 "Le Prix du danger" avec Gérard Lanvin, Michel Piccoli et Marie-France Pisier.
Yves Boisset renoue ensuite avec des sujets de société. Dans "La Travestie"(1988), inspiré d'un cas réel, il s'intéresse à l'évolution d'une avocate incarnée par Zabou Breitman qui, lassée d'une existence monotone, s'invente une nouvelle identité avant tout d'ordre psychologique. "Radio Corbeau" (1989) traite de la délation pendant une campagne municipale, dénonce à la manière de "Dupont Lajoie", l'hypocrisie et le conformisme des habitants d'une petite ville de province. "La Tribu" (1991), son dernier film en date pour le cinéma, s'attache au portrait d'un jeune médecin idéaliste tout en stigmatisant les agissements d'un parti d'extrême droite. De ce film et de "Bleu comme l'enfer", il n'est nullement question dans "La Vie est un choix", le livre de souvenirs publié par Yves Boisset en 2011.
Après avoir abandonné "Barracuda", un scénario sur le commerce des armes et la politique néocolonialiste de la France avec Jean-Paul Belmondo, il se consacre essentiellement à la télévision, on peut citer "L'Affaire Seznec" (1993), avec Christophe Malavoy et Jean Yanne, récit d'une célèbre affaire judiciaire à propos d'un homme condamné au bagne pour un crime qu'il n'avait peut-être pas commis, écrit en collaboration avec Alain Scoff. "Le Tunnel" (1993) raconte le combat d'habitants de la vallée d'Aspe contre un projet d'autoroute au cœur des Pyrénées. "L'Affaire Dreyfus" écrit en collaboration avec Jorge Semprun, premier film français sur le sujet depuis Méliès. On peut citer de nombreux autres téléfilms comme "Le Pantalon" (1997) adapté d'un roman de Alain Scoff, "Jean Moulin" (2002) écrit par Pierre Péan et Dan Franck limité à la période 1940-1943. L'Affaire Salengro" (2009) dans lequel Boisset dresse un portrait très élogieux du ministre de l'Intérieur de Léon Blum accusé de désertion pendant la "Grande guerre", incarné par Bernard-Pierre Donnadieu, l'un des interprètes favoris du cinéaste, qui le dirigeait pour la septième fois. Côté documentaires, il a aussi réalisé "La Bataille d'Alger" (2007) pour la série "Infrarouge".
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