FRANCOIS PÉRIER, UN GRAND HOMME DE SPECTACLE
FRANCOIS PÉRIER 1919 - 2002
Comédien Français
Il a eu beau intituler "Profession : menteur" son autobiographie en 1988, ce grand acteur s'est donné à son art avec une sincérité non démentie pendant plus de soixante ans. Avec une belle constance dans la justesse de ton, un tel discernement dans les choix artistiques pour la scène ou pour l'écran qu'on serait aisément tenté d'user à son sujet de l'hyperbole. Comme Charles Vanel ou son ami Bernard Blier, comme un Claude Rich ou aujourd'hui Daniel Auteuil, François Périer ne saurait être mauvais. Son sens des textes classiques ou modernes, sa mesure susceptible de faire naître aussi bien l'inquiétude chez Fellini que l'hilarité chez Roussin n'ont guère d'équivalent. De surcroît, auteurs, partenaires, metteurs en scène unanimes vantent sa compétence professionnelle, sa disponibilité, sa courtoisie. François Périer, zéro défaut ? Un grand homme, de spectacle à coup sûr.
Le goût du mensonge, c'est-à-dire celui d'interpréter des personnages. François Périer né François Pillu le 10 novembre 1919 à Paris. Fils de commerçants du XVIe arrondissement de Paris, il subit un double choc définitif en assistant à la porte Saint-Martin à une représentation de "Cyrano de Bergerac" interprété par Gabriel Signoret, et en découvrant au cinéma Madeleine le "Ben-Hur" de Fred Niblo. Etudes au lycée Janson de Sailly, où ses jeunes camarades s'appellent Jean Dutourd, Michel Déon, Jean-Pierre Grédy. Pour François Pillu, le doute n'est plus, il sera comédien et écrit sa fameuse lettre à Louis Jouvet après l'avoir admiré dans "Knock". "Alors comme ça, mon petit, tu veux faire du théâtre", lui lance l'autre en un jour de juillet 1935 où il accepté de le recevoir en son théâtre de l'Athénée. Admirable signe du destin !
Elève au cours René Simon avec Christine Gouze-Rénal, Jacques Castelot et la future Martine Carol, il se choisit son pseudonyme avant d'entrer au conservatoire où, déçu, il n'est pas affecté dans la classe de Louis Jouvet mais dans celle de André Brunot, ce merveilleux valet de comédie qui lui léguera l'amour du travail bien fait. Et dès 1938, il débute sur la scène du théâtre Michel dans "Les Jours heureux" de Claude-André Puget. La presse l'encense, il est à dix-neuf ans un petit roi de Paris. Pour faire bon poids, le cinéma s'intéresse à lui instantanément : quatre films cette première année, "La Chaleur du sein" de Jean Boyer, "L'Entraîneuse" d'Albert Valentin, "La Fin du jour" de Julien Duvivier et surtout "Hôtel du Nord" de Marcel Carné, dans lequel sa timidité d'inverti confère une vraie texture à son passage fugitif. Il y retrouve au passage Bernard Blier, l'ami de toute sa vie. S'ensuit une activité ininterrompue, semée de triomphes prolongés en particulier sur la scène, lui qui n'abandonne jamais un spectacle qui a trouvé son public. Avec François Périer, les plus grands noms d'acteurs, de metteurs en scène, sans parler de ses partenaires : une sorte de palmarès de demi-siècle.
Il retrouve au passage Bernard Blier, l'ami de toute sa vie. S'ensuit une activité ininterrompue, semée de triomphes prolongés en particulier sur la scène, lui qui n'abandonne jamais un spectacle qui a trouvé son public. Avec François Périer, les plus grands noms d'acteurs, de metteurs en scène, sans parler de ses partenaires : une sorte de palmarès de demi-siècle.
Il est de ceux pour qui l'Occupation sera une époque des plus fastes, puisque à partir de 1941, le théâtre reprend ses droits et qu'il est alors particulièrement en vue. Il fait le récit, modeste et enlevé, dans ses mémoires, de ces années de boulevard qui le voient jouer Létraz à la Madeleine, Mirande à l'Avenue, Achard à l'Athénée. Deux triomphes de longue durée, "Une jeune fille savait" (1942) d'André Haguet et les "J3" de Roger Ferdinand à partir de 1943, tous deux aux Bouffes-Parisiens. Cette dernière pièce, qui mettait en scène un groupe de potaches préparant le baccalauréat dans le contexte du marché noir, Périer la jouait encore tandis que la deuxième Division blindée entrait dans Paris... Et le cinéma ne cessait de le solliciter dans la journée, pour d'assez bon films le plus souvent : sa gentillesse et son charme n'en font pas tout à fait un jeune premier mais un très agréable soupirant : dans "Premier bal" (1941) de Christian-Jaque, la prestance revient à Raymond Rouleau mais la finesse à Périer, dans "Lettres d'amour" (1942) de Claude Autant-Lara, il conquiert Odette Joyeux en expert du quadrille des lanciers, dans "Le Camion blanc" (1942) de Léo Joannon, extravagante histoire de gitans, il tire son épingle du jeu face à deux monstres sacrés, Jules Berry et Marguerite Moreno. Et dans le très amusant "Bonsoir Mesdames, bonsoir Messieurs" (1943) de Roland Tual, il démontre une infatigable fantaisie. L'apprentissage a été bref, à la Libération. François Périer était tête d'affiche.
On lui reconnaît une virtuosité rare, car si Périer n'est pas doté d'un physique extraordinaire, il est en revanche en mesure de tout jouer. Econduit ou couronné, désinvolte ou éperdu, il est le parfait amoureux de comédie dont la fantaisie l'exhausse parfois à l'emploi de Pierrot. Il enlève Danielle Darrieux dans "Au petit bonheur" (1945) de Marcel L'Herbier, revêt les atours du démon dans "La Tentation de Barbizon" (1945) de Jean Stelli et demeure dans l'onirique pour "La Vie en rose" (1947) de Jean Faurez et "Orphée" (1949) de Jean Cocteau où il donne la réplique à Jean Marais. Disciple de Jouvet le patron dans le trop méconnu "Un Revenant" (1946) de Christian-Jaque, il a la chance de participer juste après au "Silence est d'or" (1947), le meilleur film du René Clair de l'après-guerre. On l'y admire un peu moins que Maurice Chevalier, mais le jeune acteur n'en a cure. Il n'a pas trente ans et fait déjà montre de cette modestie intelligente et non feinte dont il ne s'est pas départi.
Et puis grâce à Jean-Paul Sartre dont il a su parler avec une amitié magnifique, la carrière de Périer sur les planches connaît une mutation spectaculaire. D'abord, l'homme change, s'éveille à une conscience politique, ouvre plus grands les yeux. Et crée "Les Mains sales" en 1948, aux côtés de deux autres transfuges du boulevard, André Luguet et Paula Dehelly . Le retentissement de cette pièce "engagée" sera puissant, mais son succès moindre que celui de la pièce avec laquelle enchaîne Perier, "Bobosse" d'André Roussin à la Michodière, dont il partage quatorze ans la direction avec Pierre Fresnay et Yvonne Printemps. "Gog et Magog" suit à partir de 1959 et dépasse aussi les mille représentations : au cinéma, que Périer néglige forcément un peu, de très bonnes fortunes lui sourient cependant. Il paraît à Cinecitta, s'amuse dans l'aventure de cape et d'épée "Cadet Rousselle" (1954) d'André Hunebelle; "La Bigorne caporal d'empire"" (1957) de Robert Darène, mais aussi stupéfie par la violence éthylique dont il revêt le personnage de Coupeau dans "Gervaise" (1955) de René Clément avec Maria Shell et surtout révèle l'étendue de ses possibilités, lui le gentil, le rêveur; dans le rôle de la franche crapule des "Nuits de Cabiria" (1956) de Federico Fellini.
Pourtant il n'abandonne pas Sartre. Périer met en scène "Les Séquestrés d'Altona" en 1965, et il connaît le bonheur de diriger Claude Dauphin et surtout son ami Serge Reggiani, qui reprend, inoubliable, le rôle de Franz, et interprète "Le Diable et le Bon Dieu" sous la conduite de Georges Wilson, qu'il joue au T.N.P. et en Avignon. Ce sont aussi des grandes années de cinéma. Ce sont aussi de grandes années de cinéma : il donne la réplique à Jean-Paul Belmondo et Jean-Pierre Marielle dans l'excellent film de Henri Verneuil "Week-end à Zuydcoote" (1964), puis à celui de Costa-Gavras avec une pléiade de comédiens (Charles Vanel, Michel Piccoli, Bruno Cremer, Jacques Perrin, Jean-Claude Brialy, Gérard Blain, Claude Brasseur ou Pierre Clémenti dans "Un Homme de trop" (1966), puis "Z" (1968) toujours de Costa-Gavras, "Le Samouraï" (1967) avec Alain Delon puis "Le Cercle rouge" (1970) tous deux de Jean-Pierre Melville , puis "Max et les ferrailleurs" (1970) de Claude Sautet, "Juste avant la nuit" (1971) de Claude Chabrol, l'un de ses rôles les plus glacés, où comme chez Fellini, il en vient presque à faire peur. Et toujours cette propriété à faire alterner le boulevard et le drame, à réunir tous les publics autour de Françoise Dorin "Le Tube" puis de Peter Schaffer "Equus" puis "Amadeus", ou son duo avec Roman Polanski aurait valut d'être filmé, de Molière "Le Tartuffe" (1984) de et avec Gérard Depardieu et d'Arthur Miller "Mort d'un commis voyageur". Toujours l'amitié, la fidélité avec le couple Montand-Signoret qu'il rejoint dans "Police Python 357" (1975) d'Alain Corneau.
"J'ai pu exercer mon métier comme mes maîtres me l'avaient enseigné. Je n'ai jamais oublié leurs leçons. Certes, je ne suis jamais devenu une star, mais je n'en éprouve aucun regret : être un comédien qui a la confiance des spectateurs me paraît être un sort beaucoup plus enviable", écrit-il à la fin de "Profession : menteur". Périer, ou l'honneur du comédien. En 1992, François Périer inerprète le père et Suzanne Flon la mère de Gérard Jugnot dans le "Voyage à Rome" de Michel Lengliney ainsi qu'un ultime film en 1996 : "Mémoire d'un jeune con" de Patrick Aurignac. La mort de ce grand homme de spectacle est dû à un arrêt cardiaque le 28 juin 2002 à Paris, il avait 82 ans. Il est enterré au cimetière de Passy, aux côtés de la comédienne Réjal et de son beau-fils, le comédien Marc Porel.
*Extraits de "Noir&Blanc" de Olivier Barrot et Raymond Chirat Editions Flammarion
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