DAVID NIVEN, AU SERVICE DE SA MAJESTÉ
DAVID NIVEN 1909 - 1983
Acteur Britannique
En dépit des quelques fort jolis rôles qu'il a tenus tout au long de sa féconde carrière, David Niven n'a jamais eu la prétention ni même la tentation de devenir une star. Il est vrai que lorsque l'on a comme lui porté la tenue d'officier de Sa Majesté et que l'on a, comme le Don Juan de Mozart, la noblesse inscrite sur son front, on ne peut briguer sans quelque ridicule les très vulgaires honneurs de la célébrité hollywoodienne. Car David Niven avait toutes les apparences de la noblesse y compris cette ironie un peu distante qui faisait que, dans ses meilleurs rôles, il donnait toujours la troublante et sympathique impression de ne pas se prendre tout à fait au sérieux. Aristocrate, il s'amusait beaucoup, manifestement à jouer l'aristocrate : la comparaison avec Erich von Stroheim ne laisse pas à cet égard, d'être fort piquant. Alors que le génial mystificateur viennois s'était forgé une stupéfiante figure d'officier prussien à la morgue suprêmement wilhelminienne, l'ancien officier britannique, lui, revêtait l'uniforme avec l'air de quelqu'un qui cherche à mystifier son monde.
Les débuts de David Niven ne manquent pas de pittoresque. Né le 1er mars 1909 à Kirriemuir, en Ecosse, il est entré à l'âge de dix-sept ans à la fameuse école militaire de Sandhurst, pépinière de plusieurs générations d'officiers dévoués à l'empire. En fait, le jeune Niven ne restera pas longtemps dans l'armée britannique : à sa sortie de l'école, affecté dans une unité de l'infanterie légère, le Highland Light, il sert deux ans à Malte puis résilie son contrat pour courir l'aventure. Il se rend d'abord au Canada où, tenté par le journalisme, il écrit une série d'articles sur la chasse au renard, après quoi il se retrouve à New York où, entre autres métiers, il se fait quelques temps représentant en vins et spiritueux.
C'est en 1935 qu'il va tenter sa chance à Hollywood, faisant notamment de la figuration dans de petits westerns. Comme il le raconte dans son autobiographie "Décrocher la lune", le sémillant David Niven avait alors l'humeur plutôt vagabonde. Insouciant, épris de liberté, aimant la bonne vie et les jolies femmes, il avançait dans la vie au gré des circonstances et de son inspiration. On le vit même, peu avant son départ pour la Californie, mêlé à une révolution cubaine....Cette année-là, il apparaît dans cinq films dont "Les Révoltés du Bounty" (Mutiny On the Bounty) de Frank Lloyd, "La Ville sans loi" (Barbary Coast) de Howard Hawks, "L'Emprise du passé" (Without Regret) de Harold Young, "Splendeur" (Splendor) de Elliott Nugent et, surtout, "Une Plume à son chapeau" (A Feather In Her Hat) dans lequel Alfred Santell lui confie son premier "grand rôle".
Engagé pour quinze ans par Samuel Goldwyn, avec qui il ne parviendra d'ailleurs jamais à s'entendre. David Niven prend aussitôt place au premier rang des acteurs réputés pour leur style impeccablement anglo-saxon. Capable aussi bien d'incarner le duc de Wellington que l'inattendu "Casino royale" (1967) de John Huston et Robert Parrish, l'anglissime David Niven, grâce à son élégance naturelle et à son humour, devient membre à part entière du cercle aristocratique formé par Ronald Colman, Errol Flynn, Douglas Fairbanks Jr, et, un peu plus tard, Laurence Olivier. S'il n'avait pas été cantonné dans des rôles subalternes, il eût admirablement représenté les charmes ambigus d'une "gentry" décadente et ravagée par l'ennui.
Malheureusement, jusqu'à son retour en Angleterre, au début de la Seconde Guerre mondiale, David Niven ne fut guère autre chose que l'ami fidèle du héros, l'officier intègre, bien elevé et finement moustachu, toujours prêt à se sacrifier ou à s'effacer pour la gloire de plus flamboyant ou plus malin que lui. Après avoir donné toute satisfaction dans "Splendeur" (Splendor,1935) d'Elliott Nugent, il allait toutefois établir une solide réputation professionnelle avec des films comme "Dodsworth" '1936) de William Wyler, "La Charge de la brigade légère" (The Charge of the Light Brigade,1936) de Michael Curtiz avec Errol Flynn, "Le Prisonnier de Zenda" (The Prisoner of Zenda,1937) de John Cromwell avec Ronald Colman, "La Patrouille de l'aube"(The Dawn Patrol" (1938) d'Edmund Goulding avec Errol Flynn, "Quatre hommes et une prière" (Four Men and a Prayer,1938) de John Ford avec Loretta Young, "La Huitième femme de Barbe-Bleue" (Blue-Beard's Eighth Wife,1938) d'Ernst Lubitsch avec Gary Cooper et Claudette Colbert, "Divorcé malgré lui" (Eternally Yours,1939) de Tay Garnett, ou "Les Hauts de Hurlevent" (Wuthering Heights,1939) de William Wyler avec Laurence Olivier et Merle Oberon, où il ne parvint pas à donner une certaine consistance à l'insipide personnage d'Edgar. Cette même année, il donne la réplique à Gary Cooper dans "La Glorieuse aventure" (The Real Glory) de Henry Hathaway.
Pendant la guerre, David Niven eut toutefois l'occasion de prouver qu'il n'était pas un officier d'opérette, et sa présence au combat ne fut pas de pure parade, contrairement à celle de quelques-uns de ses illustres confrères de Hollywood. Engagé dans les commandos de Sa Majesté, il fut démobilisé avec le grade de major soit de commandant. Cette période lui laissa cependant la possibilité de jouer dans deux remarquables films de propagande militaire anglais : "Spitfire" (The First of the Few1942), réalisation de Leslie Howard à la gloire du créateur du Spitfire, le célèbre avion de chasse anglais et "L'Héroïque parade" (The Way Ahead,1944) de Carol Reed. A noter sa prestation dans le film dramatique de Andre De Toth "L'Orchidée blanche" (The Other Love,1947) avec Barbara Stanwyck ainsi que pour le film de Irving Reis "Vous qui avez vingt ans" (Enchantment,1948) aux côtés de Teresa Wright et Farley Granger
Au lendemain de la guerre, David Niven reprend ses activités hollywoodiennes, toujours lié par contrat à Samuel Goldwyn. Jusqu'à la fin des années 50, sa filmographie, en partie anglaise, est surtout caractérisée par un choix moindre intéressant, il faut tout de même retenir l'admirable "Une Question de vie ou de mort" (A Matter of Life and Death,1946) chef-d'œuvre de Michael Powell et Emeric Pressburger où il incarne un aviateur anglais qui, abattu au retour d'une mission de bombardement, est jugé par un tribunal céleste, ainsi que "La Lune était bleue" (The Moon Is Blue,1953) d'Otto Preminger. Dans cette comédie qui, en son temps, fit scandale en raison du caractère scabreux du sujet et de la verdeur du dialogue, David Niven amorce une évolution décisive : le jeune et brillant officier des années 30 est devenu un homme mûr dont le charme et la distinction ne sont pas sans prestige auprès des dames.
La fin des années 50 lui sera, à cet égard, très favorable. Engagé par Mike Todd pour interpréter le personnage de Philéas Fogg dans "Le Tour du monde en 80 jours" (Around the World in 80 Days,1956) de Michael Anderson, il témoignera de beaucoup d'intelligence et de subtilité dans "La Petite hutte" (The Little Hut,1957) de Mark Robson, aux côtés d'Ava Gardner et de Stewart Granger, ainsi que dans "Tables séparées" (Separate Tables,1958) de Delbert Mann, où son interprétation de faux héros soudainement confondu par son passé d'obsédé sexuel lui vaudra un Oscar. C'est en effet un David Niven tout à fait inconnu du grand public que ces deux films ont fait connaître, il sera encore excellent dans ces deux succulentes comédies de Charles Walters que sont "Une Fille très avertie" (Ask Any Risk,1959) et "Ne mangez pas les marguerites" (Please, Don't Eat the Daisies,1960).
Mais le meilleur film que David Niven ait alors tourné, qui peut-être aussi le meilleur de toute sa carrière, demeure sans conteste "Bonjour Tristesse" (1957) d'Otto Preminger. Dans cette élégante et cruelle adaptation du roman de Françoise Sagan, David Niven entre deux âges, compose un assez fascinant personnage d'oisif couvert de femmes et qui, incapable de faire preuve de caractère entre une fille exigeante (Jean Seberg), une amante grave et hautaine (Deborah Kerr) et une adorable et frivole petite maîtresse (Mylène Demongeot), laissera la tragédie s'insinuer irrémédiablement, du fait de sa faiblesse et de son irrésolution.
Était-il déjà trop tard ? David Niven, toujours aussi aristocratique et aussi britannique, s'est alors, non sans indolence, laissé porter par les vicissitudes de la production hollywoodienne, faisant des apparitions souvent délectables mais presque toujours futiles dans des films des années 60-70. Son expérience de la guerre lui permit tout de même d'être un chef de commando convaincant dans "Les Canons de Navarone" (The Guns of Navarone,1961) de Jack Lee-Thompson, tandis qu'il était un fort plausible diplomate victorien dans "Les 55 Jours de Pékin" (55 Days at Peking,1963) de Nicholas Ray. Seul Blake Edwards sut tirer le meilleur parti de son talent somme toute méconnu en faisant de lui le savoureux et distingué voleur de bijoux de "La Panthère rose" (The Pink Panther,1963). On résiste difficilement à son humour dans "Prudence et la pilule" (Prudence And the Pill,1968) de Ronald Neame et Fielder Cook et "Un Cadavre au dessert" (Murder By Death,1976) de Robert Moore. En 1981, il tourne l'un de ses derniers films "Ménage à trois" ou "Mieux vaux tard que jamais" (Better Late Than Never). David Niven clôture sa carrière cinématographique avec deux films de la série des "Panthères" de Blake Edwards "A la recherche de la Panthère rose" (Trail of the Pink Panther,1982) et "L'Héritier de la Panthère rose" (Curse of the Pink Panther,1983). David Niven meurt le 29 juillet 1983 à l'âge de 73 ans en Suisse.
La Patrouille de l'aube - 1938 - Edmund Goulding
La Glorieuse aventure - 1939 - Henry Hathaway
Raffles, Gentleman cambrioleur - 1939 - Sam Wood
L'Impératrice magnifique - 1946 - Frank Borzage
Mariage parfait - 1946 - Lewis Allen
Honni soit qui mal y pense - 1947 - Henry Koster
Vous qui avez vingt-ans - 1948 - Irving Reis
Le Chant de la Louisiane - 1950 - Norman Taurog
Le Chevalier de Londres - 1950 - Emeric Pressburger - Michael Powell
La Loterie de l'amour - 1954 - Charles Chrichton
Ma Femme a des complexes - 1957 - Nunnaly Johnson
La Petite Hutte - 1957 - Mark Robson
Mon Homme Godfrey - 1957 - Henry Koster
Le Gentleman et la Parisienne - 1957 - Roy Kellino
Tables séparées - 1958 - Delbert Mann
Joyeux Anniversaire - 1959 - David Miller
Le Meilleur ennemi - 1961 - Guy Hamilton
Ne mangez pas les marguerites - 1961 - Charles Walters
L'Arsenal de la peur - 1962 - Joseph Anthony
Le Mystère des treize - 1966 - Jack Lee Thompson
Prudence et la pillule - 1968 - Ronald Neame - Fielder Cook
Les Années fantastiques - 1968 - Michael Gordon
Avant que vienne l'hiver - 1969 - Jack Lee Thompson
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