DÉCÈS D'UN CINÉASTE ICONOCLASTE PAUL VECCHIALI
DÉCÈS D'UN CINÉASTE ICONOCLASTE
PAUL VECCHIALI 1930 - 2023
Le réalisateur français Paul Vecchiali est décédé le 17 janvier 2023 à l'âge de 92 ans. D'abord critique de cinéma, il deviendra producteur puis réalisateur avec plus de 20 courts métrages et 30 longs métrages. Très actif même à 92 ans, son dernier film est sorti au cinéma en avril 2022 "Pas...de quartier". Compagnon de la Nouvelle Vague, dont l’œuvre pouvait explorer le sida ou la violence, Paul Vecchiali est mort dans un hôpital du sud de la France, a précisé son compagnon, Malik Saad.
Exigeant du temps où il écrivait pour "La Revue du Cinéma" et "Les Cahiers du Cinéma, Paul Vecchiali commence sa carrière comme producteur sur les premiers moyens-métrages de Jean Eustache, puis débute la réalisation en 1961 avec Les petits drames, un film muet perdu dans lequel figurait Michel Piccoli. C'est le commencement d'une aventure qui le verra tourner jusqu'à sa mort.
Influencé par les grands mélodrames du cinéma des années 1930, il restera souvent prisonnier d'un manque de moyens qui le maintiendra dans une indépendance quasi forcée. Ses films ne rencontrent que rarement le succès, et il devient par la force des choses un cinéaste de niche, assez inconnu du grand public.
Il était l'un des cinéastes du sentiment et s'attachait à décrire des personnages souvent tragiques (En haut des marches) ou brisés (Femmes, femmes) et abordait des sujets d'actualité comme la masculinité (De sueur et de sang). Il était aussi un producteur reconnu du cinéma français, pour avoir notamment co-financé Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman ou Loin de Manhattan de Jean-Claude Biette.
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Paul Vecchiali est né le 28 avril 1930 à Ajaccio, enfance à Toulon, il était officier-instructeur, diplômé en 1955 de l'école Polytechnique. Une collaboration aux Cahiers du Cinéma, grâce à son amitié avec Jacques Demy lui permet de pénétrer dans le monde du cinéma.
Il entreprend fin 1961 de tourner son propre film "Les Petits drames", d'après un scénario écrit par Denis Epstein, tournant la nuit et les jours de congé, en 16mm muet. Il a pour ce faire, réuni des comédiens et techniciens amis aussi passionnés et novices que lui et constitué, avec eux, une ébauche de coopérative de production. En cours de tournage, il réussit à convaincre Nicole Courcel de se joindre à l'aventure et d'y interpréter le rôle principal. La comédienne accepte et le film, commencé avec des bouts de ficelle, est mené à terme dans des conditions quasi professionnelles, au son près, Vecchiali y ayant englouti ses économies. Il y a laissé aussi son premier métier, résolu qu'il est à ne plus diriger, désormais, que des techniciens et des acteurs.
Quelques stages d'assistant, des courts métrages de commande lui permettent de parfaire rapidement un bagage technique tout neuf. "Les Ruses du diable" (1966), son premier film sorti en salles, est retiré de l'affiche après quelques jours, producteur et distributeur ayant fait faillitte. Vecchiali a compris : s'il veut conduire sa carrière sans compromissions artistiques, il doit disposer de la plus totale indépendance économique. Avec des amis cinéastes, Liliane de Kermadec et Guy Cavagnac, il crée leur propre société de production "Unité 3", qui va produire son deuxième long métrage "L'Etrangleur" (1970), "la matrice de tous mes films passés et à venir", on trouve en effet dans ce film nocturne et fantasmatique - où Jacques Perrin en tueur poète, délivre de leur vie des femmes esseulées -ces personnages caractéristiques de l'univers du cinéaste, aux marges de la normalité, mus par des pulsions irraisonnées - qu'il s'agisse de vie, d'amour ou de mort -évoluant au milieu d'intrigues et de décors où surgissent à tout instant, les artifices du théâtre, de la danse, du chant, du mélodrame, pour y installer un climat onirique, ruiner le réalisme et débusquer l'authentique au-delà du vraisemblable. Tourné en 1970, ce deuxième long métrage de Vecchiali ne trouva pas de salles où être projeté. Début 972, une initiative de RTL lui permet de sortir enfin. La station avait conçu le projet d'aider des films réputés difficiles.
Tout aussi caractéristique de la "méthode Vecchiali", un mode de production qui accorde plus de confiance à l'artisanat qu'à l'industrie. Avec "Unité 3" et, plus tard, Diagonale, Vecchiali produit, co-produit et distribue ses films mais aussi ceux de jeunes cinéastes -Jean-Claude Guiguet, Marie-Claude Treilhou, Noël Simsolo, Jacques Davila, Claude Bories, Gérard Frot-Coutaz et tant d'autres. Ce mode de production pose en règle impérative que la totalité du budget imparti au film doit servir à ce qui est visible à l'écran. Comme ces budgets sont, évidemment limités, les tournages doivent être rapides : "La rapidité est pour moi, un garant de l'authenticité" et celle-ci "résulte de la concentration".
Paul Vecchali s'est expliqué sur la façon dont il a élaboré son cinquième film "La Machine" (1977) peu après l'exécution de Christian Ranucci (Le Pull-over rouge) et l'inculpation de Patrick Henry, qui échappera à la peine de mort grâce à la plaidoirie de son avocat, Maître Robert Badinter. A partir des éléments préétablis, Jean-Christophe Bouvet a "choisi" son crime, en a imaginé le mode, m'a proposé plusieurs décors et a rédigé un mémoire sur les circonstances de ce crime...De nombreuses personnalités du cinéma apparaissent dans le film, chacune improvisant son dialogue, en particulier les cinéastes Marie-Claude Treilhou, Jean-Claude Guiguet, Jean-Claude Biette, Jean-François Stévenin et Gérard Blain.
En 1979, sort sur les écrans "Corps à coeur" une histoire déchirante, d'un amour impossible entre un jeune homme d'une trentaine d'années et d'une femme mûre d'une cinquantaine d'année, interprétée par Hélène Surgère, laquelle sera à nouveau à l'affiche du film "C'est la vie" (1981). Paul Vecchiali avait déclaré lors du tournage du film "En haut des marches" (1983) : "J'ai essayé avec "En haut des marches" de faire le portrait d'une femme détruite par la guerre et qui tente de renaître de ses cendres"...Ce fut Danielle Darrieux la principale actrice du film.
Il aura fallu six heures pour tourner "Trous de mémoire" (1985), six nuits pour "Le Café de Jules" (1988) (Tourné du 6 au 12 février 1988, présenté au Festival de Cannes dans la section "Perspectives du cinéma français), quatre jours pour "C'est la vie", dix pour "Encore/Once More" (1988) (Tourné à Paris et Trouville du 25 octobre au 6 novembre 1987, le film a représenté la France à la 45e Mostra de Venise, en 1988). Mais la rapidité ne se justifiant qu'associée qu'avec l'efficacité et la complicité, Vecchiali s'est entouré d'une équipe de techniciens fidèles, rompus à ses méthodes de travail et de pensée : Georges Strouvé à la caméra, le musicien Roland Vincent, Henri Moline et Antoine Bonfonti au son et, à la table de montage...Vecchiali !
Paul Vecchiali aura tourné une cinquantaine de films, en prenant compte également les films tournés pour la télévision; il été à la tête d'une oeuvre, où la TV prenait une place importante, reconnue et sujet de thèses, en Italie où Pasolini, amoureux de "Femmes, femmes" (1974) s'est fait l'interprète d'un auteur dont le Festival de Venise invite régulièrement les films en compétition. En France, cette œuvre faisait l'objet de vives controverses : ses détracteurs ont été aussi violents que furent inconditionnels ses thuriféraires, "bon signe" disaient certains dont Vecchiali qui, par ailleurs, n'a pas arrêté de tourner. En 2014, il tourne "Nuits blanches sur la jetée" pour finir en 2022, avec deux autres films "Pas...de quartier" et "Bonjour la langue". Ce cinéaste frondeur est mort le mercredi 18 janvier 2022 à l'âge de 92 ans.
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