PIERRE RENOIR, PREMIER FILS D'AUGUSTE RENOIR
PIERRE RENOIR 1885 - 1952
Comédien Français
Entre 1932 et 1950, Pierre Renoir a tourné soixante films, plus de trois par année en moyenne. Premier fils de Pierre-Auguste Renoir, le frère de Jean Renoir fut pourtant avant tout un très mémorable comédien de théâtre, formé classiquement par le grand Sylvain au conservatoire de Paris où il reçut un premier prix de tragédie. C'est le théâtre qui lui a conféré sa véritable place, dans l'éminence de sa profession. Compagnon de Louis Jouvet à partir de 1928, il assura son intérim à l'Athénée pendant la guerre et la tournée américaine de la troupe. Professeur au Conservatoire, comme Jouvet dont il était l'aîné de deux ans; il disparut un an après lui, soit le 11 mars 1952 à Paris, à l'âge de 66 ans. Pierre Renoir laisse aux amateurs de théâtre de plus grands souvenirs qu'aux seuls cinéphiles.
Grand premier rôle sur scène, le physique massif de Pierre Renoir aurait pu lui permettre une carrière de cinéma à la Harry Baur ou à la Raimu. Si l'on se familiarisa vite avec son air ambigu et méfiant, sa silhouette autoritaire, on ne l'employa pourtant qu'à titre de complément, fut-il de première importance. Pierre Renoir avait épousé la scène au point de devenir un personnage de pièce de théâtre : dans "L'Impromptu de Paris", en 1937, Jean Giraudoux dans un acte parfait mettait en scène la troupe de Jouvet. Crée en décembre à l'Athénée avec les acteurs-personnages eux-mêmes, la pièce montrait à l'œuvre Jouvet et Madeleine Ozeray, Pierre Renoir et Marie-Hélène Dasté, Bovério et Raymone. Et Pierre Renoir de narrer l'anecdote suivante : "A huit ans on a mené mon père au Gymnase. Il y avait sur la scène un piano. Il a hurlé de désespoir et on a dû le sortir du théâtre. Il n'y est jamais retourné." A t'on jamais mieux illustré la haine du réalisme?
Celui qui devait faire partie du Comité de libération du cinéma français dès 1943 et présider la Fédération du spectacle en 1947 n'avait pas rejoint la Comédie-Française à sa sortie du Conservatoire. Il avait préféré l'indépendance et renoncé pour un temps au répertoire classique : ainsi le vit-on au début des années vingt interpréter par exemple Louis Verneuil et Georges Berr, excellents dramaturges "Monsieur Beverley (à l'Ambigu,, aux côtés de Roger Karl, Marcelle Géniat et Pasquali), Georges Ohnet "Le Maître de forges", Charles Méré "Les Conquérants" et prendre parmi les jeunes comédiens les plus remarqués. Mais c'est bien sûr à partir de son entrée dans la troupe de Louis Jouvet pour la saison 1927-1928 que Pierre Renoir découvre "un truc pour dire la vérité aux gens...(..) La lettre anonyme? Non, son contraire, le Théâtre". "L'Impromptu".
Pierre Renoir est né le 21 mars 1885 à Paris, grièvement blessé, pendant la Première Guerre mondiale, il perdra l'usage de l'avant-bras droit. A la naissance du cinéma parlant, il est convaincu par son frère Jean Renoir de travailler pour le cinéma. Que dire, dès lors, du cinéma ? Il avait un peu tourné au muet, un "Marion de Lorme" (1918) d'Henry Krauss; où il jouait Louis XIII. Il avait également tourné pour le cinéma muet sous la direction d'Abel Gance dans "La Digue" en 1911, et avec son frère Jean Renoir, il joue en 1924 dans "La Fille de l'eau".
Au parlant, il eut la chance comme au théâtre de commencer par le sommet avec son frère, dans "La Nuit du carrefour" (1932), la meilleure adaptation de Simenon à l'écran. Pierre Renoir campant le meilleur Maigret. Les brumes du petit matin, les silences éloquents, les relations équivoques entre les personnages propres à l'univers du romancier n(ont jamais été si exactement figurés. Comme bien d'autres, Renoir allait ensuite revêtir fréquemment l'uniforme d'officier et s'illustrer à son tour dans toutes les armées : "L'Agonie des aigles" (1933) de Roger Richebé, "La Route impériale" (1935) et "Veille d'armes" (1935) tous deux réalisés par Marcel L'Herbier, "Boissière" (1937) de Fernand Rivers, "Le Révolté" (1938) de Léon Mathot et Bibal, "Nord-Atlantique" (1939) de Maurice Cloche,..Très mémorable en taciturne capitaine Weller de "La Bandera" (1935) de Julien Duvivier; film supérieurement interprété et mise en scène, en Charles Bovary "Madame Bovary" (1933) et bien davantage en Louis XVI "La Marseillaise" (1937) pour son frère, il ne refuse ni "Récif de corail" (1938) de Maurice Gleize, ni "Nadia, femme traquée" (1939) de Claude Orval et apparaît dans l'ombre des vraies vedettes de toutes sortes de bons films, "Les Loups entre eux" (1936) de Léon Mathot avec Jules Berry et Renée Saint-Cyr, "Mollenard" (1937) de Robert Siodmak avec Harry Baur, "La Maison du Maltais" (1938) de Pierre Chenal, avec Marcel Dalio et Viviane Romance, "Le Patriote" (1938) de Maurice Tourneur, avec Harry Baur. Dans la très réussite comédie policière "Pièges" (1939) de Robert Siodmak, il excellait en assassin doucereux et terrifiant.
L'avant-bras atrophié des suites d'une blessure de guerre, Pierre Renoir savait à merveille jouer la dureté impitoyable, la cruauté sardonique accentuées par une voix chaude, un regard torve de comparse froid et déterminé, que le Chand d'habits Jéricho des "Enfants du paradis" (1943-1945) de Marcel Carné et le gangster de "Dernier atout" (1942) de Jacques Becker illustrent bien. Mais on aimerait voir des films comme "Cargaison clandestine" (1947) d'Alfred Rode où il apparaît aux côtés de Kate de Nagy, Luis Mariano, Jean Temerson et Alfred Rode lui-même, plutôt que de revoir les innombrables films de qualité moindre que Pierre Renoir tourna sous l'Occupation, "L'Appel du bled" (1942) de Maurice Gleize, "La Loi du printemps" (1942) de Daniel-Normand, "Marie la misère" (1945) de Jacques de Baroncelli...
Sa carrière, cependant, sa vie se terminèrent aussi brillamment que leurs commencements. En mars 1949, il créait le rôle de Toussaint Turelure du "Pain dur" de Claudel à l'Atelier dans une mise en scène d'André Barsacq, en compagnie de Germaine Montéro, Jean Servais, Jany Holt. Et en 1950 il succédait à Robert Le Vigan qu'il avait déjà remplacé dans "Les Enfants du paradis", pour l'emploi du pharmacien Mousquet dans une nouvelle version de "Knock" pour le cinéma, à nouveau interprété par Jouvet. Tout était dit.
Il y a des salles simples, lui faisait admirablement dire Giraudoux, naïves, qui applaudissent l'esprit, qui frémissent aux horreurs, qui éclatent aux plaisanteries, et on ne sait pourquoi elle sont naïves : les femmes en sont habillées avec raffinement, les hommes ont des visages de Grecs, de penseurs. Il y a des salles qui comprennent tout, qui dégagent de la pièce des indignations, des subtilités méconnues de nous-mêmes, et on ne sait pourquoi elles comprennent tout car j'y aperçois des paysans en blouse et si j'essaie d'y distinguer un visage, il est idiot. Parfois des salles distraites qui sont étonnées du premier au dernier mot, qui ont l'air de suivre un rébus (...), qui se lèvent à la fin sans hâte, se demandent pourquoi nous ne commençons pas et nous regardent sans applaudir, espérant le mot de charade..."
*Extraits de Noir & Blanc de Olivier Barrot et Raymond Chirat
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