ADIEU AU PRINCE CHARMANT DU CINÉMA FRANCAIS : JACQUES PERRIN
ADIEU AU PRINCE CHARMANT DU CINEMA FRANCAIS
JACQUES PERRIN 1941 - 2022
L'un de nos plus grands acteurs français est décédé ce jeudi 21 avril 2022 à Paris, Jacques Perrin, le Prince charmant du cinéma français nous a quitté. Il aura bercé nos vies de cinéphiles dans un premier temps avec des films italiens comme ceux de Zurlini, "La Fille à la valise", Journal intime", "Le Désert des Tartares", Bolognini "La Corruption", puis avec le cinéaste Pierre Schoendorffer "La 317ème section", "Le Crabe-Tambour", "L'Honneur d'un capitaine", mais aussi avec Jacques Demy avec "Les Demoiselles de Rochefort" ou "Peau d'âne". Sans oublier Costa-Gavras "Compartiments tueurs", "Un Homme de trop", "Z". Il aura tourné plus de 70 films à partir des années 50.
"La famille a l'immense tristesse de vous informer de la disparition du cinéaste Jacques Perrin, mort le jeudi 21 avril à Paris. Il s'est éteint paisiblement à l'âge de 80 ans", a annoncé sa famille dans une déclaration transmise à l'AFP par son fils, Mathieu Simonet.
Jacques Perrin, de son vrai nom Jacques Simonet est né le 13 juillet 1941 à Paris, d'une mère comédienne et d'un père régisseur à la Comédie Française. Son oncle, le comédien Antoine Balpêtré, lui donna le goût de son métier. Il entre au Conservatoire d'Art Dramatique, dans la classe de Jean Yonnel, qu'il abandonne en seconde année pour jouer dans "L'année du bac" de José-André Lacour, mis en scène par Yves Robert.
C'est dans cette pièce que le cinéaste Valério Zurlini le remarque, alors qu'il avait prévu d'engager Samy Frey, l'engage pour être le partenaire de Claudia Cardinale dans "La Fille à la valise" (La Ragazza Con La Valiglia,1960). C'est son premier rôle important après des apparitions dans "La Peau de l'ours" (1957) de Claude Boissol, "La Verte moisson" (1959) de François Villiers, "Les Nymphettes" (1960) de Henry T. Zaphiratos et "La Vérité" (1960) de Clouzot avec Brigitte Bardot et Samy Frey dans les rôles principaux.
En 1962, Zurlini lui confie un autre rôle de qualité dans "Journal intime" aux côtés de Marcello Mastroianni. "Mastroianni, explique Jacques Perrin, est vraiment un comédien extraordinaire. Je crois que c'est celui que j'admire le plus. C'est véritablement le comédien tel que le concevait Didreot." "Journal intime" marque le début d'une carrière italienne qui se poursuit entre autres, avec "La Corruption" (La Corruzione,1963), de Bolognini, avec Alain Cuny et Rosanna Schiaffino, "La Calda vita" (1963) de Florestano Vancini avec Gabriele Ferzetti.
Il n'abandonne pas pour autant le théâtre puisqu'il joue, avec Edwige Feuillère, "Eve et Line", de Pirandello, puis "Les Ambassades". En 1964, il tourne successivement un sketch de "La Chance et l'amour", avec Stefania Sandrelli, puis "La 317e Section" (1965) de Pierre Schoendoerffer, aux côtés de Bruno Cremer, dans la brousse cambodgienne, qui lui vaut la plus enrichissante des expériences personnelles : "Vous comprenez, quand on tourne pendant deux mois et demi sans aucun contact avec le monde, on a le temps de confronter la réalité et l'imaginaire..."
Suivront de nombreux films importants pour la carrière cinématographique de Jacques Perrin. "Compartiments tueurs" (1966) de Costa-Gavras avec Yves Montand, Simone Signoret, Michel Piccoli, Jean-Louis Trintignant et tant d'autres; "La Ligne de Démarcation" (1966) de Claude Chabrol avec Maurice Ronet et Jean Seberg et surtout "Les Demoiselles de Rochefort" (1967) de Jacques Demy, où Jacques Perrin imposera l'image du séducteur romantique et charmant qui ne le quittera pas de sitôt. L'aboutissement de cette première décennie est le Prix d'interprétation masculine à Venise, pour "Un Homme a moitié" (Un Uomo a Meta,1967) de Vittorio de Seta et "La Busca" (1966)de Angelino Fons, un film tourné en Espagne. C'est alors que les metteurs en scène français s'intéressent enfin à lui.
En 1968, Jacques Perrin créa sa propre maison de production "Reggane Films" afin, dit-il " de monter mes films que j'aimais et que les autres ne voulaient jamais faire". Au départ, il s'agissait de produire des courts-métrages documentaires. Alors qu'il s'apprétait à réaliser un scénario qu'il avait écrit sur la guerre d'Algérie : "Guillaume ou les fils de 39". Jacques Perrin vole au secours de Costa-Gavras et produira "Z" (1969) qui aura le retentissement que l'on sait. Tout en poursuivant sa carrière d'acteur car, dit-il aussi "Je n'ai jamais abandonné l'idée d'être un comédien. La profession d'acteur m'intéressait au plus haut point et m'intéresse encoreé".
Jacques Perrin produit "Blanche, la Guerre d'Algérie" de Yves Courrière et Philippe Monnier, "Etat de siège" et "Section spéciale", ainsi que "La Victoire en chantant" de Jean-Jacques Annaud. En 1969, Jacques Perrin, qui aime s'enthousiasmer pour des sujets originaux, achète les droits du livre de Buzzati : "Le Désert des Tartares". Il aura fallu sept ans de travail pour constituer l'affaire et réaliser le film qui sera un échec commercial, malgré la présence de nombreux acteurs internationaux : Vittorio Gassman, Francisco Rabal; Max von Sydow, Fernando Rey, Laurent Terzieff, Jean-Louis Trintignant, Philippe Noiret, Jacques Perrin, Helmunt Griem et Giuliano Gemma. Jacques Perrin qui évita de peu la faillite, fait ensuite une rentrée remarquée dans "Le Crabe-Tambour" (1977) de Schoendoerffer, "lequel avait essayé d'avoir un acteur américain pour tenir le rôle du Crabe-Tambour. Puis il a pensé à moi, je voyais bien toute la jeunesse du personnage, mais pas le côté "Vieil ours". Heureusement, le film est intemporel, et pas réaliste. Il traite de la quintescence des sentiments et des rapports entre les individus. C'est presque du Musset : quand on regarde en arrière, les choses se raccordent à partir du sentiment...Pour moi, qui ne suis plsu tellement le personnage "romantique" de mes débuts, j'était content de me trouver devant un personnage qui, bien que militaire, à une "grâce", pour qui l'important est d'affirmer sa personnalité, de savoir respirer, vivre, regarder, assumer à "son compte" une situation où on lui demande seulement d'exercer une fonction..."
"Les 40e Rugissants" (1982) de Christian de Chalonge, nouvelle aventure, dans tous les sens du terme, entreprise par l'acteur-producteur, confirme son goût de promouvoir des sujets : "J'aime à me passionner pour des choses auxquelles je crois, réunir des gens, en bref, faire naître quelque chose à partir d'une idée." Jacques Perrin a, par ailleurs, été nommé Président de la Commission d'avance sur recettes en janvier 1982. A noter sa participation au film de François Migeat "Le Sang du flamboyant" (1981), tiré d'un fait réel qui défraya la chronique martiniqiuaise de 1942 à 1949 avec l'Affaire Beauregard.
En tant qu'acteur, il incarne "Le Juge" (1984) de Philippe Lefebvre, l'histoire est inspiréede faits réels, à savoir l'affaire du juge Pierre Michel, assassiné à Marseille en 1981. Il appararaît aussi à la même époque dans "L'Année des méduses" (1984) où il est l'une des proies de la brûlante Valérie Kaprisky, et dans "Parole de flic" (1985) de José Pinheiro, il donne la réplique à Alain Delon. Mais l'image cinématographique que l'on retient de lui à cette période, est celle du cinéaste nostalgique de "Cinéma Paradiso" (Nuevo Cinema,1989) de Giuseppe Tornatore.
Perrin continu à tourner régulièrement en italie, entre autres dans "Au nom de peuple souverain" (In Nome del Popolo Soverano,1990) de Luigi Magni, fresque populaire sur les mouvements politiques de 1848. A cette même période, Jacques Perrin est sollicité à la télévision, ainsi le voit-on en 1987 dans deux épisodes d'une série qu'il produit "Médecins des hommes" : "Le Biafra" de Laurent Heynemann et "Mer de Chine" qu'il réalise lui-mêrme, il incarnera également le révolutionnaire Jean-Marie Roland dans "Manon Roland" en 1989. Christopher Frank le dirige dans "La Femme de l'amant" en 1992 ainsi que le cinéaste Arthur Lamothe dans "Le Silence des fusils" en 1996. On l'aperçoit ainsi dans une dizaine de téléfilms tournés entre 1991 à 1997. On peut noter également "Le Château des oliviers" (1993) de Nicolas Gessner avec Brigitte Fossey.
Jacques Perrin a aussi été le coproducteur d'une quinzaine de films depuis la fin des années 1960, parmi lesquels "Z" de Costa-Gavras (1968) ou "Les Choristes" (2004) de son neveu Christophe Barratier, dans lequel il jouait également (8,6 millions d'entrées). Défenseur engagé de la nature, il a coproduit plusieurs documentaires sur ce thème, dont "Le Peuple singe" (1989), "Microcosmos: le peuple de l'herbe" (1996) ou "Himalaya: l'enfance d'un chef" (1999). coréalisé le documentaire "Le peuple migrateur"
Par la suite, il a lui-même coréalisé des documentaires remarqués, dont "Le Peuple migrateur", consacré aux oiseaux (2001, 2,8 millions de spectateurs en France), puis "Océans" (2010, 2,9 millions de spectateurs), récompensé par le César du meilleur documentaire en 2011). Son dernier rôle au cinéma, dans "Goliath", sorti en mars, fait écho à ses combats écologistes: dans ce thriller autour des pesticides, il fait équipe avec un redoutable lobbyiste de l'industrie phytosanitaire, campé par Pierre Niney.
"J'admirais Jacques Perrin, et puis j'ai eu la chance de le faire tourner, son talent, sa disponibilité, sa gentillesse ont fait qu'après le tournage je l'admirais encore plus", a écrit sur Twitter le réalisateur Xavier Beauvois, qui l'avait dirigé dans "Le petit lieutenant" (2005). "Jacques, c'était le charme à l'état pur. Il a réussi tout ce qu'il touchait", a réagi, également sur Twitter, l'ancien président du Festival de Cannes, Gilles Jacob. "C'est l'un des producteurs français les plus subtils, les plus intéressants", a déclaré Costa-Gavras sur franceinfo, en saluant la mémoire "d'un homme d'une grande curiosité et aussi d'une extrême gentillesse".
La mort de Jacques Perrin a également suscité des hommages dans le monde militaire, en lien notamment avec ses rôles de soldat chez Schoendoerffer."La 317e section a perdu son chef. Les armées saluent la mémoire de Jacques Perrin, figure emblématique du cinéma français à laquelle nous étions intimement liés", a twitté le chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard.
La Légion étrangère a pour sa part salué "un grand nom du cinéma, personnalité d'une grande humilité". "Il réalisait dernièrement un film sur la Légion étrangère: +Les derniers hommes+", a twitté la Légion sur son compte officiel.