RICHARD BROOKS, UNE CERTAINE MORALE
RICHARD BROOKS 1912 - 1998
Cinéaste Américain
Richard Brooks fut l'un des derniers cinéastes sous contrat employés par la MGM dans les années 50, choisit par la suite l'indépendance, comme producteur, réalisateur et scénariste. Attiré par les grands problèmes sociaux qui dérangent; sa personnalité est attachante, et pourtant son oeuvre a mis du temps à s'imposer et ses chefs-d'oeuvre sont relativement tardifs.
Richard Brooks est né le 18 mai 1912 à Philadelphie. Après des études à l'Université, il devient journaliste sportif puis éditorialiste réputé à la radio. Auteur de quelques romans, son plus célébre livre a été adapté au cinéma pour donner naissance au film qui établit la réputation d'Edward Dmytryk avec "Feux croisés". En 1940; il commence à réaliser des dramatiques radiodiffusées et met en scène parallèlement quelques pièces de théâtre à Broadway avant d'être mobilsé dans les "Marines".
A son retour, une dizaine de romans et de scénarios divers pour le cinéma achèvent d'asseoir sa réputation d'auteur talentueux. Il écrit notamment l'adaptation des "Démons de la liberté" (1947) que réalise Jules Dassin ainsi que celle de la pièce "Key Largo" (1948) que dirige John Huston.
En raison du prestige grandissant de Brooks, en 1950, la MGM lui donne sa chance de metteur en scène, et il commence par deux longs métrages "Cas de conscience" (Crisis) avec Cary Grant, le premier film où Brooks est scénariste et réalisateur, il abandonne l'idée du chirurgien veuf, père d'une fillette de neuf ans, et lui imagine une jeune femme. Au-delà de ce détail, le propos politique du film apparaît en filigrane lorsqu'il soulève la question de la responsabilité vis-à-vis de la dictature sud-américaine. Brooks ne se révèle vraiment qu'en 1952, avec son troisième film, "Bas les masques" (Deadline U.S.A.). Il en est l'auteur complet, à la fois scénariste et réalisateur, et il s'agit du histoire située dans un milieu qu'il connaît bien, celui du journalisme. cette dénonciation sans complaisance de certaines pratiques de presse frappe par son authenticité, et on sent que Brooks y a mis beaucoup de son expérience personnelle. De plus, elle est admirablement servie par un Humphrey Bogart des grands jours, dont le film reste une des grandes créations. On retrouve Bogart dans le film suivant de Brooks "Le Cirque infernal" (Battle Circus;1953), qui est un bon film de guerre, sans plus, comme Hollywood en faisait beaucoup à l'époque.
Viennent ensuite deux ou trois autres de moindre importance : "The Flame ans the Flesh" (1953) avec Lana Turner et Pier Angeli. Le film ne fut jamais distribué en France. Quant à "La Dernière fois que j'ai vu Paris" (The Last Time I saw Paris,1954) adapté d'une célèbre nouvelle de Francis Scott Fitzgerald "Retour à Babylone" est assez peu réussi en dépit de la beauté d'Elizabeth Taylor.
Par contre, la même année, la réputation de Brooks se confirma avec le succès rencontré par "Graine de violence" (Blackboard Jungle,1955). La montée de la violence juvénile dans les écoles américaines. Brooks refuse finalement d'accepter des compromis pour "Graine de violence" et, à sa grande satisfaction, prouve même aux patrons de la MGM qu'ils avaient tort. Pourtant, selon lui, "la direction de la MGM ne voulait même pas sortir le film!". Cette production en noir et blanc, peu coûteuse mais efficace, nous montre Glenn Ford en professeur new-yorkais aux prises avec une bande d'étudiants rebelles et violents, menés par Vic Morrow, Sidney Poitier et le futur réalisateur Paul Mazursky. Gros succès commercial, bien accueillie par la critique, cette oeuvre inaugure une série de films consacrés à la délinquance juvénile et rapporte une première nomination au réalisateur.
C'est l'époque où "Les Cahiers du cinéma" firent de Brooks un des symboles du nouveau cinéma américain d'alors, aux côtés de Robert Aldrich, Anthony Mann et Nicholas Ray...Le film suivant "La Dernière chasse" 'The Last Hunt,1955) est un superbe apologue consacré à l'extermination des bisons et à la férocité native de ceux qui les chassent, si ce n'est de l'humanité elle-même. cette oeuvre insolite avec Robert Taylor et Stewart Granger reste une des grandes réussites de Brooks.
Inédit en France son film suivant "The Catered Affair" (1956). En 1957, Brooks décrit ainsi la projection en avant-première du "Carnaval des Dieux" (Something Of Value) :"Quatorze types étaient assis autour d'une table, et l'un deux dit..."Je n'ai pas aimé la musique de la sixième bobine", et un autre de poursuivre..."Mon dentiste la déteste...!" Heureusement, Brooks valorise sa position en quittant la MGM sur deux productions de prestige, qui marquent le début d'une nouvelle étape pour le réalisateur, l'adaptation à l'écran de grandes oeuvres littéraires. A partir de la fin de 1957, il tourne "Les Frères Karamazov" (The Brothers Karamazov) d'après Dostoïevski, jusqu'en 1964 où il tourne "Lord Jim" de Conrad en Super Panavision 70, sa carrière tourne au beau fixe.
En 1958, Brooks adapte une pièce de Tennessee Williams, qui avait eu un grand succès à la scène, "La Chatte sur le toit brûlant" (Cat on a Hot Tin Roof). Elizabeth Taylor, sensuelle et superben y fit une de ses plus mémorables créations. Quant à Brooks, il est nominé pour la réalisation et le scénario. Mais le film suivant est un chef d'oeuvre incontestable et sommet de l'oeuvre de Brooks pour beaucoup avec "Elmer Gantry, le charlatan" (Elmer Gantry,1960). "Cette adaptation de Sinclair Lewis a pour cadre la dépression et la prohibition et pour héros un prédicateur populiste qui s'en prend aux idéologues et qui, quelle que soit son imposture, à la sens de la communauté, un certain génie de la fraternité. Face à Gantry interprété par Burt Lancaster, le point de vue de Sinclair Lewis et de Brooks, sardonique mais captivé, est exprimé par ce personnage archétypique des années 30 : le journaliste (Arthur Kennedy)." Il ne faut pas oublier un attachant personnage féminin, admirablement interprété par Jean Simmons, devenue l'épouse de Richard Brooks.
De retour à la MGM, Brooks porte à nouveau Tennessee Williams à l'écran avec "Doux oiseau de jeunesse" (Sweet Bird Of Youth,1961) avec Paul Newman, autre réussite au palmarès du cinéaste. Cependant un fiasco s'annonça avec "Lord Jim" avec Peter O'Toole. La réalisation de Brooks montrait qu'il n'avait pas su traduire ce qui était essentiel dans le chef d'oeuvre de Conrad, et c'est un film tout à fait manqué, aggravé par une interprétation grimaçante de Peter O'Toole.
"Les Professionnels" (The Professionnals,1966), excellent film d'actionn très enlevé, avec une affiche superbe : Burt Lancaster, Claudia Cardinale, Lee Marvin et Jack Palance et "De sang-froid" (In Cold Blood,1967), d'après le livre de Truman Capote, sont d'un tout autre intérêt et sont heureusement venus montrer qu'il fallait toujours compter avec Richard Brooks. Après la semi-déception de "Dollars" (1971), ce fut encore le cas d'un remarquable western, "La Chevauchée sauvage" (Bite the Bullets,1975), ce film du "bonheur", comme l'a défini un critique et dont la saveur ainsi que certaines tonalités ne sont pas sans évoquer l'univers de Jack London.
Toujours éclectique, Brooks enchaînait ensuite sur "A la recherche de Mr Goodbar" (Looking for Mr Goodbar,1977), drame vigoureux, construit sur un personnage de "femme libre", auquel Diane Keaton donnait beaucoup de relief. Après un silence de cinq ans, qu'on pouvait croire définitif, vu son âge, Brooks refaisait surface avec encore un film intéressant, "Meurtres en direct" (The Man with the Deadly Lens,1982), qui prouve que le cinéaste n'est pas "fini". Quant à son oeuvre, robuste et pleine de santé, elle résiste finalement mieux à l'usure du temps que d'autres qui furent naguère jugées plus brillantes ou plus subtiles. Elle comporte même trois ou quatre grands films, qui permettent à leur auteur d'affronter avec confiance la postérité. Richard Brooks décède le 11 mars 1992 à Beverly Hills, il avait 79 ans.
*Affiches-cine * Cinetom
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