HENRI DECOIN, UN SAVOIR FAIRE CINÉMATOGRAPHIQUEMENT PARLANT
HENRI DECOIN 1890 - 1969
Cinéaste, Producteur Français
Henri Decoin est né le 18 mars 1890 à Paris, le petit Henri, fils de Joseph-Auguste Decoin, paralysé et sans travail, et d'Anaïs, femme de ménage pour subvenir aux besoins de ses cinq enfants, travailla très tôt, livreur de lait, gratteur de peaux chez un fourreur, s'intruisit comme il put et s'adonna, avec passion, à la pratique des sports : il fut recordman de France de natation, international de water-polo et même sélectionné olympique.
Mobilisé lors de la Première Guerre mondiale en 1914, il apprit à piloter les avions, fit partie de l'escadrille des Cicognes et fut décoré : Légion d'Honneur et Croix de Guerre. C'est alors qu'il était soldat que Decoin se mit à écrire des nouvelles. Démobilisé, il devient journaliste sportif, à l' "Auto", "L'intransigeant puis à "Paris-Soir". Son roman "Quinze Rounds" obtint en 1926 le Grand Prix de la Littérature Sportive. Il écrit également pour le théâtre; sa première femme, Blanche Montel, fut actrice.
Des scénarios sportifs lui permirent de débuter au cinéma dès 1925 : "Le P'tit Parigot" (René le Somptier) est situé dans le monde du football, "Le Roi de la Pédale" (Maurice Champreux) dans celui du cyclisme. Après avoir été assistant, Decoin signa son premier film, en 1931, un court métrage "A bas les hommes", interprété par Jim Gerald. C'est avec Danielle Darrieux, qu'il avait épousé en août 1935, que Decoin connut ses plus grands succès...Ils s'étaient connus sur le plateau de "L'Or dans la rue" (1933) de Kurt Bernhardt où Decoin y était dialoguiste, convoleront en justes noces et se sépareront, d'un commun accord, en 1940. Leur première collaboration fut "Le Domino Vert" en 1935 dont deux versions dont une allemande réalisée par Herbert Selpin.
Suivront "Abus de confiance" (1936) dont Decoin su épauler Danielle Darrieux en la confrontant avec deux acteurs, Charles Vanel et Valentine Tessier, dont la retenue et la discrétion font merveille dans les situations les plus éprouvantes. "Mademoiselle ma mère" (1937) fut le premier des cinq films que Decoin réalisa avec sa compagne de 1937 à 1941. Lors de sa sortie, en août 1937, Serge Veber écrivait dans "Pour vous" : "Ne nous étendons pas trop sur un sujet et des situations qui firent rire au théâtre pendant de longs mois (...)Tout cela serait très gentil, et il n'y aurait pas plus de quoi se tordre de quoi se fâcher, s'il n'était pas question de Darrieux et de Decoin, son metteur en scène, qui est bien placé pour la connaître et utiliser ses dons merveilleux. (...)
Dès le retour de Danielle Darrieux des Etats-Unis où elle y tournait "La coqueluche de Paris", Decoin réalisa "Retour à l'aube" (1938). Si les critiques de l'époque furent partagées sur le film, "Henri Decoin connaît toutes les ressources de la mise en scène et du découpage. Son travail est excellent. Je lui reprocherai le goût de la surimpression facile et l'abus de la photogénie ferroviaire." (René Lechmann, "Pour vous"). Avec son troisième volet : "Battement de coeur" (1940), on constate qu'au cours de son séjour aux USA, le réalisateur avait percé les secrets de la comédie hollywoodienne...la guerre se rapprochait, il fallait à la fois fuir l'Allemagne nazie et se garder des camps de concentration français où pouvaient échouer des ressortissants étrangers.
Le dernier volet fut "Premier Rendez-vous" (1941) avec Danielle Darrieux, Louis Jourdan, Fernand Ledoux et Gabrielle Dorziat. Produit par la filiale allemande de la Continental installée en France. Ce film sortit en exclusivité à Paris le 14 août 1941. Les jours qui suivirent, la France entière chantait les paroles célèbres de la chanson du film : "Ah! qu'il doit être doux et troublant, l'instant du premier rendez-vous...". Sous l'Occupation, ce fut un prodigieux succès. A cette même période, il dirigea Raimu dans "Les Inconnus dans la maison" (1942); Adapté par Clouzot d'un roman de Simenon, tourné durant les heures noires de l'Occupation. On notera également, l'incroyable plaidoirie en faveur de l'éducation morale des jeunes et un réquisitoire sur la responsabilité des parents. L'année suivante, il retrouve un roman de Simenon qu'il adapte "L'Homme de Londres" avec Fernand Ledoux, Jules Berry, Suzy Prim et Jean Brochard.
A sa sortie, en 1946 "Fille du diable" réalisé par Decoin avec Pierre Fresnay fut un moment critiqué et certains journalistes ne privèrent pas de rapprocher ce scénario à celui du "Corbeau" (1943) de Clouzot. Même peinture d'une ville de province, même noirceur de personnages rongés par le vice et la cupidité, même acteur (Pierre Fresnay). "Les Amants du Pont St-Jean" (1947) fut présenté au Festival de Cannes en 1947 et fut distibué en décembre de la même année, sans connaître un grand succès; l'interprétation réunissaitt pourtant deux grands artistes très populaires, Michel Simon et Gaby Morlay, dans des rôles pittoresques de clochards amoureux.
Les deux films suivont furent tournés avec Louis Jouvet dans les rôles principaux, le premier fut "Les Amoureux sont seuls au monde" (1948). Les producteurs de cinéma, en France comme à Hollywood, n'appréciaient guère, dans les années 40, qu'un film destiné à connaître le succès commercial le plus large possible se terminât mal. C'est la raison pour laquelle Henri Jeanson dut écrire et Decoin tourner, une autre fin, heureuse celle-là...Le suivant : "Entre onze heures et minuit" (1948). Le réalisateur avait appris à piloter pendant la Première Guerre mondiale et en avait conçu une passion pour l'aviation qu'il illustra deux fois au cours de sa carrière de cinéaste. En 1933, d'abord avec "Les Bleus du ciel", interprété par Blanche Montel, son épouse à l'époque, Albert Préjean et Raymond Cordy. "Au grand balcon" (1949) s'inspire de l'histoire véritable des débuts de l'Aéropostale.
Avec "Trois télégrammes" (1950), Decoin aurait souhaité tourner son film en extérieurs, mais comme l'action se déroulait de nuit, les nuisances et les frais auraient été tels qu'il dut faire construire le quartier Mouffetard au studio de Billancourt. L'année suivante, il retrouvait son ex-femme Danielle Darrieux aux côtés de Gabin dans "La Vérité sur Bébé Donge", d'après le roman de Simemon. "Dortoir des grandes" (1953) est le vingt-sixième film de Decoin et l'une des nombreuses adaptations à l'écran d'un roman du Belge Stanislas-André Steeman. Drame policier enlevé et plutôt gai, réalisé avec un sens parfait du rythme et l'art de filer le récit (Raymond Chirat, in "Henri Decoin, Anthologie du Cinéma, Tome VIII). A noter la présence de nombreux comédiens : Jean Marais, Françoise Arnoul, Denise Grey, Line Noro, Louis de Funès (un de ses rares rôles dramatiques), Noël Roquevert, Jeanne Moreau, Danny Carrel et Jacqueline Monsigny.
Après avoir réalisé "Les Intrigantes" (1954) avec Raymond Rouleau, Raymond Pellegrin et Jeanne Moreau, qui avait déjà été deux fois l'interprète de Henri Decoin : dans "Dortoir des grandes" (1953), où elle incarnait une modeste soubrette, et dans "Le Billet de logement", premier sketch du film collectif "Secrets d'alcôve" co-réalisé en 1954 par Gianni Francolini, Ralph Habib et Jean Delannoy. Huitième des neuf films que tournèrent ensemble Danielle Darrieux et Decoin, entre 1935 et 1955; "Bonnes à tuer" (1954) est adapté d'un roman de l'Américaine Pat Mac Gerr. Après Becker et "Touchez pas au grisbi", ce fut au tour du cinéaste Henri Decoin d'exploiter le nouvel emploi de Gabin, celui d'un truand vieillissant dans "Razzia sur la chnouf" (1955). Mais avec un retournement de taille puis Le Nantais travaille pour la brigade des stupéfiants. Tourné en grande partie en décors naturels, le film passionna le public par son aspect documentaire, montrant sans détours les effets de la drogue sur le comportement des intoxiqués, ce qui ne s'était encore jamais vu à l'écran...
Lorsque le réalisateur tentait de retrouver l'esprit de la comédie musicale américaine et de l'adapter au cadre français, lors du tournage de "Folies-Bergères" (1957) avec Eddie Constantine (peu convaincant en tant que chanteur) et Zizi Jeanmaire, le film fut mal accueilli ce qui n'empêcha pas Decoin de reprendre les mêmes interprètes avec Roland Petit pour le tournage de "Charmants garçons", en 1957 également. En 1958, la sortie du film "La Chatte" tiré d'une histoire vraie, trouble héroïne de l'Occupation, agent de l'Abwehr, connue sous le nom de la "Chatte", un pseudonyme parmi beaucoup d'autres et qui, condamnée à la Libération, ballotée de prison en prison, fut finalement grâciée. Le film de Decoin veut avant tout dérouler des aventures haletantes devant des décors restituant une sombre période. Cette authenticité en même temps que l'approche difficile du personnage de Cora firent écrire au critique Jean-Luc Godard : "Autant les récents films de Decoin étaient déplaisants parce que mal décalqués de Hitchcock, autant dans "La Chatte" l'imitation de Bresson se fait sentir". "Henri Decoin a su, avec beaucoup d'astuce et de savoir faire, exploiter les chroniques de la Résistance en employant les méthodes du Sérial, Cora Massimier joue, en somme, les périls de Pauline et les exploits d'Elaine, en bifurquant parfois, d'une échappée rapide, du côté de la Justine de Sade". (Raymond Chirat : Henry Decoin", in l'Anthologie du Cinéma). Quoi qu'il en soit le succès public du film fut énorme et autorisa la mise en ,chantier d'une suite : "La Chatte sort ses griffes" (1960) où l'on constatait au début que Cora n'était pas morte, mais seulement blessée grièvement.
Mort à Paris le 5 juillet 1969, Henri Decoin "avait accompli, à la française, la vie d'un "director" américain dont il possédait le brillant et le brio et quelques nuances dans ses meilleurs films, la vie qui tourne mal, la jeunesse qui palpite et s'envole...(Raymond Chirat, Anthologie du Cinéma, no 85.)
1933
1933
1937
Les Inconnus dans la Maison (Decoin | 1942)
1943
1946
1947
1950
1952
Folies Bergère - "PARIS BOHÈME" - (Henri Decoin-1956)
1955
Razzia sur la chnouf - bande annonce
1963
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___________________________________________Douglas Fairbanks