DOUGLAS FAIRBANKS, ANNÉES 20, ROI DE HOLLYWOOD
DOUGLAS FAIRBANKS 1883 - 1939
Acteur, Producteur Américain
Douglas Fairbanks, de son vrai nom Douglas Elton Ulman (Fairbanks étant le nom patronymique du premier mari de sa mère) est né à Denver (Colorado) le 23 mai 1883. Intéressé très jeune par le théâtre, il débute à Broadway en 1902 et se vit confier très vite des rôles importants.
Hollywood ne tarda pas à l'engager et il fit ses débuts au cinéma dans "Le Timide" (The Lamb,1915), premier d'une série de films réalisés en fonction de sa personnalité et produits par la Triangle. Mais l'exubérance incontrôlée de Fairbanks ne plaisait pas à David Wark Griffith, qui était le superviseur du film et l'un des chefs de la Triangle; il conseilla donc à l'acteur de jouer dans les films comiques de la Keystone. Pour sa part, le public n'était pas du même avis, ce qui encouragea Fairbanks à persévérer dans sa voie, mais aussi à devenir autonome sur le plan de la production.
Le comédien fonda en 1916 la Douglas Fairbanks Film Corporation, dont les films devaient être distribués par la Paramount-Arcraft. De cette date jusque pratiquement à la fin de sa carrière, Fairbanks allait mener de front bien des activités : il ne sera pas seulement le personnage central de ses films, mais aussi le créateur, puisqu'il assurera la supervision de la production, de la réalisation et du scénario, afin d'être certain que les films seront faits selon ses vues. En 1919 Fairbanks, D.W. Griffith, Mary Pickford et Charles Chaplin fondèrent les Artistes associés pour assurer, en toute indépendance, la distribution de leurs propres films.
A l'époque, le personnage de Fairbanks à l'écran, c'était celui de l'Américain athlétique, plein de fougue et de brio, de virilité et d'assurance. C'était en somme le reflet de la "philosophie" à laquelle croyait le comédien : dans une série de livres aux titres significatifs, comme "Laugh and Live", "Initiative and Self-reliance", "Making Life Worthwhile", il soutint toujours qu'il faillait rester efficace, actif et libre. Ses films témoignaient de l'énergie inépuisable du héros, mêlant action et comédie; leurs titres étaient déjà tout un programme : "Un charmeur" (Mr. Fixit,1918), "Douglas a la sourire" (He Comes Up Smiling,1918), "Douglas, brigand par amour" (The Knickerbocker Buckaroo), "Sa Majesté Douglas" (His Majesty, the American) et "Cauchemars et superstitions" (When the Clouds Roll By) ces trois derniers films étant sortis en 1919.
Mais en 1920, à l'âge de trente-sept ans, Fairbanks prit la décision historique d'abandonner la comédie légère et le western, deux genres qui l'avaient rendu célèbre, pour s'attaquer à un film d'aventures en costumes. "Le Signe de Zorro" (The Mark of Zorro,1920) de Fred Niblo et Ted Reed, fut produit avec des moyens limités et situé à une époque assez récente. Le personnage central avait une double personnalité - joli coeur et aventurier-tout comme pour les rôles joués par l'acteur dans ses précédents films d'aventures. Afin de se garantir contre un éventuel échec du film, Fairbanks produisit "L'Excentrique" (The Nut,1921), une comédie fidèle aux vieilles formules, qui aurait dû être lancée immédiatement en cas de fiasco du "Signe de Zorro". Mais il n'en fut rien; bien au contraire, ce dernier film devait immortaliser Douglas Fairbanks.
Il est permis de penser que le fait d'être lié, au sein des Artistes associés, à de grands créateurs stimula Fairbanks, qui voulut peut-être égaler la qualité de leurs réalisations. Toujours est-il qu'à partir du "Signe de Zorro", il chercha film après film, à se dépasser. Fairbanks fit contruire les plus grands décors que Hollywood eût jamais vus pour "Robin des Bois" (Robin Hood,1922); il utilisa avec maestria toutes les ressources des effets spéciaux fantastiques dans "Le Voleur de Bagdad" (The Thief of Bagdad,1924) et se servit magistralement du nouveau Technicolor bichrome dans "Le Pirate noir" (The Black Pirate,1927). Tout cela fit de lui, dans les années 20, le "roi de Hollywood". Marié avec Mary Pickford la "fiancée de l'Amérique", Fairbanks attirait une véritable cour à Pickfair, sa somptueuse résidence, où il recevait le tout-cinéma et d'authentiques descendants de la noblesse européenne. Les tours du monde que firent Fairbanks et Pickford ressemblèrent à des voyages de souverains. En 1926, "Robin des Bois" fut présenté dans onze des douze salles réservées aux films en exclusivité à Moscou, éclipsant ainsi totalement "Le Cuirassé Potemkine" qui venait d'être lancé. Lorsque Doug et Mary arrivèrent en URSS, trois cent mille personnes se précipitèrent à la gare pour les accueillir.
Fairbanks fut aussi l'homme qui donna au film de cape et d'épée ses lettres de noblesse : une forme, un style et un esprit particuliers. Ses films prônaient avant tout l'action; toutes les scènes, remarquablement préparées, tendaient en quelque sorte à la chorégraphie. Son fils, Douglas Fairbanks Jr, plus tard, déclara d'ailleurs que son père "se considérait comme un danseur plutôt que comme un athlète". De fait, ces séquences d'action donnent l'impression de danses athlétiques, non de simples exploits acrobatiques. On a la sensation qu'elles ne réclamaient pas d'effort, mais c'est là l'aboutissement de semaines de travail et de préparation consciencieuse. Fairbanks savait se servir à merveille de l'épée, du fouet et de l'arc. Il engagea le meilleur des grands maîtres d'escrime de Hollywood, Henry J. Uyttenhove, pour mettre au point ses duels, et se servit souvent d'un métronome pour rythmer ses mouvements.
Les décors de ses films étaient construits en fonction de l'action : tout était conçu et disposé de façon à s'adapter à la longueur des sauts de l'acteur; des points d'appui étaient dissimulés dans les murs des édifices pour qu'il pût s'y agripper sans effort apparent. Dans "Robin des Bois", une glissière était dissimulée derrière les tentures sous lesquelles Fairbanks passe lors d'une de ses acrobaties spectaculaires. Il se jette du haut d'une voile dans "Le Pirate noir", avec un poignard pour seul soutien visible (en réalité il utilisait un mécanisme compliqué de cordes de piano). Quant aux sauts impressionnants qu'il accomplit dans les grandes jarres du "Voleur de Bagdad", ils étaient facilités par la présence de tremplins habilement cachés.
L'autre aspect important des films de Fairbanks concerne le plan visuel. L'acteur ne regardait pas à la dépense. Il avait coutume de dire : "Ces choses-là doivent êtres faites comme il faut, autrement il vaut mieux renoncer." Il s'entourait des meilleurs décorateurs, costumiers et accessoiristes, et parvenait ainsi dans ses films à une véritable performance visuelle, fournissant tour à tour des évocations superbes de l'Angleterre du XIIe siècle, de la France du XVIIe siècle, de l'Espagne du siècle dernier, ou encore de la Bagdad des "Milles et Une Nuits".
Comparé au luxe des "fantaisies", suivantes de Fairbanks, "Le Signe de Zorro", paraît vraiment modeste, et bien mince son intrigue reposant uniquement sur une série d'affrontements où Zorro triomphe des oppresseurs par ses seules astuces et son adresse. Ses numéros acrobatiques en font une sorte de feu follet qui semble ne plus avoir grand chose de terrestre. Cette image se renforça avec "Les Trois Mousquetaires" (The Three Musketeers,1921) de Fred Niblo, où Fairbanks créa un immortel d'Artagnan cinématographique, romantique, ardent, irritable et parfois déroutant. L'air effronté, la façon d'ôter son chapeau d'un geste large, les salutations formelles et très longues, les mains sur les hanches et la tête rejetée en arrière par un éclat de rire : toutes ces attitudes visaient à rendre l'esprit du cadet de Gascogne. Avant le film, il fut procédé à des recherches approfondies sur l'époque où se déroulait l'action, et il en résulta un merveilleux tableau du XVIIe siècle, avec des costumes somptueux et des décors grandioses, soignés dans les moindres détails. Malheureusement, ce film, tout comme "Robin des Bois" qui allait suivre, souffrait de la lenteur de sa construction narrative et de la complaisance avec laquelle étaient présentées les intrigues de la cour, sur lesquelles s'attarda paresseusement Fred Niblo, bon artisan, mais cinéaste rarement inspiré. Ces défauts, cependant furent aisément gommés par la fougueuse présence de Fairbanks.
"Robin des Bois", réalisé par Allan Dwan, marque sous de nombreux aspects l'une des grandes dates du cinéma muet. Aujourd'hui encore, la solennité et la splendeur visuelle du film laissent pantois. Ses décors, dont un château médiéval entier avec une salle immense pour les banquets, surpassèrent même ceux du célèbre "Intolérance" de D.W. Griffith. Conçu comme une époque chevaleresque, le film déployait tout l'apparat et toute la magnificence de la chevalerie médiévale, idéalisée par le romantisme du XIXe siècle, et teintée d'une certaine candeur. Comme pratiquement tous les héros incarnés par Fairbanks, Robin des Bois est un homme jeune sorti trop vite de l'adolescence, timide et hésitant avec les femmes, mais impétueux et doté d'une énergie inépuisable lorsque vient le moment d'affronter des ennemis en surnombre.
Avec "Le Voleur de Bagdad", film signé par Raoul Walsh, l'art de Fairbanks franchit une étape supplémentaire vers la perfection formelle. En matière d'imagination style "Mille et une Nuits", puisqu'il s'inspire de l'histoire du prince Ahmed parti à la recherche de l'objet le plus rare au monde, ce film se hissa d'emblée au plus haut niveau. Les décors de William Cameron Menzies étaient un chef-d'oeuvre d'orientalisme stylisé, et parmi les effets spéciaux les plus importants on trouvait un cheval ailé, un tapis volant, une armée magique, un dragon et un voyage au fond de la mer. Plus agile et plus souple que jamais, Douglas Fairbanks ne fait que sauter et voler d'une scène à l'autre avec un enthousiasme indéfectible.
"Don X, fils de Zorro" (Don Q, Son of Zorro,1925) reconstitue la vieille Espagne comme un romantique univers de châteaux en ruine et de jardins remplis de roses, peuplé de danseurs de flamenco. Fairbanks incarne ici le fils de Zorro, César, un étudiant injustement accusé de meurtre et obligé de porter un masque de vengeur (Don X) afin de prouver son innocence. Jeune homme intrépide, s'il entre dans une pièce c'est en laissant glisser sur la rampe d'escalier, s'il pénètre dans une maison c'est en franchissant d'un bond le mur, s'il allume une cigarette, c'est en cueillant un brandon à la mèche de son fouet. Dans la spectaculaire scène finale, le père de Don X, Zorro, vient en aide à son fils; grâce au trucage de la double exposition, Douglas Fairbanks put jouer simultanément les deux rôles. Lorsque Fairbanks eut l'idée de donner suite à son film célèbre "Le signe de Zorro", il demanda un scénario à l'auteur originel Johnston McCulley. Ce texte ne donnant pas satisfaction, il choisit pour base le roman de Hesketh Prichard, "Don Q's Love Story". Il confia la réalisation au vieux routier Donald Crisp.
Quant au "Pirate noir", il présente la quintessence de ce que le cinéma peut réaliser sur les aventures maritimes. Libérée des bavardages intrigues de cours et des introductions interminables, cette oeuvre reste inégalée pour son humour, ses acrobaties stylisées et sa joie de vivre communicative. Le film suivant, "Le Gaucho" (The Gaucho,1927) marqua un brutal changement de perspective. Tourné dans des tons inhabituellement sombres, c'est un drame mystique de la foi et de la rédemption, truffé de visions de la Vierge (Mary Pickford) et de miracles. Fairbanks y incarne un bandit de la pampa, personnage violent et byronien, mécréant fanfaron serrant une perpétuelle cigarette entre ses dents de loup. Lorsque sa bande de hors-la-loi s'empare de la cité du Miracle, il tente de séduire la vierge innocente qui garde le sanctuaire, mais cela lui vaut d'être atteint de la lèpre. La fille le convertit cependant à la vraie foi; soigné, il aide ensuite la ville à se libérer d'un militaire tyrannique. Mêlées à cette intrigue noble et pieuse, des scènes de chevauchées, de combats, de sauvetages et d'amour passionné avec une sauvageonne incarnée par Lupe Velez en font quand même un film d'aventures.
Un peu comme s'ils célébraient un événement, Fairbanks et Hollywood produisirent en 1929 le dernier film muet de cape et d'épée. L'action se déroulait sur un rythme toujours aussi soutenu et fluide , mais "Le Masque de fer" (The Iron Mask,1929) présentait un Fairbanks très différent du cavalier insouciant des années précédentes. A l'âge de quarante-cinq ans, les cheveux grisonnants, pour la première fois il donna l'impression d'un homme d'âge mûr, sorte de d'Artagnan vieillissant. On aurait dit qu'il présentait que ce film devait être son chant de cygne. Au cours du film, les trois mousquetaires meurent et d'Artagnan succombe plus tard à ses blessures. "Le Masque de fer" finit sur la vision des fantômes des mousquetaires qui l'invitent à les rejoindre. Alors l'esprit de d'Artagnan quitte sa dépouille mortelle et s'éloigne avec eux dans les nuées. Ses vrais adieux, Fairbanks les fit en réalité avec ce film.
Ses films parlants, qui débutèrent par une aventureuse incursion dans culture classique, "La Mégère apprivoisée" (The Taming of the Shrew,1929), attestent un net déclin sur le plan de la qualité artistique. Fairbanks finit par divorcer d'avec Mary Pickford en 1935, puis se mit à voyager sans cesse. "La Dernière aventure de Don Juan" (The Private Life of Don Juan,1934) d'Alexander Korda fut à la fois le dernier film interprété par Douglas Fairbanks et sa dernière contribution à la compagnie des "Big Four". Une partie des prises de vues eut lieu en Espagne...En fait, il se résignait difficilement au poids des ans. "Tel Peter Pan, il se pensait voué à la jeunesse, déclara son fils, il a toujours aimé la vie comme l'aime la jeunesse." Mais en 1929, son corps et son visage révélaient les marques du temps. Il projetait de revenir à la production avec son fils lorsqu'il mourut le 12 décembre 1939.
Amour et publicité - 1916 de John Emerson
1917- 1918
Le Signe de Zorro - 1920 de Fred Niblo
The Mark of Zorro - 1920 - Douglas Fairbanks -
Les Trois mousquetaires - 1921 de Fred Niblo
Robin des Bois- 1922 - de Allan Dwan
Don X, Fils de Zorro - 1925 de Donald Crisp
Le Gaucho - 1925 de F. Richard Jones
La Mégère apprivoisée - 1929 de Sam Taylor
Le Masque de fer - 1929 de Allan Dwan
1932
Pour décrocher la lune - 1930 de Edmund Goulding