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CINETOM
13 juillet 2015

PIERRE FRESNAY, L'ALSACIEN COMME DISAIT RAIMU...

           PIERRE FRESNAY                           1897 - 1975 

                Comédien Français

 

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Pierre Fresnay de son véritable nom Pierre Laudenbach est né à Paris le 4 avril 1897. Sa famille était issu de souche protestante d'où la rectitude de son caractère, l'influence d'un oncle maternel Claude Garry, un acteur en vogue. Sa famille le destine à une carrière universitaire, mais au contact de son oncle, une vocation théâtrale s'éveille très tôt en lui. Tout en continuant ses études il joue un petit rôle dans "l'Aigrette" en 1912, montée par la célèbre Réjane. Ce début lui ouvre le Conservatoire. C'est  encore son oncle qui décide du choix de sa carrière sous le nom de Pierre Vernet, qui deviendra sept ans plus tard Pierre Fresnay.

C'est en 1915 à l'âge de dix-neuf ans que Pierre Fresnay entre à la Comédie Française. La guerre éclate et la Comédie Française qui a besoin de reconstituer une troupe l'engage sans se soucier du traditionnel concours. Très employé, il déploie tout son charme dans les comédies de Musset, aborde les grands auteurs, se frott aux pièces modernes. Incorporé, il retrouve sa place après l'armistice et devient sociétaire en 1924, son interprétation d'un drame de François Porché : "Le Chevalier de Colomb"  ayant convaincu la critique et touché le public. On admire son intelligence, on vante sa diction nette et brève mais qui sait aussi caresser les mots. On écoute ses avis, on fait semblant de s'intéresser à ses suggestions. Lassé par la molle routine du Théâtre-Français, écoeuré par d'évidentes compromissions, il démissione avec fracas en 1926. Scandale, souligné par le procès qui lui est intenté. Condamné en 1928 à deux cent mille francs de dommages et intérêts, il parvient en appel, à faire supprimer l'interdiction primitive de reparaître sur les scènes parisiennes.

Madame Renée Carl, plantureuse égérie de Louis Feuillade, lui avait proposée dès 1915, d'aborder le cinéma. Dirigé par Henri Pouctal, il débute dans une bande patriotique : "France d'abord", il récidive l'an d'après avec "Quand même" du même acabit et toujours de Pouctal. Le cinéma le laisse indifférent. Sans y attacher d'importance, il apparaît à la demande dans des films de Charles Burguet "L'Essor" (1920), "La Bâillonnée"  (1922), "Les Mystères de Paris" (1922), des adaptations de romans "Le Diamant noir" (1922) d'André Hugon, "Le petit Jacques" (1923) de Georges Lannes et Gustave Raulet ou de drames "La Vierge Folle" (1928) de Luitz Morat, des sérials "Les premières armes de Rocombole" (1923) de Charles Maudru. La comédienne Berthe Bovy devient sa femme en 1923, et divorceront en 1927.

En 1928, Marcel Pagnol lui propose d'incarner Marius, héros de la pièce dont les répétitions doivent commencer au Théâtre de Paris, Raimu qui pèse de tout son poids sur l'avenir du spectacle s'esclaffe et tonitrue. Choisir un parisien, de surcroît huguenot, pour ce pur produit du Vieux-Port?. Autant tourner la page en haussant les épaules. Pagnol persiste. La querelle s'enfle. Fresnay s'éloigne en douceur, gagne Marseille où il flâne sur la Canebière et pointe l'oreille dans les bars à matelots. De retour, ayant rêvé au personnage, il impose un Marius à l'accent savoureux, au réalisme discect, nimbé par instants de la poésie des grands départs et des terres lointaines. La comédie prend le large pour cinq cent treize représentations. La composition de Fresnay est appréciée à sa juste valeur et l'ex-sociétaire trouve un inoubliable partenaire en Raimu qui a su s'incliner. Le cinéma lance vite sa patte sur "Marius" (1931) tourné par le cinéma d'origine hongroise Alexandre Korda comme il annexera "Fanny" (1932) deuxième volet de la saga, de Marc Allégret, en attendant que "César" (1937) spécialement écrit pour l'écran, et mise en scène par son auteur : Marcel Pagnol qui boucle ainsi la trilogie. Fresnay qui, au théâtre n'a pas gardé dans "Fanny" son rôle habituel tient sa place dans les trois films.

L'acteur restera toujours réservé par rapport au cinéma. Sur la fin de sa vie, il confiera dans ses entretiens avec Possot : "Si je me définis comme n'appartenant pas au cinéma, c'est par opposition par exemple à Gabin, à Fernandel, qui ont été des gens comme le sont aujourd'hui Belmondo et Alain Delon. Ils appartiennent à cet art là, ce qui n'a pas été mon cas. Le théâtre va bouleverser l'existence de ce romantique qui se défend de l'être, de cet amoureux passionné des femmes (Rachel Berendt d'abord), Berthe Bovy ensuite (elle fut la partenaire de Fernandel en incarnant sa tante dans "L'armoire volante).

Sacha Guitry l'avait engagé en 1927 pour tenir le rôle principal de la pièce "Un miracle". Quatre ans après, il lui fait signe pour reprendre "Nono" à la Madeleine et y créer Frans Hals ou "l'Admiration". L'admiration, en effet. Yvonne Printemps qui ne jouait pas dans "Un miracle" surgit tout à coup. Éblouissante dans ses toilettes de Lanvin, fourrures, capelines, maîtrisant ses toutous pomponnés, parfumée et en diamantée. La bouche gourmande, le sourire en arc de cercle, les yeux malicieux : Fresnay est subjugué. La déesse fatiguée de son impérial époux, s'échappe parfois de son Olympe  mais y revient en méditant d'autres escapades. Elle jauge et juge son partenaire en lui donnant la réplique : Adrien Van Ostade (Fresnay), peintre de talent, a pour compagne la fraîche Annette (Printemps) et pour maître vénéré l'amirable Frans Hals (Guitry) qui sait parler à ses futures conquêtes. Adrien n'écoutant que son enthousiasme lui livre en quelque sorte Annette. Elle reparaît, pleurante, au troisième acte. Le naïf Adrien, trop grand admirateur de Hals, sent fondre sa rancune et pardonne à l'infidèle.

En coulisses, les données sont inversées. Yvonne s'éloigne de Sacha, envoûte Pierre. Le courant passe, l'étincelle se propage. Un grand amour vient de naître, provoquant les murmures du Tout Paris. Il va durer quarante-cinq ans en dépit du caractère cassant de la vedette adulée, grâce à l'exquise correction de celui qui, toujours lui cédera le pas, aussi bien sur scène que dans les studios où elle s'ennuyait. L'un et l'autre vont symboliser le couple idéal, depuis "La Dame aux camélias" (1934) d'Abel Gance, Yvonne y soupire dès mélodies de Reynaldo Hahn, jusqu'au "Voyage en Amérique" (1951) de Henri Lavorel : conclusion sans grand prolongement d'un parcours doucement élégiaque. Le meilleur de la collection reste "Trois Valses" (1938) de Ludwig Berger, inspiré par le triomphe du spectacle présenté aux Bouffes-Parisiens. Trois variations : Second Empire, Belle Epoque, Aujourd'hui, qui permettent à deux générations d'amants de jouer à cache-cache. Trois tableaux de genre exécutés avec raffinement et menés tambour battant. Yvonne Printemps y prodigue ses oeillades, ses artifices, son art de décocher la réplique, de piquer la note, de rire en cascades, de transformer en perles les larmes. Pierre Fresnay dut et sut s'effacer, lui qui ne chantait pas et ne dansait guère, mais savait donner du relief à des personnages sans aspérités.

Une convention le liait à sa partenaire : ne jamais interpréter de scène d'amour avec une autre actrice. "Sous les yeux d'Occident" (1936) de Marc Allégret avec Michel Simon, Pierre Renoir et Jean-Louis Barrault, "Koenigsmark" (1935) de Maurice Tourneur, "Mademoiselle Docteur" (1937) de G.W. Pabst confirment l'accord. "La Bataille silencieuse" (1937) de Pierre Billon, "Le Puritain" (1937) de Jeff Musso, "Chéri-Bibi" (1937) de Léon Mathot renforcent la décision, pour ne rien dire des aventures martimes et pacifistes d' "Alerte en Méditéranée" (1938) de Léo Joannon et de "La Charette fantôme" (1939) de Julien Duvivier au côté de Louis Jouvet.

Se rappeler sa création du capitaine de Boëldieu dans "La Grande Illusion" (1937) de Jean Renoir, il humanisa le rôle prévu pour Jouvet en glissant les rapports avec ses compagnons de captivité la barrière d'un distante politesse. Renoir aurait souhaité qu'il caricaturât le fringant officier, Fresnay le joua en aristocrate lucide, secouant la nostalgie d'une classe qui s'éteint en conservant la fierté. On perce là le secret de la sensibilité d'un acteur jouant du panache ans outrance et enfilant des gants pour mourir. 

Le point de vue adopter par le comédien pendant l'Occupation surprit et choqua certains de ses admirateurs. Il tourna pour la Continental franco-allemande quatre productions de qualité. Ses compositions pleines d'humour de l'inspecteur Wens dans "Le Dernier des six" (1941) de Georges Lacombe à "L'Assassin habite au 21" (1942) de Henri-Georges Clouzot annoncèrent un nouveau traitement du film policier. Il sacrifia à la vogue du fantastique avec le peintre halluciné de "La Main du diable" (1942) de Maurice Tourneur et participa au tournage du "Corbeau" (1943) de Clouzot, film capital, d'une efficace méchanceté dans sa dénonciation des anonymographes. Il entra malaisément dans son rôle, si éloigné, a-t'il dit, de sa propre personnalité. Il parvint pourtant à rendre véridique ce médecin rongé par le remords, dévoré d'inquiétude, tâtonnant à la recherche de la vérité, accablé par la pourriture ambiante. Il avait dit également avec une savante retenue et l'ironie en filigrane, le commentaire sur la petite ville qui ouvre "Les Inconnus dans la maison" (1941) d'Henri Decoin :peut-être le meilleur moment de ce film écrit encore par Clouzot. Ses autres participations d'alors tiennent moins bien la route. Pour "Le Briseur de chaînes" (1941) de Jacques Daniel-Norman, Fresnay endosse la veste à brandebourgs du directeur d'un cirque ambulant, catalyseur d'un récit un peu trop verbeux. Il est confronté à trois enquêtes journalistiques d'un intérêt relatif dans "Le journal tombe à cinq heures" (1942) de Georges Lacombe. Sous la casquette d'un petit truand, il émeut une assistante sociale mais réserve ses faveurs à la petite soeur qui lui indiquera le droit chemin dans "L'escalier sans fin" (1943) de Georges Lacombe, rappel honnête du cinéma populiste. La pièce d'Anouilh "Le voyageur sans bagage" transposée à l'écran excita la curiosité. On déchanta. Tourné en extérieurs dans les rues de Senlis desservit le côté cocasse et grinçant de cette histoire d'amnésique à la recherche d'un passé malfaisant.

On lui recherche querelle à la Libération. Il accepte un emprisonnement de six semaines avec fatalisme et sérénité. Faute d'éléments, on referme son dossier. Courageusement il reparaît sur scène, dédaigneux des coups de sifflet. Il explique ses raisons : sauver le cinéma français en acceptant les diktas de la Continental et il reconnaît son erreur d'avoir spéculé sur l'ordre et la correction nazis. On l'écoute et si son retour dans les studios provoque encore des mouvements divers, il repart pour un long tour de piste, trop long sans doute. Pierre Fresnay joue d'abord les repris de justice s'accommodant d'une personnalité usurpée "La Fille du diable" (1945) de Henri Decoin, "Le Visiteur" (1946) de Jean Dréville. Après le succès de "Monsieur Vincent" (1947) de Maurice Cloche où, par petites étapes, il suit le chemin de saint-Vincent de Paul avec toute la ferveur voulue, mêlant humilité et ténacité pour parvenir, cassé et tassé, aux portes de la sainteté, il sculpte l'effigie de Didier Daurat, créateur de l'Aéro-Postale "Au grand balcon" (1949) de Decoin, réssuscite "Monsieur Fabre", l'entomologiste émerveillé réalisé par Henri Diamant-Berger, tente d'évoquer le célèbre médecin dans "Il est minuit Docteur Schweizer" (1952) de André Haguet et adopte l'accent tudesque d'Offenbach. Il est aussi avec beaucoup de sérieux le moine Théotime de "Barry" (1948) de Richard Pottier, film à la gloire des chiens Saint-Bernard. Dans "Dieu a besoin des hommes" (1950) de Jean Delannoy, il entre avec délectation dans la peau du sacristain que les circonstances contraignent à évangéliser les paroissiens de 'l'île de Sein. Pour en finir avec ses histoires de religion ou de religiosité, il tombe dans le piège du film-choc machiné par Léo Joannon : Fresnay se réclamant toujours de l'amitié manifestait pour le réalisateur une coupable indulgence. Le sujet délicat du "Défroqué" (1953) devient flamboyant mélo. Le comédien s'en aperçoit trop tard, alors qu'il réchauffe lui-même de vieilles recettes de théâtre. Il surestime certains réalisateurs : Yves Cimpi "Un grand patron" (1951), Jean Delannoy "La Route Napoléon" (1953), Denys de la Patellière "Les Aristocrates" (1955). "Les Evadés" (1954) de Jean-Paul le Chanois tentent de renouveler un aspect du film de guerre.... Son dernier film fut "Les Vieux de la vieille" (1960) de Gilles Grangier aux côtés de Jean Gabin et Noël-Noël. C'est avec un sentiment de déception qu'il abandonne définitivement le cinéma en 1960.

Heureusement, sa passion pour le théâtre lui a toujours permis de compenser ce sentiment de frustration. Les dernières années du comédien le ramenèrent aux grands textes. Il s'y consacra par admiration pour Valery, pour Giraudoux, pour Diderot et pour Montherlant, heureux d'y trouver la quintessence de la langue française. La télévision reprit ses hommages à "Mon Faust", au "Neveu de Rameau". Fresnay lui accorda l'image sympathique du "Jardinier" réalisé en 1973 par Antoine Léonard sur un argument de François Possot : le réalisme devenait tout à coup merveilleux. Il avait autrefois traversé le temps d'une scène "L'Homme qui en savait trop" (1934) de Alfred Hitchcock, mais il déclina les propositions d'Orson Welles relatives au "Procès", à "Beckett". Pierre Fresnay meurt le 9 janvier 1975 à l'âge de 77 ans à l'hôpital américain de Neuilly. Son décès fut amplement commenté , Valery Giscard d'Estaing, alors Président de la République, assista aux obsèques. Veuve inconsolable, Yvonne Printemps se voila dans son chagrin et mourut deux ans plus tard. 

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Le Corbeau (1943) 

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Monsieur Fabre - Bande annonce

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                                                                    1960 

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Certaines affiches sont la propriété : Affiches-cine.com nema-français.fr - cinetom.fr

 

 

 

___________________Claudia Cardinale__________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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