RAOUL WALSH, LE GOUT DE L'AVENTURE
RAOUL WALSH 1887 - 1980
Cinéaste, Producteur Américain
Raoul Walsh est né le 11 mars 1887 à New York. Son père Thomas Walsh était Irlandais, il avait fui l'Irlande avec ses trois frères après avoir fait évader le grand-père du cinéaste, militant nationaliste enfermé par les Anglais dans une prion de Dublin. L'évasion, au cours de laquelle les quatre frères n'avaient pas hésité à faire le coup de feu avec les gardiens de la prison, pourrait constituer le clou d'un excellent film d'aventures : c'est en tout cas avec beaucoup de verve que Raoul Walsh en rapporte les pittoresques péripéties dans ses mémoires intitulés : "Un demi-siècle à Hollywood" aux Éditions (Calmann-Lévy,1976). Leur coup réussi, les quatre Irlandais trouveront refuge en Espagne (la mère du cinéaste était espagnole), puis aux Etats-Unis où Thomas Walsh épousera une Américaine aux lointaines origines irlandaises et créera à New York une prospère entreprise de prêt-à-porter.
Raoul Walsh fut, durant son enfance, baigné dans une atmosphère familiale particulièrement favorable au développement de sa vocation; son frère George allait devenir un très bon acteur du cinéma muet, et ses parents recevaient fréquemment à dîner un comédien nommé Edwin Booth, dont le prestige se trouvait singulièrement rehaussé, aux yeux du jeune Raoul, par le fait qu'il n'était autre que le frère de John Wilkes Booth, l'assassin de Lincoln ! Ironie du destin, c'est précisément le rôle de ce dernier que tiendra Walsh dans "Naissance d'une Nation" (The Birth of a Nation,1915) de D. W. Griffith. De 1913 à 1915, Walsh interprète une trentaine de films.
Epris d'indépendance, attiré par les voyages et possédé par le démon de l'action, Raoul Walsh s'en ira tenter l'aventure à l'Ouest avant d'entamer une carrière cinématographique : ses talents de cavalier et son intrépidité lui vaudront d'être engagé par le français Emile Couteau dans "The banker's Daughter" (1913). A New York, puis en Californie, Raoul Walsh va interpréter toutes sortes de rôles dans des mélodrames, des westerns, des films policiers ou des oeuvres plus ambitieuses comme la "Carmen" (1914) de William Christy Cabanne, d'après la nouvelle de de Mérimée. Mais très vite, c'est par ses mises en scène que le petit-fils du révolutionnaire Irlandais va s'imposer à Hollywood. Si bien qu'en 1914, David Wark Griffith l'expédie au Mexique pour tourner "The Life of General Villa", une biographie de Pancho Villa, suivre le héros mexicain sur le champ de bataille et filmer le reste en studio (il interprétera lui-même le rôle de Pancho Villa jeune.
Longtemps méconnu en France, Raoul Walsh a été l'objet d'une véritable découverte à la fin des années 50 et au début des années 60. Cette découverte, consacrée par la publication d'un numéro spéciale de la revue "Présence du cinéma" (mai 1962) et par la promotion des principaux films parlants du cinéaste, a également permis aux cinéphiles français de faire connaissance avec l'une des plus séduisantes personnalités de la cinématographie américaine, et donc Jack Warner disait : "Je vais vous dire ce qu'est une tendre scène d'amour pour Raoul Walsh : mettre le feu à un bordel...
La lecture de "Un demi-siècle à Hollywood" ne laisse pas, à cet égard , d'être délectable, l'auteur excellent à raconter les truculentes anecdotes qui lui valurent, à Hollywood, un prestige quasi légendaire. Il ne dédaignait pas, à vrai dire, de cultiver un personnage d'aventurier, amateur de sensations fortes et d'initiatives saugrenues, comme il se fit percer le nez dans la meilleure tradition polynésienne, lors du tournage d' "Un drame en Polynésie" (Lost and Found on a South Sea Island,1923). Grand buveur, compagnon favori d'Errol Flynn et de John Barrymore, Raoul Walsh évoquait volontiers l'histoire de l'accident qui, en 1929, lui fit perdre l'oeil droit : un gros lièvre avait traversé le pare-brise de son automobile....
Si la période parlante de l'oeuvre de Raoul Walsh demeure aujourd'hui la mieux connue, il n'empêche que certains films muets attestent déjà le style d'un très grand cinéaste. Parmi ceux qu'il est encore possible de voir (beaucoup d'autres ont disparu), quatre au moins méritent une mention particulière. La célébrité du "Voleur de Bagdad" (The Thief of Bagdad,1924) repose largement sur l'interprétation athlétique de Douglas Fairbanks et sur l'exceptionnelle qualité des effets spéciaux. Mais la trouble sensualité qui enveloppe le personnage incarné par la délicieuse Anna May Wong est tout aussi importante, et doit tout à l'imagination du réalisateur. Quant à "L'enfant prodigue" (The Wanderer,1926), il s'agit d'un film inspiré de la fameuse parabole biblique, et qui offre des séquences splendides, très caractéristiques des penchants exotiques de Walsh. Tiré d'une pièce pacifiste de Laurence Stallings et Maxwell Anderson, "Au service de la gloire" (What Price Glory,1926), devient une farce succulente où, quand les combats leur en laissent le loisir, Victor McLaglen et Edmund Love se disputent les charmes malicieux de Dolorès Del Rio. Ce film ouvertement rabelaisien devait d'ailleurs puissamment contribuer à la réputation de gaillardise dont Raoul Walsh bénéficiera jusqu'à sa mort : C'est ainsi que pendant le tournage d' "Esher et le roi" (Esther and The King,1960), il aurait demandé à son accessoiriste de placer un symbole phallique dans chaque décor!.
Mais "Faiblesse humaine" (Sadie Thompson,1928), première adaptation cinématographique du livre célèbre de Somerset Maugham, est encore plus symptomatique : le film est en effet centré sur le refoulement sexuel, thème que le cinéaste abordera à de nombreuses reprises, et notamment dans "Un roi et quatre reines" (The King and Four Queens,1956) éblouissante fable érotique en forme de western.
L'avènement du parlant n'allais poser absolument aucun problème d'ordre esthétique à ce metteur en scène au tempérament décidément très positif. Évoquant la fin du muet, Raoul Walsh devait raconter, dans un entretien réalisé en 1966 par Hubert Knapp et A. S. Labarthe pour la télévision française : "Quelques-uns des plus fameux metteurs en scène se réunirent et dirent : "Nous avons crée un moyen d'expression et ne nous ne marchons pas. Nous ne lâcherons par notre moyen d'expression. Dès 1929, il signe son premier chef-d'oeuvre avec "La Piste des Géants" (The Big Trail), somptueuse et tumultueuse fresque "westernienne" avec John Wayne dans son premier grand rôle. Mais ce qui frappe surtout l'historien, c'est la continuité de son inspiration. L'héroïne de "Faiblesse humaine" interprétée par Gloria Swanson trouvera de multiples prolongements dans des films élégiaques ou tragiques, entièrement voués à la célébration de personnages féminins en quête de leur indépendance et de leur intégrité. Si les héroïnes de John Ford oscillent entre la maman et la putain, si celles d'Howard Hawks sont le reflet d'une extraordinaire misogynie, celles de Raoul Walsh sont parées d'une énergie rayonnante. Peu de cinéastes ont parlé de la femme avec autant d'honnêteté, et de clairvoyance et de générosité pudique que cet adepte de la gaudriole et du coup de poing : dans "Le Passeport jaune" (The Yellow Ticket,1931) dans "Une Femme dangereuse" (They Drive by Night,1940), dans "L'esclave libre" (Band of Angels,1957) mais surtout dans ces deux oeuvres bouleversantes que sont "The Man I Love" (1946) et "Bungalow pour femmes" (The Revolt of Mamie Stovern1956), respectivement interprétés par Ida Lupino et Jane Russell.
En réalité la personnalité colorée du cinéaste a relativement nui à une connaissance en profondeur de son oeuvre. L'espèce de vitalité nietzschéenne qui l'anime est souvent nuancée, en effet, par un sentiment tragique qui donne à bon nombre de ses personnages masculins une vulnérabilité poignante : le trop-plein d'énergie peut en effet les écraser. Un exemple convaincant en est fourni par "L'enfer est à lui" (White Heat,1949), où James Cagney meurt dans un geste de défi apocalyptique et suicidaire.
Cinéaste dionysiaque et apollinien tour à tour, Raoul Walsh a spontanément retrouvé les ressorts fondamentaux des grandes tragédies classiques où les héros, condamnés par un fatum implacable, luttent jusqu'à leur dernier souffle pour réaliser une certaine idée d'eux-mêmes. L'admiration que le cinéaste n'a jamais cessé de vouer à l'oeuvre de Shakespeare n'est sans doute pas étrangère à la réussite de films aussi denses et aussi puissants que "La Charge fantastique" (They Died With their Boots on,1942) dans lequel Errol Flynn incarne le Général Custer lucide et crépusculaire à la veille de la défaite de Little Big Horn, ou que le sublime "Fille du désert" (Colorado Territoryn1949) où Joel McCrea et Virginia Mayo meurent enlacés sous les balles, tels les deux héros des "Amants de Kandahar" de Gobineau.
Les héros les plus émouvants de Walsh sont ainsi entraînés dans une recherche perpétuelle de leur identité, tel celui qu'interprète Robert Mitchum dans "La Vallée de la peur" (Pursued,1947), étrange western dont le réalisateur dira que "c'était presque une histoire de fantômes". Et pourtant, rien de moins intelectuel, rien de moins pschologique, rien de moins cérébral que ce film d'une limpidité formelle exemplaire, et où les tréfonds kes plus secrets de l'être surgissent en gestes simples et lumineux. C'est que dans "La vallée de la peur", oeuvre aux résonances éminemment shakespeariennes, l'art de Raoul Walsh n'est pas fondamentalement différent de celui, tout en bonheur et en allégresse, de "Gentleman Jim" (1942) (Nous utilisâmes le plateau 22, le plus grand du studio, pour filmer le combat de boxe (...) le chef opérateur, cherchant à économiser de l'argent sur la figuration, dressa une toile de fond sur laquelle il peignit 500 spectateurs en train d'assister au match. Mais la guilde des acteurs eut bientôt vent des personnages peints sur la toile et nous obligea à la retirer et à la remplacer par de vrais figurants. Errol Flynn et Ward Bond se donnèrent tellement à fond dans le combat que les figurants applaudirent pour de bon". Raoul Walsh, "Un demi siècle à Hollywood", Calman-Lévy) ou de réalisations plus mineures, mais savoureuses, comme "Les Faubourgs de New York" (The Bowery,1933) ou "The Srawberry Blonde",1941).
Mais en quoi consiste, précisément l'art de Raoul Walsh? D'abord en un sens dramatique incomparable, qui lui permit, par exemple, de remplacer le médiocre et obscur Bretaigne Windust sur le tournage de "La Femme à abattre" (The Enforcer,1951), et d'en faire l'un des sommets du film noir américain. Ensuite en un instinct cinématographique total, qui vise à exalter un accord immédiat entre l'homme et le monde. Il y a un héros walshien, dont la manifestation prend une dimension proprement tellurique dans "Les Nus et les Morts" (The Naked and the Deadn1958), où l'héroïsme guerrier pousse les héros aux lisières incertaines de la bestialité, les scènes de carnage trouvant leur pendant dans un stupéfiant "strip-tease" de Lily Saint-Cyr.
Humphrey Bogart et Ida Lupino devinrent des acteurs confirmés avec "Une femme dangereuse" mais aussi avec "La Grande évasion" (High Sierra), tous deux de 1940. Au cours des années passées à la Warner, on se souvient de Walsh dirigeant Errol Flynn ou James Cagney. Après la brouille entre Flynn et le cinéaste Michael Curtiz, Raoul Walsh devient le réalisateur préféré de l'acteur, entre autres pour "La charge fantastique", "Gentleman Jim, un film de guerre, "Aventures en Birmanie" (Objective Burma,1945) (Ce film de guerre, typique de l'époque n'est guerre favorable aux japonais, présentés comme des brutes sadiques, dénués de tout sentiment, devant être exterminés comme des animaux nuisibles ! mais c'est l'une des meilleures réalisations de Walsh malgré que celui-ci ne resta à l'affiche en Angleterre qu'une semaine et ne put ressortir qu'en 1952!), il y eut aussi "Sabotage à Berlin" (Desperate Journey,1942), "Du sang sur la neige" (Northern Pursuit,1943) (Dans ses mémoires, le cinéaste notait, pour l'année 1943 : "J'expédiai trois petits films : "Intrigue en Orient" (Background to Danger), "Du sang sur la neige" et "Saboteur sans gloire" (Uncertain Glory) (In "un demi siècle à Hollywood", Ed Calmann Lévy,1976), et enfin en 1948, "La rivière d'argent" (The Silver River) qui clôtura leur collaboration avec sept films, Walsh fut sans doute l'un des réalisateurs à pouvoir exercer une certaine autorité sur l'acteur. Les deux hommes s'entendaient d'ailleurs fort bien. Flynn appelait Walsh "mon oncle". A l'époque de cette dernière collaboration, le metteur en scène et son acteur avaient conclu un marché : les jours de tournage, pas une goutte d'alcool avant 5 heures de l'après-midi (Flynn buvait de plus en plus) et si l'acteur avait correctement honoré son contrat, à la fin du travail, les deux amis allaient boire ensemble...
Le Voleur de Bagdad 1924 avec Douglas Fairbanks
Faiblesse humaine - 1928 avec Gloria Swanson
La Piste des géants - 1931 avec John Wayne
La Piste des geants ( extrait VO )
Les Faubourgs de New York -1933
1936
Empreintes digitales 1936
Artistes et Modèles 1937
Les Fantastiques années vingt -1939 co-réalisateur Anatole Litvak
L'Escadron noir - 1940 avec John Wayne, Randolph Scott
1941
High Sierra (1941 film) - Humphrey Bogart Ida Lupino Raoul Walsh -
L'entraineuse fatale - 1941
1942
Du sang sur la neige - 1943 avec Errol Flynn
Saboteurs sans gloire - 1944 avec Errol Flynn
1945
1946
1947
1948
Les Géants du ciel - 1948
La fille du désert - 1949
1949
1951
Une corde pour te pendre 1951 avec Kirk Douglas
Capitaine sans peur - 1951 avec Gregorey Peck
Le monde lui appartient - 1953 avec Gregory Peck
1953
Victime du Destin - 1953 avec Rock Hudson
Bataille sans merci - 1953
1954
1955
1956
1957
1958
1959
Les Déchaînés - 1959
1960
1961
1964
___Maureen O'Sullivan___________________