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22 février 2015

DAVID WARK GRIFFITH, LE LANGAGE DU SEPTIÈME ART

        DAVID WARK GRIFFITH                    1875 - 1948   

          Cinéaste, Producteur Américain   

   

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David Wark Griffith est né le 22 janvier 1875 dans une ferme de Crestwood (Kentucky), de son véritable nom Llewelyn Wark Griffith était d'une excellente famille sudiste. Son père, le colonel Jacob Griffith, était un héros de la guerre de Sécession, célèbre pour avoir, alors qu'il était blessé, commandé une charge victorieuse. La vie familiale du jeune Griffith semble avoir été guidée par des préceptes moraux et religieux très stricts. "Mes parents guidaient toujours nos études et nos pensées vers ce qui était noble et grand en littérature", dira-t'il plus tard; dès l'âge de six ans, il était décidé à devenir "un grand homme de lettres".

A ses débuts dans la vie active, il fut, entre autres, vendeur de "L'Encyclopedia Britannica"; cueilleur de houblon, journaliste et critique dramatique à Louisville. Il fut aussi acteur dans des troupes itinérantes, sous le nom de scène de Lawrence Griffith. Il écrivit une pièce, "The Fool and The Girl", qui fut montée à Washinghton et à Baltimore en 1907, mais sans grand succès. Emmené pour la première fois par un ami à une séance de cinéma, il jugea la chose "absurde", fastidieuse, insupportable, tout homme qui y prend plaisir devra être fusillé à l'aube". Ce qui ne l'empêcha pas cependant d'aller proposer des scénarios aux studios Edison et Biograph installés à New York. Peu après, il était engagé comme acteur, avec son épouse, Linda Arvidson.  

Après avoir débuté en fabriquant des appareils Mutoscope, pour conccurencer les Kinetoscope d'Edison, la Biograph cherchait désespérément des sujets. Sur la suggestion d'un assistant de Billy Bitzer nommé Arthur Marvin (et qui se trouvait être le frère du directeur), le studio proposa à Lawrence Griffith, peu enthousiaste (ce n'est qu'une fois célèbre qu'il devint "David" ou "D.W.") de tourner l'adaptation d'une histoire du scénariste-maison Stanner Taylor, qui écrira plus tard bien des films d'une bobine réalisés par Griffith. Celui-ci reçut par ailleurs l'assurance qu'il pourrait reprendre son métier de comédien si le projet avortait. "Les Aventures de Dollie" (The Adventures Of Dollie,1908) mettait en vedette Linda Arvidson et Arthur Johnson, un jeune homme sans aucune expérience du cinéma que Griffth abordé dans la rue, séduit par son allure. Marvin fut le directeur de la photographie de ce film, tourné en une semaine et dont la première eut lieu à New York, le 14 juillet 1908. Grâce à cette honorable succès, Griffith se vit offrir un contrat d'un an qui porta son cachet mensuel (presque inexistant jusque-là) à 500 dollars. A l'exception de quelques brèves apparitions quand le personnel venait à manquer Griffith ne devait plus passer devant la caméra.

Ces films d'une bobine abordaient tous les genres possibles, bien avant que ceux-ci aient été codifiés comme tels. En ces domaines, on peut dire que Griffith a presque tout inventé, exception faite de la féerie (dont les grands pionniers restent Georges Méliès et Thomas Edison) et de la grande fresque épique, qu'il abandonna aux metteurs en scène italiens, tant qu'il n'eut pas les moyens financiers nécessaires pour les surclasser.

Parmi tous ces "genres", on trouvait la comédie burlesque (ainsi "The Curtain Pole"  (1909), qui est l'un des premiers slapstick, et qui, après les burlesques français, ouvrait la voie aux films de Mack Sennett, protégé de Griffith à la Biograph), le suspense, le western, les histoires de gangsters, le drame réaliste social, le mélo romantique, le récit d'aventures, le film de guerre. Griffith réalisa également certaines adaptations d'oeuvres littéraires (pas toujours reconnues comme telles) d'après Tolstoï, Fenimore, Cooper, Guy de Maupassant, O'Henry, pour ne citer que quelques noms. Il suffit de consulter au hasard le catalogue Biograph pour relever une sidérante variété de titres : en octobre 1908, par exemple, sortirent  "The Devil", "Coeur de Zoulou" (The Zulu's Heart), "Father Gets in the Game", "Ingomar" (The Barbarian Ingomar), "La Femme du planteur" (The Planter's Wife), "Le Roman d'une juive" (Romance of a Jewess), "L'Appel de la fôret" (The Call of the Wild) et "Cacher un voleur" (Concealing a Burglar)!

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Aujourd'hui, seuls quelques-uns de ces films bénéficient encore d'une véritable renommée, alors que nombre de titres mériteraient eux aussi de retenir l'attention. Parmi ceux qui sont le plus souvent cités, on retiendra "Pippa Passes", premier film analysé par le New York Times (dans son numéro du 10 octobre 1909); un classique avec Mary Pickford (voir sa biographie), "La Villa solitaire" (The Lonely Villa,1909), histoire à suspense dans laquelle une famille est retenue prisonnière dans sa propre maison par un malfaiteur armée: "La Télégraphiste de Lonedale" ( The Lonedale Operator,1911), où le cinéaste fit monter la caméra sur une locomotive afin de suivre la lutte entre l'héroïne (Blanche Sweet) et un gang de pilleurs de trains; "Genèse humaine" (Man's Genesis,1912), enfin, parabole située à l'âge de pierre, dans laquelle on aperçoit un des premiers dinosaures de l'histoire du cinéma en train de folâtrer dans le décor.

Outre le fameux logo "AB", inscrit sur tous les arrières-plans afin de protéger le copyright, tous ces films se distinguent par le sens du rythme et la rapidité de l'action. Souvent conçus à partir d'un simple canevas, et parfois même en fonction d'un changement de temps; comme une récente chute de neige, ils étaient totalement improvisés sur le plateau. Quant aux intertitres, que Griffith allait utilisés de façon plus élaborée et plus active qu'avant, ils se substituaient à des action inutiles ou fastidieuses, propulsant le récit d'un temps fort à l'autre. Les mariages étaient célébrés; brisés et réparés en dix minutes, les guerres déclarées et perdues à l'intérieur du même plan. Ces conditions de production insensées expliquent qu'une grande part des films de Griffith ressemblent à une course contre le temps; devant montrer des évènements bien distincts, mais liés entre eux, il n'y avait qu'une seule solution logique : le montage parallèle.

En dépot des réticences des patrons du studio, la vitalité du montage griffithien ne semble jamais surprendre les spectateurs :"J'ai emprunté l'idée à Charles Dickens, déclara le cinéaste. Pour les romanciers, il est courant d'abandonner des personnages en pleine action et de revenir en arrière pour raconter d'autres évènements vécus par d'autres personnages. Je me suis aperçu que le cinéma pouvait rendre compte, non de deux, mais de trois ou quatre intrigues, différentes, simultanément et sans plonger le spectateur dans la perplexité."

Avec l'expérience, Griffith se fit de plus en plus ambitieux. Ses scénarios devenaient plus élaborés, son équipe plus importante et ses budgets de plus en plus lourds pour la Biograph. Ses derniers films d'une bobine (et parfois de deux, en dépit de la conviction des producteurs que le public était incapable de supporter une durée plus longue.) donnaient de plus l'impression d'être des croquis, ou des épisodes, pour des projets bien plus vastes. "La Bataille" (The Battle,1911) apparaît aujourd'hui comme une première esquisse de "Naissance d'une nation". "Coeur d'Apache" (The Musketeers of Pig Alley,1912) annonce l'histoire contemporaine d'"Intolérance". Quant à "Coeur d'Apache", tourné à New York en septembre 1912, fait partie de l'abondante production de Griffith (plus de 450 courts métrages d'une ou deux bobines tournés entre 1908 et 1913.

Le scénario, selon certaines sources aurait été écrit par Anita Loos. On y trouve esquissés certains thèmes du "Lys brisé" (1919) et de "La rue des rêves" (1921) : milieu mal famé, famille pauvren jeune fille à la merci des tentations de la rue...Une touche de naturalisme imprègne cette historiette, joliment contée, dont les extérieurs ont été tournés dans le quartier pauvre le l'East Side de New York. C'est l'un des tout premiers films où paraît Lillian Gish, future vedette des grands films de Griffith. Sa soeur Dorothy fait une brève apparition.

On ne sait pas au juste quand D.W. Griffith eut la première idée de sa fresque épique sur la guerre de Sécession. Le projet, cependant commença à prendre forme un jour de 1914, lorsque Frank Woods, qui était responsable des scénarios, lui amena un exemplaire d'un roman de Thomas Dixon, "The Clansman". Griffith travaillait depuis peu pour la Mutual, dirigée par Harry Aitken, et ses premiers longs métrages avaient coûté en moyenne 10 000 dollars chacun. Il était donc raisonnable d'estimer le coût d'un film trois fois plus long à 40 000 dollars; les droits d'adaptation furent achetés par Dixon pour 2500 dollars, et Griffith, le récit en tête et l'argent en poche, se lança dans l'aventure.

Pour les scènes d'intérieurs, ainsi que quelques scènes extérieurs, il eut recours à son Fine Art Studio (l'ancien studio Kinemacolor), sur Sunset Boulevard. Aitken fit l'acquisition d'un terrain vacant de l'autre côté de la rue: c'est là que la ville sudiste fut bâtie. Pour le reste, on utilisa surtout des décors naturels : pour la séquence de la bataille de Pétersbourg, le seul grand affrontement du film (il y eut rarement plus de trois cents figurants), mais ils ont l'air infiniment plus nombreux), Griffith découvrit de vastes étendues près de Cahuenga Moutain.

Le tournage commença après dix semaines de répétitions. Par un hasard symbolique, on était le 4 juillet, jour de la fête nationale américaine. Les décors, les costumes et les salaires eurent tôt fait de dévorer les 40 000 dollars du budget initial. Aitken accepta de fournir 20 000 dollars supplémentaires, mais ils fondirent aussi vite, alors que Griffith n'en était qu'à peine à la moitié du film. Il lui fallut faire appel à des investisseurs privés: ceux qui acceptèrent n'eurent pas à la regretter, et se virent plus tard largement remboursés.

Les soeurs Gish participèrent pour 300 dollars et William Clune, le responsable de Los Angeles Auditorium, avança 15 000 dollars. On estime que le film a coûté environ 110 000 dollars. Le tournage avait demandé trois mois, le montage trois autres. On ne connaît pas le montant exact des recettes, car les chiffres précis ne sont établis que pour les grandes villes. Certains historiens avancent le chiffre de 50 millions de dollars. Quoi qu'il en soit, l'affluence des spectateurs fut énorme. 

Lors de la première représentation le 8 février 1915 à Los Angeles, le propos raciste du film provoqua des protestations dans le nord des Etats-Unis. Griffith dut supprimer environ un dixième de son métrage. Ces querelles firent de la publicité et pour sa sortie du 3 mars 1915 à New York, le film changea de titre, "The Clansman" devient "Naissance d'une nation" (The Birth Of a Nation). Cette superproduction, tournée du 4 juillet au 24 septembre 1914 marque la naissance du langage nouveau. Griffith inventait le montage narratif, l'utilisation de l'échelle des plans, les effets de caméra mobile, le suspense et le cinéma à grand spectacle.

Une autre réalisation de Griffith : "A Feud in the Kentucky (1912) anticipe à la fois "Le Massacre" (The Massacre,1913) et "Pendant la bataille" (The Battle of Elderbush Gulchn1914), deux films brillants et spectaculaires, qui eux-mêmes préparent la voie aux grandes épopées ultérieures. La rupture survint lors du tournage de "Judith de Béthlie" (Judith of Bethulia,1913): ulcérés par les folles dépenses de cette réalisation en quatre bobines, les responsables de la Biograph n'eurent d'autre choix que de licencier Griffith. Il partit donc, mais suivi de toute son équipe d'acteurs, décorateurs, assistants, ainsi que du camerama Billy Bitzer et du monteur James Smith. Tous passèrent à la Reliance-Majestic Company, dont la production était distribuée par la Mutual, où ils travaillèrent, d'avril à juillet 1914, à quatre films : "La Bataille des sexes" (The Battle of the Sexes) ciinq bobines tournées en cinq jours pour moins de 5 000 dollars; "The Escape", un mélodrame en sept bobines, voué à un sort malheureux et assez mal accueilli, "Home, Sweet, Home", en six bobines, qui combinait trois histoires différentes et pour la première fois rassemblait tous les acteurs de Griffith; "La conscience vengeresse" (The Avenging Conscience), enfin, un film assez surprenant d'après Edgar Allan Poe, en six bobines. En moins de six mois, Griffith et ses collaborateurs "bouclèrent" finalement "Naissance d'une Nation", "Intolérance" et "Le lys brisé" (Broken Blossoms,1919), "Le pauvre amour" (True Heart Susie,1919) et "Les deux orphelines" (Orphans of the Storm,1921) que des tentatives ambitieuses, mais inabouties, comme "Pour l'Indépendance" (America,1924) ou "Abraham Lincoln",1930), ou des films de moindre intérêt comme "Sally, fille de cirque" (Sally of the Sawdust,1925), "Détresse" (That Royle Girl,1925) et "Les chagrins de Satan" (Sorrows of Satan,1926), ce dernier pourtant somptueux.

Sa dernière réalisation "The Struggle" (1931) est une mise en garde, aussi sombre que sincère, contre les méfaits de l'alcoolisme. Ce fut à l'époque, un cuisant désastre commercial (la critique l'a depuis réhabilité), d'autant plus durement ressenti que Griffith, quelques mois auparavant, avait reçu l'Oscar du meilleur réalisateur pour son premier film parlant, "Abraham Lincoln". Il lui restait dix-sept ans à vivre, au cours desquels il ne fit plus aucun film : les studios évitaient comme la peste cet homme qui, à lui seul, avait créé l'industrie cinématographique, et le public l'avait oublié. Lorsque la D.W. Griffith Corporation fit faillite, ses films furent mis aux enchères; Griffith parvint à racheter les droits de 21 d'entre eux pour la somme dérisoire de 500 dollars.

"Pour nous, a dit Lillian Gish, sa plus grande vedette, M. Griffith était à lui seul l'industrie du cinéma. Elle est toute entière sortie de son cerveau." Toutes les histoires de Griffith reposent sur le thème obsessionnel de la vertu menacée. Il n'a jamais cessé de jeter ses jeunes amoureux, ses héroïnes innocentes et ses enfants sans défense dans des pièges dont ils ne parvenaient pas à s'échapper qu'à la dernière minute. Pétri de romantisme noir à la Dickens, il croyait fermement, un peu naïvement peut-être, que se distraire et s'instruire allaient depair, que la jeunesse et la beauté n'ont d'autre justification qu'elles-mêmes, non seulement la beauté du corps et du visage, mais aussi celle du caractère et du comportement. De telles convictions ne résistèrent pas longtemps face au cynisme croissant de l'époque. Griffith pourtant ne cessa d'y croire passionnément. "Nous jouons pour le monde entier" déclara-t'il un jour, joyeusement à son équipe. "Nous sommes au-delà de Babel, au-delà des mots. Nous avons trouvé un langage universel, un pouvoir qui peut rendre les hommes frères et mettre à jamais fin à la guerre.

David Wark Griffith meurt le 23 juillet 1948. Son influence gigantesque avait faire à Sergei M. Eisenstein : "C'est Dieu le père, il a tout crée, tout inventé. Il n'y a pas un cinéaste au monde qui ne lui doive quelque chose. Quant à moi, je lui dois tout."  

 

         

                                                       1911

 

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                                                    1913 

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                                                   1914 

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                                            Naissance d'une Nation - 1915

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The Birth of a Nation (1915 film by D.W Griffith)

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                                                           1916

 

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1916 D.W. Griffith - "Intolerance" (Babylon 539 B.C. sequence highlights)

 

                                                           1919 

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                                 A travers l'orage - 1920  

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                  Sally, fille de cirque - 1925 avec W.C. Fields  

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                                Les Chagrins de Satan  - 1926 

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                                       Le Lys du Faubourg -1929

 

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                                            1931  

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     _____________________________Lillian Gish

 

 

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