DELPHINE SEYRIG, UNE COMÉDIENNE AU JEU EXTREMEMENT SUBTIL
DELPHINE SEYRIG 1932 - 1990
Actrice, Réalisatrice Française
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On lui a collé l'étiquette d'énigmatique inspiratrice des intellectuels français à cause de sa voix mélodieuse et de son physique distingué. Au début des années 60, deux actrices françaises accédèrent au rang de vedette de premier plan à la faveur de la nouvelle vague alors à son apogée. Si Jeanne Moreau était déjà fort connue, elle se révéla dans "Jules et Jim" (1962) chaleureuse, accessible, charnelle. Et puis il y eut Delphine Seyrig dans "L'Année dernière à Marienbad" (1961) d'Alain Resnais : froide, distante, presque irréelle. Parmi les multiples raisons qui expliquent l'engouement suscité par ce film; on pouvait y voir une éblouissante exploration des méandres du souvenir, ou un puzzle fascinant, l'interprétation de Seyrig fut déterminante.
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Luxueusement parée de robes conçues par Coco Chanel, elle n'était qu'un simple pion dans un jeu mortel où époux et amants se déchiraient pour savoir ce qui s'était réellement passé, l'année dernière, à Marienbad. Mais elle apportait au film une fragilité et un tressaillement douloureux qui l'empêchaient de sombrer dans l'intellectualisme gratuit ou le simple jeu formel. Elle fait plusieurs fois le même rêve horrible, et il y a alors dans ses yeux une souffrance, un besoin désespéré de croire que l'amour se cache quand même derrière toutes ces tentatives de faire d'elle la propriété exclusive d'un autre.
Delphine Seyrig est née le 10 avril 1932 à Beyrouth au Liban, de parents alsaciens. Elle vécut pendant la guerre aux Etats-Unis, puis se fixa à Paris où son père, archéologue de profession avait été nommé conservateur de musée. C'est là qu'elle fit ses débuts au théâtre en 1952; mais elle retourna en Amérique en 1956, où elle fit quelques apparitions sur scène, pour y suivre les cours de l'Actor's Studio. C'est ainsi qu'elle obtint son premier rôle à l'écran en 1959 dans un court métrage underground américain de Robert Frank intitulé "Pull My Daisy". Elle y sert de comparse à l'écrivain Jack Kerouac, qui improvise un commentaire sur le film. Bien qu'elle ait beaucoup joué à l'écran et dans toute sorte de personnages Delphine Seyrig reste avant tout une actrice de théâtre. "Je ne suis pas le genre d'actrice pour laquelle les gens font la queue", reconnait-elle, non sans une certaine humeur.
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On comprend mieux sa carrière déroutante quand on tient compte de son éducation cosmopolite, de sa volonté de sérieux, de sa formation avant tout théâtrale. "Je dois recréer tout le passé d'un personnage" explique-t-elle dans une interview : "Si ce passé n'existe pas, c'est moi qui l'invente. Je ne sais pas travailler autrement. Se servir, disons d'un briquet, n'a rien d'intéressant en soi; ce qui m'intéresse, c'est de m'en servir comme le personnage le ferait." C'est là un vieux principe de l'Actor's Studio, mais que Delphine Seyrig pratiquait avec une extrême subtilité. C'était un mélange délicat de familiarité, d'hésitation et d'attente qui rend si émouvante la scène, pourtant si brève, au cours de laquelle Dick Bogarde (dont elle fut la maîtresse) lui rend visite dans "Accident" (1967) de Joseph Losey.
C'est précisément à New York, alors qu'elle interprète "L'ennemi du peuple" de Ibsen qu'Alain Resnais la découvre. Son interprétation dans "L'Année dernière à Marienbad" lui vaut immédiatement la célébrité et, en 1963, elle obtient le prix d'interprétation féminine au Festival de Venise pour "Muriel ou le temps d'un retour" (1963) d'Alain Resnais. Resnais l'y soumet de nouveau aux caprices du souvenir, mais dans un contexte infiniment moins abstrait, beaucoup plus humain, et elle peut ainsi donner de l'héroïne un portrait mémorable, vibrant et passionné, celui d'une femme écartelée entre le souvenir d'un bonheur enfui et une souffrance terriblement présente, et qui cherche à réconcilier ces deux pôles de sa vie.
William Klein la dirigea dans "Qui êtes-vous Polly Maggo ?" (1966), on peut citer aussi la séquence de "Baisers volés" (1968) de Truffaut où, épouse respectable, elle séduit le jeune Antoine Doinel interprété brillamment par Jean-Pierre Léaud. Elle y fait preuve d'une impatience timide, que souligne son essoufflement : elle avait tenu à grimper les escaliers quatre à quatre avant le tournage de la prise. Il faut également rappeler sa collaboration avec Luis Bunuel : prostituée doublement marquée par la religion et l'esprit sacrilège de "La Voie lactée" (1969), femme du monde recevant à dîner dans "Le Charme discret de la bourgeoisie" (1972) entouré d'une pléiade de comédiens : Fernando Rey, Stephane Audran, Jean-Pierre Cassel, Bulle Ogier, Paul Frankeur, Michel Piccoli ou Claude Piéplu.
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"L'Année dernière à Marienbad" et "Muriel" démontrent suffisamment qu'elle à l'étoffe de ces stars capables de porter un film à elles toutes seules. C'est toujours un vrai plaisir de la voir, même dans les films secondaires où elle s'est plu à tenir des rôles divertissants : l'espionne sexy de "Mister Freedom" (1968) de William Klein, la bonne fée de "Peau d'Ane" (1970) de Jacques Demy, la femme vampire des "Lèvres rouges" (1971) de Harry Kümel. Pourtant les metteurs en scène ne l'ont pas toujours employée à bon escient. Marguerite Duras, dans "La Musica" (1967) et "India Song" (1975) (en héroïne sophistiquée), se borne à illustrer tel que le mythe Seyrig, que Fred Zinnemann dans "Chacal" (The Day of the Jackal,1973) et Don Siegel dans "Contre une poignée de diamants" (The Black Windmill,1974) transforment quant à eux en simple cliché. Il semble malheureusement que Delphine Seyrig manifeste trop de méfiance envers son propre talent, ce qui explique sans doute ses trop rares apparitions au cours des années suivantes.
Quant à la réalisatrice Chantal Akerman, elle réussit à donner à la comédienne toute une palette d'expressions intéressantes en femme de tous les jours dans "Jeanne Dielman, 23, Quai du Commerce, 1080 Bruxelles" (1976). Il ne faut pas oublier que Delphine Seyrig a toujours militée dans le mouvement féministe. A ce titre, il faut noter qu'elle a réalisé un film documentaire tourné en vidéo "Sois belle et tais-toi" (1981); où elle interview des actrices sur leur métier. "Mon espoir avec ce film, dit-elle, c'est qu'il changera le rapport des spectatrices et des actrices au cinéma." Elle avait quarante ans d'avance par rapport au mouvement né dans les années 2010-2020.
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En 1977, la comédienne retrouve Marguerite Duras avec qui, elle tournera "Baxter, Vera Baxter", puis enchaîne avec Jean-Louis Trintignant et Léa Massari dans "Repérages" (1977) du réalisateur suisse Michel Soutter et avec Simone Signoret et Jean Rochefort dans "Chère inconnue" (1980) de Moshé Mizrahi. Dans les années 80, Delphine Seyrig disparaît progressivement des plateaux de cinéma, seule la réalisatrice allemande Ulrike Ottinger la filme à trois reprises "Freak Orlando" (1981), "Dorian Gray im Spiegel der Boulevardpresse" (1983) et "Johann d'Arc of Mongolia" (1989). Quant à sa carrière théâtrale, celle-ci la conduira de Pinter ("C'était hier" (1971) aux côtés de Jean Rochefort et Françoise Fabian) à Pirandello, d'Arrabal à Peter Handke ("La Chevauchée du lac de Constance" avec Jeanne Moreau, Michael Lonsdale, Sami Frey et Gérard Depardieu). En 1976, Delphine Seyrig s'exile à Londres pour jouer le rôle-titre de la pièce de Rainer Werner Fassbinder "The Bitter Tears of Petra von Kant" Cette grande comédienne décède le 15 octobre 1990 à Paris, à l'âge de 58 ans. Elle inhumée au cimetière du Montparnasse.
*Affiches-ciné * Cinéma français * Cinetom
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