Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
CINETOM
3 janvier 2023

HENRI VIDAL, JEUNE PREMIER DU CINÉMA FRANCAIS DES ANNÉES 50

               

AA01HV11 (2)

           HENRI VIDAL           1919 - 1959

           Acteur Français

AA01HV12 (2)

Les statues meurent aussi. Le titre du célèbre film de Chris Marker définit, si on lui ajoute l'adverbe prématurément, le drame de cet acteur, tributaire d'une musculature digne de l'antique. Il souhaitait l'oublier et voulait s'imposer grâce à ses dons de simplicité et de sincérité. Se surestimait-il? L'écheveau des circonstances et des coïncidences ne l'a-t-il pas ligoté ? Et ses efforts pour s'en dépêtrer ne l'ont-ils pas conduit aux pires extrémités ? Qui peut le dire?. "Du taureau, il a le front bas, le cheveu bouclé court, l'œil profondément enchâssé, l'encolure, la compacité. Mais c'est un taureau à l'œil bleu, franc, merveilleusement vif (...) C'est ainsi que "L'Ecran Français" (no 130,23/12/47) décrivait Henri Vidal, le jeune comédien, né le 26 novembre 1919 à Clermont-Ferrand.

AA01HV3 (2)

 

 

Sa jeunesse turbulente se déroule sous le signe de la fantaisie. Etudes passables : à l'instar de Sacha Guitry, il est constamment renvoyé des institutions qui veulent bien l'accueillir. Il quitte à dix-sept ans sa famille et le Puy-de-Dôme natal et commence à ramer avec acharnement dans les remous de l'aventure théâtrale. Rien ne le rebute, ni la brièveté des rôles, ni les aléas des tournées, ni l'obligation de mettre souvent la main à la pâte. Son physique engageant et sa plastique d'athlète sont des précieux atouts.

Il décroche en 1938 le titre d'Apollon de la Côté d'Azur, ce qui va permettre au chroniqueur de l'Ecran Français d'ironiser un peu plus tard sur l'époque où il était avant tout "préoccupé de soutenir fermement la ligne de son menton". Il n'a pas tort de privilégier son image : figure bien sculptée, illuminée par le regard clair, bouche au large dessin, cheveux drus couleur d'ébène. Il n'hésite pas à se faire tirer le portrait que Georges Lacombe remarque chez Harcourt, photographe célèbre des artistes.

C'est l'été 1941, la production française commence à prendre sa vitesse de croisière. Le réalisateur convoque Henri Vidal pour un bout d'essai auquel assiste Edith Piaf, laquelle exige le jeune inconnu comme partenaire. Elle aussi débute dans le premier rôle de "Montmartre sur Seine" (1941). Le choix de Lacombe lui plaît. Henri Vidal s'incorpore dans la riche interprétation : Jean-Louis Barrault, Paul Meurisse, Roger Duchesne. La réunion de ces talents constitue le seul intérêt d'un film qui exploite sans vergogne le folklore usé de la Butte, au profit d'un scénario feuilletonesque et rebondissant. Vidal, la casquette du prolo sur le crâne donne vie sagement à un ouvrier encadreur. Il courtise la fille du patron, taquine l'accordéon et bénéficie de la protection de Piaf, fleuriste devenue étoile de la chanson, comme le veut la meilleure ou la pire des traditions.

Ses deux autres prestations pendant la guerre accentuent un mouvement esquissé dans "Montmartre sur Seine" qui rappelle celui du furet du Bois Mesdames : il a passé par ici - il repassera par là. Maurice, l'ombrageux encadreur, va, vient, disparaît, reparaît au gré de son humeur. Ces allers-retours dans le scénario se font sentir davantage avec "Port d'attache" (1942) de Jean Choux. Chômeur parisien, il épaule René Dary dans sa célébration du retour à la terre, puis succombe aux charmes d'une accorte paysanne. Il s'enfuit alors bourrelé de remords et on ne le revoit qu'à la fin, ému, repentant et applaudi par tous les villageois. Même processus de disparition à propos de "L'Ange de la nuit" (1942) d'André Berthomieu. Deux camarades sont séparés par la guerre, Bob joué par Henri Vidal, est porté disparu. L'autre, Jacques, revient aveugle des combats. La douce Geneviève s'était fiancée à Bob, elle se consacre désormais à Jacques, lui redonne goût à la vie et ne refuse pas de l'épouser. Coup du sort, Bob était prisonnier. Il revient, comprend le désarroi de Geneviève, l'anxiété de Jacques. Galant homme il s'incline et cède la place. Cette persistance d'absences répétées à son bon et son mauvais côté. L'acteur court le risque d'être carrément oublié et de compter pour du beurre, mais il bénéficie de l'émotion finale, d'un courant de sympathie et sa popularité s'en accroît.

AA01HV57 (2)

 

Henri Vidal apporte à ces silhouettes découpées dans "La Veillée des chaumières" la séduction et une photogénie très France Nouvelle. Dans l'exercice de son métier, il fait preuve de bonne volonté. L'acteur Robert Hugues-Lambert achève le tournage de "Mermoz" (1942) le film de Louis Cuny : une rafle le précipite à Drancy. Pour mener à bien une scène, le producteur sollicite Henri Vidal encore mal connu qui sera simplement photographié de dos. Les raccords vocaux sont médiocres. Robert Hugues-Lambert accepte d'enregistrer les dialogues derrière les grillages du camp et de prêter sa voix à son ersatz Henri Vidal. Tour de passe-passe avant la déportation de l'infortuné comédien qui trouve la mort en Allemagne. L'inclination à prendre la tangente se manifeste de façon plus subtile dans "Etrange destin" (1945) de Louis Cuny. Dans cet entremet, pas très léger et fortement sacchariné, le séducteur de Renée Saint-Cyr subit à la guerre un traumatisme crânien qui le rend amnésique. Il parvient en fin de compte à retrouver ses esprits au terme d'épisodes aussi fastidieux que lacrymaux. Habillé à la mode 1914 extraite des catalogues de la Belle Jardinière, puis pantelant, l'œil vague et la voix lasse, Henri Vidal donne d'abord dans l'exubérance, puis dans l'atonie qui voile l'azur de ses prunelles. Il exécute son double programme avec docilité, conscient tout de même que sa partenaire s'octroie la meilleure part du gâteau.

René Clément lui confie heureusement un bon rôle, celui du médecin de Royan embarqué de force sur un sous-marin nazi. La guerre s'achève, c'est l'apocalypse du IIIe Reich, et, à bord du submersible grouille le nœud de vipères d'Allemands fanatiques et de collabos prêts à tout pour sauver leurs peaux "Les Maudits" (1946). Henri Vida campe avec beaucoup de vraisemblance ce docteur rigide dans ses convictions, plutôt cabochard, emblème de l'esprit d'initiative des Français. Cela dit, il faut se rendre compte que, d'une part il sert de catalyseur favorisant les réactions survoltées des passagers de tout acabit et que, d'autre part, ce sont les problèmes techniques -filmer dans un décor de navire reconstitué à l'identique - qui excitèrent René Clément.

1948. Une importante coproduction franco-italienne s'élabore. Alessandro Blasetti a réuni pour "Fabiola", inspiré par le livre du cardinal Wiseman, quelques acteurs français autour de Michèle Morgan, indétrônable : Michel Simon, Louis Salou et Henri Vidal. Il avait suffi de se souvenir du physique de ce dernier pour lui offrir le rôle suggestivement dévêtu du rétiaire Rhéal, partagé entre son ambition de gladiateur et son honnêteté à suivre le précepte chrétien "tu ne tueras point". Henri Vidal en costume succinct, filet et trident bien en mains, devient la proie des photographes de plateau qui multiplient ses poses de face et de profil, l'air inspiré ou agressif, en plongée ou en contre-plongée. Un sentiment bien partagé l'unit à Michèle Morgan, touchante Fabiola. Deux ans plus tard ce sera le mariage. Henri Vidal voit alors se réaliser à demi le rêve qu'il poursuit : avoir pour partenaire Micheline Presle dans une comédie (souhait déçu) et Michèle Morgan dans un drame.

AA01HV52

 

Succulente aubaine pour les cinéastes et les publicistes. Réunir dans une histoire passionnée la vedette féminine toujours plébiscitée et ce si beau garçon qui vient de faire sa conquête. Jean-Paul Le Chanois, requis, se perd dans les méandres sablonneux d'un roman de Vicky Baum "La Belle que voilà" (1949). Henri Vidal retombe dans l'un de ces films à éclipses dont il a déjà pâti et Michèle Morgan, sans peut-être le vouloir, tire la couverture à elle. Jeanne et Pierre, voisins de palier, deviennent amants. Pierre, chômeur, s'éloigne sans un mot. Jeanne désespérée répond aux propositions d'un riche industriel. Pierre reparaît, surprend le couple et blesse Jeanne d'un coup de revolver. Prison. Pour se procurer de l'argent et abréger la peine, Jeanne qui adore la danse devient étoile de ballet à force de travail. Elle monnaye en même temps ses charmes auprès de messieurs fortunés. Une crise cardiaque consécutive à sa blessure finit par l'emporter, laissant Pierre entre chagrin et dégoût. Pareille élucubration jette l'acteur dans un cachot pour un long moment et l'exile de l'écran. C'est sans doute la crainte de se voir surnommé Monsieur Morgan qui incite Vidal à paraître le moins possible auprès de sa compagne et à faire cavalier seul, en 1950, dans des films à tendance policière "Quai de Grenelle" (1950) de Emile Edwin Reinert, ou brodant avec sentiment sur l'énigme de "La Passante" (1951) de Henri Calef : en patron de péniche, il trouve là un de ses meilleurs rôles et l'un des mieux équilibrés. Le récit des révoltes irlandaises filmées dans le style expressionniste par Yves Allégret est d'une accablante noirceur : mais dans "La Jeune folle" (1952) toute l'attention  se concentre sur la composition fignolée par Danièle Delorme. Un autre essai (un autre échec) avec Michèle Morgan, signé pourtant Jean Grémillon, est affligé d'un scénario abracadabrant. Désireuse de fuir sa cage dorée, une grande bourgeoise se fait passer pour une femme de chambre et mène ainsi double vie avec un ouvrier au grand cœur. Le soin porté à la réalisation ne peut compenser la niaiserie du sujet "L'Etrange madame X" (1950). Un intermède italien de deux ans distrait Henri Vidal. Il apparaît dans "Violence charnelle" (1952) de Leonardo Cortese, dans une énième reprise du vieux succès "Scampolo" ou plus connu sous le titre : "Les Femmes mènent le jeu" et renoue avec le péplum "Attila, fléau de Dieu" (Attila, Flagello di Dio,1954) de Pietro Francisci.

Paris de nouveau et Saint-Germain-des-Prés où il commence à se droguer. Sacha Guitry utilise au mieux sa mâle prestance pour figurer Murat dans "Napoléon" (1954). Cependant, soumis sans qu'il y paraisse à la drogue et aux cures de désintoxication, Henri Vidal va naviguer entre la mode des films noirs et le désir de trouver un style de comédie parisienne. L'ennui étant que, dans l'un et l'autre cas, malgré sa présence en bonne place au générique, il se fasse toujours souffler la première. Il en va ainsi avec Gabin dans "Le Port du désir" (1954) d'Edmond T. Gréville, avec Stroheim dans "Série noire" (1954) de Pierre Foucault, avec Marina Vlady et Serge Reggiani dans "Les Salauds vont en enfer" (1955) de Robert Hossein. René Clair lui attribue un voyou ambigu qu'il assume dans "Porte des Lilas" (1956) mais la critique célèbre Georges Brassens, Dany Carrel et surtout Pierre Brasseur qui donne au film toute sa dimension dramatique.

Il s'ébroue avec une gentillesse un peu pataude, un peu nounourse, dans les pétillements de la comédie. A l'exception de "La Gourmandise", sketch de Carlo Rim inséré dans "Les Sept Péchés capitaux" (1952) - un beau garçon obligé de partager le lit d'un couple de paysans préfère succomber à la tentation d'un fromage succulent plutôt que de profiter du sommeil de l'époux pour combler l'épouse déjà consentante -, ce sont les dames qui mènent le jeu : comme Zizi Jeanmaire dans "Charmants garçons" (1957) de Henri Decoin. Mylène Demongeot le roule dans la farine à propos de "Une Manche et la belle" (1957) d'Henri Verneuil. Elle lui dame le pion dans "Sois belle et tais-toi" (1957) de Marc Allégret avec deux débutants qui deviendront célèbres : Alain Delon et Jean-Paul Belmondo, lequel retrouvera Henri Vidal et Romy Schneider dans "Mademoiselle Ange" (1959) de Geza Radvanyi le laisse pantois. Quant à Brigitte Bardot, on ne voit qu'elle dans "Une Parisienne" (1957) de Michel Boisrond. C'est de nouveau la drogue. Son dernier film avec Michèle Morgan, avocate alcoolique sauvée par l'amour, n'arrange rien "Pourquoi viens-tu si tard ?" (1958) d'Henri Decoin. Le sujet peut prêter à de malignes comparaisons.

Tout aurait pu continuer ainsi de cures en rechutes - de film médiocre en film moyen - "Les Naufrageurs" (1958) de Charles Brabant; "La Bête à l'affût" (1959) de Pierre Chenal. A l'issue d'une nouvelle comédie de Michel Boisrond avec Brigitte Bardot plus adulée que jamais "Voulez-vous danser avec moi ?" (1959), le cœur d'Henri Vidal acheva de se lasser. La mort à quarante ans d'un acteur chéri des magazines et des midinettes surprit et consterna. On se rappela que Jean Renoir, pour la soirée triomphale donnée le juillet 1954 aux arènes d'Arles, lui avait fourni l'occasion remarquée de camper puissamment le Jules César de Shakespeare. Sans doute fallait-il à l'évanescent Henri les grands textes qui auraient pu dégager sa personnalité en la délivrant d'une funeste gentillesse. Sa santé physique et mentale se dégradent, il meurt le 10 décembre 1959, laissant le souvenir du "jeune premier" idéal dont la place, dans le cinéma français, n'a jamais, depuis, été prise. Quinze jours auparavant c'est le comédien Gérard Philipe qui décéda à l'âge de 36 ans.

 *Extraits de l'ouvrage "Noir & Blanc" de Olivier Barrot et Raymond Chirat - Editions Flammarion

AA01HV13 AA01HV14

AA01HV15 AA01HV16

 

           AA01HV17

 

          AA01HV57 (2)

 

AA01HV19

AA01HV8 (2)

 

AA01HV20 AA01HV21

 

          AA01HV55 (2)

 

          AA01HV50

 

 

AA01HV23 AA01HV24

 

AA01HV5 (2)

AA01HV25 AA01HV26

 

          AA01HV52

 

AA01HV27AA01HV28

          AA01HV53

          AA01HV51

           AA01HV31

AA01HV32 AA01HV33

 

          AA01HV9 (2)

AA01HV34 AA01HV35

AA01HV36 AA01HV37

AA01HV38 AA01HV39

 

AA01HV40 AA01HV41

                               AA01HV42

AA01HV44 AA01HV43

 

          AA01HV54

AA01HV7 (2)

AA01HV46 AA01HV47

AA01HV48 AA01HV49

 

*Affiches-cine * Cinemafrançais * Cinetom

 

_________________

Publicité
Publicité
Commentaires
CINETOM
Publicité
Visiteurs
Ce mois ci 212
Depuis la création 1 717 904
Pages
Newsletter
8 abonnés
CINETOM
Derniers commentaires
Publicité