MADELEINE ROBINSON, UNE SI JOLIE PETITE PLAGE
MADELEINE ROBINSON 1917 - 2004
Actrice Française
La Robinson. Son allure, son tempérament aussi inclinent à la baptiser de la sorte, comme on peut parler de la Crawford ou de la Signoret. Madeleine Svoboda de son véritable nom est née le 5 novembre 1917 au Pré-Saint-Gervais, donc aux Portes de Paris, dont le père pâtissier venait de Slovaquie et la mère contrôlait lesz billets sur les tramways de banlieue, a connu une enfance rude dans une ferme auvergnate.
Et c'est à Charles Dullin, qui sut l'accueillir en son théâtre école de l'Atelier, qu'elle soit son éducation scénique et ses débuts dans le métier. Belle promotion, on en conviendra, que celle de 1933 qui voit aussi se croiser sur la butte Jean-Louis Barrault et Jean Vilar, Jean Marais et Michel Vitold. Madeleine Robinson déjà se fait remarquer par sa silhouette altière, sa voix un peu étouffée et cependant reconnaissable entre toutes, son beau regard et cette sensualité diffuse et lointaine, terriblement attirante.
Elle ne reste pas longtemps loin des caméras : dès 1935, après de brèves apparitions chez Moguy et Ducis, elle est retenue par Marcel L'Herbier, qui tourne alors trois films par an. "Nuits de feu", inspiré d'une nouvelle de Tolstoï, fait sa place au couple vedette, Gaby Morlay-Victor Francen, interprètes fétiches du metteur en scène. Mais dans le second rôle féminin, celui de la jeune Nadia, Madeleine Robinson apparaît très captivante déjà dans ses élans fougueux de presque débutante"; écrira L'Herbier dans son livre "La Tête qui tourne" en 1979. Oui, elle y est fichtrement belle, comme dans "Grisou" l'année d'après, mélo minier tiré d'une pièce improbable de Pierre Brasseur et Marcel Dalio par Maurice de Canonge. Et la guerre, loin de ralentir cette montée vers les étoiles, favorise au contraire l'épanouissement de la comédienne, comme de plusieurs de ses presque contemporains, Odette Joyeux, Marie Déa ou Madeleine Sologne.
Pendant les années de guerre, Madeleine Robinson connaît deux compagnons emblématiques à l'écran, Pierre Brasseur et Roger Pigaut. Le premier est avec elle dans deux films consécutifs d'André Berthomieu plutôt bien faits, "Promesse à l'inconnue" et "La Croisée des chemins", tournés l'un et l'autre en 1942, et surtout cette même année décidément féconde dans "Lumière d'été" de Jean Grémillon.Pour quelles raisons obscures Grémillon n'a-t'il jamais accédé au rang qui aurait dû être le sien? Du moins ici le scénario de Pierre Laroche et Jacques Prévert lui aussi dans ses meilleures années, permet-il à Grémillon de donner une oeuvre étrange, baroque presque, dont le titre traduit bien la tonalité. Compliqué comme la vie, ce conflit des convoitises troubles sise sur le chantier d'un barrage, résonne comme une mélodie pas tout à fait accordée. Les décors de Max Douy, et surtout la photographie de Louis Page exhaussent la luminosité des visages, l'opposition des caractères. A la démesure rivale de Paul Bernard et Pierre Brasseur correspond l'admirable sérénité amoureuse de Madeleine Robinsnon, qui donne au personnage de Michèle Lagarde une densité fascinante et impossible à oublier. Son meilleur rôle ? On peut le croire.
1943, "Douce", 1944 "Sortilèges" : deux fois Madeleine Robinson forme avec Roger Pigaut un couple marqué par un destin contraire. Deux fois l'homme est tenté par une autre, plus fragile, Odette Joyeux ici, là Renée Faure. Deux fois Madeleine Robinson incarne avec éclat la femme jalouse dont les silences ne dissimulent rien du feu qui la dévore. Sous la houlette de deux metteurs en scène accomplis, Autant-Lara et Christian-Jaque, elle affirme une féminité nouvelle,, elle qui en cette année 1944 impressionne Paris de sa beauté en créant "Une Grande fille toute simple" d'André Roussin aux Ambassadeurs, aux côtés de Claude Dauphin, de Jean-Pierre Aumont et d'un débutant éclatant Gérard Philipe. "La Grande Maguet" (1947) de Roger Richebé lui offre un triomphe personnel dans la composition d'une servante fidèle au point de tuer, adaptation pesante d'un roman oublié de Catulle Mendès. Vedette elle est devenue, à part entière, ce que confirme le beau mélodrame d'Yves Allégret "Une si jolie petite plage" (1948). Madeleine Robinson effarée et cependant déterminée face à la vilenie du monde paraît de taille à en arracher Gérard Philipe. On s'expliquera difficilement pourquoi malgré des succès auprès de Jean Delannoy "Dieu a besoin des hommes" (1950) de Henri Decoin "Entre onze heures et minuit" (1949), où elle "tient" parfaitement face à un Jouvet des grands jours, de Robert Darène "Les Chiffonniers d'Emmaüs" (1954), de Julien Duvivier "L'Affaire Maurizius" (1954), elle voit son étoile pâlir peu à peu. A t'elle trop sacrifié à la scène, elle qui jouera alors près de mille cinq cents fois l'excellent comédie de Somerset Maughan "Adorable Julia", adaptée par Marc Gilbert Sauvajon?
De la Nouvelle Vague, elle sera à peu près absente, sinon pour le très curieux "A double tour" que Chabrol lui propose en 1959, et où elle subit sans broncher les avanies provocatrices de Jean-Paul Belmondo. Orson Welles "Le Procès" (1962), Claude Sautet "Une Histoire simple" (1981), Robin Davis "J'ai épousé une ombre" (1982) ont l'heureuse idée de se souvenir de cette comédienne d'autorité qui requièrent toujours à l'occasion les valeurs sûres du cinéma commercial, Grangier, Cayatte ou La Patellière. Mais sa carrière faiblit et pourtant, dans la froide détermination, le visage tout à coup crispé par la passion, elle fait songer à Jeanne Moreau. Les bienheureux qui l'ont vue s'étriper sur scène avec Raymond Gérôme dans l'éprouvant "Qui a peur de Virginia Woolf ?" d'Edward Albee, ont pu mesurer que pour incarner la névrose, Madeleine Robinson n'offrait pas moins de dispositions qu'Elizabeth Taylor.
En 1967, Madeleine Robinson avait quitté Paris, puis la France,pour s'installer en Suisse. Elle continua de jouer au théâtre, notamment en tournée, mais son activité cinématographique s'est beaucoup ralentie,les tournages furent plus rares plus espacées, malgré quelques films digne d'intérêt comme celui de Paul Vecchiali "Corps à coeur" (1978), Bruno Nuytten "Camille Claudel" (1988). Elle tourne son dernier film sous la direction de Jacques Deray en 1984 avec Alain Delon dans le rôle principal dans "L'Ours en peluche". Madeleine Robisnon décède le 1er août 2004 à l'âge de 86 ans à Lausanne (Suisse).
Extraits Noir&Blanc de Olivier BVarrot et Raymond Chirat
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