MADELEINE RENAUD, LE CIEL EST A VOUS
MADELEINE RENAUD 1900 - 1994
Comédienne Française
"Jeune fille à Royan, elle avait dit une fable lors d'une fête de charité. Par hasard, de Féraudy était là, il avait conseillé à la maman de lui faire faire du théâtre. La maman avait accepté à condition qu'elle fit le Conservatoire et qu'elle entrât à la Comédie-Française : "Surtout pas à l'Odéon, car il faudrait traverser la Seine"
La jeune fille était entrée première au Conservatoire, elle en était sortie avec son premier prix (dans le rôle d'Agnès de "l'Ecole des femmes", ex-aequo avec Marie Bell) et elle était entrée à la Comédie-Française. Il y a chez Madeleine un côté éternelle lauréate." (Jean-Louis Barrault, Souvenirs pour demain,1972)
Madeleine Renaud est née le 21 février 1900 à Paris. La jeune fille de Passy appartient à la génération qui assura en peu d'années les plus belles promotions du Théâtre-Français : Marie Bell, Fernand Ledoux, Véra Korène, Louis Seigner, Pierre Fresnay. A dix-huit ans, elle épouse Charles Granval, qui a près de vingt ans de plus qu'elle :"Sans Granval, elle serait bonne comédienne. Sous son influence, elle devint artiste" (J.L. Barrault et l'un des phares dela troupe. Sociétaire en 1928, elle joue les jeunes filles de Molière (Henriette, Angélique, Marianne) puis les coquettes de Marivaux et de Beaumarchais. Dès 1922, elle se voyait confier le premier rôle pour ses débuts au cinéma dans "Vent debout" de René Leprince, avec Léon Mathot. Ainsi que pour "La Terre qui meurt" de Jean Choux en 1926. "L'avènement du parlant, vers 1929-1930, porta au rang de vedettes internationale de précieuses jeunes sociétaires comme Marie Bell et Madeleine Renaud. L'extension de leur célébrité provoqua d'heureuses répercussions sur la caisse de la Comédie, quand elles jouaient." (Dussane, Par les fenêtres,1958)
Tout naturellement,, Madeleine paraît beaucoup dans le théâtre cinématographié par la Paramount française, au début des années 30. Le producteur américain a aussi importé à Joinville ses réalisateurs comme Harry Lachman qui dirige Madeleine Renaud dans "La Couturière de Lunéville" (1931), d'après Alfred Savoir, dans "Mistigri" (1931) et "La Belle Marinière" (1932), tous deux d'après Marcel Achard, le second interprété également par Jean Gabin. Inspiré par le même Achard, "Jean de la Lune" (1931), réalisé par Jean Choux et Michel Simon offre l'un des meilleurs portraits de Madeleine à l'écran ; vive, élégante, superbement faite, l'inconstante Marceline à la chance d'avoir pour frère l'inénarrable Clo-Clo - Michel Simon. La comédie sied à l'actrice. Malheureusement, comme sa presque contemporaine Gaby Morlay, c'est le drame qui la mobilise pour longtemps. Le drame en chambre, dûment rodé par le théâtre, celui de Bernstein "Le Voleur" de Maurice Tourneur" (1933) et de Bataille "La Marche nuptiale" (1934) de Mario Bonnard. Le drame de l'aventure : "Le Tunnel" (1933) de K. Bernhardt, avec Jean Gabin à nouveau, "Maria Chapdelaine (1934) de Julien Duvivier. Le drame de l'abandon, "Hélène" (1936 de Jean-Benoît-Lévy et M..Epstein, "Les Petites Alliées" (1936) de Jean Dréville. tout cela est bien pénible et ne constitue pas le meilleur registre de Madeleine Renaud. La dignité obligatoire convient trop bien à la sociétaire de la Comédie-Française, dont le jeu impeccable manque parfois de spontanéité.
la période de l'Occupation, celle de sa maturité, lui vaut de grands rôles sur scène, dans des oeuvres d'auteurs contemporains, "La Reine morte" (1942) de Montherlant, "Le Soulier de satin (1943) de Claudel, "Les Mal-aimés" de Mauriac. De même au cinéma la rencontre avec Jean Grémillon, qui lui confie quatre rôles en six ans confirme qu'au fond Madeleine est beaucoup plus à l'aise dans l'action que dans la seule épreuve. "L'étrange Mr Victor" (1937) valait davantage pour la psychologie du personnage et l'interprétation de Raimu, mais "Remorques" (1940), véritable mélo de la mer, l'opposait très habilement à Michèle Morgan. "Lumière d'été" (1942), flamboyant comme seules savent l'être d'habitude les productions américaines n'est comparable à aucun autre film français. Pierre Brasseur, Madeleine Robinson, Paul Bernard et Madeleine Renaud y dansent un quadrille tragique, échevelé géométrique que la mort ne peut que convoiter. "Le Ciel est à vous" (1943), captivante épopée d'un couple à travers un défi aérien, démontrait emblématiquement que l'on n'est soi qu'à travers un autre, et prônait une solidarité exigée par l'époque. Dans le cas de Madeleine Renaud, une telle complémentarité ne pouvait être isolée de son destin de femme. Pour elle comme pour son époux Jean-Louis Barrault, 1943 devait être la plus grande année des "Renaud-Barrault".
L'aventure de Madeleine Renaud après la guerre, c'est avant tout celle du théâtre de France, de ses errances et de ses tournées. Son destin personnel se confond avec celui de barrault. Elle s'est peu montrée au cinéma, requise toute entière par d'inoubliables interprétations sur scène : celle de "Oh ! les beaux jours" de Samuel Beckett, crée en 1963. Dans ce cas, comme dans celui de tant de pièces de Claudel, de Giraudoux, de Duras, de Genet qu'elle a marquées, on se demande si elle n'est pas simplement la plus grande comédienne de théâtre de son temps.
On se souvient du "Plaisir" (1951) de Max Ophuls, du "Jour le plus long" (1962) de Zanuck, du "Diable par la queue" (1969) de Philippe de Broca eet plus encore sans doute de "Des journées entières dans les arbres" que Marguerite Duras filma elle-même en 1976. jean-Pierre Aumont, qui jouait son fils, rappelait dans "Le Soleil et les ombres" (1976) l'invraisemblable conscience professionnelle de la comédienne, son trac, sa méticulosité, sa passion : "Sur scène la mère et le fils s'affrontent en un duo fait de haine et d'amour. Elle a oeuvré toute sa vie pour l'émasculer. Il a lutté toute sa vie pour ne rien lui devoir, pas même sa propre déchéance (...) Et avec le même sourire exactement que Madeleine avait dans "Maria Chapdelaine" où il y a des longues années nous valsions ensemble, avec le même regard plein d'amour, d'orgueil et de reconnaissance, elle vient se blottir maladroitement dans mes bras (...) Et l'on ne sait si c'est la mère abusive de Duras ou bien Madeleine Renaud au faite de sa gloire qui ressent, humble et tremblante, les battements de coeur d'une débutante. Madeleine Renaud décède à Neuilly-sur-Seine, le 23 septembre 1994 à l'âge de 94 ans
Extraits de Noir & Blanc de Olivier Barrot et Raymond Chirat - Edition Flammarion
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