MILA PARELY, DÉSINVOLTE ET AMUSÉE
MILA PARELY 1917 - 2012
Comédienne Française
"J'ai vu arriver une longue jeune femme au manteau de vison, le sourire charmant, un rien mécanique, un rien mondain. Elle bavarde avec une remarquable absence de suite dans les idées et une gentillesse certaine. Elle fait trois projets contradictoires en une minute. Il se pourrait qu'elle soit ombrageuse. Elle a tout à la fois des intonations très faubourg Saint-Germain et de la familiarité, prend l'inconnue que je suis sous le bras ou se déshabille devant moi avec l'indifférence de ceux qui appartiennent au public" : C'est Mila Parély en 1946, vue par Claude Martine pour "L'Ecran français" (no 32).
Très ravissante personne souvent vouée aux rôles de "créature", Mila Parély a accompli une carrière éminemment hétéroclite qui l'a fait passer en un tournemain de Claude Orval à Jean Renoir, de Jean-Paul Paulin à Robert Bresson. Sa beauté extrêmement moderne s'ornait d'un profil délicat, front bombé, nez parfait. Sourire tout d'éclat, yeux allongés en amande, pommettes hautes.
Les Perzynski auraient souhaité que leur petite Olga, née à Paris le 7 octobre 1917, devienne médecin...mais la fillette, à quatorze ans désirait qu'une seule chose... devenir actrice !. Cette contemporaine de Danielle Darrieux débute au cinéma -qui s'en étonnera ? - à quinze ans après avoir renoncé à des études médicales. Et en 1932, déjà, elle figure, sous le nom de Mila Parély, dans un court métrage, "Vive le sport".et dans un long métrage "Baby" de Carl Lamac et Pierre Billon. Elle montait sur scène dès 1933.
Son charme de séductrice perverse aurait pu lui valoir avant guerre une carrière à la Viviane Romance, dont elle possédait largement les qualités dramatiques. Elle est restée, à de rares exceptions près, une comédienne de complément, cependant aussi digne du souvenir que les vedettes qu'elle flanque, Renée Saint-Cyr "La Valse royale" (1935), "Les Pattes de mouches" (1936), tous deux de Grémillon, "Donogoo" (1936) de Henri Chomette et Schunzel, Suzy Prim "Les Jumeaux de Brighton" (1936) de Claude Heymann, Mireille Perrey "Une Java" (1938) de Claude Orval, Meg Lemonnier "Le Monsieur de cinq heures" (1938) de Pierre Caron et Micheline Francey dans "La Charrette fantôme" (1939) de Julien Duvivier.
Mila Parély savait chanter. L'une de ses tournées la mène aux Etats-Unis où elle demeure un temps chanteuse de l'orchestre Rudy Vallée. A Hollywood elle apparaît dans quelques films musicaux comme "Calling All Stars" (1935) de Spencer G. Bennett. Ce sont, comme toujours, les vrais grands qui devinent ce que son attrait pouvait offrir de trouble cruel : qui ne s'éprendrait de Geneviève de Marrast à l'instar de son metteur en scène de "La Règle du jeu" (1939 de Jean Renoir, puisque Marcel Dalio nous en fait la confidence : "Il me semblait que Jean Renoir la traitait de manière encore plus exquise que nous, si cela était possible. Il lui disait en plaisantant : "Ah si vous étiez libre." Je voyais là un grand amour secret semblable à celui qu'Octave - que jouait Renoir dans le film -éprouvait pour la marquise." (Mes années folles", 1976).
A regarder le portrait de Mila Parély à vingt-cinq ans, on se prend à songer à une Marlène à qui Stenberg aurait manqué, on fait d'elle "l'autre" ou celle qui porte le mal : "Cap au large" (1942) de Paulin, "Etoile sans lumière" (1945) de Marcel Blistène, "Destins" (1946) de Richard Pottier. Dans ce registre, elle était particulièrement mémorable dans "Monsieur des Lourdines" (1942) de Pierre de Hérain : ce sombre drame bien réalisé reposait sur un robuste roman d'Alphonse de Châteaubriant, auteur alors d'autant plus prisé qu'il était un ardent zélateur de la collaboration, et nous offrait, outre Constant Rémy se consolant des frasques parisiennes de son films en jouant du violon à la brune, une Mila Parély inconstante et affriolante à souhait.
"Les Anges du péché" (1943) de Robert Bresson la changeait du pittoresque "Camion blanc" (1942) de Léo Joannon et de l'invraisemblable "Tornavara" (1943) de Dréville où s'affrontent blizzards et passions sous un ciel de Laponie transposée dans les Pyrénées. L'après-guerre : le déclin dans la trentaine, moins au théâtre ou elle paraît beaucoupn qu'au cinéma, qui l'évite. Un film en Angleterre en 1947, "Snowbound" (1948) de David McDonald avec Denis Price et Herbert Lom, "Le Plaisir" (1951) de Max Ophuls dont elle orne, intacte, "La Maison Tellier", "Paris, Palace Hôtel" (1956) de Henri Verneuil. Fin.
Qu'est devenue cette excellent actrice, jamais dupe d'elle-même, désinvolte et amusée, à qui Sacha Guitry par exemple aurait pu s'intéresser davantage qu'en lui offrant une apparition dans "Remontons les Champs-Elysées" (1938)? Il y avait en elle certaines des qualités des grandes de la comédie américaine, Irene Dunne, Carole Lombard, qui ne révélèrent qu'imparfaitement des rôles comme celui de la mauvaise soeur de Josette Day dans "La Belle et la bête" (1946) de Jean Cocteau et René Clément ou de Gisèle Pascal dans "Le Dernier refuge" (1947) de Marc Maurette. Retirée de sa profession, elle aurait possédé un temps un magasin de parfumerie dans le septième arrondissement de Paris. Rangée à Vichy, au milieu des souvenirs et de ceux, émus, qu'elle nous a laissés. La trace se perd, l'héroïne d'un destin à la Modiano nous voit l'interroger et sourit dans le silence... Après le terrible accident dont fut victime son époux, le coureur automobile Tasso Mathieson, Mila Parély a du abandonné le cinéma pour tenir compagnie à celui qu'elle aimait. Puis elle se consacra à l'animation de son Pavillon Sévigné et du Casino de Vichy, y organisant conférences et manifestations culturelles. Mila Parély décède à Vichy le 14 janvier 2012 à l'âge de 94 ans.
* Extraits de "Noir & Blanc" Olivier Barrot -Raymond Chirat" Editions Flammarion