L'actrice est morte mardi 30 avril 2019, des suites d'une "longue maladie". Anémone, César de la meilleure actrice en 1988 pour "Le Grand Chemin" de Jean-Loup Hubert, est décédée à l'âge de 68 ans a déclaré son agent, Elisabeth Tanner.
Révélée par Coluche dans "Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine", elle avait crevé l'écran dans "Le père Noël est une ordure" où elle incarnait le personnage de Thérèse, l'acolyte de l'acteur Thierry Lhermitte à la permanence de SOS Amitié. L'actrice avait démarré sa carrière au sein de la troupe du Splendid.
Le monde de la culture et les politiques saluent aussi son talent.
"Anémone... Je suis bouleversé en apprenant la nouvelle, tu étais une grande actrice, puisse Dieu te garder. Adieu mon amie", a réagi Thierry Lhermitte, qui jouait le personnage de Pierre dans "Le Père Noël est une ordure", mardi soir sur Twitter.
Sur RTL, Marie-Anne Chazel a exprimé, mercredi 1er mai, sa "grande tristesse parce qu'elle est vraiment trop jeune pour partir". "Sa vie a été pas facile, malgré ce qui lui est arrivé de bon, se souvient l'inoubliable Zézette du Père Noël est une ordure. C'est quelqu'un qui trouvait la réalité très difficile (...) Elle a lutté, elle était rebelle, elle était révoltée (...) Elle avait ça de très attachant et elle avait un talent fou", salue la comédienne. "C'était une actrice remarquable, très inventive. J'ai des souvenirs de beaucoup, beaucoup de rires quand on a joué dans Le Père Noël avec elle, au théâtre et durant le tournage du film".
Évoquant le personnage de Thérèse, Marie-Anne Chazel se souvient : "Elle a réussi à créer cette vieille fille qui est totalement sans âge, alors qu'à l'époque elle devait avoir 27 ans".
Pourquoi Anémone a-t-elle quitté le monde du spectacle ? "Dans ce métier, elle n'a pas trouvé ce qu'elle cherchait, le mode d'emploi, la façon de faire, explique Marie-Anne Chazel. Dans ce métier où on s'adule, on peut se détester après mais on sait qu'on se retrouvera... Ce jeu là ne l'intéressait pas. Ce qui l'intéressait c'était de jouer". "C'était quelqu'un qui avait beaucoup de mal avec une forme d'autorité (...) Elle était très au bord du cadre, se souvient l'actrice. Elle disait : Je n'ai pas appris à devenir vedette, je ne sais pas comment on fait et ça ne me plaît pas".
Gérard Jugnot : "Elle pouvait être aussi très belle"
"Sa vie était difficile, elle était un petit peu perchée, c'était souvent douloureux", se souvient Gérard Jugnot, également interrogé par RTL mercredi. "Curieusement, on a l'image de Thérèse, mais elle pouvait être aussi très belle et très sexy. Surtout, elle a eu le César pour Le grand chemin, mais il n'y a rien eu pour Le Père Noël, alors que ce qu'elle faisait était exceptionnel. Personne d'autre qu'elle n'aurait pu faire ça, tellement elle avait ce côté baroque, fou", salue celui qui incarnait Félix.
Très émue, Josiane Balasko a réagi sur RTL mardi soir. "Quand on a fait Le Père Noël est une ordure, elle était géniale dans Thérèse. On a maintenant la vision d'une fille plus âgée, qui s'était laissée aller, mais c'était une fille ravissante. Elle avait beaucoup de charme, elle était piquante (...) Ensuite, volontairement, elle a décidé de ne plus entrer dans ce genre de critères", se souvient celle qui incarnait Marie-Ange Musquin. "Elle avait une sorte de folie, c'était une actrice qui avait une présence incroyable. Ça me fait drôle parce que c'est la première d'entre nous qui disparaît. Le Splendid a perdu un de ses membres honoraires".
Sur la maladie qui a emporté sa camarade, Josiane Balasko explique : "Elle n'en parlait pas, c'est quelqu'un qui était très pudique. Je n'ai jamais entendu dire qu'elle était souffrante. C'est bizarre, parce qu'Anémone, c'est des souvenirs joyeux et à la fois extrêmes".
"On s'était perdu de vue depuis quelques années, mais ce qu'on a vécu ensemble était tellement fort. C'était tout le début du café-théâtre, on était très proches à ce moment là", se souvient-il. "Anne, c'était un génie brut de la comédie et en même temps, c'était une beauté. C'était une sorte d'Arletty : elle avait cette puissance comique, elle était très belle, très séduisante et très folle. Elle était tout sauf rationnelle, tout sauf routinière. Et puis elle était assez ingérable mais ça n'a jamais posé de problème quand on a travaillé ensemble À mon sens, elle n'a pas fait la carrière qu'elle aurait dû faire", regrette le réalisateur.
Richard Berry, qui a joué aux côtés d'Anémone dans "Le petit prince a dit", se souvient, sur RTL, que "c'était une femme vraie, en avance sur son temps. Elle était écolo avant l'heure (...) Elle avait une pensée libre, elle disait ce qu'elle voulait quand elle en avait envie, c'était une femme libre".
Comme Marie-Anne Chazel et Gérard Jugnot, il se souvient qu'elle lisait sans arrêt sur les tournages. "C'était une femme cultivée, d'une culture très éclectique, sans a priori. Son père était un grand psy, M. Bourguignon, qui lui a apporté cette ouverture d'esprit (...) C'est une femme qui m'a beaucoup impressionné de ce côté là", salue le comédien, qui se souvient d'"une actrice magnifique". "Elle avait ce pouvoir comique et ce pouvoir dramatique assez extraordinaire, c'était une grande comédienne".
Patrice Leconte : "C'était quelqu'un de libre, déjanté, fêlé"
"Je suis effaré", a réagi Patrice Leconte, qui a dirigé Anémone "Viens chez moi, j'habite chez une copine" et "Ma femme s'appelle reviens", mardi sur BFMTV. Pour lui, elle n'était "pas destinée à partir".
"Anémone était tellement là, tellement bizarre, barrée, présente...", se souvient-il. "Elle avait son monde, son univers. C'était quelqu'un de libre - c'est un compliment -, déjanté - c'est un compliment -, fêlé - c'est un compliment..."
"C’était une personne allumée mais très, très professionnelle...", a également estimé le réalisateur sur RTL.
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Anémone, de son véritable nom Anne Bourguignon est née à Paris le 9 août 1950. Fille d'un psychiatre, une adolescence troublée, elle fréquente les cafés de la rive gauche dans les années 60, se lie d'amitié avec Pierre Clémenti, Jean-Pierre Kalfon, Marc O', et tourne naturellement son premier film avec Philippe Garrel, en 1967, dont le titre, "Anémone", devait lui inspirer son nom de scène. Elle quittera par la suite Paris pour Reims où elle étudie la comédie au sein de la compagnie de Robert Hossein. Anémone conscience pour la première fois de sa capacité à faire rire en jouant le rôle de Nicole dans "Le Bourgeois gentilhomme".
Elle fonde ensuite le café-théâtre "La Veuve Pichard" avec Gérard Lanvin et Martin Lamotte, puis rejoint le Splendid pour jouer dans l'une des pièces les plus fameuses du groupe : "Le Père-Noël est une ordure". A partir de 1975, Anémone tourne régulièrement au cinéma, trois ou quatre films par an, dans ses seconds rôles, ayant pris l'habitude d'accepter tout ce qui se présentait. "Je me suis trouvée, dit-elle, face à des gens qui ne voulaient pas entendre parler de moi. Ils me trouvaient moche. Leur idéak, c'était la beauté magazine, le trait lisse et régulier. Je crois que je leur faisais peur. Depuis que je suis née, j'ai l'impression que je dérange tout le monde." (A Gilbert Salachas, in Télérama du 6/2/85). Mais elle parvint à s'imposer grâce à la mise en scène de Patrice Leconte avec "Viens chez moi, j'habite chez une copine" (1981) et "Ma Femme s'appelle Reviens" (1982). Ce cinquième film de Patrice Leconte qui, fort du succès impressionnant de "Viens chez moi..", a réuni la même équipe technique et donné cette fois un rôle plus important à Anémone, qui avait fréquenté à la fin des années soixante les cinéastes de l'avant-garde française. Anémon s'est orientée vers un autre type de cinéma, on la découvre en 1980 au côté de Christian Clavier dans "Je vais craquer" de François Leterrier.
Le cinéaste-producteur Jean-Marie Poiré adapte pour le cinéma "Le Père-Nöel est une ordure" (1982) le rôle de Thérèse, maladroite mais si spontanée que le film deviendra culte au fur des années passées avec la grâce de toute l'équipe du Splendid : Anémone, Christian Clavier, Thierry Lhermitte, Josiane Balasko, Gérard Jugnot, Anne-Marie Chazel ou la voix de Michel Blanc. En 1982, alors qu'elle vient jouer dans "L'éducation de Rita", au Petit Marigny, Anémone s'impose définitivement dans "Le Quart d'heure Américain" de Philippe Galland, qui deviendra son mari. C'est à cette même période, que l'actrice décide d'interrompre momentanément sa carrière pour mettre au monde son second enfant. L'année 1985 débuta elle avec trois films à l'affiche dont celui de Michel Deville, "Péril en la demeure", dans lequel elle joue pour la première fois à contre-emploi et qu'elle considère comme son film le plus important. "Je suis ravie, précise Anémone, d'avoir appris la liberté de jouer à l'instinct. Il est temps maintenant que j'apprenne la discipline."
La princesse Charlotte du "Mariage du siècle" (1985), portrait satirique des têtes couronnées qui font le bonheur des gazettes du milieu des années quatre-vingt, est une création jubilatoire pour Anémone qui s'en donne à coeur joie dans le rôle d'une naïve héritière séduite par un dragueur arriviste incarné par Thierry Lhermitte sous la direction de son mari d'alors, Philippe Galland. Elle apparaît aussi à la même époque dans "Les Nanas" (1985) de Annick Lanoé, à la distribution exclusivement féminine et au ton néo-féministe assez marqué et dans "Poule et frites" (1987), une comédie signée Luis Rego, un des proches "cousins de la bande du Splendid, anciennement dans le groupe des "Charlots". Mais c'est le cinéaste Jean-Loup Hubert, chantre d'un cinéma populaire et nostalgique, qui lui offre, après Michel Deville, l'occasion de démontrer des qualités encore peu exploitées. Dans "Le Grand Chemin" (1987), elle est Marcelle, une paysanne du pays nantais des années soixante, dont le mariage avec Pelo (Richard Bohringer) fait naufrage depuis la mort de leur enfant, disparition dont elle ne n'est jamais remise. L'irruption du fils d'une amie d'enfance pour les vacances d'été lui redonnera espoir et la ramènera auprès de son époux. Le gros succès public du film est agrémenté de la reconnaissance de ses pairs, avec l'attribution du César de la meilleure actrice, qu'elle refuse d'ailleurs, non sans faire pour l'occasion une irruption furtive et inconoclaste sur la scène de la cérémonie : déguisée en page, elle y déclare sa prétendue flamme pour Richard Anconina, en fait son partenaire dans "Envoyez les violons" (1988), où elle joue un professeur de flûte original et spirituel.
De ses films suivants, entre des apparitions chez Jugnot et Lelouch, sont à retenir ses retrouvailles avec Philippe Garrel, son premier pygmalion, pour "Les Baisers de secours", (1989), une mise en abyme qui fait d'elle une actrice chargée d'interpréter la propre femme d'un cinéaste fictif, auquel Garrel prête lui-même ses traits... A souligner également une joyeuses prestation de mère de famille nombreuse dans un film méconnu de Romain Goupil "Maman" (1990), et une création intéressante de "femme à problèmes" dans l'ultime film de Gérard Froz-Coutaz "Après après-demain" (1990).
Les personnages de mère-copine, parfois maladroite, mais drôle et compréhensive, lui vont comme un gant, et elle sait y ajouter force et émotion, comme dans "Le Petit Prince à dit" (1992), oeuvre remarquable de Christine Pascal, qui conte les derniers mois d'une petite fille atteinte d'une tumeur au cerveau, et que ses parents divorcés accompagnent avec courage et dignité. La direction d'une réalisatrice semble lui convenir parfaitement, comme semble le confirmer sa collaboration avec Tonie Marshall, en détective pittoresque dans "Pas très catholique" (1994), puis en streap-teaseuse au grand coeur, qui a la surprise d'être confrontée à des demi-frères et soeurs inconnus dans "Enfants de salaud" (1996). Entre-temps, elle avait tourné sous la direction de Bertrand Van Effenterre dans "Poisson-Lune" (1993)
Toujours généreuse, elle se met au service de réalisateurs inexpérimentés, à plusieurs reprises, mais ces premiers longs métrages ne trouvent pas leur public, tout comme l'adaptation de la célèbre bande dessinée de Binet, "Les Bidochon" (1996) de Serge Korber, où elle incarne la massive Raymonde, Française vraiment très moyenne...Mais son rôle le plus nuancé de cette période lui est à nouveau offert par Michel Deville. Dans "Aux petits bonheurs" (1994), Hélène, quadragénaire, revient à la maison où elle rencontra son premier amour, espérant le revoir, et Anémone se montre particulièrement touchante dans ce rôle. Elle monte aussi sur les planches en 1996 pour "Potins d'enfer" de Jean-Noël Fenwick. En 1997, elle passe à la réalisation avec "La Poussette infernale" (1997). A noter également sa prestation remarquée dans "Le Cri de la soie" (1996) de Yvon Marciano avec Marie Trintignant. Les années 2000 seront moins prolifiques, on peut noter sa présence dans "Le Petit Nicolas" (2009) de Laurent Tirard. Anémone décède le 30 avril 2019, des suites d'une "longue maladie".
Le Père Noël est une ordure - Thierry Lhermitte & Anémone
LE GRAND CHEMIN - Bande annonce
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