W.S. VAN DYKE, ONE-TAKE WOODY

25 juillet 2018

W.S. VAN DYKE, ONE-TAKE WOODY

W.S. VAN DYKE 1889 - 1943

Cinéaste Américain

C'est W.S Van Dyke qui réalisa le légendaire "Tarzan, l'homme-signe" de 1932 avec Johnny Weissmuller et Maureen O'Sullivan. C'est encore lui qui fut l'un des six assistants de D.W. Griffith sur "Intolérance", mais on peut aussi lui attribuer la découverte d'un tandem cinématographique devenu également légendaire, il lui a fallu s'imposer vis-à-vis de Louis B. Mayer afin que Myrna Loy devienne la partenaire de William Powell dans la fameuse série de films sur "L'Introuvable" (The Thin Man).

W.S. Van Dyke est né le 21 mars 1889 à Seattle dans l'Etat de Washinghton. Fils d'une pianiste de concert devenue comédienne et d'un avocat mort quelques jours après sa naissance, Woodbridge - qui deviendra "Woody" - Strong Van Dyke, après avoir exercé divers métiers tels que chercheur d'or ou bûcheron, débute au cinéma en 1915 comme l'un des six assistants de D.W Griffith et devient réalisateur dès l'année 1917 et se spécialise très vite dans les serials et les films d'aventures.

Il dirigera ainsi une quarantaine de film à petit budget jusqu'à la naissance du parlant. Après avoir tourné plus de six films de Far-West avec Buck Jones pour William Fox, il entre en 1926, sur l'invitation d'Irving Thalberg, à la MGM, compagnie à laquelle il demeurera fidèle jusqu'à la fin de sa carrière. Il se fait alors remarquer par une série de westerns relativement pro-indiens comme "Oeil de Faucon" (War Paint,1926) et "Les Ecumeurs de la prairie" (Spoilers of the West,1927), dont le rôle principal est le colonel Tim McCoy. C'est sans doute pour cette raison qu'il est choisi en 1928 pour se rendre à Tahiti et terminer "Ombres blanches" (White Shadows of the South Seas), commencé puis abandonné par Robert Flaherty. Le film, qui décrit la détérioration de la culture polynésienne par l'homme blanc et prône l'amour interracial, aura une grande audience et lancera la vogue des documentaires romancés et exotiques tournés en extérieurs réels. Ce conte des mers du Sud,imprégné d'une mélancolie poignante, et qui ne craint pas de parler ouvertement d'exploitation coloniale et de racisme sans trop de difficultés, fut mis en chantier par deux cinéastes aux conceptions esthétiques fort dissemblables : le documentaliste Robert Flaherty, qui venait de remporter un grand succès avec son film "Moana" (1925), tourné aux îles Samoa, et Woodybridge Strong Van Dyk, qui était un protégé du producteur David O' Selznick, connut surtout comme auteur de bons westerns. Des dissensions entre les deux hommes aboutirent au retrait de Flaherty qui se borna à signer le scénario et à tourner quelques scènes d'ambiance. Prenant l'affaire en main, Van Dyke s'installa avec son équipe à Papeete, où il reconstitua un village polynésien et fit expédier sur place un puissant générateur de dix tonnes, que les autochtones baptisèrent "le char du soleil". Il en résulta une photographie d'une étonnante limpidité, qui fut couronnée par un Oscar en 1929, la deuxième année où cette manifestation eut lieu. Tourné en muet, le film fut sonorisé et fit une belle carrière, tant aux Etats-Unis qu'en Europe. Les surréalistes comme Luis Bunuel en tête, s'enthousiasmèrent pour cette cette histoire d'amour fou sous le ciel tahitien. Deux ans plus tard, un autre chef-d'oeuvre allait voir le jour dans des circonstances presque similaires : "Tabou" de Murnau...

Devenu le type même du cinéaste aventurier et excentrique, il sera d'ailleurs immortalisé sous les traits du personnage de Carl Denham dans "King Kong", Van Dyke enchaîne avec "Chanson païenne" (The Pagan,1929), dont la vedette est Ramon Novarro. Sa dernière tentative en ce domaine sera "Esquimaux" (Eskimo,1933) tourné en Alaska, à proximité du détroit de Béring.

Entre-temps, en 1931, il a tourné au Kenya et au Tanganyika "Horn le trafiquant" (Trader Horn), qui sera l'un des premiers et des plus célèbres films "de jungle". On comprend dès lors qu'il ait été désigné pour diriger en 1932 l'adaptation parlante de "Tarzan l'homme-singe" (Tarzan, The Ape Man,1932), dont les prises de vues auront pourtant lieu entièrement en studio. Lui qui fut un précurseur des films en extérieurs va devenir désormais un spécialiste du tournage en décors fabriqués. En 1934, W.S. Van Dyke signe "Un Drame à Manhattan" ou également connu sous le titre de "L'Ennemi public No1" (Manhattan Melodrama,1934), demeuré célèbre par ce que c'est le dernier film vu par le gangster John Dillinger, abattu à Chicago par les agents du FBI à la sortie de la projection; selon certaines sources, Van Dyke, qui devait enchaîner le tournage de "L'Introuvable" (The Thin Man,1934) avec Myrna Loy et William Powell, n'aurait pas terminer le film. George Cukor et Jack Conway l'auraient alors remplacé pour certaines scènes de raccords.

Tourné en douze jours "L'Introuvable" se révélera un grand succès populaire et consacrera le couple William Powell-Myrna Loy (et le chien Astia). Devant la réussite de cette première aventure, inspiré d'une histoire de Dashiell Hammett, la MGM accepta de mettre en chantier la suite des nouvelles aventures de Nick et Nora Charles : "Nick, Gentleman détective" (After the Thin Man,1936). Cette suite de "L'Introuvable" signé par W.S. Van Dyke d'une série à succès de six titres retrouvait les mêmes héros, les Charles, incarnés par les mêmes acteurs, avec leurs manies de détectives et d'alcooliques mondains et leur chien Astia. A la fin de cet épisode, Nora doit tricoter un petit chausson sous le nez de Nick pour que ce dernier, pourtant rompu à l'art de la déduction, comprenne enfin qu'il va être papa. Et il y aura bientôt un Nick junior qui grandira de film en film, de "Nick joue et gagne" (Another Thin Man,1939), dirigé encore par W.S. Van Dyke (réalisa les trois premiers), à "Meurtre en musique" réalisé par Edward Buzzell en 1947 (Richard Thorpe le quatrième). Van Dyke eut le mérite de les avoir découverts et imposés malgré l'opposition de Louis B. Mayer, patron de la firme.

Le succès du film "L'Introuvable" fut tel que la MGM utilisa ce titre pour toute la série et c'est pour cela que "L'Introuvable", encore aujourd'hui, est confondu avec Nick Charles, le sympathique ex-détective, personnage principal du film. Humour sophistiqué, amour et histoire de détective étaient les ingrédients du premier film. L'intrigue policière est assez mince; inspirée d'un récit de Dashiell Hammett, elle fut transposée par Frances Goodrich et Albert Hackett, un couple d'excellents scénaristes qui assurèrent également les versions suivantes. Nick a un penchant pour les cuites, William Powell en fit une interprétation plus que convaincante : avec sa voix persuasive, il inspirait confiance au public; insouciant et la répartie toujours prompte, il arrivait à rendre crédible toutes les situations, même les plus improbables. Myrna Loy était la compagne de Powell et, par sa présence élégante et sympathique; elle contribuait à faire oublier les banalités de la trame. Le couple reflétait en outre l'image d'une vie conjugale heureuse, capable de surmonter chaque crise avec intelligence et dans le plus grand calme.

En 1936, le cinéaste avait mis en chantier le tournage du film "Rose-Marie" avec Jeanette MacDonald et Nelson Eddy. C'est l'année précédente que W.S. Van Dyke avait réuni pour la première fois Jeanette MacDonald et Nelson Eddy dans "La Fugue de Mariette" (Naughty Marietta,1935). Après le triomphe rencontré par "Rose-Marie", le couple de chanteurs devenu le plus populaire du cinéma sera reformé à six autres reprises jusqu'en 1942, Van Dyke le dirigeant encore quatre fois. C'est donc en 1935, que le cinéaste s'essaie à un nouveau genre, l'opérette filmée. Il en tournera cinq qui seront autant de succès avec le couple vedette : "Amants" (Sweethearts,1938), "Chante mon amour" (Bitter Sweet,1940) et "Ma Femme est un ange" (I Married and Angel,1942).

Au milieu des années 30, il s'est acquis une solide réputation de technicien à la rapidité phénoménal et au talent sûr. On le surnomme "One Take Woody" pour son habitude à ne tourner les scènes qu'une fois; en fait, cette réputation date de 1920, lorsqu'il dirigeait le boxeur Jack Dempsey, incapable de simuler les scènes de combats de boxe, mettait invariablement ses adversaires knock-out, ce qui interdisait toujours une seconde prise ! C'est aussi l'un des trois cinéastes les mieux payés d'Hollywood : de 1932 à 1940, vingt-deux de ses films seront des records de recette !.

Pionnier dans beaucoup de genres, il a également dirigé l'un des premiers films-catastrophes en mettant en scène le grand tremblement de terre de 1906 dans "San Francisco" (1936) avec Clark Gable, Jeannette MacDonald et Spencer Tracy. A l'époque de sa gloire, précurseur dans bien des domaines, il tourne sans discontinuer aussi bien des comédies "André Hardy s'enflamme" (Andy Hardy Gets Spring Fever,1939) que des films en costumes comme "Marie-Antoinette" (1938) (interprétée par Norma Shearer aux côtés de Tyrone Power et John Barrymore; célèbre pour son record de durée de tournage : soixante jours pour une reconstitution historique) ou des films policiers. Il dirige volontiers certaines scènes d'action pour le compte d'un autre cinéaste, comme pour "Le Prisonnier de Zenda", signé John Cromwell, ou complète et signe un film commencé par l'un de ses collègues comme "La Proie du mort", il terminera ainsi une douzaine de films commencés par d'autres).

Officier de réserve dans les Marines, il participe activement, dès 1940, à l'entraînement des troupes mais, à sa grande déception, sera réformé pour grave déficience cardiaque à l'entrée en guerre de l'Amérique. En 1943, il commence le tournage des "Fils du Dragon" (Dragon Seed,1944) en Californie mais, trop fatigué, doit renoncer au voyage en Chine pour tourner les extérieurs, le film sera terminé par Jack Conway. Il entreprend ensuite "Gentle Annie" (1944), qui sera lui aussi interrompu et terminé par Andrew Marton. Woody S. Van Dyke II, il ajoutera "II" à son nom en 1938, après la naissance de son fils Woodbridge Strong III, succombe à un infarctus à Los Angeles le 4 février 1943.

*Photo NB : en haut à droite (D.W. Griffith,W.S.Van Dyke)

1922