AKIRA KUROSAWA, CINÉMA JAPONAIS, VALEURS ET QUALITES
AKIRA KUROSAWA 1920 - 2003
Cinéaste, Scénariste, Producteur Japonais
Akira Kurosawa est né le 23 mars 1910 à Tokyo, d'une famille dont le père était militaire de carrière, Akira Kurosawa termine ses études secondaires en 1927, et se destine d'abord à la peinture (dont il lui restera toujours quelque chose puisqu'il dessinera et peindra les plans de la plupart de ses films). Mais ne pouvant assurer sa subsistance par ses seuls travaux d'illustrateur, il participe en 1936 à un concours organisé par la firme Photo Chemical Laboratoires (PCL, ancêtre de la Cie Toho), et fait un stage d'assistant-réalisateur.
En 1940, Kurosawa, bien qu'officiellement assistant, réalise quelques séquences du film de K. Yamamoto, "Uma" (Les Chevaux), qui marquent ses véritables débuts dans la mise en scène. Mais c'est en pleine guerre, en 1943, qu'il écrit et réalise son premier long métrage, "La Légende du Grand Judo" (Sugata Sanshiro), film sur la naissance du sport martial du Judo opposé à l'ancienne école du Ju-Jitsu. Celui-ci fut accusé d'avoir participé à sa manière à l'effort nationaliste obéissant à cette devise "Endurcissez-vous, devenez plus fort pour la Patrie". Ce n'est peut-être pas totalement faux, mais il faut signaler que le film eut pourtant à souffrir de la censure militaire, car un carton précisé à sa réédition que "plus de 600 mètres de pellicule manquent à la version originale, notamment des scènes sentimentales entre le héros Sugata et la fille de Murai, jugées trop molles et sentimentales par la censure. Aujourd'hui, le film, que Kurosawa considère en de ses meilleurs (à l'encontre de la deuxième partie, tournée en 1945, et rarement montrée), paraît contenir la majorité des thèmes (moraux et "humanistes" entre autres), et révèle l'extrême maîtrise de sa technique, malgré un tournage dans des conditions très difficiles. La projection de "Rashomon" (1950) d' Akira Kurosawa, au Festival de Venise en 1951, fit l'effet d'une véritable bombe, et seuls les japonais se montrèrent surpris lorsque le Lion d'Or fut attribué au film. La Daiei, qui l'avait produit, avait hésité à l'envoyer au Festival, de crainte que l'oeuvre fût mal comprise ou jugée ridicule. En fait, le triomphe de "Rashomon" allait contribuer à faire connaître en Occident les autres grands réalisateurs du cinéma japonais.
Les critiques japonais n'avaient pas été enthousiasmés par le film. Pour eux, celui-ci, à la différence des oeuvres précédentes de Kurosawa, manquait d'une dimension sociale; arrêtant là leur analyse, ils ne perçurent pas le thème central du film : celui de l' "objectivité relative".
L'oeuvre présente quatre versions différentes d'un viol suivi de meurtre. Un samouraï et sa femme, en voyage, traversent un territoire infesté de bandits. Un souffle de vent écarte le voile qui recouvre le visage de la femme et en révèle la beauté à un bandit. Fasciné, il viole la femme et tue le samouraï, un couard qui supplie lâchement d'être épargné. Mais la réalité est peut-être différente; en effet, si l'on s'en tient à la version de la voyante grâce à laquelle le samouraï s'exprime de l'au-delà devant le tribunal où l'on juge l'affaire, le samouraï se serait tué conformément à son code d'honneur. Selon celle du bandit, par contre, la femme était consentante. L'affaire se complique encore avec l'intervention d'un quatrième témoin, un bûcheron, qui raconte sa propre version des faits à un bonzen alors que tous deux se sont mis à l'abri de la pluie sous les ruines de la porte de Rashomon, symbole du chaos et de l'anarchie qui règnent sur le Japon du VII ème siècle.
Bien des aspects du génie de Kurosawa se dégagent de Rashomon : sa maîtrise totale à conduire les intrigues les plus complexes, son excellente direction d 'acteurs, sa manière très subtile d'utiliser ombres et lumières. On ne peut pas oublier la course du bandit dans la forêt scintillante, ni la séquence du viol, dans laquelle la caméra tournée vers la cime des arbres effectue une rotation complète pour suggérer l'orgasme (prouesse technique qui allait être souvent imitée). Avec "Rashomon", Kurosawa rejoignait, à l'évidence, le cercle restreint des grands réalisateurs de niveau mondial.
Le succès de "Rashomon" fit connaître en Occident ses films précèdents, notamment "Les homme qui marchaient sur la queue d'un tigre" (Tora no o o fumu otokotachi,1945). Moins bien accueilli que "Rashomon", ce film reste cependant fascinante adaptation d'une pièce de théâtre No. Il lui avait fallu attendre huit ans avant d'être distribué : les autorités d'occupation américaines l'ayant jugé d'inspiration "féodale".
Autre film clé de cette période : "L'Ange ivre" (Yoidore Tenshi,1948), grand succès au Japon et premier film de Kurosawa avec Toshiro Mifune, qui allait devenir l'acteur vedette du réalisateur. Histoire d'un ancien gangster tuberculeux incarné par Toshiro Mifune et d'un médecin des bas-fonds (Takashi Shimura) qui lutte pour son salut spirituel, ce film annonce les autres oeuvres de Kurosawa traitant de l'amitié entre hommes. Il est certain que le succès de "Rashomon" à l'étranger aussura à kurosawa une plus large liberté de mouvement dans le domaine artistique : en 1952, avec "Vivre" (Ikiru), il donnait un de ses meilleurs films. Le personnage principal est un bureaucrate d'âge mûr (magistralement interprété par Takashi Shimura. Il apprend qu'il souffre d'une maladie incurable, ce qui le mène à faire le bilan de sa vie, laquelle lui apparaît vide et stérile. Une conversation entendue par hasard lui fait découvrir qu'une seule chose compte pour sa famille : son argent; sur le plan professionnel également, il prend conscience, avec beaucoup d'amertume, de son rôle de simple pion dans le jeu de la machine administrative. Ayant retrouvé une pétition, classée et oubliée, dans laquelle les habitants d'un quartier pauvre réclament qu'un terrain abandonné soit transformé en parc de jeux pour les enfants, il décide de faire de cette cause la justification tardive de son existence. On le voit finalement mourir, seul, sur la balançoire du terrain de jeux qu'il a contribué à edifier. Au cours des derniers mois de sa vie, le bureaucrate parvient à nouer une relation amicale avec une jeune femme de son service, mais il renonce aussi à elle, pour tout sacrifier à ce qui est devenu son obsession. Le message du film est très clair : il ne faut pas quitter cette terre en laissant derrière soi des projets inaboutis ou d'amers regrets; un message qui rejoint l'enseignement du zen et du bouddhisme indien.
Deux ans plus tard, Kurosawa connut son plus grand succès mondiale avec "Les Sept Samouraïs" (Shichi-nin non Samurai,1954). Le réalisateur japonais n'ayant jamais caché son admiration pour John Ford et pour ses westerns épiques. Et il est vrai que "Les sept Samouraïs" présente plus d'un point commun avec ce genre bien américain. Les personnages de Kurosawa y sont brossés de main de maître, notamment celui qu'interprète Mifune, qui fait preuve d'un talent comique insoupçonné en campant un aspirant-samouraï, joyeux fanfaron, qui s'accroche au groupe des fiers guerriers. La morale du film rejoint celle des héros fordiens : "L'union fait la force." Les paysans qui ont engagé les samouraïs seront, certes, libérés de l'oppression, mais au prix d'une bataille qui exigera des efforts inouïs, bataille à la fin de laquelle un samouraï pourra dire : "Nous avons vaincu, mais nous avons perdu"; ce qui est une façon de juger la condition des samouraïs : à la différence des paysans liés à la terre, ils "visitent la terre comme le vent", sans racines et errent sans fin, telle une race destinée à s'éteindre. Ce sublîme film de Kurosawa a obtenu le Lion d'Argent au Festival de Venise en 1955.
Il faut noter que "Chien enragé" (Nora Inu,1949) est l'un des premiers films du cinéaste, distribué en France après "Rashomon" et "Les sept Samouraïs", fut une date dans l"histoire du "néo-réalisme" japonais, dépassant largement le cadre du strict policier. Sans doute influencé par les nouveaux courants réalistes de cette époque, mais tel que "La cité sans voiles" de Dassin. Kurosawa détestait le genre policier, a pris prétexte de l'intrigue pour brosser un tableau impressionnant du Japon d'après-guerre, comme il le fera plus tard dans "Entre le ciel et l'enfer".
Tourné juste avant "Rashomon", "Scandale" (Shubun,1950) est un de ces mélodrames très pathétiques qui divisent encore les opinions sur Kurosawa, car il y fait appel à un sentimentalisme que l'on pourra juger insupportable ou admirable. Le film est clairement construit en deux parties, la première traitée "à l'américaine", avec la rencontre du couple, les randonnées à moto dans le Japon encore marqué par l'après-guerre, et le déclenchement du procès. Toshiro Mifune tient le rôle principal de cette partie, aux côtés de Yoshiko Yamaguchi, tandis que Takashi Shimura, l'excellent acteur de "Vivre" est le personnage principal de la seconde.
Tout comme "Le château de l'araignée" est une transposition de "Macbeth" dans le Japon médiéval, et "Les Bas-fonds" celle de la pièce de Gorki, "L'idiot" (Hakuchi,1951) est tiré d'une adaptation personnelle du roman de Dostoievski par Kurosawa, grand admirateur de la littérature russe. Il s'agit là d'un de ses films les plus remarquables, vaut essentiellement par une interprétation hors pair de Toshiro Mifune, Masayuki Mori et Takashi Shimura. "Chronique d'un être vivant" (Ikimono no kiroku,1955), connu aussi sous le titre français "Vivre dans la peur", il fut présenté au Festival de Cannes 1956, ne fut pas très bien accueilli à l'époque en Occident, car il rompait totalement avec le style épique des "Sept Samouraïs"
En 1957, Kurosawa réalisa deux adaptations de textes étrangers : "Le Château de l'araignée" (Kumonosu-jo), d'après "Macbeth" de Shakespeare, et "Les Bas-Fonds" (Donzoko), inspiré du drame de Gorki déjà filmé par Renoir en 1936. Dans "Le château de l'araignée", Kurosawa choisit de reléguer pour la première fois Mifune au second plan, il n'en fit pas moins une remarquable prestation, pour donner le rôle principal à Isuzu Yamada, inoubliable Lady Macbeth. A la fois délicate et sinistre, l'actrice incarna à merveille le génie du mal shakespearien. On la voit errer la nuit dans son château, tout occupée à préparer des complots infâmes, accompagnée du froissement effrayant de son kimono.
L'adaptation de "Macbeth" par Kurosawa n'est certes pas inférieure à celle d'Orson Welles, bien que plusieurs détails soient retranchés ou ajoutés à l'original de Shakespeare, comme la scène où les oiseaux, fuyant la forêt, envahissent le "château de l'araignée". Kurosawa a magistralement transposé la pièce dans le Moyen Âge japonais, et à travaillé essentiellement sur l'atmosphère, autant que sur les caractères des personnages. Washizu et ses hommes chevauchent dans la brume épaisse, et tout le film possède un caractère fantomatique accentué par l'apparition impressionnante de la sorcière, dans le style des fantômes japonais.
Pour "Les Bas-fonds", Kurosawa eut recours à la technique de la multicaméra. Pendant six semaines, il tint sous pression acteurs et techniciens pour des essais de maquillages, de lumières et de costumes, parvenant ainsi à donner au groupe une cohésion et une unité remarquables, qu'on retrouve d'ailleurs dans le parfait équilibre du film. Celui-ci est composé d'une série de scènes ayant pour cadre Edo vers la fin de la période Tokugawa (1600-1868). La mort perd son sens lorsque la vie ne vaut pratiquement plus la peine d'être vécue; pourtant, la danse étrange et brève exécutée par les misérables clients de l'hôtel de l'usurier durant la tournée finale est pleine d'optimisme et de gaieté. Du moins jusqu'au moment où l'on apprend la nouvelle d'un nouveau suicide. Un personnage regarde directement la caméra et dit : "Quel dommage ! Alors que nous commencions justement à nous amuser." C'est de cette manière brutale, sans fioritures sentimentales (et fidèle en cela à l'esprit du drame de Gorki) que le film prend fin. Dans cette histoire qui ne comporte pourtant pas de personnages de premier plan à se placer au-dessus du lot.
Après avoir exploré, avec "Le château de l'araignée" et "Les Bas-fonds", les abîmes de dépravation, d'avidité et perfidie dans lesquels l'humanité peut tomber, Kurosawa réalisa, au cours des cinq dernières années qui suivirent, trois films en costumes où le mal est traité sur un ton beaucoup plus léger, voire comique. Le premier, "La Forteresse cachée" (Kakushi Toride no San Akunin,1958), est une sorte de fable pleine d'action. Premier film en cinémascope du cinéaste, qui est avant tout un "divertissement" populaire de qualité, qui entre dans la catégorie des "Jidai-geki", ou films historiques japonais. Film à gros budget, il rapporta d'énormes recettes qui compensèrent le coût et la longueur du tournage. Il avait fallu attendre "pendant cent jours" le beau temps au pied du Mont Fuji!. Les deux autres ont pour titre "Yojimbo" (1961) et "Sanjuro"(Tsubaki Sanjuro,1961). Ces trois films étaient interprétés par Toshiro Mifune, acteur d'une grande prestance physique et doté d'une présence exceptionnelle. La verve comique qui accompagne les traditionnelles et violentes aventures masque en fait un amer désespoir.
Dans "Yojimbo" (Connu aussi sous le titre "Le Garde du corps" , ce sont les valeurs féodales qui sont tournées en ridicule; dans "Sanjuro", Mifune incarne un samouraï qui fait prendre conscience à un groupe de "cadets" que les rigides codes d'honneur et les devoirs traditionnels sont dépassés face aux difficultés de la réalité quotidienne. On note dans ces deux films une sorte de recours au "kitsch". Dans "Sanjuro", par exemple, c'est la scène où les alliés échangent des messages en se servant de fleurs de lotus que le courant du fleuve entraîne vers les lignes ennemies.
Kurosawa revient à des thèmes plus forts avec "Barberousse" (Akahige,1965). Le film suis l'évolution des rapports affectifs très profonds, sorte d'éducation sentimentale, qui lient le médecin Barberousse (Mifune) à son disciple (Yuzo Kayama). Le docteur persuade le jeune homme que sa vie n'aura de sens qu'à condition d'être mise au service des nécessiteux. Pourtant la conclusion du film sera plutôt pessimiste. Dans "Vivre", Kurosawa avait laissé entendre qu'une tentative in extremis pour donner un sens à une vie égocentrique peut assurer le salut spirituel et faire accepter sereinement la mort. Dans "Barberousse", par contre, tout est vanité : les anciennes philosophies féodales sont désormais totalement dépassées, mais n'ont pas encore été remplacées par une nouvelle conception du monde et une autre échelle de valeurs. Ce film splendide, censé se dérouler lui aussi à la fin de l'époque Tokugawa, contient en fait de claires allusions aux problèmes du Japon moderne. Avec "Les salauds dorment en paix" (Warui Yatsu Hodo Yoku Nemuru,1960), Kurosawa s'attaque à la corruption dans les hautes sphères industrielles et politiques, et démontre combien il est difficile de lutter contre le mal sans devenir soi-même mauvais. On remarquera surtout la séquence d'ouverture de la cérémonie nuptiale, troublée par l'apparition du gâteau géant en forme de building où figure le corps du père de Nishi sautant d'une fenêtre, acculé au suicide, avant l'engrenage d"une intrigue assez complexe dominée par de longues scènes dialoguées plus que par des morceaux de bravoure. Mais déclara l'auteur, "C'est là le premier film des productions Kurosawa profitable (...) Un film destiné seulement à gagner de l'argent ne me plaisait pas. Au lieu de cela, je voulais faire une film qui eût quelque signification sociale. A la fin, je décidai de faire quelque chose au sujet de la corruption, parce qu'il m'a toujours semblé que la grivèlerie, l'escroquerie, au niveau d'une affaire publique, est l'un des pires crimes qui existent".
La carrière de Kurosawa marque un temps d'arrêt au début des années 70. Le cinéaste réalise son premier film en couleurs en 1970 avec "Dodes'Kaden" (Dodesukaden), onomatopée qui rappelle le bruit d'un train roulant sur une voie. Ce film a pour cadre les quartiers louches d'une grande ville et se présente comme une variante stylisée des "Bas-Fonds". Kurosawa reçut une proposition pour codiriger la réalisation de "Tora !, Tora !, Tora !", reconstitution de l'attaque japonaise de Pearl Harbor, mais l'affaire ne put aboutir. Les déboires de Kurosawa s'aggravèrent encore avec la crise de l'industrie cinématographique japonaise : il devenait impossible de trouver l'argent nécessaire pour des films dont le succès n'était pas garanti d'avance. Autant de facteurs qui expliquent la période de dépression que traversa Kurosawa au début des années 70, qui le conduisit jusqu'à sa tentative de suicide. Fort heureusement, le réalisateur surmonta cette crise et trouva de nouvelles sources d'inspiration en Union soviétique.
Financée par les Soviétiques, l'oeuvre dont il entreprit la réalisation, "Dersou Ouzala" (Dersu Uzala,1975), se déroule au XXème siècle, et exalte une nouvelle fois l'amitié entre deux hommes, issus de cultures très éloignées. Mais leur rencontre va les marquer profondément. Le personnage qui donne son nom au titre du film est un chasseur dont la vie est indissolublement liée au milieu dans lequel il évolue. Dersou est engagé par Arseniev, le chef d'une expédition qui a pour mission d'explorer les étendues sibériennes. La guide révèle aux membres de l'expédition les secrets de la nature. Lorsque la vue de Dersou commence à baisser, Arseniev l'emmène vivre chez lui, à Moscou. Mais Dersou ne parvient pas à s'adapter à la vie citadine. Il décide alors de retourner dans ses forêts bien-aimées, mais il est tué aux abords de la ville par un voleur qui voulait s'emparer du fusil qu'Arseniev lui avait offert pour l'aider à survivre en Sibérie.
Le message du film est explicite : la pureté du coeur est l'apanage de ceux qui restent, en marge de la vie moderne, proches de la nature. Kurosawa réalisa "Dersou Ouzala" avec l'aide de techniciens russes, à l'exception de l'opérateur japonais Asakazu Nakai, doué d'un rare talent pour saisir la beauté des paysages désolés au milieu desquels se déroule le film. Celui-ci a obtenu le Grand Prix du 9ème Festival de Moscou, l'Oscar 1976 du Meilleur Film étranger.
Lorsque Kurosawa put donner le premier tour de manivelle de "Kagemusha" (1980), cela faisait dix ans qu'il n'avait pas travaillé dans son pays. Les réalisateurs Francis Ford Coppola et George Lucas surent convaincre la 20th Century-Fox de produire le film. L'histoire de "Kagemusha" se déroule à la fin du XVIème siècle. Un pauvre voleur voit sa vie épargnée en raison de son étonnante ressemblance physique avec un puissant seigneur féodal. Lorsque celui-ci meurt des suites de ses blessures, le voleur est obligé de prendre sa place pour maintenir l'unité du fief et pour combattre un autre clan. Il s'identifie de plus en plus au seigneur défunt, mais il est démasqué le jour où il ne parvient pas à monter à cheval. Condamné à l'exil, il assiste impuissant, à la défaite de son clan.
"Kagemusha", avec son budget de six millions et demi de dollars, est le film le plus coûteux de l'histoire du cinéma japonais. Il remporta en 1980, avec "Que le spectacle commence" de Bob Fosse, la Palme d'Or au Festival de Cannes. Certains critiques jugèrent splendides les scènes de bataille; d'autres les trouvèrent trop longues. A ce propros, il est bon de préciser que, désireux de présenter son film à Cannes, Kurosawa n'eut pas le temps de le monter comme il l'aurait souhaité. Pendant des années, il avait été un partisan déclaré de l'emploi de plusieurs caméras : celles-ci pouvaient rendre la spontanéité qui faisait défaut aux scènes tournées plusieurs fois avec une seule caméra, mais la masse de pellicule tournée pour "Kamegusha" était telle que le film n'aurait pu être monté à temps pour être montré aux critiques cannois. Rencontrer Kurosawa, parler avec lui (même par le truchement d'un interprète) est une expérience qu'on oublie pas facilement. C'était un homme de haute taille, aux manières pleine de courtoisie, et qui souriait toujours. Cet abord ne semblait pas correspondre au tempérament d'un artiste dont les oeuvres expriment un humanisme désespérement passioné ni à celui d'un cinéaste considéré comme un maître indiscuté des scènes d'action violente. Comme beaucoup de créateurs, Kurosawa, dans la vie, s'avançait masqué.
Entre 1985 et 1993, il réalisa des oeuvres inégalées tels que "Ran" (1985). Adaptation très libre du "Roi Lear" de Shakespeare et d'une chronique de l'Histoire japonaise, comme l'avait été déjà "Le château de l'araignée" ou "Macbeth". "Ran" est sans doute un des films les plus sombres et les plus esthétiquement achevés de l'auteur. "Rêves" (Konna Yume wo mita,1990) est le vingt-huitième film de Kurosawa, celui-ci ressemble bien plus à un "film-testament". Quant au film suivant "Rhapsodie en août" (Hachigatsu no Rapusodi,1991), il est inspiré d'un court roman de la femme-écrivain Kiyoko Murata; les années 90 s'achèvent avec le tournage du "Maître" (Madadayo,1993), le cinéaste déclara à propos du film : "Il y a quelque chose de très précieux, mais qui est maintenant tombé dans le domaine de l'oubli le monde enviable des coeurs chaleureux. J'espère que tous les gens qui verront ce film sortiront avec un sentiment de fraîcheur et des visages souriants". Akira Kurosawa est mort àle 6 septembre 1998 à Tokyo, il avait 88 ans.
La Légende du Grand Judo - 1943
1949
1951
Vivre - 1952
1954
Macbeth - 1957
Le Château de l'Araignée - 1957
1958
Yojimbo - 1961
Sanjuro - 1962
Entre le ciel et l'enfer - 1963
Barberousse - 1964
Barberousse ( bande annonce VO )
1970
1975
1980
1985
1993
_____________________________Doris Day