SYLVIE, LA PETITE VIEILLE DAME INDIGNE ! (LOUISE SYLVIE)
(LOUISE) SYLVIE 1883 - 1970
Comédienne Française
Actrice française née Louise Pauline Mainguené, à Paris le 3 janvier 1883. Elève du comédien Eugène Silvain (qui lui inspire son pseudonyme), débute au théâtre en 1902 dans les rôles d'ingénue. Elle deviendra très vite la comédienne vedette de l'Odéon sous la direction prestigieuse d'Antoine et jouera près de 80 rôles tant dans le répertoire classique que chez les auteurs contemporains.
Sylvie débute au cinéma muet pendant la Première Guerre mondiale en tournant sous la direction de Albert Cappelani dans "Germinal" (1913). Dès son premier film parlant, elle s'impose en femme aigrie déversant sa bile sur son entourage, personnage dont elle déclinera de nombreuses variantes. La rencontre avec Pierre Chenal, en 1934, lors de l'adaptation de "Crime et Châtiment", se révèle concluante. Sylvie avec simplicité revêt la robe des veuves, et démontre que sobriété n'implique pas sécheresse. Pour "L'affaire Lafarge" (1937, le même Chenal la transforme en âpre paysanne vouée au deuil éternel. Subjuguée par son fils, haineuse devant sa bru, pied à pied, elle lutte contre l'intruse qui verse peut-être le poison et accepterait, pour la confondre, de vendre son âme au diable.
Duvivier, qui a le goût des monstres, la lâche alors dans le cabinet d'un médecin marron dans "Carnet de bal" (1937). Théâtreuse dont la coquetterie rancie et dont les illusions se fanent, compagne de mornes débauches, elle va crever d'envie et de jalousie, criblée de balles, après s'être cognée aux murs comme un bourdon affolé. Dans "La fin du jour" (1939), actrice sans gloire, elle arpente nerveusement le salon de la maison de retraite comme elle ferait d'une scène de théâtre, ricane et brandit pour confondre Jouvet, don juan et imposteur, les lettres d'amour qu'il prodiguait jadis à ses partenaires d'un soir.
Lourde de secrets et toujours vêtue de noir, regard dur et cuisse légère, la voici prête à accabler le valet débile qui amait trop sa jeune maîtresse dans "Entrée des Artistes" (1938) de Marc Allégret. Tantôt harpie, tantôt furie, sa virtuosité frénétique l'entraîne à des paroxysmes d'où elle retombe, pantelante, les nerfs à vif. A moins que, bourgeoise grand style, elle ne dissimule sous l'apparence la plus avenante, la sécheresse d'un coeur racorni tel "Le voyageur sans bagage" (1944) de Jean Anouilh.
Pour échapper à l'empreinte de semblables femelles, il y a encore la baronne de "Pour une nuit d'amour" (1946) d'Edmond T. Gréville, la vieille bretonne de "Pattes blanches" (1948) de Jean Grémillon, la belle-mère du "Miroir à deux faces" (1958) de André Cayatte avec Michèle Morgan dans le rôle de sa bru, et Bourvil son fils. Sylvie verse carrément dans le sublime. C'est alors la galerie des mamans résignées comme dans "Deux amours" (1948) de Richard Pottier, "Michel Strogoff" (1956) de Carmine Gallone avec Curd Jurgens dans le rôle-titre, "Le Corbeau" (1943) de Henri-Georges Clouzot; "On ne meurt pas comme ça" (1946) de Jean Boyer, "Nous sommes tous des assassins" (1952) de Cayatte, des humbles mémés "Cronaca familiare" (1962) de Valerio Zurlini, des vieilles filles sans espoir dans "Sous le ciel de Paris" (1950) de Julien Duvivier. Elle met tout son talent qui est grand au service de douces aveugles luttant contre le destin dans "Marie-Martine" (1943) d'Albert Valentin et surtout, "Thérèse Raquin" (1953), Marcel Carné la choisit en 1953 pour sa transposition moderne de «Thérèse Raquin». Mère trop aimante, elle ne se remet pas de la disparition de son fils et assiste, paralysée, aux manœuvres des meurtriers (Simone Signoret et Raf Vallone). Par la force seule de son regard, Sylvie poursuit les amants de sa haine et de sa malédiction muette : que de talent exprimé dans cette interprétation ! ou de confiantes paysannes qui appartiennent au "Petit monde de Don Camillo" (1951) de Julien Duvivier. N'oublions pas les servantes amères de "Pattes blanches" ou "Dieu a besoin des hommes" (1950) de Jean Delannoy, ni les mères trop possessives de Fernandel "Le fruit défendu",(1952) de Henri Verneuil ou Bourvil face à Michèle Morgan dans "Le miroir à deux faces», 1958) de André Cayatte.
Sylvie retrouve sérénité et équilibre dans ses deux créations majeures : "Les Anges du péché" (1942) de Robert Bresson et "La Vieille dame indigne" (1964) de René Allio. Trois décennies de seconds rôles lui permettra d'interpréter le premier film de René Allio qui rencontra un succès public aussi considérable qu'inattendu. Sylvie avait plus de quatre-vingt ans lorsqu'elle tourna ce film où elle trouva le meilleur rôle d'une carrière qui compte plus de soixante titres au cinéma et quatre-vingt pièces au théâtre. Sylvie connaît la consécration internationale en recevant le prix d'interprétation décerné par la critique américaine. René Allio batailla un an durant pour imposer Sylvie à ses producteurs qui réclamaient Margaret Rutherford ou Danielle Darrieux pour le rôle principal de «La vieille dame indigne». Malicieuse et entêtée, Me Bertini découvre le monde à la mort de son mari, s'achète une 2CV et refuse les conventions dictées par ses enfants, pressés de toucher leur héritage. Le film reste à l'affiche toute une année.
Avec son naturel, sa finesse, sa perspicacité, la supérieur règne sur les religieuses de Béthanie. Attentive et moins débonnaire qu'on le croit. Si l'inquiétude la traque parfois, sa figure n'en demeure pas moins impénétrable sous les voiles qui la parent en la protégeant. Quant à la vieille dame, c'est une rusée au coeur chaud, une brave femme qui veut rire au soleil pendant les derniers jours qui lui restent à vivre. Obstinée, elle s'éloigne, droite et menue, ayant jeté enfin son chapeau de paille par-dessus les moulins, en tout bien, tout honneur évidemment. Sylvie, après cela, s'estime comblée. Elle se retire. La lumière a enfin vaincu les ombres. A quatre-vingts ans passés, elle est devenue une actrice à part entière... Louise Sylvie est morte le 5 janvier 1970 à à Compiègne dans l'Oise, elle avait 87 ans.
*Avec le concours des Excentriques du cinéma français de Raymond Chirat et Olivier Barrot ( Editions Henry Veyrier)
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_____________Louis Jouvet, Howard Hawks, Charles Boyer, Claudette Colbert, Carl Theodor Dreyer, Viviane Romance, Pierre Fresnay, Jean Dréville, Irene Dunne,, Raoul Walsh, Charles Laughton, James Stewart, Jean Arthur, Pierre Chenal, Erich von Stroheim, Robert Taylor, John Ford,Lillian Gish, Cary Grant, Ingrid Bergman, Victor Francen, Wallace Beery, Maureen O'Hara, Mirna Loy, William Powell, Douglas Fairbanks, Viviane Romance, Toto, Mae West, Akira Kurosawa, Noël-Noël, Maureen O' Sullivan, Pierre Blanchar...2015.....