MICHELINE PRESLE, DU MÉLODRAME A LA COMÉDIE
Actrice Française
Micheline Presle connut ses premiers succès au début de la guerre et de l'Occupation avec "Paradis perdu" d'Abel Gance en 1939, puis "La Comédie du bonheur" (1940) de Marcel L'Herbier. On peut également citer "La Nuit fantastique"suivis de deux créations importantes qui ne sortirent qu'après la Libération, "Félicie Nanteuil" (1942) de Marc Allégret et "Falbalas" (1944) de Jacques Becker.
Jeune fille ou jeune femme, parfois hésitant entre les deux, tous ses personnages sont marqués de sa forte personnalité et d'un talent aussi heureux dans le registre comique que dans le dramatique. Ces qualités se confirmèren dans le fameux "Diable au corps" (1946) du cinéaste Claude Autant-Lara, ou dans "L'Amour d'une femme" (1953) de Jean Grémillon. Les Américains la remarquèrent et elle fut engagée à Hollywood "Guérillas" de Fritz Lang.
Elle fut excellente dans un fameux film anglais de Joseph Losey, "L'enquête de l'inspecteur Morgan" (1959). Sans oublier sa participation à un feuilleton célèbre des années 60 : "Les Saintes-Chéries" au côté de Daniel Gélin.
Micheline Presle est née le 21 août 1922 à Paris , de son véritable nom Micheline Chassagne. Jeune fille de bonne famille elle répand la joie autour d'elle tout en s'ennuyant un peu de ses études au gré du temps. Ce fut un ami de son parrain qui était à la recherche de jeune filles susceptibles de figurer dans un pensionnat huppé.
Elle débute sa carrière cinématographique avec un long métrage intitulé "La Fessée" en 1937. Réalisé par Pierre Caron avec comme acteurs principaux Albert Préjean, Marguerite Moréno et Armand Bernard. L'année suivante, elle est engagée pour participer au film "Je Chante" dont la vedette est Charles Trénet et la mise en scène de Christian Stengel.
Attirée toute jeune par les studios et servie au départ par un tempérament vif, primesautier et décidé, ainsi que par une évidente photogénie, la jeune Micheline qu'on n'appelait pas encore Presle, passe rapidement par le purgatoire de la figuration. Malheureusement, les deux films qui suivront ("Petite peste",1938) (et "Vous seule que j'aime",1938) n'auront pas permis à l'actrice d'attirer l'attention sur elle. Elle suit des cours de danse, chante à l'occasion, renforce ses qualités d'actrice au contact de Raymond Rouleau et René Simon
C'est un collaborateur de Georg-Wilhem Pabst qui remarque Micheline Presle lors d'une audition, qui la propose au réalisateur qui prépare son dernier film français "Jeunes filles en détresse" (1939) , elle décroche l'un des rôles principaux grâce à sa franchise, sa spontanéité. Même si le film ne ressemble en rien à d'autres périodes du cinéaste qui fit sa gloire celle du muet ainsi que sa période allemande. Le film est réussi grâce à la plupart des comédiens qui sont brillants : Marcelle Chantal (sa mère), Micheline Presle, Jacqueline Delubac, Marguerite Moréno, André Luguet et Louise Carletti. Micheline y trouve à la fois un grand succès personnel et son pseudonyme de Presle. Les critiques sont enchantés par son naturel, sa fraîcheur et son aisance à jouer.
Aussitôt après, Abel Gance la réclame et tourne d'avril à juin 1939, "PARADIS PERDU", il ne sortit dans les salles parisiennes qu'à la fin de 1940. Ce film est un pur mélodrame, puisque le fil conducteur est fourni par la chanson écrite par Hans May, et qui rappelle combien la musique est pour Abel Gance un élément de choix dans la composition de ses oeuvres. Micheline Presle doit assumer un double rôle : la mère Janine et la fille Jeannette. Olivier Barrot et Raymond Chirat ont écris dans leur ouvrage "Noir et Blanc" aux éditions Flammarion : "Il s'agit d'un mélodrame. Charmeur dans sa première partie, moins convaincant par la suite. Le début se déroule dans la liesse populaire et les extravagances mondaines de la Belle-Epoque finissante. En midinette, admirée et aimée par un peintre qui la métamorphose en ravissant modèle, Micheline Presle est radieuse. Elle irrradie le bonheur de vivre et installe avec tant de pureté son personnage dans ce bref paradis que la violence du chagrin éprouvé par Fernand Gravey apprenant sa mort déferle sur le spectateur; la mélodie qui donne son nom au récit ajoute à l'émotion.
L'actrice reconnaît volontiers que le second volet du scénario n'a pas la même résonance. les êtres de chair et de sang d'avant 14 ne sont plus en 39 que silhouettes plaquées. Janine et Jeannette ont illuminé la carrière naissante, déjà prometteuse de Micheline Presle.
En 1940, Yves Mirande réalise "Elles étaient douze femmes" incarnaient par Gaby Morlay, Françoise Rosay, Betty Stockfeld, Micheline Presle, Blanchette Brunoy, Simone Berriau et Simone Renant. Le film raconte l'histoire d'une communauté de dames à l'abri du besoin séparees de leurs compagnons...
En août 1939, Marc Allégret entreprenait l'adaptation à l'écran de la pièce de Marcel Achard "Le Corsaire", lorsqu'il fut interrompu par le départ des comédiens mobilisés comme réservistes, le film ne fut jamais achevé. En mai 1940, afin de ne pas être confronté au même problème, Marc Allégret met en route "Parade en 7 nuits", un film à sketches composé de quatre histoires indépendantes et susceptibles d'être agencées en fonction des évènements. Heureuse idée. Après quelques semaines de tournage mouvementées dans les studios Pathé de la rue Francoeur, toute l'équipe met le cap sur la zone libre et vient s'installer dans les Studios de la Victorine. La distribution initiale connaît quelques modifications liées à ce déplacement : les sortants sont remplacés par des comédiens présents en zone non occupée, tels que Micheline Presle, Jean-Louis Barrault, Janine Darcey, Noël Roquevert ou encore Louis Jourdan qui débutait au cinéma...
Jusqu'à l'armistice, elle n'arrête plus de tourner et l'on constate dans "LA COMEDIE DU BONHEUR" (1940) que son talent est des plus nuancés. Le film est tourné à Rome tandis que les hostilités des fascistes à l'égard des acteurs français est à son apogée... Micheline Presle âgée de dix-huit ans est en totale harmonie avec le cinéaste Marcel L'Herbier qui la dirige aux côtés de Michel Simon, Ramon Novarro, Jacqueline Delubac, Alerme, Louis Jourdan et Sylvie. Le film sort avec un accueil favorable et cela pendant l'Occupation.
"Le Soleil a toujours raison" (1943) fut tourné entre juin et septembre 1941 dans les studios de Saint-Laurent du Var, puis à Saint-Tropez et au Mas de Triniterre en Camargue pour les extérieurs. Pierre Billon s'est entouré de quelques uns des meilleurs artisans : Jacques Prévert signa l'adaptation et les dialogues, Joseph Kosma ecrivit la musique des chansons, Alexandre Trauner créa les décors. Le scénario est entièrement bâti autour de la personnalité de Tino Rossi, grande vedette de la scène, qui interprète pas moins de sept chansons écrites pour l'occasion. En raison de la guerre, le film connut une sortie tardive en salle, il dut en effet, être validé par la commission dont la firme allemande était La Continental Films. Il fallut attendre le 27 janvier 1943 pour être présenté aux spectateurs parisiens du Paramount.
Avec "LA NUIT FANTASTIQUE" (1942), Marcel L'Herbier se plaçait résolument dans la tradition Méliès : il avait même songé à intituler son film "Le tombeau de Méliès" - dans le sens o Ravel composa "Le tombeau de Couperin". Si le cinéaste évoque Méliès, constate Roger Régent (in "cinéma de Frace", 1948 - ce n'est pas à cause des escamotages et des tours de passe-passe, c'est plus vraisemblablement parce que cette oeuvre nouvelle se réclamait directement des primitifs d'un art en voie de perdition, qu'elle s'efforçait d'arracher à l'écran tous les barbarismes, tous les contresens qui s'y étalaient encire et qui, depuis quarante ans et dans l'état de confusion où nous étions plongés, risquaient de se subtituer pour longtemps au véritable langage cinématographique. En 1943, "La Nuit fantastique" remporta le Grand Prix de la Critique Cinématographique. Quant à Micheline Presle qui interpréte Irène, la dame blanche dans ce conte fantastique réussit l'une de ses meilleures performances sur le plan cinématograpique. On peut citer les autres interprètes : Fernand Gravey, Saturnin Fabre, Michel Vitold, Jean Parédès, Bernard Blier et Marcel Levesque.
"FELICIE NANTEUIL" (1945) est un des films caractéristiques de cette époque qu'on a appelée le cinéma de Vichy. Tourné à Nice, donc en zone libre, en 1942. Il ne paraît, sur les écrans parisiens (et français), que trois ans plus tard. Le film s'inspire d'un roman d'Anatole France "Histoire Comique" qui analyse l'ascension d'une petite comédienne. Ambitieuse, elle surpasse son professeur, acteur médiocre, accessoirement son amant. Supplanté, la jalousie précipite le suicide du malheureux. Dès lors le remords accable la jeune femme. La réalisation de Marc Allégret permet à Micheline Presle d'apprécier la camaraderie et le grand talent de Claude Dauphin. "Félicie Nanteuil" demeure pour elle un de ses meilleurs souvenirs. (Noir et Blanc d'Olivier Barrot et Raymond Chirat -Editions Flammarion)
Quatre mois auparavant, Micheline Presle avait tourné "La Belle Aventure" (1942) réalisé par Marc Allégret avec Claude Dauphin et Louis Jourdan. Le film n'aura pas le même impact que "Félicie Nanteuil". Pierre Blanchar choisit le sombre drame de la Grande Bretèche rebaptisé : "Un Seul amour" (1943) qu'il réalisa et joua dans son deuxième long métrage au côté de Micheline Presle, d'après l'oeuvre d'Honoré de Balzac.
La Libération est proche, lorsque Jacques Becker propose à Micheline de jouer dans "FALBALAS" (1944). Le tournage fut gêné de multiples façons et notamment par la pénurie d'electricité qui obligeait les studios à des fermetures fréquentes. La Libération de Paris et ses suites immédiates empêchèrent la reprise rapide du tournage qui, commencé en 1944, ne s'acheva que dans l'hiver qui suivit ; le film étant présenté en juillet 1945. Les scènes d'extérieurs donnent une vision exacte de ce qu'était Paris à la veille de la Libération.
Elle fait preuve au théâtre de la même spontanéité qu'à l'écran, que ce soit dans "Am Stram Gram" de Roussin ou dans "Colinette" de Marcel Achard. Le réalisateur Christian-Jaque la transforme au cinéma dans "BOULE DE SUIF" (1945), d'après l'oeuvre de Guy de Maupassant. Quant à Henri Jeanson, il en est le dialoguiste et Micheline Presle a qui l'on a demandé de prendre quelques kilos en plus, réussit une étonne performance pittoresque et sensible. Il faut souligner la prestation des autres acteurs qui ont contribué également à la réussite de ce long métrage : Louis Salou, Alfred Adam, Berthe Bovy (L'armoire volonte), Louise Conte, Jean Brochard, Denis d'Inès, Pierre Palau et Suzet Maïs.
Le couronnement de l'actrice fut son interprétation de Marthe, une femme mariée qui dans une forme de détresse va rencontrer le jeune étudiant incarné par Gérard Philipe dans "LE DIABLE AU CORPS" (1947) signé par Claude Autant-Lara, d'après le célèbre roman de Raymond Radiguet. Le couple formé par ses deux grands acteurs devinrent l'un des couples les plus légendaires du septième art. Le roman de Radiguet avait fait scandale lors de sa parution en 1923. Son adaptation cinématographique à la fin de la seconde guerre mondiale, créa à son tour un scandale lors de sa sortie en salle et au Festival Mondial de Belgique où Gérard Philipe obtint le "Prix du Meilleur Acteur" et Claude Autant-Lara "le Prix de la Critique Internationale"
Selectionné pour le Festival de Cannes 1947, "LES JEUX SONT FAITS" tourné par Jean Delannoy avec la participation rarissime de Jean-Paul Sartre en tant que scénariste et dialoguiste devait être un évènement exceptionnel, mais malheureusement le film n'eut pas le succès escompté. On peut lire dans les écrits d'Olivier Barrot et Raymond Chirat (Noir et Blanc - Editions Flammarion) : "Les Jeux sont faits" réalise en 1946 par Jean Delannoy, sombra, rapidement englouti, dans un profond ennui. L'histoire, construite avec maladresse, réalisée avec froideur, conte les destins croisés d'une jeune femme de la bourgeoisie et d'un ouvrier. La première meurt empoisonnée par son mari, le second est supprimé par un tueur (l'action se déroule dans un pays imaginaire, opprimé par un dictateur). Tous deux se retrouvent dans l'au-delà. Ils se plaisent, ne demandent qu'à s'aimer. Par faveur spéciale et pour un jour plein ils reviennent sur terre où ils pourront revivre s'ils prouvent la réalité de leur amour. Ils n'y parviennent pas et disparaissent à jamais une seconde fois. Débarrassé de tout un appareil existentia-liste, le scénario affiche son inconsistance et sa prétention".
Micheline Presle est au sommet de sa popularité, elle accepte deux tourner dans deux co-productions franco-italiennes : "Les Derniers Jours de Pompeï" (1950) de Marcel L'Herbier dont le film est réussi ce qui n'est pas le cas pour "Tous les Chemins mènent à Rome" (1949) réalisé par Jean Boyer avec comme acteur principal Gérard Philipe.
L'actrice ayant signé un contrat de sept ans avec la Fox, c'est pourquoi Jean Negulesco la dirige en 1949 au côté de John Garfield dans "La Belle de Paris" (Under my skin). Elle enchaîne avec le cinéaste Fritz Lang qui met en scène "Guérillas" (American Guerilla in the Philippines,1950) avec Tyrone Power dans le rôle principal. Cette période propice permet à Micheline Presle d'orchestrer des duos inédits avec quelques uns des plus grands acteurs américains. D'ailleurs, c'est avec Errol Flynn, qu'elle poursuit son activité cinématographique aux USA, dans "La Taverne de New-Orléans" ( Adventures of Capitaine Fabian,1950) de William Marshall.
Plusieurs rôles de composition étant proposé à Micheline Presle, que l'on comprend aisément la raison pour laquelle, elle accepta d'être Marguerite Gautier dans "La Dame aux Camélias" (1953)avec Raymond Bernard à la réalisation. (Il nous avait emmerveillé avec le film muet du "Miracle des loups" puis quelques années plus tard, avec le sonore, on se souvient de sa version des "Misérables" avec Harry Baur.) C'est l'acteur italien Gino Cervi qui lui donna la réplique, aux côtés de Jean Parédès, Mathilde Casadesus, Roland Alexandre, Maurice Escande, Jean Brochard et Henri Crémieux.
Entretemps, elle aura été une éblouissante Marquise de Pompadour dans "Si Versailles m'était conté" (1953) du grand Sacha Guitry. Celui-ci lui offrira un autre rôle plus discretd' Hortense de Beauharnais dans l'épopée de "Napoléon" (1954).
"L'AMOUR D'UNE FEMME" (1954) fut le dernier long métrage réalisé par Jean Grémillon, il connut un échec critique et commercial quasi-unanime. Grémillon s'exprima en parlant du rôle de Marie interprétée par Micheline Presle : "Je ne veux guère juger mes personnages, je les laisse vivre...mais en bref, il me semble que Marie a très bien agi, elle essayer de combiner sa vocation qui lui apporte force, joie, sérénité et sans amour. André (Massimo Girotti), lui, préfère une femme sans métier, qui ne puisse trouver le bonheur qu'en lui, une femme-objet. En résumé, je crois que Marie est "ouverte au monde", André au contraire est fermé, replié sur lui-même". (J. Grémillon, Positif, no10).
Micheline sera également présente dans trois longs métrages italiens dont "Les Amants de la Villa Borghèse" (1953) de Gianni Franciolini avec Gérard Philipe et Vittorio de Sica. Puis " La Maison du souvenir" (Casa Ricordi,1954) du réalisateur Carmine Gallone. I y aura aussi "Le Château des Amants maudits" (1956) avec Gino Cervi.
Elle apparaît aussi dans "Les Mystères d'Angkor" (1959) de William Dieterle et surtout dans le magnifique film de Joseph Losey : "L'ENQUETE DE L'INSPECTEUR MORGAN" (Chance Meeting,1959). Il s'agit de l'un des meilleurs rôles de Micheline Presle. On pourra constater que la liste des films tournés chaque année par Micheline Presle ne connait aucun répit, elle enchaîne avec des cinéastes différents les uns des autres. Il y eut "Christine" (1958) de Pierre Gaspard-Huit où Alain Delon, Romy Schneider et Jean-Claude Brialy s'en donnaient à coeur joie de s'aimer et de se le dire, mais aussi, on apercevait Micheline Presle danser avec le jeune Alain Delon.... Mais aussi, "Bobosse" (1959), d'après la pièce d'André Roussin. C'est François Périer qui joue le rôle titre, pendant qu'Etienne Périer s'occupait de la mise en scéne (aucun lien de parenté).
La liste est longue pour citer le nombre de prestations au cinéma avec Micheline Presle, pendant cette période. Avec "Jean Gabin dans "Le Baron de l'Ecluse" (1960), avec Pascale Petit et Michel Auclair dans "Une Fille pour l'été" (1960), avec Jean-Pierre Cassel et Jean Seberg dans "L'Amant de cinq jours" (1961)
A suivre....
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