MARCEL PAGNOL, AU TEMPS DES SOUVENIRS
MARCEL PAGNOL 1895 - 1971
Cinéaste, Poéte,Ecrivain, Scénariste, Producteur français
Si le cinéma était resté muet, on peut penser que Marcel Pagnol ne serait jamais devenu cinéaste, tant son oeuvre est d'abord une oeuvre parlée, ou le dialogue joue un rôle prépondérant. Et pourtant, nous savons aussi qu'elle constitue bien autre chose que le "Théâtre filmé" à quoi on a voulu longtemps la réduire avec dédain, et qu'elle représente de l'authentique cinéma.
Pour ma part, les trois films que j'ai le plus aimé sont : "La femme du boulanger", "Angèle" et "La fille du puisatier".
Marcel Pagnol est né à Aubagne le 28 février 1895.Il passe son enfance dans une villa au-dessus de La Treille, en pleine garrigue, paysage qui lui inspirera plus tard d'étonnants "Souvenirs". Son père, instituteur, lui fait poursuivre des études au terme desquelles il sera nommé répétiteur d'anglais.
Mais le jeune professeur rêve surtout de littérature et de théâtre. Il a déjà publié, à seize ans, des poèmes et un drame en vers dans des revues locales, et en 1925, en collaboration avec Paul Nivoix, une pièce satirique, "Marchands de Gloire". La gloire, justement, lui vient avec "Topaze" comédie représentée pour la première fois à Paris en 1928, qui va l'arracher (comme son héros) à l'enseignement.
En 1930, Pagnol n'est encore que l'auteur à succès de deux pièces "Topaze" et "Marius", quand il fait la connaissance de Robert T. Kane, le tout puissant directeur américain de la Paramount française qui vient de s'installer somptueusement dans ses studios de Saint-Maurice, près de Vincennes. Celui-ci à la charge de constituer pour la filiale française un "comité littéraire" prestigieux avec (Sacha Guitry, Tristan Bernard, Pierre Benoît...) qui ne servira jamais à rien.Le succès de "Marius" au théâtre avait incité Pagnol à écrire une suite à "Fanny", qui fut jouée pour la première fois au Théâtre de Paris, le 5 décembre 1931 (alors que le film MARIUS triomphait déjà sur les écrans). Quelques modifications étaient intervenues dans la distribution : Raimu, à la suite de dissensions avec Léon Volterra, abandonnait le rôle de César à Harry Baur, Pierre Fresnay était relayé par Berval, Alida Rouffe par Marguerite Chabert.
Quand Pagnol propose à Kane d'adapter "Marius" à l'écran, ce dernier qui ne va jamais au théâtre, se contente de hausser les épaules. Un an plus tard, beaucoup d'argent ayant été englouti dans une série d'échecs désastreux sur tous les plans, c'est Kane lui même qui revient à la charge. Pagnol accepte, mais en profite pour imposer ses conditions : on gardera les interprètes de la pièce (Qu'est-ce que c'est que ce Raimiou?" demande Kane) et lui même, prétention exorbitante, sera payé au pourcentage des recettes, comme au théâtre. Kane qui ne croit guère au succès du film, accpete tout, et n'y met qu'une condition : la présence d'un grand réalisateur international d'origine hongroise, qui sera Alexander Korda. Ignorant tout du cinéma, Pagnol à son tour accepte Korda, avec qui il s'entendra fort bien et dont il dira par la suite qu'il lui a tout appris. En fait, c'est ensemble que les deux hommes réaliseront "Marius" (1931) qui connaîtra un immense succès public. Pourtant Kane reste méfiant et quand en 1932, il chargera Louis Gasnier de réaliser "TOPAZE", il fera ecrire l'adaptation et les dialogues par Léopold Marchand, ami personnel de Marcel Pagnol qui l'avait introduit au fameux comité littéraire!.
En 1932 encore, personne ne voudra produire "Fanny" sous pretexte "qu'on sait bien à Hollywood qu'aucune suite n'a jamais marché". Pagnol qui a été impressionné par les recettes de "Marius", décide de devenir producteur et s'associe avec Roger Richebé pour produire "Fanny" (1932). Il en confie la réalisation à Marc Allégret, car il ne se sent pas encore devenu vraiment cinéaste. (Pour la petite histoire, c'est sur ce tournage que débute une jeune script-girl de seize ans nommée Gourdji et dite "Bouchon", qui deviendra plus tard Françoise Giroud, secrétaire d'Etat). "Fanny" remporta un succès égal, si non supérieur, à celui de "Marius".
Les critiques se déchaînent alors contre Pagnol, accusé de conduire l'art cinématographique dans l'impasse du théâtre filmé. Pour leur répondre, Pagnol fonde une revue, "Les Cahiers du film" (seul trois numéros ont paru), ou il publie une série de textes sous le titre "Cinématurgie de Paris". Loin de chercher à confondre ses détracteurs, il les provoque à plaisir, réduisant le cinéma à un rôle d'appareil à enregistrer des bons textes, joués par de bons acteurs. Trente ans après encore, il répétera : "Au fond, le théâtre et le cinéma, c'est la même chose. Le plus difficile c'est d'écrire la belle oeuvre dramatique. La réaliser, ce n'est pas grand chose". Et pourtant, presque toute son oeuvre à venir s'inscrira en faux contre ces propos et les remettra à leur place de séduisants paradoxes, inspirés, pour une bonne part au moins, par l'esprit de contradiction.
En 1933, Marcel Pagnol se lance enfin dans la mise en scène, mais comme s'il voulait encore donner raison à ses adversaires et justifier ses écrits, il s'appuie sur un texte célèbre, la vieille pièce d'Emile Augier et Jules Sandeau, "Le Gendre de Monsieur Poirier" avec Fernand Charpin,Annie Ducaux et Jean Debucourt.Ce premier long métrage réalisé par Marcel Pagnol et produit par la société indépendante qu’il avait fondée en 1933 avec son frère René, «Les Auteurs Associés» (ce sigle s’inspirant de la firme américaine «Les Artistes Associés»).
Le film adapte scrupuleusement la comédie écrite en collaboration par Émile Guillaume Victor Augier et Léonard Sylvain Julien (dit Jules) Sandeau, qui avait connu un vif succès depuis sa création en 1855. Les extérieurs furent tournés dans la propriété de Pagnol dans la Sarthe. La critique loua cette réussite du «théâtre filmé» et l’adroite «résurrection de l’époque Louis-Philippe, dans les idées, les costumes, les accessoires et petits travers du temps» (in “Cinaedia”). Le public fut plus réticent.
Le négatif du film ayant disparu pendant l’Occupation, "Le Gendre de Monsieur Poirier" fut longtemps réputé invisible. Une copie – sous-titrée en anglais – fut retrouvée aux États-Unis, et l’œuvre fit l’objet d’une nouvelle distribution en 1995, à l’occasion du centenaire de la naissance de l’auteur. Comme le précise le générique, Léon Bernard était à l’époque sociétaire de la Comédie française.
Dans son livre “Marcel Pagnol ou le cinéma en liberté” (Éditions de Fallois, Paris 1995), Claude Beylie écrit : «Le Gendre de Monsieur Poirier, c’est bien autre chose qu’une bouffonnerie, c’est un conflit entre deux castes, un reflet de la lutte des classes sous la Restauration, une œuvre de contestation, comme "Topaze". Qui se résout, il est vrai dans une euphorie de convention, mais les bons principes n’en sont pas moins durement égratignés, l’hypocrisie d’un siècle dénoncée.»
"Jofroi" (1933) est le deuxième film réalisé par Marcel Pagnol, et sa première adaptation à l'écran d'un récit de Giono (que celui-ci devait contester par la suite). Il s'agissait d'un court film de moins d'une heure mais important à plus d'un titre. Il marque la première rencontre de Pagnol avec Jean Giono. Il marque aussi le début de ces tournages en décors naturels, dont Pagnol devient alors le prophète, et pratiquement l'unique adepte, avec dix ans d'avance sur le néo-réalisme italien, qui reconnaîtra d'ailleurs ce qu'il lui doit. Le film fut tourné entièrement en extérieurs, en Haute-Provence, non loin d'Aubagne, pays natal de Pagnol. La plupart des interprètes étaient des "amateurs" : Henri Poupon était compositeur et parolier, Blavette, fabricant de boîtes de conserve (ils deviendront comédiens en titre peu après, dans l'équipe de Pagnol), quant à Vincent Scotto, déjà célèbre comme musicien et auteur d'opérette, c'est Pagnol qui eut l'idée de lui confier le rôle principal : ce fut son unique interprétation à l'écran, qui lui valut un prix décerné par la critique américaine, en 1950 ! Le film fut présenté pour la première fois au public en janvier 1934, en complément du "Gendre de Mr Poirier". Il connut un franc succès, ce qui incita peut-être Pagnol à puiser à nouveau son inspiration de cinéaste dans l'œuvre de Jean Giono.
Un an après, ce discret essai trouve son épanouissement avec la réalisation d'un premier chef d'oeuvre "Angèle" (1934) d'après le roman de Jean Giono "Un de Baumugnes". Le maître maçon Marius Brouquier, vieil ami de Pagnol et qui sera son fidèle décorateur, reconstituera "en dur", sur les lieux mêmes de l'action dans une ferme de Marcellin, non loin de Camoins, dans le massif d'Allauch, les décors du film et d'abord "La ferme d'Angèle",on avait retiré le plancher du premier étage pour installer les projecteurs. La séquence de Marseille fut tournée à l'aide d'une caméra dissimulée dans une camionnette. " C'était, dira l'ingénieur du son Jean Lecocq, le premier film naturel, le premier film-vérité. " Son influence se fera sentir au lendemain de la guerre sur l'école "néoréaliste" italienne. Admirablement interprété par Orane Demazis et Fernandel, le film consacra ce dernier, qui trouvait là son premier emploi dramatique, comme un des plus grands acteurs du cinéma français, capable de sortir de ses éternels rôles de comique troupier.Tourné dans des conditions voisines de l'amateurisme, ce film fut un énorme succès commercial.
Après ce premier coup d'éclat, Pagnol semble reprendre du souffle, en 1935, avec deux courts sujets d'une heure environ, "Merlusse" (1935), composé en partie avec ses souvenirs de jeune professeur. Ce film est chronologiquement, le premier film non tiré d'une pièce de théâtre ou d'un roman, dont Pagnol est l'auteur complet (scénariste, dialoguiste, réalisateur, producteur). Il le conçut comme un moyen métrage, qui devait être couplé avec "Cigalon" ,une galéjade provençale réalisée la même année (1935). Un premier tournage, fin 1934, l'ayant laissé insatisfait, notamment sur le plan de l'enregistrement sonore, il le reprit entièrement, tout comme d'ailleurs le film de complément (dont il changea même la distribution). "Merlusse" fut tourné dans les bâtiments du lycée Thiers de Marseille, grâce - comme le précise le générique. Tous les acteurs étaient des familiers de l'équipe Pagnol, avec en tête Henri Poupon, qui venait de triompher dans le rôle du père d'Angèle. Dans son livre (Ed. Losfeld, 1973). Raymond Chirat note l'influence qu'a pu exercer "Merlusse" sur le personnage du professeur d'anglais joué par Erich von Stroheim dans "Les Disparus de Saint-Agil" de Christian-Jaque.
Dans le même soucis de mieux faire, il réalise une deuxième version de "Topaze" (1936) qui, bien qu'étant cette fois son oeuvre, ne sera pas pour autant une réussite et connaîtra une brève carrière. La même année, Pagnol prend une belle revanche avec "CESAR", suite et fin de la trilogie commencée avec "Marius" et "Fanny". Contrairement aux deux premiers, ce troisième volet est écrit directement pour le cinéma, et ce n'est que plusieurs années après que l'auteur en tirera une pièce qui n'aura jamais le succès du film. Juste revanche du cinéma sur le théâtre et qui consacre la métamorphose de l'ancien dramaturge en cinéaste authentique.
Une nouvelle preuve, magistrale, de cette métamorphose est fournie avec "Regain" (1937), nouveau chef d'oeuvre inspiré par Giono, et pour beaucoup le plus beau film de Marcel Pagnol, le plus lyrique, le plus provençal et qui nous aide à comprendre pourquoi Pagnol, des années plus tard, éprouvera le besoin de traduire "Les Bucoliques" de Virgile. Tel que l'avait décrit Giono dans son livre, Aubignane était à peu près inaccessible par les cameras. Pagnol décida de reconstruire entièrement, pierre par pierre, quelques kilomètres plus has, sur la colline Saint-Esprit, un village... en ruines ! Maçons, carriers, charpentiers et jusqu'au compositeur Arthur Honneger qui s'était rendu sur les lieux pour suivre le tournage, tout le monde se passionna pour cette tâche peu banale. L'église elle-même (que l'on ne fait qu'apercevoir dans le film) fut reconstruite avec tellement de soin qu'un prêtre des environs s'y trompa et voulut venir y célébrer la messe !. Le clocher de l'église mesurait 20 m de haut, et 40 tonnes de matériaux furent hissées dans les collines par téléphérique. On appela à l'époque ce complexe insolite le village Pagnol, ou "village des poètes". Des vestiges en subsistent encore aujourd'hui.
On retrouve dans "Regain" (qui devait d'abord s'intituler "Arsule") plusieurs des interprètes d'"Angèle" : Orane Demazis, Fernandel, Delmont, Henri Poupon. Seuls, Marguerite Moreno et Gabriel Cabrio furent des éléments "rapportés" : ils s'intègrent cependant avec aisance à l'univers de Pagnol.A la même période, Pagnol réalisa "Le Schpountz" (1938). C'est pendant le tournage d'"Angèle" que Marcel Pagnol eut, dit-il, l'idée du "Schpountz". Ce nom à consonance slave lui avait été suggéré par son directeur de la photographie, Willy (Faktorovitch), pour désigner les "mordus " de cinéma. L'un d'eux, se prenant pour Charles Boyer, fut victime d'un canular monté par son équipe et se présenta effectivement, quelques semaines plus tard, au bureau du producteur Roger Richebé (qui le mit promptement à la porte). Pagnol s'aperçut que " le monde était plein de schpountz " et décida de leur consacrer un film. Il y entremêla des souvenirs de ses débuts aux studios de Joinville, parmi la faune des réalisateurs de troisième zone et des producteurs-margoulins. Le tournage n'alla pas sans une certaine confusion (Pierre Brasseur et Roger Forster y interprètent le même rôle, dans des séquences différentes), Fernandel y fit une création mémorable (notamment dans la fameuse scène où il mime un texte du Code civil : "Tout condamné à mort aura la tête tranchée "). La critique de l'époque fut assez réticente; on parla de "pochade d'atelier " et on reprocha à Pagnol un soupçon de xénophobie (dans le personnage du producteur juif Meyerboom). Le succès publie fut (et demeure) moindre que celui des autres films de Pagnol.
En 1938, nouveau retour à Giono et nouveau chef d'oeuvre avec Raimu dans un des ses plus grands rôles : c'est "LA FEMME DU BOULANGER" qu'un connaisseur aussi autorisé qu' Orson Welles saluera plus tard comme un des grands films du cinéma mondial. Dans le rôle assez court de l'épouse de Raimu, Ginette Leclerc se fait remarquer et amorce une carrière de femme fatale. Sur ce grand succès prend fin une décennie fructueuse pour Pagnol, et qui, en dépit d'une critique qui ne désarme guère, l'a vu consacré grand cinéaste français et reconnu comme tel par ses pairs, au premier rang desquels le grand Jean renoir (qu'il avait d'ailleurs aidé à produire "Toni" (1934).
Dans une interview qu'il a accordée aux " Cahiers du Cinéma" (décembre 1965), Marcel Pagnol raconte pourquoi "La Femme du boulanger" ne fut pas entièrement tourné en décors naturels: " Je vais vous dire pourquoi, c'est une chose intéressante. Raimu ne pouvait jouer une longue scène en extérieur. Le vent le gênait! Et il était meilleur à 21 heures que dans la journée. C'est qu'il jouait au théâtre depuis 30 ans. Aussi a-t-il fallu recopier les troncs de platanes qui se trouvaient près de la terrasse du café. Le résultat d'ailleurs était remarquable. C'était l'œuvre duit de nos maçons. En fait, tous les plans moyens et rapprochés ont été réalisés sur nos plateaux à Marseille".
Pendant plusieurs années une petite salle new-yorkaise a programmé "La femme du boulanger". C'est ainsi que le film de Marcel Pagnol est devenu le plus célèbre film français Outre-Atlantique. Et c'est dans ce cinéma qu'Orson Welles découvrit Raimu dont il affirmait qu'il était un des plus grands acteurs du monde. Il faut noter que le rôle tenu par Ginette Leclerc avait été initialement prévu pour la grande comédienne américaine Joan Crawford qui ne connaissait que quelques mots de français ce qui explique que les répliques de ce personnage étaient réduites à l'essentiel.
A la veille de l'armistice de juin 1940,Pagnol avait entrepris un nouveau film, "La Fille du Puisatier" qui fut commencé le 20 mai 1940, et, pour la première (et unique) fois, il réunissait ses acteurs fétiches, Raimu et Fernandel. Interrompu par les évènements, vite repris après, le film sera le premier du cinéma français de l'occupation. Fernandel pour sa part remplissait ses obligations militaires entre deux prises de vues... La sortie commerciale eut lieu en zone libre fin décembre de la même année, avant Paris, qui ne vit le film qu'à partir d'avril 1941.
Longtemps sous- estimé par les historiens, peut être parce qu'on y entend le discours du Maréchal Pétain annonçant l'armistice (mais il est faux que ce discours, comme on l'a écrit, fut remplacé en 1945 par l'appel du 18 juin du Général de Gaulle), le film n'est en rien indigne des autres grandes oeuvres de Pagnol, et certains le préfèrent même à "La femme du boulanger", avec qui il forme un beau diptyque. Le rôle féminin y était tenu avec beaucoup de grâce par Josette Day, qui avait pris dans la vie de Pagnol la place précèdemment occupée par Orane Demazis. Un autre film écrit pour elle, "La prière aux étoiles", sera entrepris en 1941, et pour des raisons obscures, abondonné en cours de réalisation.
La Prière aux étoiles
A partir de là, l'oeuvre cinématographique de Pagnol subit une éclipse de quelques années. "NAIS" (1945) adaptation de Zola, n'est que supervisé par Pagnol qui laisse la réalisation à l'obscur Raymond Leboursier. Malgré Fernandel et Jacqueline Bouvier, future Madame Pagnol, ce n'est pas un succès. En 1948, Marcel Pagnol (qui a été élu à l'Académie française en 1946) entreprend "LA BELLE MEUNIERE" , biographie de Schubert, lequel est interprété par Tino Rossi. Destiné à expérimenter un nouveau procédé français de cinéma en couleurs, le Rouxcolor,- du nom de ses inventeurs, les frères Lucien et Armand Roux. Ce système consistait en l'emploi d'un objectif spécial permettant d'enregistrer, sur pellicule ordinaire, les quatre radiations chromatiques fondamentales (vert, bleu, jaune et rouge), celles-ci étant restituées à la projection à l'aide de filtres colorés. Ce principe, dit du, ne put Étre appliqué que dans quelques salles équipées en conséquence le film est un échec sur tous les plans.En 1985, un nouveau tirage de "LA BELLE MEUNIÈRE" fut effectué, en Eastmancolor, à partir du négatif d'origine : l'unique projection de cette version eut lieu à la Télévision, le 3 janvier 1986, dans le cadre du "Cinéma de Minuit" sur France 3 (FR3). Les extérieurs du film furent tournés au château de Castellaras, près de Grasse, et au moulin de La Colle-sur-Loup.
Raymond Pellegrin et Jacqueline Pagnol
Après une adaptation de Maupassant destinée à Bourvil, "LE ROSIER DE MADAME HUSSON" (1950) mis en scène par Jean Boyer, Pagnol refait la même année une troisième et dernière version de "TOPAZE" (1950) avec Fernandel, Pierre Larquey et Jacqueline Pagnol. C'est incontestablement la meilleure, et Pagnol fait mentir l'idée reçue sur les "remakes" comme jadis sur les suites. Toutefois le grand Pagnol ne se retrouve vraiment qu'en 1952 avec "MANON DES SOURCES", grande fresque de quatre heures, ramenée à trois heures dix, hommage superbe aux collines provençales de son enfance et à la beauté de Jacqueline Pagnol qui est comme la gracieuse figure allégorique. Ce film, un de ses chefs-d'oeuvre avec "Regain", "La femme du boulanger" et "La fille du puisatier", est aussi, malheureusement, son dernier grand film.
Sa carrière dès lors se confond avec sa filmographie. Pagnol ne reviendra au théâtre qu'en 1955 avec "Judas" et en 1956 avec "Fabien", (deux échecs). De cette époque datent également ses célèbres souvenirs d'enfance "La gloire de mon Père", "Le Château de ma Mère" et "Le Temps des Secrets" et une vaste fresque romanesque, "L'Eau des Collines". Entre-temps il a été élu à L'Académie française (le 4 mai 1946).
Marcel Pagnol a publié un essai sur le cinéma intitulé "Cinématurgie", où il déclare notamment : "Le film parlant est la forme presque parfaite, et peut-être définitive, de l'écriture. “
"LES LETTRES DE MON MOULIN" (1954) avec Henri Vilbert, Rellys, Robert Vattier, Fernand Sardou, Edouard Delmont, Pierrette Bruno et Michel Galabru se solde par un échec qu'on a du mal à expliquer. Seuls trois contes furent tournés ("Les trois messes basses", "L'Elixir du Révérend Père Gaucher", et "Le secret de Maître Cornille" ; d'autres qui étaient prévus ne le furent pas, parmi lesquels on regrettera "La chèvre de Monsieur Seguin" et surtout "Les étoiles", pour qui étaient pressentis Georges Brassens et Jacqueline Pagnol. Après cet échec regrettable, Pagnol abondonna le cinéma. Il fit un peu de télévision, sans grande conviction et, surtout, il consacra ses dernières années à la rédaction de ses souvenirs d'enfance et de jeunesse, devenus aujourd'hui classiques.
Il avait d'ailleurs le projet de filmer "Le château de ma mère", mais il était déjà trop tard et Marcel Pagnol mourut à Paris, le 18 avril 1974. Sur sa tombe, au cimetière de Camoins-lès-Bains, on peut lire cette citation de Virgile : Fontes, amicos, uxorem dilexit (il a aimé les fontaines, les amis, sa femme)…
Aujourd'hui avec le recul, il est plus facile de voir qu'au moment ou elle s'élaborait l'importance de cette oeuvre cinématographique unique. L'amour de la Provence, la sensibilité aux paysages, le lyrisme, le naturel des sentiments familiers toujours prêts à déboucher dans la fable ou la tragédie, voilà qui concourt à faire des films, à la fois proches et insolites, des oeuvres exceptionnelles dans le cinéma français.
Le soi-disant homme de théâtre, le cinéaste malgré lui, est un des rares, avec Jean Renoir, qui ait su faire voir le sol de son pays et la vie de ses habitants. Combinant naturellement l'image avec la parole, il fut un authentique poète de l'écran.
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Pagnol et Josette Day
Pendant le tournage de la trilogie de Pagnol : Raimu, Maupi, Charpin...)
Marcel Pagnol à l'Académie française
Marcel Pagnol et Jacqueline Bouvier (Pagnol)
Marcel Pagnol, Brigitte Bardot, Jean-Pierre Aumont, Van Johnson
Avec l'équipe de tournage
avec Orson Welles
avec Henri-Georges Clouzot
Avec Charles Trénet
Avec Georges Brassens
Avec Tino Rossi
Avec Pierre Tchernia
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Scénario et dialogues seulement :
- 1931
MARIUS (Alexander Korda).
- 1932
FANNY (Marc Allégret).
- 1933
L'AGONIE DES AIGLES, d'après Georges d'Esparbès (Roger Richebé).
- 1934
TARTARIN DE TARASCON, d'après Alphonse Daudet (Raymond Bernard).
- 1939
MONSIEUR BROTONNEAU, d'après Flers et Caillavet (Alexandre Esway).
- 1950
LE ROSIER DE MADAME HUSSON, d'aprés Maupassant (Jean Boyer).
- 1953
CARNAVAL, d'après Émile Mazeaud (Henri Verneuil).
- 1962
LA DAME AUX CAMÉLIAS, d'après Alexandre Dumas fils (François Gir) (TV)
Scénario, dialogues, réalisation :
- 1933
LE GENDRE DE MONSIEUR POIRIER (d'après Émile Augier et Jules Sandeau)
JOFROI (d'après Jean Giono, c.m.).
- 1934
L'ARTICLE 330 (d'après Georges Courteline, c.m.)
ANGÈLE (d'après "Un de Baumagnes" de Jean Giono).
- 1935
MERLUSSE
CIGALON.
- 1936
TOPAZE (deuxième version française, avec Arnaudy)
CÉSAR.
- 1937
REGAIN (d'après Giono).
- 1938
LE SCHPOUNTZ
LA FEMME DU BOULANGER (d'après un épisode de "Jean le Bleu" de Giono).
- 1940
LA FILLE DU PUISATIER.
- 1941
LA PRIÈRE AUX ÉTOILES (inachevé).
- 1945
NAIS (d'après Émile Zola, co-réal Raymond Leboursier).
- 1948
LA BELLE MEUNIÈRE (en couleurs, procédé Rouxcolor).
- 1950
TOPAZE, troisième version française (avec Fernandel).
- 1952
MANON DES SOURCES.
- 1954
LES LETTRES DE MON MOULIN (d'après Alphonse Daudet).
- 1967
LE CURÉ DE CUCUGNAN (pour la Télévision, d'après Daudet, c.m.).
Productions seulement :
- 1933
LÉOPOLD LE BIEN-AIMÉ (Arno-Charles Brun)
- 1934
TONI (Jean Renoir).
- 1942
LA CROISEE DES CHEMINS (André Berthomieu).
VHS
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