JACQUES DUFILHO          1914 - 2005

Comédien Français

Un grand comédien, qui aura connu plusieurs vies au cinéma, celle de ses débuts après la Seconde Guerre mondiale, puis celle où il excelle au théâtre, avec plus de quarante pièces à son actif. Puis, la dernière période est celle ou il triomphe dans des rôles au cinéma, à la hauteur de son talent. Il aura tourné plus de 160 films et il sera difficile d'y ajouter toutes les affiches des films qui le concerne.

 

Jacques Dufilho est né le 10 février 1914 à Bègles en Gironde, d'un père pharmacien qui voyait en lui son digne successeur. Mais le destin décidera autrement, le jeune garçon est passionné par la terre et, après ses études secondaires, s'inscrit dans une école d'agriculture. N'ayant pas les moyens de s'installer fermier, il décide de monter à Paris, en 1938, sur sa moto, à la recherche d'un emploi.

Ses violons d'Ingres furent la sculpture et la peinture avec une perspective pour les Beaux-Arts mais, grâce à une lettre d'introduction, contacte Charles Dullin. Une passion commune pour les chevaux réunit le maître et son futur disciple. Pour payer ses cours, il met au point un numéro de cabaret pour un restaurant des Champs-Elysées.

 

En 1939, c'est le réalisateur Marc Allégret qui lui offre son premier rôle dans "Le Corsaire", mais la guerre éclate et le film restera inachevé. Mobilisé, puis fait prisonnier, Jacques Dufilho termine ces dures années en tant que conducteur de locomotives. Il écrit lui-même ses sketches qui décrivent souvent le comportement d'un paysan gascon naïf et rusé et remporte ses premiers succès à la Rose Rouge, au Tabou, à l'Amiral, chez Milord l'Arsouille, à l'Ecluse chez Agnès Capri et à la Galerie 55, après avoir donné un numéro de mime dans "La Revue des Victoires" à l'ABC. Dufilho débute au cinéma dans "Croisières sidérales" en 1941 sous la direction de André Swobada ainsi qu'une interprétation plus remarquée dans "Premier de cordée" (1943) de Louis Daquin.

 

C'est Jean Devaivre, avec lequel, il s'était lié d'amitié au 2e Hussard de Tarbes, qui lui donne son premier rôle important au cinéma dans "La Ferme des sept péchés" (1948) dont Pierre Renoir est la vedette principale. Pendant dix ans de 1948 à 1958, Jacques Dufilho enchaînera de nombreux films dans des petits rôles secondaires, mais nécessaires comme "Caroline chérie" (1950) de Richard Pottier, "Cadet Rousselle" (1954) d'André Hunebelle, "Notre-Dame-de-Paris" (1955) de Jean Delannoy, "Les Espions" (1957) de Clouzot ou "Taxi, roulotte et Corrida" (1958) de Hunebelle avec Louis de Funès en chauffeur de taxi et Dufilho en client sourd.

 

Devenu un spécialiste du travestissement, Jacques Dufilho poursuit, au théâtre une carrière très intéressante de comédien.  C'est dans "Les Frères Karamazov" qu'il avait débuté. Alors qu'au cinéma, on continuait de l'engager pour une ou deux séquences et de lui faire jouer des personnages caricaturaux, Jacques Dufilho jouait au théâtre les auteurs contemporains "Colombe" de Jean Anouilh, "L'Avare" de Molière", "Les Maxibules" de Marcel Aymé, il tenait une trentaine de rôles.

 

Le dramaturge Audiberti écrit pour lui "L'Effet Glapion" et "Le ouallov" mais ne réussit pas à imposer l'acteur au rang des plus grands. En 1970, Jacques Dufilho obtient le Prix Dussane pour sa création de clochard dans "Le Gardien" de Harold Pinter qui restera un de ses meilleurs souvenirs avec "Chêne et Lapin d'Angora" donné au TNP. C'est ainsi que Dufilho poursuit sa modeste carrière cinématographique dans des petits rôles sur mesure, certes mais qui ne lui permet pas d'obtenir une popularité grandissante, pendant cette période de 1960 à 1970, on peut citer "Maxime" (1958) de Henri Verneuil, "Signé Arsène Lupin" (1959) d'Yves Robert, "Zazie dans le métro" (1960) de Louis Malle, "Snobs" (1961) de Mocky, "Le Monocle noir" (1961) de Georges Lautner.

 

Ce qui ne l'empêchera pas d'obtenir parfois des rôles plus importants comme dans le film d'Yves Robert "La Guerre des boutons" (1961) aux côtés de Pierre Tchernia et Michel Galabru, "La Cité de l'indicible peur" (1964) de Mocky, lequel lui offrira un rôle bien plus important, en 1971 avec "Chut !" aux côté de Michael Lonsdale.  C'est d'ailleurs cette même année, que Jacques Dufilho sera dirigé par Jean-Louis Trintignant dans un film mémorable, tant par sa fantaisie que sa qualité de direction "Une Journée bien remplie". C'est donc Mocky et Trintignant qui donnèrent un nouvel élan à la carrière du comédien, films dans lesquels, il avait enfin le rôle principal. 

 

Les années 70 révèlent les contradictions de sa carrière au cinéma puisqu'il devait tourner en même temps que ses meilleurs films, une série italienne très médiocre, mettant en action les aventures du Colonel Buttiglione, personnage inspiré de Hitler, en compagnie du comédien Italien Aldo Maccione. Mais en 1974, Dufilho renoue avec l'inspiration du désir de faire du cinéma d'auteur, Robin Davis le dirige aux côtés de Bernard Blier et Alida Valli dans "Ce cher Victor" (1974). En 1977, il publie également un récit : "La Route de Compostelle" et la même année, il est contacté par Pierre Schoendoerffer pour jouer dans "Le Crabe-Tambour". Il déclara : "J'ai trouvé extraordinaire d'être contacté par Pierre Schoendoerffer, dit-il, car j'avais lu son livre et j'avais pensé qu'il y avait une vue des choses voisine de la mienne. Il y avait un ton extrêmement personnel, avec des raccourcis, une façon de s'exprimer volontairement objective qui me touchait profondément... Le personnage du chef-mécanicien correspond à ce que je suis, à ce que je pense. D'abord, il a une vie à lui. Il est à la fois très près des hommes et très près du monde de son enfance. Il est profondément marqué par la foi: ce que je suis... Ce rôle valut à Jacques Dufilho, le César du meilleur second rôle masculin, en 1978.

 

 

Par la même occasion, il serait intéressant de souligner sa participation au film de Jean-Jacques Annaud "La Victoire en chantant" (1976) qui a obtenu l'Oscar du meilleur film étranger en 1977. Sa carrière semblait prendre une direction nouvelle, il enchaîne différents tournages avec des cinéastes différents les uns des autres : Werner Herzog "Nosferatu, fantôme de la nuit" (1978), "Le Cheval d'orgueil" (1980) de Claude Chabrol, "Un Mauvais fils" (1980) de Claude Sautet, "Y'a 'il un Français dans la salle ?" (1982) de Jean-Pierre Mocky,. Dufilho ralentit son rythme de tournage, on le retrouve dans le dernier film joué par Bernard Blier dans "Mangeclous" (1988) de Moshé Mizrahi, puis sous la direction de Georges Wilson dans "La Vouivre" (1988). En 1993, il incarne le maréchal "Pétain" à l'écran, réalisé par Jean Marboeuf. On retiendra également ce merveilleux film de François Dupeyron "C'est quoi la vie ?" (1999) et en 2004, son dernier film "Là-haut, un roi au-dessus des nuages" de Pierre Schoendoeffer.  Jacques Dufilho n'avait pas abandonné le théâtre, il fut l'interprète des "Aiguilleurs" pendant la saison 1979-1980, puis de "L'Intoxe" (1980/81), aux côtés de Jeanne Moreau. Jacques Dufilho décède le dimanche 28 août 2005 à Lectoure (Gers), il avait 91 ans. Il a été marié et père d'une fille prénommée Colette.

 

*Affiches-ciné * Cinéma français * Cinetom