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19 avril 2025

STANLEY KUBRICK, CINÉASTE FASCINANT ET ÉNIGMATIQUE

STANLEY KUBRICK       1928 - 1999

Réalisateur, Producteur, Scénariste Américain

Personnage fascinant, énigmatique, Stanley Kubrick tient une place unique parmi les réalisateurs "modernes". Il a tourné toutes sortes de films, dans tous les formats. Si sa technique admirable et ses qualités de "styliste de l'image" sont reconnues par chacun, on l'a parfois critiqué à juste titre pour son côté prétentieux, ses effets calculés de sybarite choisissant la facilité. Sa carrière se divise en deux parties.

Stanley Kubrick fait partie de ces réalisateurs qui ont fait date à chacun de leurs films et qui ont su, au prix de choix difficiles, préserver leur liberté créatrice. Malgré une filmographie très réduite, treize longs métrages et quelques documentaires, au regard de trente ans de carrière, Kubrick n'en est pas moins considéré comme un des rares authentiques créateurs du septième art. Par le soin qu'il apporte à tous les stades de la réalisation et même de l'exploitation en salle, d'un film, par ses exigences techniques, il rejoint la grande lignée de ceux qui ont élaboré et fait progresser le langage cinématographique. Ce qu'il réussit à obtenir de John Alcott en matière d'éclairage dans "Barry Lyndon" (1975) ou de Douglas Trumbull pour les effets spéciaux de "2001, l'odyssée de l'espace" (A Space Odyssey,1968) l'apparente à un Griffith à un Murnau ou à un Welles pareillement exigeants avec leurs opérateurs respectifs, Billy Bitzer, Karl Freund et Gregg Toland. Rien de gratuit ou de capricieux dans ces démarches puisqu'elles ne visaient et ne visent qu'à la meilleure expression possible d'une idée donnée.

 

Stanley Kubrick est née le 26 juillet 1928 à New York dans une famille de la moyenne bourgeoisie juive originaire d'Europe centrale. De son père médecin, il hérite deux passions : les échecs et la photographie. Alors qu'il poursuit des études très moyennes, il fréquente d'abord la William Howard Taft High School dans le Bronx, puis les cours du soir du City College de New York, en avril 1945, sur le chemin de l'école, il prend en photo un marchand de journaux bouleversé par l'annonce de la mort du président Franklin Roosevelt : le cliché lui permet d'obtenir vingt-cinq dollars par le magazine Look. C'est ainsi que le jeune Kubrick commence une carrière de photographe professionnel qui le conduira dans le monde entier.

 

Devenu célèbre, il décide quelques années plus tard de s'essayer au cinéma. Habitué des salles de projection du musée d'Art moderne de New York, il sent que c'est dans ce domaine qu'il pourra se réaliser pleinement. Grâce à un camarade d'école, Alexander Singer - qui deviendra lui aussi réalisateur, Kubrick tourne en 35 mm un documentaire de 16 minutes, intitulé "Day of the Fight" (1951), sur la journée d'un boxeur, le poids moyen Walter Cartier, qui devait disputer un combat le soir même. A la suite de cette première tentative, Kubrick obtient de la RKO une avance pour tourner "The Flying Padre" (1951), documentaire de 9 minutes seulement, sur un missionnaire catholique du Nouveau-Mexique chargé d'une paroisse de  400 000 m2, ce qui l'oblige à ses déplacer en avion pour visiter ses ouailles.

 

Encouragé par ses deux expériences, Kubrick fait le pas décisif en 1953 : il quitte la rédaction de "Look" et, grâce au distributeur et propriétaire de salles Joseph Burstyn, réalise son premier long métrage. Pour ce film de 68 minutes intitulé "Fear and Desire", Kubrick a trouvé l'essentiel des 40 000 dollars de son financement auprès d'un cousin pharmacien. Interprété par Frank Silvera et Paul Mazursky, futur réalisateur, ce film qui raconte un épisode de la guerre est refusé par tous les distributeurs. Présenté, grâce à Burstyn, au Guild Theatre de New York, il attire l'attention des critiques sur le jeune réalisateur, et permet à Kubrick de tourner en1954, à New York, son deuxième long métrage : "Le Baiser du tueur" (Killer's Kiss,1955) avec Frank Silvera,, Jamie Smith et Irene Kane. A travers l'histoire d'un jeune boxeur raté qui tombe amoureux de la maîtresse d'un gangster, le cinéaste faire montre d'une étonnante virtuosité tant dans la concision de la narration que dans la qualité de la photographie. On se souviendra, entre autres, de la séquence quasi surréaliste dans le local où sont entreposés des mannequins.

 

Grâce à ce film et à l'entremise d'Alexander Singer, Stanley Kubrick va alors collaborer avec James B. Harris, fils d'un distributeur de cinéma qui a décidé de devenir producteur. Ayant fondé ensemble la Harris-Kubrick Pictures, ils se voient octroyer 200 000 dollars de l'United Artists, après s'être assuré la participation en tête d'affiche de l'acteur Sterling Hayden pour mettre en chantier le troisième long métrage de Kubrick, "Ultime razzia" (The Killing,1956), d'après un roman noir de Lionel White qui raconte un hold-up contre la caisse d'un hippodrome. Le scénario, signé Kubrick et Jim Thompson; à la précision d'un mouvement d'horlogerie. Par une série de flash-back, l'histoire et les caractères des personnages se recomposent selon une logique bizarre mais implacable. Réussite indiscutable, ce film est devenu un classique du thriller américain. Toute une génération de cinéphiles, surtout en Europe, a appris à aimer Stanley Kubrick grâce à ce film. Ce coup de maître allait ouvrir rapidement les portes au jeune cinéaste.

 

En 1957, toujours en collaboration avec Harris, mais également avec la Bryna Productions, dont le patron n'est autre que Kirk Douglas, Kubrick réalise "Les Sentiers de la gloire" (Paths of Glory), interprété par Kirk Douglas, Adolphe Menjou et Ralph Meeker. Adapté d'un roman de Humphrey Cobb qui évoque les mutineries et les exécutions "pour l'exemple" pendant les années noires de la Grande Guerre sur le front français, le film fut longtemps "interdit de séjour" en France. Construit sur un scénario écrit par Kubrick, Jim Thompson et Calder Willingham, il frappe par son amertume mais aussi par la vigueur de sa mise en scène, notamment dans les scènes d'assaut hors des tranchées et dans celles du jugement des mutins. Bien que la photographie soit signée George Krause, celle d'Ultime razzia" était de Lucien Ballard, on sent dans chaque image le regard incisif du cinéaste.

 

Après le tournage des "Sentiers de la gloire", Kubrick travaille, vainement à différents projets. L'un d'eux sera d'ailleurs réalisé et interpréter par Marlon Brando, sous le titre "Vengeance aux deux visages". En 1960, Kirk Douglas, qui a apprécié le professionnalisme de Kubrick, avec "Les Sentiers de la gloire", lui propose de terminer le tournage de "Spartacus" en lieu et place d'Anthony Mann avec lequel il vient de connaître un différend. Le film obtient un grand succès et confirme le talent du réalisateur. Malgré un scénario qui le rebute, pourtant écrit par Dalton Trumbo, un maître en la matière, Kubrick parvient quand à faire passer son génie propre dans cette grande fresque historique sur la révolte des esclaves romains.

 

Kubrick reprend sa collaboration pour une ultime fois avec James B. Harris pour "Lolita". Sorti en 1962, année où il est présenté au Festival de Venise, le film suscite les plus vives controverses. Certains critiques reprochent à Kubrick de n'avoir illustré que les aspects les plus scandaleux du roman de Nabokov et d'en avoir, par là même, occulté la portée véritable. D'autres y voient en revanche, un des films les plus accomplis du cinéaste, un des plus "classiques" formellement. Quoi qu'il en soit "Lolita" marque un tournant important pour le cinéma américain d'après guerre. Interprété avec brio par James Mason, Peter Sellers et Shelley Winters, sans oublier la troublante présence de Sue Lyon, "Lolita" revient ici au noir et blanc, avec une photographie signée Oswald Morris est une réflexion lucide sans complaisance sur la sexualité mal assumée d'une Amérique engluée dans le puritanisme. Le propre du génie de Kubrick est de faire œuvre personnelle à partir des sujets les plus divers. Quels que soient le genre qu'il traite (thriller, drame, film de guerre, science ou politique fiction) ou l'époque qui l'intéresse (XVIII e siècle, guerre 1914-1918, Amérique contemporaine, an 2000), il leur confère sa marque, portant sur eux un regard à la fois dominateur et distant. "Lolita" apporte aussi un autre changement, celui-là dans la vie même de Kubrick : il tourne son film en Angleterre et s'établit définitivement dans ce pays.

 

A partir des années 60, Kubrick devient son propre producteur, s'assurant ainsi une marge de manœuvre beaucoup plus importante que celle dont il avait bénéficié jusqu'alors. Pendant les quinze années qui suivront la sortie de "Lolita", le cinéaste va consacrer tout son temps et toute son énergie à la réalisation de sept films, ce qui n'est pas trop de temps quand on connaît le soin méticuleux qu'il apporte à tout ce qu'il entreprend. Ces sept films seront autant de dates marquantes du septième art, surtout les cinq premiers : en 1964, "Docteur Folamour" (Dr. Strangelove, or How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb; en 1968, "2001 : "L'Odyssée de l'espace"; en 1971 "Orange mécanique" (A Clockwork Orange); en 1975, "Barry Lyndon"; en 1980, "Shining" (The Shining); en 1987, "Full Metal Jacket"; en 1999, "Eyes Wide Shut".

 

"Docteur Folamour" est un irrésistible chef-d'œuvre d'humour noir sur un sujet des plus sérieux : le danger de guerre atomique. Peter Sellers, son interprète principal, s'y livrait à quelques ravageuses compositions qui contribuèrent pour une bonne part, à son succès. "2001 : L'Odyssée de l'espace", avec sa magistrale composition en trois épisodes (pour l'écriture du scénario, Kubrick bénéficia du concours d'un talentueux écrivain de science-fiction, Arthur C. Clarke, dépasse largement les limites du genre qu'il illustre : la science-fiction atteint dans ce film une dimension métaphysique. Soumis aux puissantes radiations d'un inquiétant monolithe noir, les grands anthropoïdes de l'aube de l'humanité et le jeune astronaute de l'an 2001 subissent d'irréversibles mutations traduites en images d'un grand pouvoir poétique, dont la moindre n'est pas celle du fœtus astral de la fin. Cinéaste et visionnaire, Kubrick donnait forme, avec ce film, au nouvel imaginaire collectif des années 60. Kubrick reçoit l'Oscar des meilleurs effets visuels, le seul et unique Oscar de sa carrière, pour la qualité de son travail.

 

Autre plongée dans le futur, "Orange mécanique" est une méditation critique et impitoyable sur l'escalade de la violence. Visionnaire car aujourd'hui, cela est devenu réel dans les années 2020. Quoi que, j'avais déjà informé mon entourage, dès les années 80, de ce qui arriverait dans les années futurs concernant la violence du monde d'aujourd'hui, ayant moi-même était confronté à ce déchaînement de violence dans une ville communiste d'Ile de France. A partir d'un remarquable roman d'Anthony Burgess où le langage jouait un rôle primordial, Kubrick réalise une œuvre puissamment visuelle. Le regard qu'il porte sur une Angleterre totalement livrée aux démons de l'agressivité est aussi impressionnant que celui -accentué par un inquiétant maquillage - de son héros, Alex, magistralement interprété par Malcom McDowell. 

 

"Barry Lyndon", autre merveilleux voyage dans le temps, nous entraîne cette fois dans le passé. S'inspirant d'un roman de Thackeray, Kubrick se livre à une "redécouverte" superbe, fastueuse et surtout critique de l'Europe du XVIIIe siècle. A l'occasion de ce film, il obtiendra de son opérateur une véritable prouesse technique sur le plan de l'éclairage. Utilisant des lentilles spéciales, John Alcott parvient à recréer, dans les scènes d'intérieur, l'ambiance lumineuse d'une époque où l'on ne s'éclairait qu'à la chandelle. Rien de naturaliste pourtant dans cette démarche : le réalisme des décors, des costumes et de l'éclairage n'est pour Kubrick qu'un des moyens, parmi d'autres, de restituer l'essence même d'un siècle, et c'est ce qui lui importe avant tout. "Shining", marque un retour à l'Amérique contemporaine. Précédé d'une réputation de film d'épouvante, "Shining" suscita quelque perplexité à sa sortie : une fois de plus Kubrick avait "détourné" le genre à son profit pour se livrer à des expérimentations visuelles sur la représentation de l'inconscient. D'un livre tout à fait terrorisant, il tire un film à effets très spectaculaires et la performance de Jack Nicholson, grandiose dans le rôle d'un homme entrant progressivement dans l'univers de la folie. Shelley Duvall est également parfaite dans son personnage de victime prédestinée, si exaspérante que l'on comprend pourquoi Nicholson désire tant la "débiter" à coups de hache. On apprécie les travellings dans les couloirs de l'hôtel. La prise de son est tout à fait exceptionnelle.

 

Heureusement Kubrick qui n'a rien perdu de son talent unique, à mis en scène avec force son film suivant "Full Metal Jacket". Traiter le sujet de la guerre du Viêt-Nam après tant d'autres cinéastes est un défi digne de lui. Plus de sept ans après la sortie de "Full Metal Jacket", Stanley Kubrick adapte le roman de l'écrivain autrichien Arthur Schnitzler pour "La Nouvelle rêvée" avec "Eyes Wide Shut". Un tournage qui s'éternise sur une quinzaine de mois. Ce film restera comme l'ultime testament cinématographique du cinéaste, puisque il décède d'une crise cardiaque le 7 mars 1999 à l'âge de 70 ans, à St Albans en Angleterre. Stanley Kubrick possédait  une propriété à Domme en Dordogne de 4 300 m2.

*Affiches-ciné * Cinetom

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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