MICHEL AUCLAIR, UN COMÉDIEN SENSIBLE
MICHEL AUCLAIR 1922 - 1988
Comédien Français
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Il y avait une profonde inquiétude, slave peut-être, chez ce grand garçon doté d'un physique viril et qui cependant pouvait aisément basculer dans la veulerie. Les rôles de lâche n'ont pas manqué à Wladimir Vujovic, son vrai nom. Né le 14 septembre 1922 à Coblence d'un père serbe et d'une mère française.
Alors qu'il a trois ans, ses parents s'installent à Paris où il fait ses études. Après un bref passage en faculté de médecine qu'il étudie attire moins que le Conservatoire d'où il est renvoyé pour indiscipline. Cela ne l'empêche pas de débuter au théâtre en 1940, dans "On ne badine pas avec l'amour", "Jeanne d'Arc", de Péguy et "L'Annonce faite à Marie", de Claudel. Il se produit sans interruption sur la scène du théâtre de l'Œuvre, dirigé par Barrault, Rouleau, Bertheau, où il poursuit des rôles dans des pièces de Cocteau ou d'Ibsen.
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Il est pendant la guerre l'un des espoirs d'une génération brillante, celle des Gérard Philipe, Yves Montand, Serge Reggiani, Daniel Gélin ou Maurice Ronet. C'est juste à la fin de la Second Guerre mondiale qu'il débute au cinéma en 1945, quand Jacqueline Audry lui confie le rôle du cousin de Paul dans "Les Malheurs de Sophie" : Michel Auclair porte avec élégance la redingote 1860, on le reverra souvent dans des rôles en costume. Jean Cocteau qui l'a remarqué sur scène et ne tarit pas d'éloges sur son compte dans son Journal lui offre un rôle de complément la même année dans "La Belle et la Bête". René Clément, venait de débuter dans le long métrage avec "La Bataille du rail". L'année suivante, lui aussi conquis par Auclair, il l'engage pour "Les Maudits", l'un des plus curieux films inspirés à chaud par la guerre qui vient de s'achever. Cette histoire de sous-marin emportant vers l'Amérique du Sud sa cargaison de collabos et de nazis est réalisée avec une grande maestria par Clément, qui s'amuse manifestement à animer les silhouettes interlopes campées par les habitués de ce genre d'emploi que sont Paul Bernard, Marcel Dalio. Le jeune Michel Auclair rejoint ici leur cohorte. Elégant, traqué, il imprime une première marque délétère à son personnage, dont il ne se départira plus.
Michel Auclair déclara : "J'ai débuté dans des rôles de jeunes premiers parce que, après la guerre, on admettait qu'un garçon de vingt-cinq ans ne soit pas un bellâtre. J'ai pu incarner des personnages ambigus, à double fond. La production de cette époque, bizarrement, était malgré les difficultés, extrêmement variée. Il y avait place pour un registre beaucoup plus large." En dépit de ses débuts prometteurs, Michel Auclair éprouve quelques difficultés )à mener la carrière qu'il souhaite et n'obtient pas la renommée à laquelle des films le destinait.
Mais c'est Henri-Georges Clouzot qui le consacre dans "Manon" (1948); cette étrange et somme toute convaincante transposition moderne du roman de l'abbé Prévost, écrit en 1731. Clouzot et son scénariste Jean Ferry ont pris le risque de situer dans la période glauque de la Libération et de ses règlements de comptes la fatale chevauchée du couple maudit Manon-Des Grieux, ce dernier rebaptisé pour l'occasion Robert Dégrieux. L'audace paie, le film stupéfie par sa violence et emporte l'adhésion porté par deux acteurs habités par leur emploi et qui accèdent d'un coup au vedettariat. A l'ambiguïté de Clouzot, déjà si manifeste dans "Le Corbeau", correspond à la perfection celle de son interprète, victime consentante et éperdue d'une ingénue libertine et perverse. Michel Auclair se pose alors en rival de son ami Gérard Philipe, et il est des points communs entre ce Dégrieux et le Ripois que Gérard Philipe interprétera peu après sous la direction de René Clément.
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Les plus en vue des metteurs en scène lui font signe. Christian-Jaque pour "Singoalla" (1949), une légende suédoise pré-bergmanienne qui ne lui sied pas plus qu'à son maître d'œuvre; André Cayatte pour "Justice est faite" (1950), où il se fond parfaitement dans la troupe réunie par l'auteur et qui compte de très solides éléments, les Raymond Bussières, Jacques Castelot, Jean Debucourt, Antoine Balpêtré; Duvivier pour "La Fête à Henriette" (1952), remarquable fantasia de l'imagination où il passe des bras d'Hildegarde Neff à ceux de Dany Robin; Henri Decoin pour "Bonnes à tuer" (1954) dans lequel Auclair peaufine son emploi d'homme à femmes cynique et antipathique, Jean Delannoy pour "Maigret et l'affaire Saint-Fiacre" (1959), de même registre. En 1953, n'abandonnant pas le théâtre, il est le partenaire de Robert Hossein dans "La Corde". En 1956, il est victime d'un grave accident de voiture qui compromet et sa carrière et sa passion pour le ski.
Ces années 50, Michel Auclair commence une série de films en Italie où il est très demandé "Les Chemises rouges" (Camicie Rosse,1952) de Francesco Rosi et Georges Allesandrini, "La Fille du régiment" (La Figlia del reggimento,1953) de Geza von Bolvary mais aussi "La Fille de la rizière" (La Risaia,1956) de Raffaele Matarazzo, il tourne également en Europe "Drôle de frimousse" (Funny Face,1956) de Stanley Donen, "Deux têtes folles" (Paris When it Sizzles,1963) de Richard Quine, "L'Impossible objet" (The Impossible Objet,1973) de John Frankenheimer, "Chacal" (The Day of the Jackal,1973) de Fred Zinnemann. Parallèlement, Michel Auclair se fait un nom à la télévision en interprétant une quinzaine de rôles dramatiques dans plusieurs téléfilms : "La Dernière porte" de Frédéric Dard, "La Chambre" en 1964 et "Huis-clos", en 1965, tous deux réalisés par Michel Mitrani. Les années soixante sont surtout l'occasion pour Michel Auclair de rencontres théâtrales intéressantes. Roger Planchon le dirige successivement dans "Tartuffe" et "Richard III" au théâtre de la cité de Villeurbanne.
Mais quand la Nouvelle Vague le requiert, c'est via ses marginaux et pour des films mineurs, "L'Education sentimentale" (1961) d'Alexandre Astruc, "Le Rendez-vous de minuit" (1961) de Roger Leenhardt, "Vacances portugaises" (1963 de Pierre Kast, "Le Cœur fou" (1970) de Jean-Gabriel Albicocco. C'est de cette époque que date la plus injuste et la plus funeste des réputations qui s'attache à Michel Auclair : on murmure qu'il porte malheur, à l'instar d'une autre victime de ces absurdes superstitions, Serge Reggiani. Et pourtant, sa cinquantaine lui sied à la perfection : il n'a jamais apporté une telle présence, un peu inquiétante, terriblement vécue.
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On se souviendra de la subtilité qu'il donne à des intrigues parfois un peu abruptes, "Les Guichets du Louvre" (1973) de Michel Mitrani, "Souvenirs d'en France" (1975) d'André Téchiné, "Sept morts sur ordonnance" (1975) de Jacques Rouffio, "Le Juge Fayard dit le shérif" (1976) d'Yves Boisset. Costume sombre, chemise blanche et cravate noire, trench coat : Auclair arbore alors la tenue de Montand, dont on voudrait qu'il rejoigne dans ses emplois de la maturité. En 1979, il donne la réplique à Roger Hanin et Marthe Villalonga dans "Le Coup de Sirocco" de Alexandre Arcady. Il a également enchaîné trois films avec Alain Delon dont "Trois hommes à abattre" (1980) de Jacques Deray et "Pour la peau d'un flic" (1981) d'Alain Delon.
Gilles Behat souligne également son égarement dans"Rue Barbare" (1984). Francis Girod sa puissance pathétique dans l'incarnation des faiblesses humaines avec "Le Bon plaisir" (1984). Au cinéma, Michel Auclair se fait plus rare, trop souvent cantonné dans des seconds rôles, il s'exprima : "Mes plus grandes joies, je les ai connues au théâtre avec des gens comme Roger Planchon, Patrice Chéreau, ou Luchino Visconti. Cela dit, je ne renie absolument pas le cinéma et j'avoue que cela m'ennuie de tourner si peu, mais qu'y faire?"
Michel Auclair a épousé Frédérique Homo, en janvier 1970. Il est le père d'un garçon né en 1972. Et voici qu'il meurt jeune encore, à l'âge de 65 ans, le 7 janvier 1988 à Saint-Paul-en-Forêt dans le Var, d'une hémorragie cérébrale. Ils nous laissent tous coupable de ne pas l'avoir assez soutenu, pas assez célébré, recherchant dans les paradis artificiels les remèdes à un incurable mal de vivre. On se souviendra également de l'hommage que lui a rendu le comédien Richard Bohringer, lors de la remise du César du meilleur acteur qui lui était attribué par Johnny Hallyday pour le film "Le Grand chemin", où il rendit un hommage touchant et émotionnel.
Extraits de "Noir & Blanc" d'Olivier Barrot et Raymond Chirat - Editions Flammarion.
*Affiches-ciné * Cinéma français * Cinetom
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