BERTRAND BLIER, MERCI LA VIE
BERTRAND BLIER
Cinéaste, Scénariste, Dialoguiste Français
Il était une fois un cinéaste qui a su mêlé comédie, satire de notre société avec ou sans complaisance. Fils du grand comédien Bernard Blier, j'ai appris à l'apprécier au fur et à mesure de la sortie de ses films. Le premier ne fut pas "Les Valseuses" (1974), j'étais trop jeune mais par contre ce fut "Buffet froid" (1979), terriblement insolite, mais tellement drôle en même temps. J'ai apprécié ce trio de chocs que sont Gérard Depardieu, Bernard Blier et Jean Carmet.
Par contre, je me souviens à la soirée des César 1990 où j'ai pris place, au Théâtre des Champs-Elysées, la venue du cinéaste qui est venu rendre hommage à son père, le comédien Bernard Blier, décédé le 29 mars 1989. Qu'il finirait sa carrière cinématographique en faisant un dernier film, un documentaire sur Bernard Blier et je l'attends toujours !!
Bertrand Blier est né le 14 mars 1939 à Paris. Bertrand Blier a vu s'ouvrir devant lui, très tôt le monde du cinéma. En effet, ses études secondaires à peine terminées, Bertrand Blier est déjà assistant de John Berry, lequel tourne "O.K. Mambo" en 1959 : il a tout juste vingt ans ! Puis il apprend son métier de cinéaste aux côtés de réalisateurs confirmés tels que Georges Lautner, Jean Delannoy, Denys de la Patellière ou Christian-Jaque.
Bien plus tôt, le cinéaste avait confirmé avoir vu son père, tourner aux côtés de Fernandel dans "L'homme à l'imperméable" de Julien Duvivier. Dès 1962, Bertrand Blier décide de passer à la mise en scène. Il parcourt la France pour recueillir les témoignages de dizaines de jeunes sur leur vécu quotidien et l'idée qu'ils se font de leur avenir. C'est ainsi que sort sur les écrans "Hitler, connais pas" (1963), exercice de cinéma vérité sans concessions, démontre que le cinéaste n'entend pas se couler dans un moule à la mode, en l'occurrence celui de la "nouvelle vague", mais ambitionne plutôt de créer un cinéma qui n'appartienne qu'à lui.
Bertrand Blier écrit de nombreux scénarios dont une adaptation de "L'Ecume des jours" de Boris Vian, qui resteront dans ses tiroirs. L'un d'entre eux, toutefois, récit d'espionnage traditionnel d'apparence, trouvera un producteur. La sortie de son deuxième long métrage "Si j'étais un espion" (1967) est une plongée dans l'univers froid et inhumain des polices parallèles se voulait aux dires de son auteur, une "réflexion sur le racisme".
Puis de 1967 à 1974, c'est la traversée du désert avec, pour seul oasis, l'écriture, en 1970, du scénario de "Laisser aller... c'est une valse" de Lautner. Puis le cinéaste déclara : "Soudain, j'en ai eu marre. Et "Les Valseuses" est né de cette colère". D'abord roman, puis film, "Les Valseuses" fut un triomphe qui fit de son trio de jeunes interprètes, Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Miou-Miou, un trio de vedettes. "Conçu comme un attentat délibéré contre le public", ce film souvent rejeté par la critique pour vulgarité, imposa l'image d'un Bertrand Blier non conformiste et provocateur.
"Calmos" (1976) est une charge antiféministe ne reculant devant aucune outrance. Pour "Préparez vos mouchoirs" (1978), Blier retrouva son tandem fétiche Depardieu-Dewaere, aux prises, cette fois, avec Carole Laure. Le film reçut l'Oscar 1979 du meilleur film étranger et un bon accueil en France. "Buffet froid", "objet terriblement insolite" (Le Matin), "extrapolation poussée jusqu'à l'absurde des travers qui hantent notre propre société". Le film fut mal compris du public qui préféra "Beau-Père" (1981) que Blier adapta de son propre roman. Par contre, la critique, qui avait apprécié le premier, fut bien moins élogieuse pour le second.
En 1983 est sortit sur les écrans "La Femme de mon pote", huis-clos psychologique avec Coluche, Isabelle Huppert et Thierry Lhermitte, surpris tous ceux qui espéraient un film comique traditionnel. Mais il serait intéressant de revisiter ce film de Blier qui sur plusieurs points méritent une nouvelle exploitation du film au cinéma. "Notre Histoire" (1984) fut également un malentendu, malgré le César du scénario 1984, qui fit d'Alain Delon, le viril héros de tant de polars, un alcoolique sur le retour, battu, cocu et malheureux...
Bertrand Blier déclara : "Un des devoirs du cinéma, est de secouer", mes films sont '(...) des suites de variation sur la bêtise". Il lance en 1986, une nouvelle provocation : Depardieu, séduisant Michel Blanc dans "Tenue de soirée !" Ce film obtint d'ailleurs un immense succès public, et permit à Michel Blanc d'obtenir un prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes. Quant à "Trop belle pour toi" (1989), onzième long métrage du cinéaste, aura reçu cinq César dont celui du meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleure actrice pour Carole Bouquet et meilleur montage. Un triomphe pour ce film dont le style et le mode de narration bousculent pourtant les habitudes du spectateur. En effet, Blier procède ici en poète plutôt qu'en narrateur, mélangeant avec brio le passé et le présent, les fantasmes et la réalité, privilégiant, dans le choix et l'agencement des images, les analogies, les associations d'idées, les rimes visuelles et sonores, sur une construction dramatique logique. Depuis plusieurs années, le cinéaste souhaitait faire un film utilisant la musique de Schubert qui est, selon lui, "la quintessence du bourdon amoureux".
Son film suivant "Merci la vie" (1991) amorce un tournant dans son œuvre, contrairement à ses précédents films auparavant, l'homme était partagé entre deux femmes qu'il aime autant, avec "Merci la vie", les femmes prennent le pouvoir et veulent le garder, dans l'univers de Blier. De nombreux comédiens se succèdent : Charlotte Gainsbourg, Anouk Grinberg, Gérard Depardieu, Michel Blanc, Jean Carmet, Catherine Jacob, Annie Girardot, Jean-Louis Trintignant, Thierry Frémont, Yves Régnier et François Perrot. Deux ans plus tard, Bertrand Blier enchaîne le tournage de "Un deux trois soleil", un film bourré de tendresse, apaisé, ensoleillé bien que les banlieues, avec leurs problèmes d'immigration, de racisme et de violence, lui servent de toile de fond.
En 1995, l'héroïne de son nouveau film "Mon homme", est une prostituée au grand coeur, est à nouveau interprétée par Anouk Grinberg devenue sa compagne et sa muse. Son quatorzième long métrage est un échec, le film n'a pas rencontré l'ardeur de son public. En l'an 2000, Blier revient au cinéma avec "Les Acteurs", où un très grand nombre d'acteurs du cinéma français défilent devant sa caméra : Jean-Paul Belmondo, Alain Delon, Gérard Depardieu, Michel Piccoli, Michel Serrault, Jean Yanne, Jean-Pierre Marielle, Claude Rich, Jean-Claude Brialy, Pierre Arditi, André Dussolier, Claude Brasseur, Sami Frey, Michel Galabru, Jacques Villeret, Albert Dupontel, François Berléand; Ticky Holgado et Jacques François sans oublier Josiane Balasko et Maria Schneider. Ce film inclassable mais tellement prenant, se veut un hommage drôle et plein de tendresse aux acteurs, le film fut un nouvel échec pour le cinéaste. A la fin du film, un hommage est rendu à Bernard Blier, Pierre Brasseur, quant à Alain Delon, il a honoré la mémoire de Jean Gabin, Lino Ventura, Louis De Funès et Bourvil.
Trois ans plus tard, Blier tourne un nouveau film "Les Côtelettes" adapté d'après sa propre pièce de théâtre, il dirige deux monstres sacrés du cinéma français : Philippe Noiret et Michel Bouquet. C'est en 2005 qu'il retrouve Gérard Depardieu pour le tournage du film "Combien tu m'aimes ?" avec comme autres partenaires Monica Bellucci et Bernard Campan, mais le succès n'est pas au rendez-vous une fois de plus. Il lui faudra attendre cinq longues années pour enfin, avoir un petit succès avec "Le Bruit des glaçons" (2005), une comédie noire, entre un écrivain dépressif et alcoolique et la visite de celui qui représente le cancer. Son ultime film est une nouvelle satire avec "Convoi exceptionnel" (2019), portée par un tandem mythique du cinéma français : Gérard Depardieu et Christian Clavier mais le film est un nouvel échec critique et commercial. Cela n'empêche que Bertrand Blier restera un cinéaste hors pair, performant et inclassable. Bravo Monsieur Blier. Mon film préféré restera "Buffet froid".
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