COSTA-GAVRAS, UNE OEUVRE D'UN PROGRESSISTE SINCÈRE
COSTA-GAVRAS 1933
Cinéaste, Producteur Français
Sincère et honnête, progressiste et volontaire, Costa-Gavras est un des rares cinéastes à sensibiliser le grand public aux problèmes politiques contemporains. Costa-Gavras est né le 13 février 1933 à Loutrà Iréas (Arcadie) en Grèce, d'une mère grecque et d'un père russe.
A l'âge de dix-neuf ans, il décide, à cause des idées politiques de son père, le jeune Costa-Gavras ne peut étudier, il est contraint de fuir Athènes pour s'établir en France. Après avoir suivi durant trois ans des études littéraires à la Sorbonne, il abandonne bientôt cette voie, pour le cinéma et s'inscrit à l'Institut des hautes études cinématographiques (I.D.H.E.C.).
Le premier tremplin de sa carrière se présente à l'occasion du tournage de "Tout l'or du monde" (1961), qui lui donne la chance de travailler comme troisième assistant réalisateur avec un très grand cinéaste : René Clair. Il poursuit avec René Clément lors du tournage du film "Le Jour et l'heure" (1963), un film sur la Résistance, sujet que Costa-Gavras abordera dans son deuxième film, "Un Homme de trop" (1967) avec une pléiade de comédiens : Charles Vanel, Bruno Cremer, Jean-Claude Brialy, Gérard Blain, Michel Piccoli, Jacques Perrin, Claude Brasseur, Pierre Clémenti et Patrick Préjean. Ce drame situé dans le milieu de la Résistance, et auquel collabore Harry Saltzman, l'un des producteurs de James Bond, n'obtient aucune audience.
Costa-Gavras participe également à la réalisation de "Peau de banane" (1963) sous la direction de Marcel Ophüls. C'est en 1965, qu'il a la possibilité de réaliser son premier film grâce à l'appui de comédiens comme Yves Montand et Simone Signoret. Il développe son scénario avec le soutien d'un livre policier de Sébastien Japrisot : "Compartiments tueurs", rien de politique dans ce premier long métrage de Costa-Gavras, film policier captivant, tourné avec beaucoup de maîtrise et truffé de morceaux de bravoure techniques mais qui ne tranche guère sur la production courante du genre. Produit par Julien Derode et bénéficiant de la participation financière de tous les acteurs dont Yves Montand, Jacques Perrin, Jean-Louis Trintignant et Simone Signoret. Le film remporte un grand succès; la critique salue le brio de la mise en scène et la maîtrise de la direction d'acteurs, aux Etats-Unis, il sera classé parmi les dix meilleurs films étrangers de l'année.
En 1968, Costa-Gavras entreprend la réalisation de "Z" qui sort sur les écrans l'année suivante. Sur un scénario écrit en collaboration avec Jorge Semprun, d'après le roman de Vasilis Vasilikos, le film s'inspire ouvertement de l'assassinat, en 1963, de Grigorios Lambrakis, député grec de l'E.D.A. (Union de centre gauche), par des tueurs à la solde des forces de droite. Après avoir dénoncé dans ce film les méthodes néofascistes; Costa-Gavras ouvre ouvre dans "L'Aveu" (1970) le dossier des procès truqués de 1952 en Tchécoslovaquie. Le scénario, signé Jorge Semprun, s'inspire de la biographie d'Arthur London, ancien membre du gouvernement tchèque qui s'était trouvé en première ligne dans ces procès, sur le banc des accusés. Le film est mal reçu par une partie de la gauche occidentale qui estime qu'à trop sacrifier à la dramatisation cinématographique la prise de position antistalinienne du film sombre dans un schématisme qui nuit, en fin de compte, à la cause du socialisme.
En 1973, Costa-Gavras porte son attaque sur l'autre front de l'échiquier politique international : avec "Etat de siège". C'est l'Amérique qui se trouve dans le collimateur. S'inspirant d'un fait réel le cinéaste raconte l'enlèvement et l'exécution par des tupamaros (mouvement de libération nationale uruguayen) de Dan Mitrione, un des "conseillers américains' officiellement chargé d'aider les pays sud-américains à résoudre des problèmes d'ordre économique. En réalité, Mitrione venait enseigner à la police et aux forces armées uruguayennes certaines méthodes d'interrogatoire "poussé".
Après ces trois incursions dans l'histoire politique de pays étrangers, Costa-Gavras aborde celle de la France à l'époque de l'Occupation dans "Section spéciale" (1975). Comme on pouvait s'y attendre, les attaques du réalisateur contre les colonels grecs et leurs alliés politiques dans "Z", contre les méthodes de la C.I.A. en Amérique du Sud dans "Etat de siège" contre les acrobaties politico-judiciaires du régime de Vichy dans "Section spéciale" ne sont guère du goût des milieux de droite. Cette affaire particulièrement sordide de collaboration du gouvernement de Vichy avec l'occupant en août 1941.
Mais l'accueil de la presse et du public pour ces dernières œuvres est de plus en plus mitigé... car du côté de la Gauche française ne l'épargnent pas davantage : "L'Aveu" est dénoncé comme une apologie de la guerre froide; "Etat de siège" suscite l'exaspération chez de nombreux révolutionnaires sud-américains qui reprochent au film de ne pas prendre clairement position et de brosser un portrait trop humain de l'agent de la C.I.A. Ce dernier reproche n'est d'ailleurs pas sans fondement : en confiant le rôle à Yves Montand, Costa-Gavras ne pouvait ignorer que celui-ci susciterait sinon l'adhésion du moins l'attention bienveillante du public habitué à voir en lui, surtout depuis "Z" et "L'Aveu", l'incarnation des idées progressistes.
Tous les films politiques de Costa-Gavras et, de manière générale, tout le cinéma "à thèse" obligent à se poser la question primordiale : est-il possible de concilier l'expression d'un engagement idéologique et les impératifs d'un art aussi populaire que le cinéma sans sacrifier l'une aux autres et réciproquement ?
Costa-Gavras tente de changer d'orientation, après une absence de quatre ans, il aborde un nouveau genre, le film d'étude psychologique avec "Clair de femme" (1979), d'après un roman éponyme de Romain Gary avec Yves Montand et Romy Schneider. Mais l'accueil de la presse reste aussi réticent que pour ses derniers films. En 1982, sort sur les écrans de cinéma "Missing" ou "Porté disparu"; Palme d'or au Festival de Cannes 1982 et Prix d'interprétation masculine pour Jack Lemmon. Adapté du roman de Thomas Hauser, récit d'une enquête minutieuse sur la disparition de l'écrivain Charles Horman dans la tourmente du coup d'Etat chilien qui renversa le gouvernement Allende, le film concentre l'attention du spectateur sur la recherche du disparu par son père (Jack Lemmon) et sa femme (Sissi Spacek). "Missing" se présente avant tout comme un drame humain, même s'il dénonce aussi un régime politique dictatorial.
Il n'en reste pas moins que le cinéma de Costa-Gavras est l'œuvre d'un progressiste sincère. Son cinéma n'est politique que dans la mesure où il traite de thèmes politiques, mais sans les aborder "politiquement", comme le fit remarquer le cinéaste à propos de "Z" : "Je tiens à dire qu'il n'était pas dans mes intentions de faire un film politique, car ce mot véhicule toute une mythologie qui n'a rien à voir avec le film...Le thème principal de "Z", ce n'est pas la cause d'un parti, c'est celle d'un homme."
Costa-Gavras s'oriente cette fois de faire une œuvre manichéenne qui opposerait le camp israélien au camp palestinien. Il déclare que le conflit israélo-palestinien est pour lui avant tout un drame humain, et c'est peut-être la raison pour laquelle il a choisi pour personnage central une femme (Jill Clayburgh) prise dans des "problèmes d'identité et de choix affectifs" lors du tournage de "Hanna K." (1983), laquelle est amoureuse à la fois d'un Juif et d'un Palestinien et découvre dans sa complexité le drame politique et humain que représente le conflit israélo-Palestinien. C'est ainsi qu'il enchaîne avec "Conseil de famille" (1986) où Johnny Hallyday trouve un rôle à sa mesure face à Guy Marchand. Le réalisateur dénonce l'hypocrisie d'une société française, fondée sur le respect d'une morale religieuse et sociale qui en masque les véritables enjeux : la réussite et l'argent.
Grâce au producteur américain Irwin Winkler, Costa-Gavras va tourner aux Etats-Unis, deux scénarios de Joe Eszterhas. Les deux films s'emploient à débusquer une forme de fascisme renaissant dans une paisible campagne du Middle West où le nocturne appartient au Ku-Klux-Klan et aux groupuscules néo-fascistes : "La Main droite du diable" (Betrayed,1988) et "Music-Box" (1989) histoire d'un bon père de famille dont la fille interprétée par Jessica Lange, découvre le passé tortionnaire nazi.
Costa-Gavras semble avoir perdu nombre de ses illusions sur l'avenir et le bienfondé des idéologies progressistes de transformation du monde. On peut le constater avec le film qu'il a tourné en 1993 "La Petite apocalypse", constat de l'échec du système communiste et de l'émergence d'un nouveau pouvoir totalitaire, celui des médias entre autres. En 1997, la sortie de son quinzième film "Mad City" est un échec critique et public.
A noter l'un de ses meilleurs films de la période des années 2000, on peut citer "Amen" (2002) avec Ulrich Tukur et Mathieu Kassovitz, une adaptation cinématographique de la pièce de théâtre "Le Vicaire" de Rolf Hochhuth, critiquant l'inaction du pape Pie XII durant la Seconde Guerre mondiale à l'égard des juifs. Suivi en 2005 par "Le Couperet" avec une brillante interprétation de José Garcia en chômeur de longue durée prêt à tuer pour son futur emploi. "Mon Colonel" (2006) avec Olivier Gourmet et Robinson Stévenin n'aura pas l'éloge de ses précédents films des années 60-70, de même pour son dernier film "Adults in the Room" (2019).
Un Homme de trop -1967 - Bruno Cremer - Michel Piccoli - Jean-Claude Brialy
Z - 1969 - Yves Montand - Charles Denner
Z - 1969 - Marcel Bozzuffi - Jacques Perrin
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