ANDRÉ CAYATTE, L'AVOCAT-CINÉASTE
ANDRÉ CAYATTE 1909 - 1989
Cinéaste, Scénariste, Dialoguiste Français
Les films d'André Cayatte ont symbolisé tout ce que détestaient les jeunes cinéastes de la nouvelle vague et tout ce contre quoi avait lutté l'équipe des "Cahiers du Cinéma" pendant des années. Et pourtant cette erreur d'appréciation, se retournera contre eux, au fur et à mesure des années, des décennies passées.
Avec André Cayatte, en effet, l'art du cinéma se ramène à une simple mise en images d'un scénario et ne se distingue pas, en substance, du théâtre. Ancien scénariste lui-même, il aimait à travailler avec des acteurs chevronnés et ne dédaignait pas d'utiliser des artistes chères au grand public. Sa mise en scène ne répugne pas aux effets dramatiques les plus éprouvés, et les sujets qu'il aborde sont toujours traités en fonction de leur impact immédiat sur le public. André Cayatte ne travaille pas pour le plaisir des esthètes, c'est le moins que l'on puisse dire, mais pour l'édification des foules. Il y a toujours eu chez lui une véritable rage de convaincre.
André Cayatte est né le 3 février 1909 à Carcassonne, poursuivit des études de lettres jusqu'à la licence et de droit jusqu'au doctorat. Il mena d'abord de front une carrière d'avocat, de journaliste et de romancier. C'est ainsi qu'il publia, entre autres, un recueil de poèmes, "Mesures pour rien" (1927) et des romans, dont "La Peau des autres" (1936) et "Le Traquenard" qui reçut, en 1940, le Prix Cazes.
Spectateur passionné par le cinéma, le jeune avocat conçut l'idée de devenir cinéaste dès 1932, en se penchant sur une affaire qui avait, une dizaine d'année avant, défrayé la chronique judiciaire, l'affaire Seznec. Cayatte souhaitait en effet prouver l'innocence de Seznec, condamné au bagne, en faisant un film qui aurait démontré l'inanité de l'acte d'accusation. Il partit à la recherche d'un producteur, son scénario sous le bras, mais ne le trouva pas. Il jouissait déjà, alors d'une certaine notoriété dans la république des Lettres, publiant des articles et des romans dont certains ont d'ailleurs retenu l'attention de la critique. En 1930, il avait fondé la revue "Méridiens". Ses films garderont toujours une empreinte littéraire et théâtrale, et il ne semblait pas que Cayatte, à l'instar, du reste, de la plupart des réalisateurs français de sa génération, ait jamais réfléchi sur les possibilités du septième art en tant qu'expression spécifique. C'est précisément ce que lui reprocheront les jeunes-turcs de la nouvelle vague, marqués par l'exemple de Renoir, de Cocteau et de Bresson.
C'est ainsi qu'il écrivit, avec Henri Jeanson, le scénario original de "Entrée des artistes" (1938) de Marc Allégret, film au générique duquel figure donc, pour la première fois sur l'écran, le nom de André Cayatte. Suivirent d'autres collaborations, au scénario ou aux dialogues, avec Charles Spaak pour "Remorques" (1939-1941) de Jean Grémillon avant le passage derrière la caméra, en 1942, pour une adaptation moderne d'une œuvre de Balzac "La Fausse maîtresse". Ce premier film est tourné pendant l'Occupation; il est produit par la Continental, ainsi que ses trois films suivants, dont on peut retenir "Pierre et Jean" (1943), d'après Maupassant. Fort de cette expérience, il tente ensuite, avec "Le Chanteur inconnu" (1946), un intéressant essai de caméra subjective, puis une transposition dans l'époque contemporaine de l'histoire de Roméo et Juliette, "Les Amants de Vérone" (1949) qui lui permettra de connaître la consécration d'auteur, écrit en collaboration avec Jacques Prévert.
Le succès ne viendra toutefois qu'avec ses films suivants. A partir de "Justice est faite" (1950), en effet, André Cayatte se souvient qu'il a d'abord été un avocat, et il va s'ingénier à appliquer à ses films les techniques classiques du prétoire. Il se fait alors une spécialité des sujets controversés, tirant profit de son passé de scénariste et s'entourant de solides professionnels comme Charles Spaak. Les limites de la justice, la peine de mort, la stupidité de la guerre, tels seront, entre autres, les thèmes de ce cinéaste qui, non sans une indéniable conviction, va s'attacher désormais à dénoncer les horreurs de la "barbarie sociale". S'ils ne soulèvent guère l'enthousiasme des cinéphiles exigeants, des films comme "Nous sommes tous des assassins" (1951), "Avant le déluge" (1953), "Le Dossier noir" (1955) ou "Le Passage du Rhin" (1960) vont susciter des débats passionnés dans la presse, dans les commissions de censure, et parfois même dans les tribunaux. A cet égard, André Cayatte aura incontestablement marqué de sa présence le cinéma français des années 50, ce qui ne sera plus le cas après l'avènement de la nouvelle vague.
S'il cherche à renouveler son inspiration en puisant dans l'actualité, comme pour "Mourir d'aimer" (1971), Cayatte n'en demeure pas moins un cinéaste terriblement académique, dont les démonstrations ne convainquent plus guère. Il laissera le souvenir d'un homme sincère qui, pour avoir voulu être un auteur, n'en aura pas moins représenté, aux yeux de la jeune génération, la pire manière d'envisager la création au cinéma. A noter également certaines de ses prestations auront marqué le public comme "Le Miroir à deux faces" (1958) avec Bourvil et Michèle Morgan, "Le Glaive et la balance" (1963) avec Jean-Claude Brialy et Anthony Perkins, "La Vie conjugale" (1964) avec Marie-José Nat et Jacques Charrier, "Les Risques du métier" (1967) avec Jacques Brel; mais aussi des films moins connus comme "A chacun enfer" sur le rapt d'un enfant, avec Annie Girardot et Bernard Fresson. Ainsi que l'avant dernier film de Jean Gabin, aux côtés de Sophia Loren : "Verdict" (174).
A propos du cinéma, le cinéaste avait déclaré : "Ne pas s'en servir pour s'attaquer aux problèmes d'aujourd'hui, aux sujets qui préoccupent réellement les hommes, c'est, pour moi, une démission." "La faute", télé-film sur la responsabilité du médecin, présenté fin 1980 par France 2 (Antenne 2), prouvait que Cayatte, trente ans après "Justice est faite", n'avait toujours pas démissionné. André Cayatte décède à Paris le 6 février 1989 d'une crise cardiaque, il avait 80 ans.
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