DÉCÈS D'UN GRAND HOMME DE CINÉMA JEAN-CLAUDE CARRIÈRE
DÉCÈS D'UN GRAND HOMME DE CINÉMA
JEAN-CLAUDE CARRIÈRE 1931 - 2021
Un grand nom du cinéma s'est éteint.
L'écrivain, metteur en scène et scénariste Jean-Claude Carrière, qui a travaillé notamment aux côtés de Luis Bunuel, Jacques Deray ou Milos Forman, est décédé lundi 8 février 2021 soir à l'âge de 89 ans. L'homme, qui ne souffrait d'aucune maladie particulière, est mort "dans son sommeil" à son domicile parisien, a précisé sa fille Kiara Carrière. "Un hommage" lui sera rendu prochainement à Paris et il devrait être inhumé dans son village natal, à Colombières-sur-Orb dans l'Hérault.
Né le 17 septembre 1931 à Colombières-sur-Orb (Hérault) de parents viticulteur, il s'installe à en région parisienne en 1945 avec ses parents qui tiennent un bistrot à Montreuil-Sous-Bois,le jeune homme se révèle vite un élève brillant mais dissipé, pensionnaire au lycée Lakanal. Il devient boursier, saute dans l'ascenseur social qui le propulse à Normale Sup. A 26 ans, il signe son premier roman, "Le Lézard", fait son service militaire en Algérie, rencontre Jacques Tati et son assistant débutant Pierre Etaix lequel va collaborer avec Jean-Claude Carrière, se découvrent des affinités et des goûts communs pour le visuel comique à la Buster Keaton. Ils décident de travailler ensemble à la mise en scène de trois courts métrages : "Rupture", "Heureux anniversaire" et "Insomnie". Avec ce dernier, il reçoit l'Oscar 1962 du meilleur court-métrage de fiction pour "Heureux anniversaire".
Sa rencontre avec le cinéaste Luis Bunuel changera la donne, tout est bouleversé, il adaptera pour le cinéma "Le Journal d'une femme de chambre" (1963) de l'oeuvre de Mirbeau dont l'interprétation de Jeanne Moreau fut une totale réussite et ne fera qu'accentuer son désir d'écrire pour le cinéma. Il retrouvera périodiquement le cinéaste espagnol dont il a su épouser et traduire les fantasmes surréalistes "Belle de jour" (1967), "La Voix lactée" (1969), "Le Charme discret de la bourgeoisie" (1972), "Le Fantôme de la liberté" (1974) ou "Cet obscur objet du désir" (1977). Il aura également écrit pour Pierre Etaix : "Le Soupirant" (1963), "Yoyo" (1965), "Tant qu'on a la santé", (1966), "Le Grand amour" (1969).
Se définissant comme un "conteur", Jean-Claude Carrière a signé une soixantaine de scénarios ainsi qu'environ 80 ouvrages (récits, essais, comme ses Dictionnaires amoureux de l'Inde et du Mexique, traductions, fictions, scénarios, entretiens). Comme scénariste, il est au générique de films majeurs : "Le Journal d'une femme de chambre", "Belle de jour" et "Le charme discret de la bourgeoisie" (Luis Bunuel), "Taking Off" (Milos Forman), "Borsalino" (Jacques Deray), "Le tambour" (Volker Schlondorff, Palme d'or à Cannes), "Danton" (Andrzej Wajda, prix Louis Delluc 1982), "L'insoutenable légèreté de l'être" (Philipp Kaufman), "Cyrano de Bergerac" (Jean-Paul Rappeneau), "Le retour de Martin Guerre" (Daniel Vigne) qui lui vaut le César du meilleur scénario en 1983. Il a reçu en 2014 un Oscar d'honneur pour son oeuvre de scénariste. Il a été aussi acteur, dramaturge et parolier pour Juliette Gréco, Brigitte Bardot ou Jeanne Moreau.
Jean-Claude Carrière a placé sa vie sous le signe des "rencontres, des amitiés et des maîtres de vie", comme le Dalaï Lama avec lequel il a écrit un livre ou le cinéaste espagnol Luis Bunuel, avec lequel il collabora dix-neuf ans, jusqu'à sa mort. "Radicalement athée", mais "passionné par la religion et ses déviances", étranger à tout fanatisme, il a écrit sur le bouddhisme et l'hindouisme mais aussi sur le christianisme avec son roman le plus célèbre, "La controverse de Valladolid", sur la conquête du Nouveau-monde par les Espagnols, décliné en pièce et adaptation télévisée. On lui doit également des travaux sur l'islam (par ses traductions de poésie persane, avec son épouse, l'écrivaine iranienne Nahal Tajadod, dont il a eu une fille).
Bibliophile, passionné par le dessin, l'astrophysique, et le vin, amateur de Tai-Chi-Chuan (art martial), Jean-Claude Carrière a présidé pendant dix ans la Fémis, l'École nationale supérieure des métiers de l'image et du son. Toujours très actif malgré l'âge, il avait écrit en 2018 un dernier essai, "La vallée du néant", et cosigné en 2020 le scénario du film "Le sel des larmes" de Philippe Garrel.
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