STEVE McQUEEN, CHARISME ET PERFORMANCES
STEVE McQUEEN 1930 - 1980
Acteur Américain
Le jeune Steve McQueen est un délinquant issu d'une famille désunie. Si, en tant qu'acteur, on l'a souvent vu personnifier le solitaire calme, impassible, toujours soucieux de se garder de la vie, on perçoit malgré tout en lui une sorte d'insubordination qui rappelle cette délinquance originelle. On peut simplement regretter qu'il soit né trop tard pour développer ses dons auprès des cinéastes comme John Ford, William A. Wellman ou Howard Hawks, ou trop tôt pour travailler avec Martin Scorsese, Robert Altman ou Francis Ford Coppola. Il nous a quitté il y a tout juste quarante ans.
La carrière de Steve McQueen est le meilleur exemple de réussite professionnelle et personnelle qui puisse être offert. En effet, l'histoire de ce petit garçon formé à la dure école de la rue, privé d'affection familiale et affronté aux cruautés de l'existence et à la pauvreté, mais qui, à force de persévérance et de travail, sut devenir l'un des acteurs les plus populaires et les plus riches de sa génération, semble illustrer idéalement la réalisation du "rêve américain". Sa mort prématurée, survenue alors qu'il n'avait que cinquante ans, a indéniablement privé le cinéma américain
Steve McQueen est né le 24 mars 1930 à Indianapolis dans une famille d'agriculteurs, Terence Stephen McQueen n'a pas connu son père, celui-ci ayant définitivement quitté le domicile conjugal alors que le petit "Steve" n'avait pas plus de six mois. Tout juste âgée de dix-neuf ans, sa mère dut partir en Californie pour y trouver du travail, laissant son fils à la garde de son oncle qui l'accueillit à sa ferme et lui fit dispenser une instruction élémentaire à l'école du village. Quant il eut neuf ans, sa mère revint à Indianapolis et le reprit avec elle. C'est à cette époque que Steve McQueen semble s'être laissé entraîner sur la pente de la délinquance, rejoignant de petites bandes de gamins désoeuvrés et perpétrant de menus larcins.
A la suite du second mariage de sa mère, Steve McQueen s'en fut à Los Angeles, où son caractère rebelle et indomptable le conduisit pour deux ans dans une sorte de maison de redressement dont il devait garder en définitif un bon souvenir, puisque, devenue célèbre, il y retournera à plusieurs reprises afin de s'entretenir avec les jeunes pensionnaires de l'établissement et de leur prodiguer ses conseils.
Après avoir tenté en vain de vivre à nouveau avec sa mère, Steve McQueen décida alors de voler de ses propres ailes. Il fut marin sur un pétrolier avant de s'engager, à dix-sept ans, dans les Marines, où il apprit à piloter des chars d'assaut, expérience qui devait lui inculquer une passion tenace pour la mécanique, la moto et la course automobile. En 1950, Steve McQueen s'était installé à Greenwich Village, à New York, où une amie l'avait mis en relation avec Sanford Meisner, le directeur du Neighbourhood Playhouse. Après une audition réussie, il se vit confier un petit rôle dans une pièce en yiddish pour 40 dollars par semaine, après quoi il put vivre les cours de Uta Hagen et Herbert Berghof à l'école d'art dramatique, de Manhattan, puis ceux de l'Actor's Studio, où il entra avec quatre autres jeunes comédiens à la suite d'un concours ouvert à quelques 5 000 candidats. Un banal accident de natation faillit mertre un terme à sa carrière, mais malgré une certaine infirmité à l'oreille, il parvint à obtenir des petits rôles sur les scènes de New York ou à la télévision, remplaçant même Ben Gazzara dans le rôle principal de "Une Poignée de neige" en 1956;
Accompagné de sa jeune épouse, l'actrice et chanteuse Neile Adams, Steve McQueen partit tenter sa chance à Hollywood où, pour 19 dollars par jour, il tint d'abord un petit rôle dans "Marqué par la haine" (Somebody Up There Likes Me,1956) de Robert Wise, puis dans "L'Invraisemblable vérité" (Beyond a Reasonable Doubt,1956) de Fritz Lang. Sa présence à l'écran fut beaucoup plus marquante voir importante dans "Never Love a Stranger" (1958), un médiocre mélodrame de Robert Stevens adapté d'une pièce de Harold Robbins, où il faisait un jeune étudiant en droit juif aux côtés de John Drew Barrymore. Ses premièrs rôles importants à l'écran, Steve McQueen devait bientôt les obtenir dans deux films de série B : "Danger planétaire" (The Blob;1958), film de science-fiction d'Irwin S. Yeaworth Jr, où il luttait contre une informe et mystérieuse créature venue d'ailleurs., et "Hold-up en 120 secondes" (The Great St. Louis Bank Robbery,1959), petit thriller indépendant réalisé par Charles Guggenheim et John Stix.
Mais à cette époque, Steve McQueen connaissait déjà une certaine popularité auprès des foules américaines. En 1957, en effet, il avait crée pour la chaîne de télévision CBS le rôle de Josh Randall, le chasseur de primes de la série mondialement célèbre "Au nom de la loi" (Wanted-Dead or Alive), Steve McQueen avait fait merveille en incarnant ce personnage laconique et obstiné, entièrement concentré sur son "job", le cinéaste John Sturges, qui l'avait remarqué, luii proposa alors un rôle de soldat effronté et individualiste dans "La Proie des vautours" (Never So Few,1959), un film de guerre dont les acteurs principaux étaient Frank Sinatra, Peter Lawford et Gina Lollobrigida. Mais Steve McQueen n'eut aucune peine à les éclipser en imposant à l'écran un jeu d'une grande subtilité. Ce rôle avait d'ailleurs été prévu, à l'origine, pour Sammy Davis Jr.
John Sturges fut pour beaucoup dans l'ascension de Steve McQueen. Après "La Proie des vautours", ce dernier devait tourner "Les Sept Mercenaires" (The Magnificent Seven,1960), toujours sous la direction de l'habile cinéaste. Avec cette transposition westernienne du classique japonais d'Akira Kurosawa, Steve McQueen devint l'idole d'un public qui admirait en lui une détermination calem et quelque peu retorse. Il n'en fallut pas plus pour faire de lui un nouveau James Dean, d'autant que dans sa vie privée, il faisait volontiers montre d'un non-conformisme pimenté par une forte pension à l'excentricité vestimentaire et verbale.
Comme il l'avait déjà prouvé dans "La Proie des vautours". Steve McQueen était capable d'interpréter avec humour des personnages peu ordinaires. Dans "Branle-Bas au casino" (The Honeymoon Machine,1961), du solide Richard Thorpe, il sera un officier de marine sans scrupule mais très sympathique : il fera sauter la banque du casino de Venise en mettant à contribution les ordinateurs de son bâtiment. Steve McQueen était toutefois plus à son aise dans un climat de violence et d'action. Après "L'Enfer est pour les héros" (Hell Is for Heroes,1962), excellent film de guerre de Don Siegel, il trouvera une manière d'apothéose en dominant de toute son agilité athlétique et acrobatique les séquences mouvementées de "La Grande Evasion" (The Great Escape,1963) de John Sturges. Aussi doué pour la comédie que pour la motocyclette, dont il usait avec une virtuosité éblouissante, il recevra le prix du meilleur acteur au Festival de Moscou.
Steve McQueen aurait pu, dès lors, choisir la facilité. Ce ne fut pas le cas. deux films réalisés par Robert Mulligan, cinéaste sensible et indépendant, témoignent de la volonté du comédien de nourrir sa carrière d'expériences nouvelles et d'enrichir son expression dramatique : il était remarquable dans "Une Certaine rencontre" (Love With the Proper Stranger,1963) et dans "Le Sillage de la violence" (Baby, the Rain Must Fall,1965)n où son tempérament s'accordait parfaitement au ton mélancolique, voire désespéré, de ces mélodrames pudiques et compatissants. Suffisamment fortuné pour se lancer dans les affaires et fonder sa propre société de production, la Solar, Steve McQueen recueillit ensuite un très vif succès avec "Le Kid de Cincinnati" (The Cincinnati Kid,1965) de Norman Jewison, où il s'opposait à Edward G. Robinson dans une mémorable partie de poker. En revanche, le public devait bouder "La Canonnière du Yang-tsé" (The Sand Pebbles,1966) de Robert Wise, reconstitution d'un épisode de la guerre civile chinoise, dans les années 20. Pour son interprétation du chef mécanicien de la canonnière, il n'en reçut pas moins une nomination pour l'Oscar du meilleur acteur de l'année.
Désormais en mesure de choisir ses rôles et de produire ses films, il fit un brillant retour au western avec "Nevada Smith" (1966) de Henry Hathaway, avant de retrouver Norman Jewison, qui réalisera pour lui "L'Affaire Thomas Crown" (The Thomas Crown Affair,1968), délectable comédie policière où, dans le rôle d'un milliardaire qui cambriole des banques pour se distraire, il se heurte à la sagacité et au charme d'un détective privé incarné par la très excitante et troublante Faye Dunaway. Mais son succès le plus triomphal restait à venir. Il vint aussitôt après avec "Bullitt" (1968), agréable thriller de Peter Yates qui passionna le public international en raison de ses prodigieuses poursuites de voitures. Sa passion pour l'automobile, qui faisait trembler sa famille et sa compagnie d'assurances, lui valut néanmoins son échec commercial le plus cuisant avec "Le Mans" (1971) de Lee H. Katzin, qui restituait pourtant avec une certaine efficacité l'ambiance de la célèbre course. Cet échec devait faire naître en lui un certain doute quand à sa capacité à assumer sa condition de star internationale.
Cette crise lui fut en réalité extrêmement profitable et lui permet d'acquérir une maturité qui allait s'exprimer idéalement dans deux films de Sam Peckinpah "Junior Bonner" (1972) et "Le Guet-Apens" (The Getaway,1972). Dans le premier, Steve McQueen symbolisait l'agonie des valeurs viriles de l'Ouest et opposait une vitalité tragique à l'avènement de la société de consommation. Le film, l'un des meilleurs de Peckinpah, mêlait d'ailleurs une joyeuse exubérance à la mélancolie profonde de son propos. Le second était un thriller d'une rare brutalité, adapté d'un roman de Jim Thompson, dont la fin voyait les héros échapper à tous les représentants de l'ordre, et braver toutes les règles de la morale sociale la plus élémentaire.
C'est alors que Steve McQueen participa à la fondaiton de la First Artists Production (FAP), avec Barbara Streisand, Sidney Poitier et Paul Newman. Bien que tournant à un rythme moins soutenu que par le passé, il restait l'un des acteurs les mieux payés du monde. Il donna du reste toute la mesure de son talent dans l'excellent "Papillon" (1973) de Franklin J. Schaffner aux côtés de Dustin Hoffman, et aussi "La Tour infernale" (The Towering Inferno,1974) de John Guillermin et Irwin Allen. Mais le succès de ce film catastrophe devait paradoxalement le dissuader de poursuivre dans cette voie lucrative, mais dépourvue de graffication intellectuelle ou morale. Steve McQueen refusa même l'incroyable cachet de 1 million de dollars qu'on lui proposait pour jouer dans "Apocalyspe Now" (1979) de Francis Ford Coppola.
Près de quatre années de silence furent la conséquence de ce choix courageux. Il revint à l'écran avec une adaptation de l'une des pièces les plus fameuses du dramaturge norvégien Henrik Ibsen, "An Enemy of the People" (1977). Réalisé par l'ancien décorateur Eugène Lourié, ce film, qui n'eut pas la distribution ni la critique qu'il méritait, nous révélait un Steve McQueen métamorphosé en médecin anarchiste et barbu, fustigeant l'hypocrisie politique et morale de la société bourgeoise norvégienne du siècle passé. Résolu à faire oeuvre substantielle, le comédien envisageait de porter à l'écran une comédie d'Harold Pinter, "Old Times", lorsqu'il fut contraint au terme d'un âpre différend avec la FAP, de produire et d'interpréter "Tom Horn...sa véritable histoire" (Tom Horn,1979), solide western nostalgique de William Wiard.
Steve McQueen était déjà atteint par le cancer lors du tournage de son dernier film "Le Chasseur" (The Hunter,1980) de Buzz Kulik, où il retrouvait un rôle de chasseur de primes, transposé cette fois dans les temps modernes. Il mourut le 7 novembre 1980 dans un hôpital mexicain, d'un arrêt de coeur consécutif à une opération de l'estomac. Il avait à ses côtés ses deux premiers enfants et sa troisième épouse, le mannequin Barbara Minty. Pendant plusieurs mois, il avait tenté de vaincre le cancer en expérimentant un traitement révolutionnaire et controversé, fondé sur des exercices physiques épuisants et un régime alimentaire draconien, qui eut même des effets positifs à ses débuts.
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