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CINETOM
15 novembre 2018

BILLY WILDER, MEILLEUR DISCIPLE DE LUBITSCH

          BILLY WILDER          1906 - 1989

          Cinéaste, Scénariste, Producteur Américain 

 

 

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Réfugié juif ayant fui l'Allemagne hitlérienne, le cynique Billy Wilder arrive avec son humour en poche dans la capitale du cinéma au cours des années 30. On devait voir en lui le plus moderne des scénaristes-réalisateurs des années 40. Il sait observer et tourner en dérision les moeurs de son pays d'adoption, prédisposition qui lui vient de sa formation de journaliste. La carrière américaine de Billy Wilder comporte deux grandes périodes - jusqu'au début des années 50, la période scénariste-réalisateur à la Paramount, où il travaille avec le scénariste et futur producteur Charles Brackett puis, à partir de la fin des années 50, la période où il a pour co-scénariste I.A.L Diamond et où il fait financer ses films par Mirish Bros., United Artists en assurant la distribution.

Après une brillante carrière de scénariste, Billy Wilder, sans nul doute le meilleur disciple de Lubitsch, affronta la mise en scène avec une maîtrise éblouissante. On lui doit, en effet, quelques-uns des films qui ont le plus marqué les dernières décennies. Billy Wilder est né le 22 juin 1906 à Sucha (Autriche), (aujourd'hui en Pologne) au sein d'une famille juive assez riche. Après avoir achevé ses études à Vienne, il se lança dans le journalisme, réalisant un certain nombre de "scoops" remarquables grâce à des interviews de Freud, Richard Strauss et Arthur Schnitzler. 

En 1926, il gagna Berlin où il acquit une certaine réputation comme journaliste de faits divers et en dénonçant audacieusement un certain nombres de scandales. Il prétend lui-même qu'il fut un gigolo fort apprécié des clientes fortunées de l'hôtel Adlon...Berlin était alors le plus grand foyer culturel du monde avec tout ce que cela suppose d'invention et d'excès. Le cinéma allemand, implanté à Berlin dans les studios de l'UFA, était, tant du point de vue technique que stylistique, le plus avancé du monde. Si l'on excepte "Les Hommes le dimanche" (Menschen am Sonntag) réalisé en 1929 par Robert Siodmak (avec Edgard George Ulmer) et une équipe qui comportait le caméraman Eugen Shuftan et le tout jeune Fred Zinnemann. Tout cela constitue une sorte de défi lancé contre le style "UFA", les premiers films adaptés par Wilder furent le plus souvent des comédies légères et sentimentales qui, malgré leurs limites, laissaient déjà entrevoir ce que serait le futur style "wilderien", notamment par l'humour viennois dont ils étaient empreints, le jeu sur l'équivoque et les échanges d'identité et par les nombreuses allusions à l'Amérique et à Hollywood. 

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Wilder fit ses valises pour Paris le lendemain même de l'incendie du Reichstag, au mois de février 1933 (presque toute sa famille devait périr dans les camps de concentration). A Paris, il rencontra de nombreuses difficultés (il ne tint pas rigueur à notre capitale puisqu'elle devait servir de cadre à ses films les plus attachants). C'est pourtant là qu'il parvint à diriger son premier film - qu'on vient tout juste de redécouvrir "Mauvaise graine" (1933) avec Danielle Darrieux, alerte comédie contant les aventures d'un fils de famille dévoyé qui s'est acoquiné à une bande de voleurs de voitures. A la fin du film, le héros repenti - et l'héroïne- s'embarquent pour l'Amérique. Billy Wilder n'allait pas tarder à suivre ses héros; il arriva aux Etats-Unis après être passé par le Mexique.

En l'espace de cinq ans, Wilder acquit une position de premier plan à Hollywood. Faisant équipe avec Brackett, il signe coup sur coup les scénarios d'une série de chefs-d'oeuvre : "La Huitième femme de Barbe-Bleue" (1938), "La Baronne de minuit" et "Ninotchka" tous deux de 1939, "Par la porte d'or" (1941) et "Boule de feu" (1941). Ces brillantes réussites en font les scénaristes les mieux payés de toute l'industrie cinématographique. Cette association prendra fin en 1950; I.A.L. Diamond devient son collaborateur régulier à partir de 1957. Les quatre premiers films que Wilder dirige en Amérique : "Uniforme et jupont court" The Major and the Minor,1942), "Les Cinq secrets du désert" (Fives Graves to Cairo,1943), "Assurance sur la mort" (Double Indemnity,1944) et "Le Poison" (The Lost Weekend,1945), témoignent de sa capacité d'aborder les genres les plus divers et rencontrent un large succès tant auprès du public que de la critique. Soignant sa publicité personnelle, Billy Wilder devient rapidement un des plus brillants esprits de Hollywood : ses bons mots et ses réparties pittoresques font partie du folklore hollywoodien et ont alimenté trois "hagiographies", pas moins !. En dépit de quelques démêlés passagers avec la Paramount, la compagnie qui avait accueilli la plus grande partie des émigrés européens et pour laquelle il travailla de 1937 à 1954, Wilder ne commit jamais le moindre faux pas.

Mais malgré son grand succès des années 60 - il s'adjugea trois Oscars pour "La Garçonnière" (The Apartment,1960)-, Billy Wilder connut, au cours de la décennie suivante, quelques difficultés : l'Universal annula en effet son contrat après "Spéciale Première" (The Front Page,1974) et le réalisateur dut revenir en Europe pour réaliser "Fedora" (1978) avec William Holden. Bien que financé par l'Allemagne fédérale, le film ne bénéficia pourtant que d'une distribution limitée.

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Fondamentalement, les films de Billy Wilder reposent sur la différence structurelle qui oppose l'Europe et l'Amérique. Partagé entre l'une et l'autre, le réalisateur exprime cette tension dans toute son oeuvre. Ses évocations de l'Europe sont nuancées de mélancolie et seul l'humour le préserve de céder à la sensiblerie. Le Paris de la période précédant l'Occupation allemande dans "Ninotckka", l'évocation d'une Vienne digne de Lubitsch dans "La Valse de l'Empereur" (The Emperor Waltz,1948), le Berlin détruit par la guerre dans "La Scandaleuse de Berlin" (A. Foreign Affair,1948) et la même ville divisée entre le secteur occidental et le secteur oriental dans "Un, deux, trois" (One, Two, Three,1961), le prouvent amplement. Le ton de ses films "parisiens est toujours romantique, tandis que celui des films "berlinois" est plus grave, mais tous dégagent la même nostalgie.

La moitié environ de la production de Wilder a pour cadre des capitales européennes hautement symboliques; à travers le choix de lieux liés à son expérience personnelle (Vienne, Berlin, Paris), il communique à ses films une réelle saveur d'authenticité. toutefois, si l'on examine plus attentivement cette production, on s'aperçoit qu'en réalité, Wilder explore une géographie plus psychologique que physique, une géographie liée davantage aux valeurs morales d'un lieu donné qu'à son aspect réel. Paris, par exemple, est rarement filmé dans sa réalité, mais son atmosphère particulière est parfaitement rendue : Wilder préfère situer ses séquences dans une chambre d'hôtel et pour tourner "Irma la douce" (1963), il fait carrément reconstituer les Halles à Hollywood. L'Europe, tout au moins dans les films sentimentaux, sert de toile de fond à l'éducation spirituelle des visiteurs venus du Nouveau Monde, un peu comme le faisait Henry James dans ses romans.

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Souvent les personnages des films de Wilder sont des Américains qui, une fois arrivés en Europe, découvrent une nouvelle dimension humaine. Nous en trouvons un exemple évident avec "Avanti !" (1972), dans lequel un patron débordé, incarné par l'excellent Jack Lemmon, se rendant de Baltimore en Italie pour ramener aux Etats-Unis la dépouille de son père. Des complications administratives l'obligent à retarder son retour et lui permettent de découvrir un mode de vie qu'il était loin de soupçonner. "Avanti !", film personnel profondément émouvant, c'est un chef-d'oeuvre émouvant, est un chef-d'oeuvre de délicatesse. C'est dans cet esprit que Wilder a produit quelques-uns de ses meilleurs films, influencés dans une certaine mesure par le style de Lubitsch. A cette catégorie, on peut également rattacher "Sabrina" (1954), film trop méconnu et "Ariane" (Love in the Afternoon,1957) dont les personnages, campés par des acteurs typiquement américains, respectivement Gary Cooper et Humphrey Bogart, sont revus selon une optique très européenne. Toutefois c'est à son côté le plus caustique qui rappelle Erich von Stroheim, que Wilder doit la plupart de ses succès critiques. Il est significatif que dans "La Scandaleuse de Berlin" et dans "Un, deux, trois", les "forces d'occupation américaines" - l'armée dans le premier cas et le Pepsi Cola dans l'autre - ne parviennent pas à imposer aux Européens leur échelle de valeurs. Le processus de transformation ne fonctionne que dans un seul sens.

Les héros de Billy Wilder doivent choisir entre l'argent et le bonheur, et le signe de maturité du héros ou de l'héroïne (et de l'estime du metteur en scène) apparaît précisément quand ils préfèrent les sentiments aux biens matériels. Dans les films de ce genre, on peut inclure "Assurance sur la mort", un classique "noir" adapté par Raymond Chandler, "Le Gouffre aux chimères" (Ace in the Hole ou The Big Carnaval,1951), "Stalag 17", "La Garçonnière", "Embrasse-moi, idiot" (Kiss Me, Stupid,1964) et "La Grande Combine" (The Fortune Cookie,1966).

Dans tous ces films, Wilder tend à prendre parti pour l'individu plus que pour le groupe, sans aller pour autant jusqu'à approuver tous les actes de ses héros. Si un personnage comme celui de Chuck Tatum interprété par Kirk Douglas dans "Le Gouffre aux chimères" parvient à secouer l'opération, tant au point de vue personnel que moral, est trop élevé. Tatum est un journaliste à scandale qui, pour stimuler l'intérêt de ses lecteurs, prolonge les souffrances d'un homme enseveli dans une ancienne mine. Le théâtre du drame est une air désertique et isolée, aussi dure que ses habitants, où s'agglutine bientôt une marée humaine à la recherche d'émotions fortes. Bien que Tatum soit impliqué dans l'histoire (et il finira par mourir lui-même des suites de l'aventure dans laquelle il fut le premier à se précipiter), l'amertume de Wilder s'exerce contre la foule et peut-être même, au bout du compte, contre son propre public. "Le Gouffre aux chimères" fut projeté dans des salles quasi-désertes et troubla les rapports de Wilder avec la Paramount.

En 1964, Billy Wilder fut l'objet d'une violente campagne de presse à cause de l'image délibérément minable qu'il donnait de la classe moyenne américaine dans "Embrasse-moi, idiot" alors que "La Garçonnière" s'était rallié tous les suffrages sans doute parce que la féroce critique de l'éthique américaine du succès y était atténuée par l'amour qui unissait ses victimes, Bud Baxter alias Jack Lemmon et Fran Kubelik joué par Shirley MacLaine. Il n'en reste pas moins que "La Garçonnière", sous ses dehors de brillante comédie, est une impitoyable dénonciation de la solitude engendrée  par les villes. A la fin, Baxter et Fran Kubelik se retrouvent sans toit et sans travail : peut-on vraiment parler de "happy end"?

Mais Wilder ne s'est pas toujours laissé aller à l'amertume vis-à-vis de l'Amérique; il a su aussi rendre hommage à la candeur et à l'exubérance américaines dans "L'Odyssée de Charles Lindberg" (The Spirit of St. Louis,1957), une biographie du célèbre aviateur traitée à la manière de John Ford, et dans son grand classique de la comédie : "Certains l'aiment chaud" (Some Like It Hot,1959). Ce n'est pas par un hasard, cependant, si ces deux films ont pour théâtre l'Amértique des années 20. "Certains l'aiment chaud" est probablement le film préfère de Wilder. Jack Lemmon et Tony Curtis incarnent les personnages de Jerry et Joe, deux musiciens qui, après avoir été les témoins d'une tuerie, se déguisent en femmes pour échapper aux gangsters...Stratagème audacieux qui stimula le goût de Wilder pour les quiproquos et le déguisement.

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Plus d'une fois, en effet, Wilder a eu recours à ce procédé spectaculaire : dans "Uniforme et jupon court", où Ginger Rogers se transforme en gamine de douze ans, dans "Témoin à charge" (Witness for the Prosecution,1957) avec Marlene Dietrich dans une interprétation cockney, ainsi que dans "Irma la douce", avec Jack Lemmon dans le rôle d'un lord anglais d'âge mûr. Mais ce qui intéresse Wilder ce n'est pas tant les effets - ô combien désopilants ! -qu'il pourra tirer du travestissement que ce qu'il révèle de la personnalité cachée de ses personnages. Les crises comiques d'identité de Jerry quand le côté féminin de son personnage l'emporte sur son personnage réel, dans "Certains l'aiment chaud", ne sont que des versions sous une forme amusante, des tourments endurés par des êtres comme "Fédora", comme Norma Desmond dans "Boulevard du Crépuscule" (Sunset Boulevard,1950) et comme Sherlock Holmes dans "La Vie privée de Sherlock Holmes" (The Private Life of Sherlock Holmes,1970), probablement son étude la plus profonde et la plus poignante sur le dédoublement de la personnalité et sur la cassure psychologique entre les rôles publics et privée.

Hollywood est presque toujours présent dans les films de Wilder. "Le Gouffre aux chimères", par exemple, peut être interprété comme une métaphore des méthodes en usage à Hollywood, et "Embrasse-moi, idiot !" l'est à coup sûr. Wilder procède par citations cinématographiques ou en utilisant les caractéristiques de certains acteurs : dans "Un, deux, trois" par exemple, James Cagney, grand acteur des films de gangster, applique des méthodes propres à ces derniers dans le commerce international du Pepsi Cola. Dans "Certains l'aiment chaud", Marilyne Monroe est tout à fait conforme à son mythe. Cecil B. DeMille et Erich von Stroheim apparaissent dans leur propre rôle dans "Boulevard du crépuscule" : autant d'expédient qui révèlent tout l'intérêt que Wilder porte à la mythologie hollywoodienne. 

Cet art de l'allusion et de la citation se  manifeste tout particulièrement dans "Boulevard du Crépuscule" et dans "Fédora", deux fascinantes explorations du monde hollywoodien. "Fédora" est une éclatante récapitulation des thèmes chers à Wilder, qui transcende d'une manière surprenante l'amertume de la situation par l'élégance de sa mise en scène. Film aux atmosphères et aux perspectives en perpétuelle évolution, "Fédora" - dans lequel un producteur en difficulté cherche à convaincre une ancienne vedette de faire son retour à l'écran -jette un regard nostalgique sur le Hollywood d'antan, et un regard désabusé sur celui d'aujourd'hui. Le défi lancé aux modes actuelles, l'importance accordée à l'histoire et aux personnages font de ce film un des plus beaux du cinéma contemporain. Les spirituels jugements portés par Billy Wilder sur la faillite du "rêve américain", sur l'Europe, sur Hollywood et, d'une façon générale, sur les habitudes et les valeurs morales, montrent que le temps n'a pas émoussé l'acuité de son regard. Évoquant l'époque du cinéma muet dans "Boulevard du Crépuscule", Norma Desmond s'écrie : "N'est-il par toujours merveilleux?" Trente ans après, en songeant au Billy Wilder de "Fédora" en particulier, ne peut-on dire la même chose?. Billy Wilder décède à l'âge de 95 ans, le 27 mars 2002 à Beverly Hills.

   

 

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BOULEVARD DU CRÉPUSCULE - Bande-annonce

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                 L'odyssée de Charles Lindberg - 1956

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Irma La Douce (1963)

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Fedora (1978) - William Holden - Marthe Keller 

 

*Affiches-cine * Cinetom 

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