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21 mars 2016

FRANK BORZAGE, LE GRAND ROMANTIQUE DU CINÉMA AMÉRICAIN

           FRANK BORZAGE                          1893 - 1962

             Cinéaste Américain   

 

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Frank Borzage est néle 23 avril 1893 à Salt Lake City, dans l'Utah. Ses parents, d'origine italienne, étaient de condition modeste. Son père, Lewis, était maçon et "donna à l'enfant les qualités de courage et d'intégrité des hommes de cette profession" (H. Agel, l'Anthologie du cinéma, Tome 7,1973)

A 13 ans et après de brèves études à Ashton et Forest Dale School, le petit Frank sait déjà qu'il veut être comédien et, pour payer un court d'art dramatique par correspondance, il travaille dans une mine d'argent. Puis il se fait engager comme accessoiriste et garçon de courses dans une petite compagnie théâtrale qui parcourt le pays. C'est là qu'il débute comme comédien : il interprétera jusqu'à cinq rôles dans "Hamlet" !.

En 1912, Borzage arrive à Hollywood : il a 19 ans, une petite expérience et une gigantesque ambition. Il est engagé par la compagnie American Mutual, à cinq dollars par jour, pour servir d'accessoiriste et jouer parfois, de petits rôles dans les films réalisés par Wallace Reid, un des jeunes premiers les plus prestigieux de l'époque. Parallèlement, il travaille pour les compagnies Bison 101, Bison Universal et Kay Bee : Thomas Ince le dirige dans nombre de films inspirés de l'épopée de la Conquête de l'Ouest ou de la Guerre de Sécession, et qu'il réalise entre 1913 et 1916.

Et c'est enfin les débuts, en 1916, derrière la caméra, au salaire annuel de 75 000 dollars. Borzage tourne jusqu'à quinze films la même année, se dirigeant lui-même aux côtés des actrices de l'époque telles que Anna Little, Pauline Starke, Gloria Swanson. Il acquiert très tôt une technique particulièrement sophistiquée pour l'époque. Citons par exemple un film relativement ancien "Le Piège" (Until They Get Me,1917), filmé en extérieurs, dont on peut admirer le montage. Certes, l'histoire et le jeu d'acteurs n'ont rien de remarquable.

Comme les westerns de cette époque délaissent l'action au profit de situations romantiques et mélodramatiques, Borzage à l'occasion de développer un style qui fera sa gloire. Quand le western évoluera, le réalisateur délaissera le genre. Il préfère "instaurer un climat"; Gloria Swanson a tourné dans un film réalisé par Borzage, en 1918 : "Society For Sale". Elle n'en a pas gardé un excellent souvenir : "L'histoire était idiote et démodée. Il a tourné les séquences en studio, refusant les extérieurs prévus."

Entre le déclin du muet et l'aube du parlant, il devint un des plus populaires réalisateurs de Hollywood. Bien que ses premiers films fussent essentiellement des mélodrames romantiques souvent détachés des réalités quotidiennes, ils exprimaient dans tous les cas une profonde sympathie pour le combat de ceux qui cherchent à survivre dans un monde matérialiste. Borzage se fit d'ailleurs le défenseur de ce genre qu'il jugeait injustement calomnié : "Certes, le vieux mélodrame, ce qu'on désignait péjorativement comme le "mélo des midinettes", n'avait guère de mérite en dehors de son aptitude à susciter l'émotion (...). Mais dans les films d'aujourd'hui nous avons les mêmes situations auxquelles sont adaptées de véritables caractérisations. Les critiques ont tendance à les mépriser. Mais ils ne semblent pas voir que la vie est faite en grande partie de mélodrames(...). Lisez le journal, parlez à vos amis, et vous verrez si je n'ai pas raison. (...)

Durant les années 20, Borzage entretient une étroite collaboration avec la célèbre scénariste Frances Marion. Ce qui lui permet notamment de tourner deux films dramatiques avec Norma Talmadge. L'un de ces films est "Secrets" (1924), qui remportera un très grand succès. L'année suivante, la Fox l'engage. Avec John Ford et Raoul Walsh, il va former un trio de réalisateurs qui feront la gloire de cette firme pendant de nombreuses années.

"L'heure suprême" (Seventh Heaven,1927), quintessence du mélodrame classique du muet, valut à Borzage une des premières récompenses attribuées pour une mise en scène. Les personnages principaux de ce film, Chico (Charles Farrell) et Diane (Janet Gaynor), n'existent qu'en fonction de l 'amour qui les unit. Après les avoir fait se rencontrer et s'aimer, Borzage les transporte littéralement "de la fange aux étoiles" (Chico travaille dans les égouts parisiens et Diane est une vagabonde) dans la scène culminante du film, à l'intérieur du logement de Chico, au dernier étage d'un haut immeuble : cet appartement sous la voûte étoilée, c'est le "septième ciel" des amoureux. Séparés par la guerre, tous deux parviennent à se retrouver lorsqu'à une certaine heure convenue de la journée, ils pensent l'un à l'autre. Par la suite, Chico est blessé et mourra dans les bras d'un prêtre. Diane apprend la nouvelle de sa mort le jour même de la signature de l'armistice. Elle s'écroule accablée, mais on voit alors apparaître Chico qui, miraculeusement vivant, traverse la foule en courant vers Diane. Le film se termine sur la vision de leur étreinte, image d'un amour transcendant qui survit à la mort. Janet Gaynor remporta l'Oscar de la meilleure actrice, Borzage fut lui aussi "oscarisé" comme meilleur metteur en scène cette année-là. 

En 1928, "L'Ange de la rue" (Street Angel) réunit à nouveau Charles Farrell et Janet Gaynor. L'année suivante, en 1929, il réunira une dernière fois son duo de prédilection dans "L'isolé" (Lucky Star). Borzage tourna un autre film avec l'auteur, cette fois en compagnie de Mary Duncan; c'est "La femme au corbeau" (The River,1928). Pour ces trois films, le réalisateur collabore avec le chef opérateur Ernest Palmer et le directeur artistique Harry Oliver. Combinaison on ne peut plus heureuse, lorsqu'on considère les résultats. "La femme au corbeau" est sans doute le plus réussi des trois. Malheureusement, sorti à l'avénement du parlant, il ne connaîtra qu'une carrière éphémère, comme bien des films de 1928. En revanche, les deux autres seront de très grands succès commerciaux.

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En 1929, Borzage tourne son premier film parlant. C'est "They Had To see Paris" avec Will Rogers, un des acteurs de la Fox. En 1931, le réalisateur aborde la comédie dramatique avec "Bad Girl", ce qui lui vaut son second Oscar. La Fox connaît de grave difficultés financières conséquences directes de la crise de 1929. Borzage la quitte après sept ans de bons et loyaux services, et devient réalisateur indépendant. Très peu de temps après, il est engagé par la Paramount afin de réaliser "L'Adieu aux armes" (A Farewell To Arms,1932). Dès qu'il est mis en présence des deux acteurs désignés pour jouer dans le film, Borzage comprend que la tâche ne sera pas facile : Gary Cooper et Helen Hayes sont intimidés l'un par l'autre : l'actrice est une des plus célèbres comédiennes de Broadway, son partenaire à la réputation d'être un grand séducteur. Pour briser la glace entre eux, le réalisateur leur fait répéter en costume une séquence, où le seul meuble disposé sur le plateau est un sofa! Cette scéne donnera le "ton" à l'ensemble du film par la suite. On connaît l'histoire racontée par Hemingway dans son livre : par amour un soldat déserte, alors que la Première Guerre mondiale éclate. Tourné en studio, sobrement et subtilement photographié par Charles Lang, le film met admirablement en valeur le jeu délicat et nuancé des deux protagonistes auxquels vient s'ajouter, dans le rôle d'un officier cynique, le remarquable Adolphe Menjou. La finesse du travail de Borzage est indéniablement remarqué...

Au centre des films de Borzage, il y a l'image simple de deux amants qui surmontent les obstacles extérieurs et seront sauvés par la pureté de leur amour. Dans cette perspective, il n'est pas surprenant que Borzage ait réalisé ses meilleurs films durant les années 30, alors que ses amoureux devaient affronter la grande crise de 29 "Ceux de la zone" (Man's Castle,1932) nous présente un couple "positif". Spencer Tracy joue le rôle d'un homme errant, Bill, qui arrive dans un vaste bidonville situé à la périphérique de New York, où il pratique divers petits métiers. Il y rencontre Trina (incarné par Loretta Young) dont il tombe amoureux.

Le film oscille entre son besoin d'errance, symbolisé par l'attente perpétuelle du sifflement des trains qui roulent en bordure du bidonville, et son amour pour Trina. Leur union se trouvera renforcée par l'enfant qu'elle attend et ils finiront par quitter New York, prenant le train pour l'Ouest. Dans un lyrique et surréaliste mouvement de caméra, Frank Borzage transforme leur wagon en une maison qui semble survoler le monde.

Il y eut la défense de Frank Capra au secours du film de Borzage "Comme les grands" (No Greater Glory,1934). Capra venait de réaliser "New York- Miami", prit la défense du film, dont la sortie, souvent compromise en Europe pour son anti-militarisme, n'obtint pas le succès attendu aux Etats-Unis :"ça fait longtemps qu'il n'y a pas eu de film plus beau, plus tendre, plus achevé que le film de Borzage...Et qu'en fait le public?. Un bide commercial. Voilà pourquoi les producteurs n'encouragent plus ce genre d'oeuvres." Réalisateur appointé par la Warner Bros, Frank Borzag avait, selon son contrat, la liberté de tourner un film par an à l'éxtérieur. Le producteur indépendant Walter Wanger, qui venait de créer sa propre compagnie avec le soutien des Artistes Associés, lui proposa alors de tourner "Le destin se joue la nuit" (History is Made At Night,1937), un titre que le cinéaste aimait beaucoup parce qu'il était à la fois "merveilleux et intrigant". Le tournage commença le 4 novembre 1936 avec Jean Arthur et Charles Boyer dans les rôles principaux.

Après les années 30, la réputation de Borzage à Hollywood baissa. Le pathos de délicat de ses descriptions détonnait dans le cinéma de l'après-guerre. Mais quels que soient les jugements que l'on peut porter sur les films postérieurs à 1945, il convient de ne pas oublier l'importance de ce grand metteur en scène dans le cinéma des années 30, et son romantisme puissant dans une époque de lutte farouche et d'inquiétude.

Il y eut aussi les images ombreuses du "Fils du pendu" (Moonrise,1948), Borzage analyse les effets de cette force sur un personnage qui, à première vue, tend à s'interdire toute issue. Dans son univers, l'amour est ce qui sauve l'homme de ses obscurs instincts. Les tentatives vouées à l'échec, des hommes pour construire un monde meilleur, représentent la part d'ironie des mélodrames "réalistes et sociaux" de Borzage; en luttant, les hommes perdent leur individualité et deviennent des numéros dans ces foules menaçantes qui reviennent souvent dans ses films.

Ce dénominateur commun des réalisations majeures de Frank Borzage ne doit pas cacher la variété de son oeuvre. "Desir" (Desire,1936), par exemple est une oeuvre sophistiquée et subtile, dans la manière de son producteur, Ernst Lubitsch, qui dirigeait les studios californiens de la Paramount. Ils réussissent Gary Cooper et Marlène Dietrich, le couple inoubliable de "Morocco" de Sternberg. "Le Cargo maudit" (Strange Cargo,1940) de Borzage permit à Clark Gable et Joan Crawford d'être réunis pour la huitième fois au générique d'un film. Celui-ci promettait d'êtreun nouveau succès commercial avant que la fameuse "Legion of Decency" et d'autres associations familiales ou religieuses ne le condamnent pour son "utilisation irrévérencieuse des Saintes Ecritures" ou "les sous-entendus lubriques de certains dialogues et situations". De nombreux catholiques s'abstinrent donc de le voir et les salles de plusieurs villes refusèrent de le programmer. 

Avec "Trois camarades" (Three Comrades,1938) Borzage amplifie son propos et exprime clairement la "spiritualité" de ses personnages. Il réalisera ensuite d'après les livres du pasteur luthérien, Lloyd C. Douglas, "Disputed Passage" (1939) et, plus tard, "Simon le pêcheur" (The Big Fisherman,1959), films où sentiment et simplicité ne seront plus que sentimentalisme, un sentimentalisme qui ne corrompait pas les premiers films de Borzage, tout entier axés sur le thème des amoureux, innocents au sein d'un monde en crise, tel "Et Demain ?" (Little Mann What Now?,1934).   

Situé dans la triste Allemagne des années 20, ce film tourne autour de la lumineuse présence de Margaret Sullavan, dans le rôle de Lämmchen. Les premiers plans de son visage souriant, son image radieuse reflétée par les miroirs et la splendeur de sa robe pailletéen illuminent et réconfortent son mari Hans (Douglas Montgomery). Tourmenter par les difficultés de trouver et de conserver un emploi, Hans est toujours sur le point de succomber à un pessimisme morbide. Il en arrive à renier son mariage et l'enfant sur le point de naître, mais l'amour de Lämmchen vient constamment à son secours. Son charme inné les sauve, alors que tout semblait perdu, en lui permettant, en leur permettant de trouver un logement dans un grenier. Tout cela ne peut arriver que parce que la femme est tournée vers l'avenir, à preuve, l'enfant qu'elle porte, et dispose d'une force et d'une innocence profondes que rien ne peut corrompre. La lumière spirituelle qui émane d'elle ne peut être atteinte par le cynisme grossier de Jachman (Alan Hale), un bienfaiteur aux troubles motivations, ni par le desespoir de ceux qui l'entourent.

Puis c'est le déclin. En 1945, pour RKO, Borzage tourne un aimable film de cape et d'épée sur le ton comique, "Pavillon noir" (Spanish Main) avec Paul Henreid et Maureen O'Hara. L'année suivante il réalise "Je vous ai toujours aimé" (I've Always Loved You,1946). En 1948, pour rehausser le prestige des studios Republic, il est engagé afin de réaliser "Le fils du pendu", avec Dane Clark et Gail Russell. Les dix années qui suivent sont pour lui une sorte de retraite forcée; pour des raisons peu évidentes, il a été mis sur la liste noire du maccarthysme !.

En 1958, il fait un retour peu fracassant avec un petit film, "China Doll". L'année suivante, c'est son chant du cygne, trois ans avant sa mort, il tourne "Simon le pêcheur", film on ne peut plus conventionnel, pour Disney. Peu de mois avant sa mort, le 19 juin 1962, la Directors Guild of America lui décerna le Prix David Wark Griffith "pour son extraordinaire contribution à la mise en scène cinématographique". Frank Borzage restera dans l'Histoire du Cinéma le peintre de l'amour : "Nul mieux que lui ne sut montrer sur l'écran la chaleur de l'intimité amoureuse, la vie d'un couple parfaitement uni. Ses amants furent rarement seuls au monde, il les situa dans leur temps qui fut celui de la profonde crise alors vécue par l'Amérique". (Georges Sadoul)    

 

    

                                        L'Heure suprême - 1927   

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                                        L'Ange de la rue - 1928 

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                                               1930 - 1931 

 

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                                         Jeune Amérique - 1932          

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                                     L'Adieu aux Armes -1932           

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                                     Comme les grands -1934 

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                                        Sur le velours- 1935            

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                                                  1936  

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                                   La Lumière verte - 1937

          

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                                          La Grande ville - 1937  

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                                                         Chirurgiens - 1939              

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                                 La Tempête qui tue - 1940 - James Stewart  

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                                        Le Cargo maudit - 1940 

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                                                          1941 

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                                         Chagrins d'amour - 1941 

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                                         Au temps des tulipes - 1942        

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                                      Les sept amoureuses - 1942

 

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                                       Le Cabaret des étoiles -1943     

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                                                 La soeur de son valet - 1943    

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                               Ce n'est qu'un au revoir - 1944 

 

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                                                  Pavillon noir - 1945         

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                                                   1946       

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                                 Le Fils du pendu - 1949 

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                                   Simon le pêcheur - 1959 

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____________________________Gérard Blain

 

 

 

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