HENRY KING, UNE LONGUE ET BRILLANTE CARRIÈRE
HENRY KING 1888 - 1982
Cinéaste, Producteur Américain
Henry King est né le 24 janvier 1888 à Christiansburg en Virginie. Son père, avocat, était propriétaire d'une plantation de tabac. Après divers emplois, notamment dans une compagnie de chemins de fer, Henry King devient acteur de vaudeville dans un troupe itinérante puis entre dans le monde du cinéma en 1912. Il joue quantité de petits rôles de 1912 à 1915 dans des films Pathé ou de la Lubin, tout en exerçant la fonction d'assistant-réalisateur.
Concernant son expérience dans le théâtre, il déclara : "Je n'ai fais du théâtre que pendant trois ans et demi, mais j'y ai acquis une grande expérience. J'ai participé à des tournées avec des compagnies, parcourant toute l'Amérique, avant d'entrer dans le monde du cinéma, qui me semblait plus sûr pour un acteur que le théâtre. L'homme qui m'engagea m'assura en effet que dans le cinéma on était payé chaque semaine. On installa une table dans ma loge et je pus ainsi écrire. Avec toutes les pièces que je connaissais, je pouvais m'inspirer de tel ou tel texte et les gens trouvaient que j'étais un bon scénariste. J'écrivis par la suite un scénario original - tout en puisant quand même dans une pièce que je connaissais... et le vendis pour la somme de 75 dollars. Je jouais aussi dans ce film, intitulé "The Brand of Man", un épisode du serial "Who Pays?" (1915) qui eut beaucoup de succès.
Je me suis retrouvé derrière la caméra à cause d'une scène de bagarre. Tom Santschi et Bill Farnum avaient tourné une scène célèbre pour "The Spoilers" réalisé par Colin Campbell en 1914, au cours de laquelle ils se bagarraient avec acharnement. Scène rituelle incorporée dans tous les films du même genre. Nous devions justement tourner une scène de bagarre lorsque je dis au réalisateur : "Ne les faites pas se battre comme dans "The Spoilers", les gens en ont assez de voir toujours la même chose. Puisque vous tournez en extérieurs aujourd'hui, laissez-moi la récrire et voyons si elle vous plait".
Petit garçon je vivais dans un village de Virginie, Ellaston, et j'avais assisté à une violente rixe entre deux Noirs. J'écrivis la scène telle qu'elle était restée dans mon souvenir et lorsque je la montrai au réalisateur, il me répondit : "Il vaut mieux que ce soit toi qui la diriges." Ce que je fis.
La réaction des monteurs ne se fit pas attendre : "Qu'est-ce que c'est que ces bouts de pellicule? Certains mesurent à peine 15 cm, on ne peut pas travailler à moins de 1m." "Est-ce obligatoire".", demandais-je. Nous remontâmes le tout et j'apporterai quelques changements. Le cinéaste et la direction estimèrent que c'était la scène de bagarre la plus spectaculaire qu'ils eussent jamais vue à l'écran. Cela décida de mon avenir : je devais être réalisateur et non interprète.
Mon plus grand succès produit par l'American Film Company fut aussi le dernier que j'eus l'occasion de tourner pour cette société, "Un type à la hauteur" (Six Feet Four,1919). Son métrage atteignait 1760 m, soit 300 m de plus que la longueur normale d'un film. Je suggérai au studio de le présenter comme un long métrage, ce qu'il fit. Le succès fut si éclatant que la société décida de se lancer dans la production de longs métrages. Elle ne manquait pas de grands projets à me soumettre, mais j'étais déjà parti travailler pour le studio de Thomas H. Ince, où je ne réalisai qu'un seul film, "23 1/2 Hours Leave" (1919).
C'était une comédie censée se dérouler pendant la guerre. Ince avait engagé un expert chargé de gérer le studio de la façon la plus rentable possible, et lorsque le tournage du film fut terminé - Ince et sa femme étaient alors en vacances - ce monsieur me dit : "Vous avez dépassé le budget de 20 000 dollars. Nous ne renouvellerons pas votre contrat." "ça ne me gêne pas, répondis-je, je me suis déjà engagé ailleurs.". C'était la vérité. A leur retour, Ince et sa femme virent le film : "Tom, c'est le meilleur film que nous avons jamais produit", s'exclama Me Ince. Le lundi, son mari me chercha mais j'étais déjà parti. Il se mit en colère et licencia son remarquable expert.
Lorsque les gens virent "David l'endurant" (Tol'able David" (1921), certains parlèrent de chef-d'oeuvre; personnellement je n'avais jamais entendu ce mot pour qualifier un film. Je l'avais réalisé en donnant le meilleur de moi-même dans "Tol'able David". Il avait été tourné tout prés de l'endroit où je suis né. Je connaissais les gens du coin. Je savais quels étaient les désirs de mon héros. Ses expériences avaient été les miennes. Un épisode vraiment tragique de mon adolescence est raconté dans le film. J'avais un chien, et vous savez qu'un garçon et un chien peuvent être très liés. Un jour, un homme affirma que notre chien avait tué quelques moutons et réussit à convaincre ma mère de lui remettre l'animal pour le tuer. Je pris alors le revolver de mon père, mais ma mère, qui m'avait suivi, me désarma.
Je désirais réaliser "Dans les laves du Vésuve" (The White Sister,1923) en Italie car je savais qu'il était impossible de le tourner en Amérique. Toute ma vie j'ai préféré travailler en extérieurs, j'ai toujours aimé me sentir au contact de la nature et me rendre sur les lieux mêmes de l'action. Le studio ne fit pas d'objection. Mais, alors que la production était déjà engagée depuis trois mois, ils s'aperçurent que mon intention était de faire mourir le héros avant la fin du film. Ils firent alors venir plusieurs écrivains en Italie, qui rédigèrent un grand nombre d'épilogues mais sans parvenir à en concevoir un meilleur que le nôtre. Le studio fit alors machine arrière et lorsque le film fut achevé il se rendit compte que notre final était le meilleur.
A la fin des années 20, il n'était plus question que de l'avènement du sonore. Quelques-uns des tout premiers films parlants que je vis m'amenèrent à penser que le sonore était une grave erreur. Je compris ensuite qu'en tant que raconteur d'histoires il me fallait bien venir au parlant. Je tournais à l'époque "Elle s'en-va-ten-guerre" (She Goes to War,1929), j'ajoutais donc une chanson et quelques répliques. Puis je me mis à réflechir à la question du parlant. Les techniciens qui venaient de la radio s'imaginaient qu'ils allaient faire la loi, mais je leur fis comprendre dès le début que le patron c'était toujours moi. J'avais déjà l'histoire en tête; il fallut trouver le lieu adéquat pour tourner et construire à la fois les extérieurs et les décors. Les techniciens affirmèrent que tous ces lieux étant plein d'échos, il leur serait impossible de faire du bon travail. Je répondis : "Et bien! tant pis, mais je connais quelqu'un qui fera ça très bien." Ils jugèrent alors qu'il valait mieux essayer. Le son d' "Elle s'en-va-t'en-guerre" fut excellent. Nous avons rencontré beaucoup moins de difficultés que si nous avions dû travailler sur des plateaux de studio où tout devait être conçu en fonction du son...et où l'on obtenait des effets plats et factices.
Je fis deux films avec Will Rogers. C'était un homme charmant, le plus simple et le plus drôle qu'on puisse imaginer. Ces deux films, "Lightnin" (1930) et "La Foire aux illusions" (State Fair,1933), furent p quour moi de grands moments. Pour le second, nous devions utiliser un énorme cochon. J'en avais acheté deux : l'un devait "jouer", l'autre étant en réserve. Il fallut engager quelqu'un pour s'occuper de ces "vedettes". Pas fier, Rogers lui-même venait souvent tenir compagnie à l'un deux, Blue Boy. S'il arrivait à Rogers de vouloir modifier le dialogue, il en respectait toujours l'esprit général. On s'est beaucoup gaussé de lui, de sa volubilité. Moi, je le considére comme un acteur très sérieux dans son travail.
Je ne dirai pas que "Le Brigand bien-aimé" (Jesse James,1939) est un véritable western. Dans ce genre de film on s'attend toujours à voir un tas de cow-boys. Nous avons essayé de montrer autre chose. Pour écrire son scénario Nunnally Johnson avait consulté les archives d'un journal du Missouri dont l'éditorialiste était un proche de la famille James. Henry King soucieux d'authenticité, avait projeté de tourner son film à Liberty, Missouri, sur les lieux mêmes où avaient vécu les frères James. Ayant appris que la maison de la famille James avait été détruite, il transporta son équipe à Pineville où il planta des décors fidèles à l'architecture de l'époque. En ce temps-là, Darryl F. Zanuck, de la 20th Century-Fox, souhaitait me voir réaliser "Stanley et Livingstone" (Stanley and Livingstone,1939). Mais je lui démontrai que le scénario dont il disposait pour ce film ne valait rien, si bien qu'il accepta le projet du "Brigand bien-aimé" tout en déclarant : "Ce film n'intéressera que les gens du Missouri, alors que "Stanley et Livingstone" est un sujet de portée internationale."
A sa sortie, "Le brigand bien-aimé" connut un succès commercial foudroyant. Je ne veux pas dire par là que c'était nécessairement un bon film, mais en tout cas beaucoup de gens l'ont vu. Tout de suite après je fis "Stanley et Livingstone". Le scénario ayant été nettement amélioré, je suggérai seulement de concentrer le film sur la recherche de Stanley. Le cinéma a été mon premier amour. Je n'ai pas fait un seul film qui ne contienne quelque chose de moi. Je n'ai jamais fais du cinéma pour l'argent. Mais, fort heureusement, on me payait pour en faire...
Après la fusion de la Fox avec la 20th Century, en 1935, la situation d'Henry King reste inchangée. Il s'entend bien avec Daryl Zanuck, le nouveau responsable. Henry King se voit confier ausitôt la première production en technicolor de la firme avec "Ramona" (1936) avec, à l'affiche, deux nouveaux acteurs de la Fox, Loretta Young et Don Ameche. "Lloyds de Londres" (1936) lance le jeune premier Tyrone Power, qui partagera trois des plus gros succès de la Fox en 1937-1938, tous inspirés de l'histoire américaine, si chère à Zanuck et au cinéaste. Dans "L'Incendie de Chicago" (In Old Chicago,1937), réponse de la Fox au triomphe de la MGM avec le tremblement de terre de "San Francisco" (1936). "L'incendie de Chicago" annonce avec trente-cinq années d'avance la vogue des films catastrophe. Entre-temps, Henry King avait tourné un film musical avec "La Folle parade" (Alexander's Ragtime Band,1938) toujours avec Tyrone Power entourné de Alice Faye et Don Ameche.
Devançons les autres studios pour la couleur, Zanuck encourage Henry King à tourner en technicolor. Ainsi en 1942, il réussit à mettre en scène "Le Cygne noir" (The Black Swan), délicieux film de cape et d'épée avec Tyrone Power. Le réalisateur a déjà à son actif plusieurs films en couleurs que n'importe quel autre cinéaste hollywoodien. Son prestige n'a jamais été plus grand. Il sera nominé aux Oscars pour deux projets chers à Zanuck, "Le Chant de Bernadette" (The Song of Bernadette,1943), drame religieux évoquant la brève existence de Bernadette Soubirous à Lourdes, incarné magnifiquement par Jennifer Jones ainsi qu'une biographie filmée du président américain "Wilson" (1944), malheureusement dédaignée par le public des années 40.
Au succès du film "Margie" (1946) fait suite à une déception, celle du coûteux "Capitaine de Castille" (Captain From Castille,1947), tiré du roman de Samuel Shellabarger, l'adaptation cinématographique édulcora singulièrement les scènes de violence et de tortures de l'Inquisition. Ce fut encore Tyrone Power qui incarna Pedro de Vargas au côté de Jean Peters. "Echec à Borgia" (Prince of Foxes,1949) fut le huitième des onze films tournés par Tyrone Power sous la direction de Henry King.
Sur les cinquante années d'une longue et riche carrière, il en passera plus de trente à la Fox, devenue par la suite la 20th Century- Fox. Il assura la double fonction de producteur-réalisateur indépendant pendant les années 20. Il entre à la Fox dans les années 30, où il sera l'un des premiers à employer régulièrement la couleur et, bien plus tard, le cinémascope procédé sur grand écran lancé par la Fox dans les années 50. Comme tous les grands réalisateurs sous contrat, Henry King est très éclectique dans le choix de ses sujets, toutefois une légère prédilection pour l'Amérique rurale et ses bourgades, dont il jalonnera périodiquement son oeuvre. Sa réussite se trouve inévitablement liée à celle du studio qui l'emploie, en l'occurence la Fox et ses vedettes. Bon directeur d'acteurs, il travailla avec Janet Gaynor et Will Rogers, les deux grands acteurs de la firme au début des années 30, Alice Faye et Jennifer Jones quelques années plus tard, Gregory Peck et Susan Hayward dans les années 50. C'est avec Tyrone Power qu'il fera le plus de films, onze en tout, depuis 'Lloyds de Londres" (Lloyds if London) en 1936, où l'acteur tient son premier grand rôle, jusqu'à "Le soleil se lève aussi" (The Sun Also Rises) en 1957, l'un de ses plus beaux films...
Après avoir fait tourné à maintes reprises Tyrone Power, Henry King collabora avec Grepory Peck, nouvelle étoile de la Fox, démarre en force avec un puissant drame de guerre : "Un Homme de fer" (Twelve O'Clock High,1949), premier des six films d'une fructueuse collaboration qui se poursuivra avec "La Cible humaine" (The Gunfighter,1950) western adulte et mémorable, puis "David et Bethsabée" (David and Bathsheba,1951) oeuvre inscrite dans le cycle biblique des années 50 et "Les Neiges du Kilimandjaro" (The Snows Of Kilimanjaro,1952), d'après Hemingway. Deux films où Gregory Peck donna la réplique à la sublime Susan Hayward.
A partir de 1953, King tourne exclusivement en cinemascope et en couleur. Cela donnera des oeuvres divertissantes et bien construites comme "Carrousel" (1956) ou "Le soleil se lève aussi" (1957) avec Tyrone Power, Juliette Gréco, Ava Gardner et Errol Flynn. D'après le roman de Ernst Hemingway, mais qui n'arriveront pas à égaler les meilleures créations des débuts du réalisateur. On lui doit aussi "Un Matin comme les autres" (Beloved Infidel,1959) avec Gregory Peck et Deborah Kerr. C'est en 1955 que sort sur les écrans, l'un des mélodrames les plus appréciés du public "La Colline de l'adieu" (Love is a Many - Splendored Thing) avec William Holden et Jennifer Jones sur une musique d'Alfred Newman. Il s'agit de l'un des plus gros succès de la Fox, la chanson de Sammy Fain et Paul Francis Webster connut une popularité énorme et gagna l'Oscar. Oscar également pour les costumes... Henry King se retire définitivement de la mise en scène en 1962, après avoir tourné un ultime film "Tendre est la nuit" (Tender Is The Night), porté à l'écran d'après le roman de Scott Fitzgerald. Henry King meurt le 29 juin 1982 à Toluca Lake en Californie à l'âge de 96 ans.
La Femme disputée - 1928
Le Pacte - 1936
L'incendie de Chicago - 1937
1939
1943
1949
1951
Les Neiges du Kilimandjaro - 1953
1959
1962
________________________Errol Flynn