TOD BROWNING
TOD BROWNING 1880 - 1962
Cinéaste, Producteur Américain
Tod Browning naquit le 12 juillet 1880 à Louisville dans le Kentucky. Il s'enfuit du collège de sa ville natale à l'âge de seize ans pour suivre un cirque itinérant. Il y débute la même année comme clown et contorsionniste. De passage en Californie en 1914, il devient acteur de burlesque à la Biograph, exerce divers métiers de cinéma avant d'être engagé comme assistant de David Wark Griffith, notamment pour "Intolérance" (1916).
Tod Browning réalise son premier long métrage en 1917 après co-réalisé ses trois premiers films. "Volonté" (Peggy, The Will O' the Wisp) lui ouvre les portes du cinéma, dès lors, vingt ans durant, ne cessera de tourner. "Révoltée" (Outside the law) en 1920, le premier film de gangsters, le rend célèbre. Engagé par Irving Thalberg à la MGM en 1925, il va diriger l'acteur Lon Chaney, spécialiste des rôles à transformation dans huit films et de leur association va naître une certaine forme de mélodrame fort populaire, qui cultive le bizarre avec un grand sens poétique. L'entente était si parfaite entre les deux hommes qu'il est difficile de savoir lequel servit l'autre.
Lon Chaney, qui puisait son inspiration dans la réalité, avait visité quantité de détenus dans les prisons à l'époque où il était devenu entre 1925 et 1928 l'acteur le plus populaire du cinéma américain : la personne authentique d'un dévoyé qui avait fait des études de théologie lui fournit l'argument de la dualité "BlackBird/Bishop" qui est au centre du film "L'Oiseau noir" (The Black Bird,1926). Selon Tod Browning, en effet, lorsqu'il travaillait avec Chaney, le cinéaste ne se préoccupait pas du scénarion en premier, mais attendait que le comédien se soit "composé un personnage". On sait que le mélodrame criminel était le genre de prédilection de Chaney et la malformation physique l'un de ses thèmes favoris. Dans beaucoup de ses films, il accumulait les difformités et les amputations, il est borgne dans "La route de Mandalay" (The Road To Mandalay,1926), paraplégique dans "A l'Ouest de Zanzibar" ou "Le Talion" (West Zanzaibar,1928). Mais de l'aveu même de Chaney, le rôle du "Pasteur" dans "L'oiseau noir" fut probablement la composition la plus difficile de sa carrière. "A l'Ouest de Zanzibar" reste l'oeuvre la plus marquante de la collaboration Chaney-Browning.
Lon Chaney et Tod Browning qui avaient lié connaissance sur le plateau du "Club des trois" (The Unholy Three,1925) se retrouvèrent de telles affinités dans leur conception du cinéma et leur attirance pour le mélodrame criminel qu'ils devaient tourner set autres films ensemble durant les cinq années suivantes dont "Le loup de soie noire" (The Big City,1928), "Loin vers l'Est" (Where East is East,1929).
"L'Inconnu" (The Unknown,1927) est l'exemple le plus accompli de cette collaboration. Comme dans nombre de films de Browning, l'action se passe dans le monde du cirque. Lon Chaney, censé être amputé des deux bras (ce subterfuge lui permet d'échapper à la police qui connaît ses empreintes), fait un numéro d'adresse avec ses pieds (les bras sont contenus dans un gilet de cuir!). Il aime en secret la jeune et jolie écuyère du cirque incarné par Joan Crawford, celle-ci se sent en sécurité auprès de lui car elle est maladivement obsédée par les mains des hommes dont elle ne supporte pas l'attouchement. Par amour pour la jeune femme qu'il songe à épouser, le jongleur, stoïquement, se fait amputer des deux bras. Hélas, la jeune beauté vient de se débarrasser de ses complexes dans les bras musclés de l'Hercule de la troupe. Grâce à la mise en scène de Browning, ce scénario insensé échappe au Grand Guignol et débouche sur la tragédie et l'horreur. "L'inconnu", ce film muet mais éloquent, illustrant la délirante histoire imaginée par Browning qui précisait, à ce propos : (...) "Lorsque je travaille à une histoire pour Chaney, je ne pense jamais à l'intrigue. Celle-ci s'inscrit d'elle-même une fois que j'ai conçu les personnages; l'histoire vint tout simplement du fait que j'avais eu l'idée d'un homme sans bras. Je me demandais alors quelles pourraient être les situations et les faits les plus étonnants dans lesquels un homme aussi diminué pourraient être impliqué..." (in "Motion Picture Classic), mars 1928.
"Londres après minuit" (London after Midnight,1927) fut l'un des plus grands succès de Lon Chaney et le film le plus popualire de sa longue collaboration avec Tod Browning qui l'avait entrepris faute d'avoir réussi à décider la MGM à acheter les droits d'adaptation de "Dracula" de Bram Stoker. En 1935, le cinéaste signera une nouvelle version modernisée de "Londres après minuit", "La Marque du Vampire" (Mark Of the Vampire,1935) avec Bela Lugosi et Lionel Barrymore jouant chacun l'un des deux personnages incarnés par Lon Chaney dans le premier film. "La marque du vampire" figure en bonne place parmi les classiques du cinéma fantastique américain de l'Age d'Or. Il doit cette réputation à son respect des traditions du vampirisme à l'écran (utilisation de l'ail et du tue-loup pour éloigner les créatures maléfiques); à la présence de Bela Lugosi, inoubliable Dracula du cinéma qui, bien qu'appelé ici Comte Mora, apparaît dans le costume du vampire qui fit sa gloire; à la réalisation toute en lenteur majestueuse et en nuances de Tod Browning: aux décors gothiques et à la photographie très "clair-obscur" de James Wong Howe qui s'inspira très méthodiquement du travail des opérateurs de l'expressionnisme allemand.
Lon Chaney meurt en 1930 alors qu'ils projetaient de tourner ensemble la première version sonore de "Dracula" (1931), il sera remplacé par Bela Lugosi, alors que Chaney devait interpréter le rôle du vampire et celui de son ennemi juré, Van Helsing. Le film obtient un très vif succès. Cette même intensité dramatique marquera "Freaks, ou la monstrueuse Parade" (Freaks), qu'il réalisa pour la Metro en 1932. Cette histoire cauchemardesque de phénomènes de cirque vengeant l'un des leurs en mutilant une splendide trapéziste (Olga Baclanova) connut une désastreuse destinée. Remanié des sa sortie, interdit dans plusieurs Etats américains et en Grande-Bretagne (pendant plus de trente ans), ce film est aujourd'hui reconnu comme un des plus grands classiques de l'horreur et comme un chef-d'oeuvre du cinéma. Au-delà de sa morale un peu manichéenne (les êtres "normaux" ne sont pas forcément les meilleurs), le film frappe par l'extraordinaire dosage entre la tendresse et l'horreur : Browning n'exibe pas ses monstres, il nous les montre simplement dans leur vie de tous les jours.
Browning ne se remit jamais de l'échec de "Freaks". Il abandonna le cinéma quelque temps plus tard. Très attiré par l'occultisme et doté d'une vaste culture, Tod Browning a donné naissance à l'une des oeuvres les plus insolites du cinéma et fut, pendant de longues années, le type même du cinéaste maudit. Il aime à disserter sur la relativité des apparences, de la morale et du concept de "normalité". Ses films qui s'attachent à décrire l'humanité des monstres sous leurs difformités physiques, sont des plaidoyers pleins de tendresse pour les êtres marginaux.
"Les Poupées du diable" (The Devil Doll,1936) est l'avant-dernier film réalisé par Browning (le dernier étant "Miracles For Sale", en 1939, Il est interprété par un grand comédien, Lionel Barrymore, lequel déguisé en la vieille Madame Mandelip, évoque irrésistiblement la création de Lon Chaney, travesti en Me O'Grady, vendeuse de perroquets et (ventilogue) dans "Le club des trois" de 1925. Afin de donner la parfaite illusion que les personnages ne mesuraient que vingt centimètres de hauteur, d'immenses décors furent construits dans les studios de la Metro. Un mobilier géant fut fabriqué ainsi que des escaliers aux marches plus élevées que la hauteur d'homme : à leurs côtés les personnages apparaissaient réellement miniscules. Tod Browning meurt d'un cancer de la gorge le 6 octobre 1962 à Malibu.
Le Club des trois - 1925
L'Oiseau noir - 1926
La Route de Mandalay - 1926
L'Inconnu - 1927
1927
Loin vers l'Est - 1929
La Marque du Vampire - 1935
Les Poupées du diable - 1936
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