JEAN EPSTEIN, CINEASTE MAJEUR DU CINEMA FRANCAIS MUET
JEAN EPSTEIN 1897 - 1953
Cinéaste Français
Jean Epstein est né le 25 mars 1897 à Varsovie de père français et de mère polonaise. Il fit ses études en Suisse et à Lyon où, après avoir obtenu une licence de sciences, il s'inscrivit à la faculté de médecine. Devenu un peu par hasard, secrétaire d'Auguste Lumière, il se passionne bientôt pour la littérature et la poésie. En 1920, il publie "La Poésie d'aujourd'hui, un nouvel état de l'intelligence", qui est préfacé par Blaise Cendrars et qui paraît aux Editions de la Sirène que dirige Paul Lafitte, l'ancien fondateur du "Film d'Art" en 1908. C'était le début de l'engrenage : rencontre avec Louis Delluc, dont il est l'assistant pour "Le Tonnerre" (1921), articles dans "Cinéa", publication d'une essai, "Bonjour Cinéma" (1921) que suit un ouvrage poétique "La Lyrosophie" (1922), toujours à la Sirène.
Son premier film, en 1922, est un "Pasteur", film biographique réalisé en collaboration avec Jean-Benoît Lévy. C'est un succès qui lui vaut d'être engagé par Louis Nalpas, pour qui il réalise sa première oeuvre personnelle, "L'auberge rouge" (1923) d'après Balzac, avec Léon Mathot et Gina Manès. Elle marque le début d'une série de douze longs métrages (sans compter les cours), d'une valeur inégale, mais parmi lesquels on rencontre plusieurs des titres importants de la période qui va s'achever vers 1930. C'est le cas, toujours en 1923, de son deuxième grand film, "Coeur Fidèle", qui reste un des ses chefs-d'oeuvres. Bardèche et Brasillach, qui aiment beaucoup cette "oeuvre de classe", la commentent ainsi : un épisode magnifique, celui de la fête foraine où la mobilité de l'appareil semblait prendre part à l'action, la classait hors de pair...Grâce à "Coeur fidèle", les petits marlous, les filles et les bouges entraient définitivement dans la poésie de l'après-guerre, enseignés par Carco, ennoblis par Mac Orlan." Les mêmes auteurs aimèrent encore le film suivant d'Epstein, "La Belle Nivernaise" (1923) d'après l'oeuvre d'Alphonse Daudet, dont ils écrivent : "C'était un joli conte, que Jean Epstein traduisit d'une façon charmante, avec de beaux paysages de rivère et un sens mélancolique de la nature qui devait par la suite nous plaire si souvent chez lui,"
Ensuite, pendant trois ou quatre ans, Epstein sembla tourner un peu n'importe quoi : "Le Lion des Mongols" (1924) sur un scénario d'Ivan Mosjoukine, qui tenait le rôle principal, film avec lequel le cinéaste inaugurait une collaboration durable avec les russes émigrés de l' "Albatros", "" (1924) et "Le Double Amour", deux scénarios de sa soeur Marie Epstein, qui deviendra la collaboratrice attitrée de Benoît-Lévy; "Les Aventures de Robert Macaire", film en deux parties d'après "L'Auberge des Adrets", vieux mélodrame à succès, et où Jean Angelo incarnait un superbe Macaire, dont Pierre Brasseur saura se souvenir vingt ans plus tard; "Mauprat" (1926) d'après George Sand....Si les deux dernièrs se voient encore avec agrément, les autres ont beaucoup vieilli. En 1926 également, Epstein qui continuait d'écrire et de faire des conférences publia "Le Cinéma vu de l'Etna", un de ses livres théoriques les plus importants.
En 1927-1928, se succédèrent deux films intéressants et même deux grandes réussites. Le premier, "La Glace à trois faces" adaptait adroitement une excellente nouvelle de Paul Morand, et montrait comme fera plus tard Welles, le même personnage vu par trois regards différents. Avec ce film ambitieux, Epstein reprenait place dans l'avant-garde, dont l'avait éloigné le caractère commercial de quelques-uns des films précèdents. Cette place fut largement confirmée par "La Chute de la maison Usher" (1928) d'après l'oeuvre d'Edgar Poe, qui reste, aujourd'hui encore, son film sans doute le plus fameux. Comme l'écrit Henri Fescourt : "Le vieil expressionnisme allemand était modernisé. Les bizarreries cadavéreuses, les terreurs funèbres de plusieurs scènes étaient rendues sans puérilité, une sorte de vraisemblance avait été créée. Cinéma, lieu rêvé de l'étrangeté!"
Le dernier film muet d'Epstein fut "Finis Terrae" (1929), documentaire à peine romancé, tourné à Ouessant avec des pêcheurs et des paysans de l'île. C'est un film d'une étonnante beauté, "un film à peu près seul de son espèce en France, car il traduit de façon rude ce que les français n'admettent qu'assaisonné de mauvais romanesque, une nature non interprétée, dans sa rugosité primitive, sa saleté et son odeur" (Bardèche et Brasillach).
C'est en poursuivant dans la même veine que Jean Epstein attaqua le parlant avec "Mor-Vran" (1931), tourné à Sein, et "L'Or des mers" (1932), mais il ne retrouva pas la même réussite. Il filma également quelques brèves chansons filmées (1931-1932). Tout cela le menait à une impasse. Il en sortit avec des films commerciaux, adaptés de romans à la mode, comme "L'homme de l'hispano" (1933) et "La Châtelaine du Liban" (1933), remakes d'anciens succès muets. Ces films, qui contiennent des fragments de grande beauté, voire des morceaux de "cinéma pur", comme certaine séquence automobile dans le premier, ne lui rallièrent pas les connaisseurs, sans lui attirer pour autant le public populaire. Epstein refit alors des documentaires, parfois assez longs, comme "Les Bâtisseurs" (1938), accompagné d'une musique d'honegger, et puis encore un peu de long métrage, mais toujours sans aucun succès. On aimerait revoir aujourd'hui un film comme "La femme du bout du monde" (1938), interprété par Charles Vanel et Robert Le Vigan, on peut penser qu'il réservai de bonnes surprises. Mais qu'est'il devenu?
La guerre vint interrompre l'activité d'Epstein, et l'après-guerre ne lui fut pas plus favorable. En 1947, il tourna à Belle-Ile, un film de 600 mètres, "Le Tempestaire", qui le ramenait encore au temps de "Finis Terrae", et ce fut à peu près tout. La même année, il publiait son dernier livre, "Le cinéma du diable", qui est un peu la synthèse de sa pensée théorique sur l'art du film et son testament intellectuel.
Ses dernières années furent mélancoliques, il ne travaillait plus et se sentait oubliait de tout le cinéma français, ce qui était la réalité. Sa disparition, en 1953 se produisit dans une grande indifférence. Il n'y eut guère que les "Cahiers du cinéma" pour reconnaître l'importance que méritait l'évènement, grâce notamment à la publication d'un superbe hommage d'Abel Gance, qui rappelait avec éclat le rôle éminent du précurseur, du théoricien et du grand artiste qui avait été un de ses amis et de ses admirateurs les plus enthousiastes. Aujourd'hui toute l'oeuvre d'Esptein appelle à une redécouverte et une réévaluation dont on peut parier qu'il y aurait fort à attendre.
1923
1924
1925
1926
1927
1928
1933
_______________________________________________