PIERRE LARQUEY, UN EXCENTRIQUE DU CINEMA FRANCAIS (Le Corbeau, Le Père Goriot, Le Voile bleu)
PIERRE LARQUEY 1884 - 1962
Comédien Français
Un petit homme à moustache, tout simple d'allure et modeste, le français moyen de l'époque. A le regarder, on évoque les manches de lustrine, le parapluie de coton, les bons souliers bien cirés, le chapeau melon, la chaîne de montre qui barre le ventre. De ce bonhomme attentif et méticuleux, d'une attendrissante dignité, émane une sympathie qui, pendant des années réchauffe le coeur de ceux qui sont heureux de le retrouver, au ciné du coin, chaque fin de semaine. Franc et honnête, plus finaud qu'on ne le croit et habile à faire percer une pointe d'émotion à travers les toussotements d'une voix ouatée par un semblant de rhume.
-Noir&Blanc Olivier Barrot et Raymond Chirat -Editions Flammarion
Acteur français né le 10 juillet 1884 à Sciton-Sinac (Dordogne). Pierre larquey eut une enfance dure et sa jeunesse oscilla curieusement entre la tentation du séminaire et le rire du théâtre. Une représentation de cirque avait déclenché en lui l'appel. Mais jusqu'au service militaire qu'il fit à Madagascar dans la coloniale, et même après, il travailla à Bordeaux dans des maisons de commerce.
Il y avait dans cette grande ville un conservatoire : le jeune Larquey y entra, et, d'après lui apprit le "naturel"". Ce fameux naturel, cette tranquille bonhomie qui caractériseront son jeu tout au long de sa vie. C'est alors que le journal "Comoedia organisa un concours de comiques en 1937, dont le premier prix était un engagement dans un théâtre réputé du boulevard. Larquey fut lauréat en remportant sous le nom de Roger Maxel, le premier prix pour sa composition d'Harpagon. Dès lors, il joue dans des véritables théâtres. C'est ainsi qu'il abordera les vaudevilles, opéras-comiques et opérettes.
Pendant cette période, il débute au cinéma dans "Le Nabad" (1911) du réalisateur Albert Capellani, suivit de "Patrie" et "Germinal" (1912). Il lui faudra attendre le début des années 30 pour l'aperçevoir dans "Le Chien jaune" (1932) de Jean Tarride, "Topaze" (1932) de Louis Gasnier avec Louis Jouvet ou bien dans "Le grand jeu" (1933) de Jacques Feyder, "Madame Bovary" (1933) de Jean Renoir, "La Rue sans nom" (1933) de Pierre Chenal et "Les Misérables" (1933) avec Harry Baur et Charles Vanel.
Une proposition en 1937, Larquey saute dans le train et arrive à Paris. Engagé à la Comédie-Mondaine, sur la Butte-Montmartre, il accumule rôle sur rôle à un rythme forcené et, sur la pointe des pieds, se faufile dans les studios du Film d'Art. Mobilisé, il retrouve les planches à l'armistice, triomphe dans un "concours de comiques" et récolte ainsi un engagement d'une année aux Variétés. Larquey y restera quinze ans, créera notamment le père Tamise de "Topaze" qu'il retrouvera aux feux des studios, en 1932.
Soutenant une cadence frénétique de tournage, il a paru dans des plaisanteries qui s'intitulent "Compartiments de dames seules" (1934) de Christian-Jaque avec Armand Bernard, "La Mariée du régiment" (1933) de Maurice Cammage, "La Rosière des Halles" (1933) de Jean de Limur, "Une poule sur un mur" (1936) de Maurice Gleize, à quoi feront écho, des années plus tard : "Et ta soeur" (1931) d'Henry Lepage et la production Couzinet : "Trois vieilles filles en folie" (1931)...
1937 : l'acteur chéri du public : Pierre Larquey qui ajoute déjà à son palmarès déjà riche le chiffre ahurissant de onze nouveaux films tournés en douze mois. Trois d'entre eux sont signés par René Pujol : "Titin des Martigues", "La griffe du hasard", "Trois artilleurs au pensionnat", les autres titres se partagent entre Roger Richebé "L'habit vert", Marcel L'Herbier "La Citadelle du silence", Jean-Paul Paulin "Les Filles du Rhône", Henri Decoin "Mademoiselle ma mère".
En 1931 et 1940, un rapide examens des titres de film interprétés par Pierre Larquey démontre que ce comédien doué de sa génération, acceptait à peu près tout...le mélodrame larmoyant, la bouffonnerie, les satires signées Yves Mirande, les adaptations de romans célèbres, et encore et toujours les comédies de caserne, prétextes à gros rires. Tambour de ville dans "Knock" (1933) de Roger Goupillères. Il devient clairon de la Légion dans "Le Grand Jeu" (1934) de Jacques Feyder avec Pierre-Richard Willm, Françoise Rosay et Marie Bell. Sous une perruque poudrée, il souffle ses rôles ses rôles à "Adrienne Lecouvreur" (1938) sous la direction de Marcel L'Herbier en attendant de devenir le bon pêcheur flammand de "L'empreinte du Dieu" (1940) de Léonide Moguy ou le père Hochepot, tout heureux de vivre au "Sixième étage" (1939) de Maurice Cloche. Il bégaie en gangster marseillais dans "Justin de Marseille" (1934) de Maurice Tourneur avec Antonin Berval
En 1936, Larquey donna la réplique à Antonin Berval et Yvette Lebon dans "Romarin" (1936) d'André Hugon. Les extérieurs furent tournés en Provence, à Cassis, Cros-de-Cagnes, Toulon et dans l'arrière-pays. L'année 1936 vit la résurrection dans le cinéma français des grands classiques de la littérature populaire comme "La Loupiote", tiré du roman d' Aristide Bruant avec Pierre Larquey, Jeanne-Fusier Gir et Ginette Leclerc, réalisé par Jean Kemm et Jean-Louis Bouquet.
Dans "Sept hommes, une femme" (1936) d'Yves Mirande, Larquey incarnait un brave ouvrier arrivé par son travail à un rang supérieur. On le retrouve aussi dans "Messieurs les ronds-de-cuir" (1936) où il est un malheureux conservateur de province, victime de l'administration et de la malignité des choses. On a voulu lui faire tout jouer et il a tout accepté. Les paysans collés dans la glèbe dans "La Terre qui meurt" (1936) de Jean Vallée, il est aussi un bon père de famille dans "La Marmaille" (1935) de Dominique Bernard Deschamps
"Les Filles du Rhône" (1937) de Jean-Pierre Paulina a été entièrement réalisé en décors naturels (extérieurs et intérieurs) en Camargue, à une époque où le travail en studio prévalait. Il fut la vedette de "Monsieur Coccinelle" (1938) où le réalisateur Bernard Deschamps donnait une valeur symbolique à ce personnage de tout petit français moyen, englué dans sa routine et empêtré dans ses habitudes. Ce film est l'un des rares où Pierre Larquey tint le rôle principal. Aucun de ses partenaires n'était des acteurs de premier plan.
L'Occupation ne ralentit en rien l'activité cinématographique de Pierre Larquey, en quatre ans il parait dans vingt et un films, mieux elle lui procure l'occasion d'un renouvellement total de ses compositions. Henri-Georges Clouzot qui connaissait le talent du comédien à la scène jugea bon de le débarasser de la défroque de vieux paysan ou de petit rentier qui menaçait de l'étouffer et en fit d'abord un des trois coupables de "L'assassin habite au 21" (1942) aux côtés de Pierre Fresnay, Suzy Delair, Jean Tissier et Noël Roquevert. Clouzot le métamorphose, d'un artisan paisible, il fait surgir un étrangleur...
Larquey ressuscite les vieux domestiques, complices des jeunes filles de bonne famille dans "Le Mariage de Chiffon" (1941) réalisé par Claude Autant-Lara. Directeur de pensionnat dans "Les Anciens de Saint-Loup" (1950) de Georges Lampin avec Serge Reggiani, Bernard Blier et François Périer. Geôlier sentencieux dans "Le lit à colonnes" (1942) de Roland Tual. Il est aussi le père noble dans "Sylvie et les fantômes" (1945) de Claude Autant-Lara.
Il fut aussi Vorzey le médecin honorable, auteur des lettres anonymes du "Corbeau" (1943), il extirpe un être pervers qui brouille les pistes et finit la gorge tranchée. Dans le même temps, il chaperonnait Chiffon en parfait domestique de la belle époque jouait l'ange luttant contre le malin dans "La Main du diable" (1942) aux côtés de Pierre Fresnay et Noël Roquevert. Pierre Larquey donna la réplique à Gaby Morlay dans "Le Voile bleu" (1942) de Jean Stelli, en étant un amoureux transi, soupire en vain auprès d'une nurse sublime. Il encourt à deux reprises les sévices de l'occupant, celui de 1914 et celui de 1940 dans "Les Otages" (1939) de Raymond Bernard avec Charpin et dans "Jericho" (1945) d'Henri Calef avec Pierre Brasseur.
Sur le mince fil conducteur d'une recherche d'identité, "La Collection Ménard" (1944) de Bernard-Roland se présente comme une sorte de film à sketches où abondent les personnages insolites, voir totalement loufoques avec Suzy Prim, Lucien Baroux, Robert Le Vigan, Jean Tissier, Edouard Delmont, Pierre Larquey, Marguerite Moreno...Tous les excentriques du cinéma français.... Pierre Larquey a sublimé l'amour paternel dans "Le Père Goriot" (1944) de Robert Vernay, il fit aussi une remarquable interprétation d'un père noble dans "Sylvie et le fantôme" (1945) de Claude Autant-Lara avec Odette Joyeux.
Il interpréta avec un succès croissant une cinquante de films sans parvenir à lasser son public. La dernière étape de sa carrière, Clouzot fait appel à lui pour incarner ce fameux surveillant du collège privé dans "Les Diaboliques" (1954) d'Henri-Georges Clouzot. La propriétaire de cet établissement est incarnée par Vera Clouzot et son époux (Paul Meurisse) , préférant le concours de sa maîtresse (Simone Signoret) pour commettre un meurtre machiavélique... Larquey fut aussi l'un des protagonistes de ce film maudit "Les Espions" (1957) de Clouzot. C'est en guide au château de Versailles dans "Si Versailles m'était conté" (1953) que l'on aperçoit Pierre Larquey, qui enchâina toujours pour le compte de Sacha Guitry en interprétant Pierre Broussel qui eut sa part dans le déclenchement de la Fronde dans "Si Paris nous était conté". Dans "Assassins et Voleurs" (1956) de Sacha Guitry, Larquey devait dire quelques phrases d'une philosophie souriante prononcées par un vieux pêcheur.
Juché sur un tracteur et figurant un véritable paysan, il avait donné la réplique à Jean Gabin dans une scène du "Président" (1960) d'Henri Verneuil. C'était véritablement un acteur du terroir. Symbole de la mythologie du cinéma français des années 30 au début des années 60. Pierre Larquey décéda le 17 avril 1962, il y a cinquante ans.
1933
1934
1937
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