LEWIS MILESTONE, SPECIALISTE DE FILMS DE GUERRE
LEWIS MILESTONE 1895 - 1961
Réalisateur Américain
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"Durant tout la durée de ma carrière je n'ai jamais essayé d'exprimer une philosophie particulière, mais d'adapter au cinéma les oeuvres d'auteurs qui me plaisaient. Peut-être mes plus grands succès ont-il été les films sur la guerre, parce que j'ai toujours cherché à la décrire telle qu'elle est réellement, et non à la glorifier." Lewis Milestone
Lewis Milstein naquit le 30 septembre 1895 à Chisinau, près d'Odessan en Russie. Tout jeune encore, il émigra aux Etats-Uni où après avoir changé son nom en Milestone, il se lança dans différentes activités (représentant de commerce...) avant de devenir assistant photographe. Il fit son service militaire durant la Première Guerre mondiale dans l'Army Signal Corps et fut assistant-réalisateur sur des films de propagande, puis il débuta comme monteur et assistant à la mise en scène aux côtés de Henry king, William Seiter et Mack Sennett.
Entré à la Fox, on lui confia la rédaction du scénario de "Bobbed Hair" (1925)de Alan Crosland., dont il tira une certaine notoriété au point que la Warner l'engagea pour la mise en scène de "Seven Sinners" (1925). Ces film furent suivis de "The Cave Man" (1925) et "The New Klondyke" (1926), oeuvres modestes, mais qui témoignaient déjà du talent de Milestone. Ayant abandonné la Warner à la suite d'un désaccord financier et juridique (ce fut le premier d'une longue série qui allait marquer ses relations avec les firmes cinématographiques), il fut engagé, après un an d'inactivité forcée, par la Caddo Corporation, fondée par le milliardaire aventurier Howard Hughes, pour laquelle il réalisa des films d'un autre genre : "Two Arabian Nights" (1927), une agréable comédie légère se déroulant pendant la Première Guerre mondiale, relatant les aventures héroï-comiques de deux prisonniers de guerre américains qui s'évadaient de leur camp en se faisant passer pour des arabes. Ce film lui valut l'Oscar de la mise en scène; "Le Jardin de l'Eden" (The Garden of Eden,1928), film plutôt conventionnel et ans grande valeur; enfin "The Racket" (1928), un des meilleurs films de gangsters du cinéma muet.
En 1929, Milestone réalisa son premier film sonore, "Mensonges" (The Betrayal) avec commentaire musical et effets spéciaux, interprété par Emil Jannings, Gary Cooper et Ester Ralston, une histoire dramatique se passant dans les Alpes. La même année, il dirigea "New York Nights", son premier film parlé, avec Norman Talmadge, mais il se refusa à signer ce film, jugeant qu'il s'agissait d'un "mélodrame balourd et décevant".
Lewis Milestone n'éprouva pas de difficultés particulières avec le parlant. Non seulement il sut ne jamais oublier certaines leçon du muet, mais il parvint à les utiliser en les mêlant, avec beaucoup de maîtrise, aux nouvelles techniques. Et son chef d'oeuvre : "A l'Ouest rien de nouveau" (All Quiet on the Western Front,1930), libre adaption du célèbre roman pacifiste d'Erich Maria Remarque, et porte la marque de la fluidité et de la clarté qui caractérisent les meilleurs films muets. Milestone lui-même se souvient : "Ce fut dit : pas question de recourir à deux caméras, rien n'était changé par rapport à avant. Une seule suffisait et nous devions tourner comme nous l'avions toujours fait. Selon moi, la révolution apportée par le parlant ne devait pas entamer une technique de mise en scène qui avait déjà fait pleinement ses preuves. Les séquences les plus longues furent tournées avec une camera du muet, sauf pour les scènes comportant des dialogues, et c'est ainsi que je vécus la grande "révolution" du parlant.
Je tournai seulement quelques mètres de pellicule pour les scènes de guerre, parce que tout était soigneusement prévu. Etant moi-même monteur, j'avais déjà préparé tout le montage. Mon idée de dessiner chaque scène naquit justement sur le plateau d' "A l'Ouest..." . Alors que la production s'attendait à des demandes du genre : "Demain j'ai besoin de 10 000 hommes pour cette bataille", j'arrivais à faire la scène avec 150 personnes seulement." Milestone resta doublement lié à ce chef d'oeuvre et la chose ne lui fit pas toujours plaisir : "J'estime que la stricte identification entre ma personne et le film conduit beaucoup de gens à penser que ce long métrage à été l'unique film, d'une certaine importance du moins, que j'ai dirigé." Le cinéaste fut couronné de l'Oscar du Meilleur Film et du Meilleur Réalisateur, il devint un cinéaste de renommée internationale.
Un an après avoir connu la consécration, Milestone confirmait sa grande maîtrise du cinéma avec "The Front Page" (1931), adaptation de la pièce de Ben Hecht et Charles MacArthur. Pour donner au public la sensation de fébrilité des milieux journalistiques dans lesquels se passe l'histoire il adopta un rythme de dialogue tout à fait inhabituel à l'écran. "Je connaissais les personnages à fond - raconta -t'il - et j'accentuais leur façon de s'exprimer, qui était déjà très rapide au théâtre. Je pense que personne, après moi, n'a tourné un film où l'on parle aussi vite."
"The Front Page" fut suivi d'un remake très conventionnel de "Pluie" (Rain,1932) et d' "Hallelujah, i'm a Bum" (1933), dans le style opérette européenne mais située durant la Dépression, oeuvre tout à fait unique tant par la musique de Rodger et de Hart que par l'interprétation d' Al Jolson et de Harry Langdon, grand comique du muet.
En 1934, il tourna pour la Columbia "The Captain Hates the Sea" (1934), qui fut le dernier film de John Gilbert (partenaire de la Divine Garbo). Milestone dira de ce dernier qu'il avait malheureusement exagéré sa manière de jouer. En 1935 et en 1936, Milestone réalisa pour la Paramount deux oeuvres qu'il qualifiera lui-même plus tard d'insignifiantes : "Paris in Spring" avec Mary Ellis et "Anything Goes", avec Ida Lupino et Bing Crosby.
Toujours en 1936, il dirigea pour la même maison de production un de ses meilleurs films de cette période, "Le Général est mort à l'aube" (The General Died at Dawn), sur un scénario de Clifford Odets, film d'espionnage interprété par Gary Cooper et Madeleine Carroll.
Le tournage de "Road Show" commença en 1938, mais le film fut interrompu par le producteur Hal Roach à la suite d'un différend juridique provoqué par Milestone. Hal Roach (Producteur du tandem Stan Laurel et Oliver Hardy) chercha à sortir de la crise financière dans laquelle il était tombé et finir par accepter de confier à Milestone "Des Souris et des Hommes" (Of Mice and Men,1939), adaptation cinématographique du roman de Steinbeck.
L'excellent utilisation de la bande son (la musique était d'Aaron Copland) et l'attention passionnée au monde de la terre, valurent au film une nomination à l'Oscar 1939 comme Meilleur film de l'année et l'approbation totale de Steinbeck, qui en fut si content qu'il me dédicaça son livre en ses termes : "Ceci est un bon film, comme s'il avait voulu redonner à ce simple adjectif "bon" toute sa valeur à un moment où la publicité cinématographique se répandait en superlatifs".
Passé à la RKO, Milestone réalisa son vieux rêve : être associé à la production de ses films. C'est ainsi qu'il tourna deux comédies et, lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, il apporta sa contribution à la propagande antihitlérienne en collaborant avec Joris Ivens à la réalisation de "Our Russian Front" (1942), un documentaire sur la résistance du front russe profondément antinazis : "L'étoile du Nord" (The North Star,1943), sur un sujet de Lillian Hellman, et "L'Ange des ténèbres" (Edge of Darkness,1943).
Il est vrai que tout au long de la carrière cinématographique de Milestone, on constate qu'il est considéré comme le cinéaste des hommes de guerre, non pas ceux qui font les héros exemplaires mais plutôt du fantassin anonym qui meurt sans gloire dans des combats souvent douteux. "Prisonniers de Satan" (The Purple Heart,1944) n'eut pas la même puissance tragique d' "A l'Ouest rien de nouveau".
"Pluie" (Rain,1932) avec Joan Crawford
Prisonniers de Satan (The Purple Heart,1944)
Dans le film suivant "Commando de la mort" (A Walk in the Sun,1945), écrit par Robert Rossen, l'analyse pyschologique l'emportait sur l'action. Pour la piste sonore de ce film, Milestone s'inspira d'un souvenir d'enfance : il avait vu des anciens combattants tels des troubadours, chantant leurs aventures au coin des rues. La ballade qu'on entend dans ce long métrage fit sensation. Aujourd'hui, n'importe quel western ou n'importe quelle série de téléfilms en comporte une. Mais ce fut mon film qui eut le mérite de donner l'idée.
Toujours avec Robert Rossen, comme scénariste, Milestone réalisa, en 1946, un des meilleurs mélodrames des années 40, "L'Emprise du Crime" (The Strange Love of Martha Ivers,1946). En 1948, Milestone revint à Remarque avec l'adaptation d' "Arc de Triomphe" (Arch of Triumph). Ce film très couteux fut un désastre commercial malgré la présence au générique d'Ingrid Bergman et de Charles Boyer. Milestone accusa la production d'avoir dénaturé le film en le remaniant complètement en salle de montage; après cette opération au lieu des trois heures et demie de durée prévue à l'origine, le film n'en faisait plus que la moitié à peine.
Pendant la période de la guerre froide, alors que la "chasse aux sorcières" déclenchée par McCarthy menaçait de mettre au ban de Hollywood tous les auteurs "suspects", Milestone réussit à repousser accusations et calomnies, et put continuer à travailler. Entre 1948 et 1950, il signa une brillante comédie, "No Minor Vices" (1948), puis une autre adaptation de Steinbeck, "Le Poney Rouge" (The Red Poney,1949) qu'il considérait comme une de ses oeuvres les plus personnelles. A noter la présence dans les rôles principaux de Robert Mitchum et Myrna Loy.
Lewis Milestone enchaîna l'année suivante avec "Okinawa" (Halls of Montezuma,1950) avec Richard Widmark dans le rôle principal. Inspiré de la guerre du Pacifique et dans lequel certaines séquences retrouvaient le souffle des premières grandes mises en scène du cinéaste. A propos de ce film, il affirma : "Certaines choses du film me plaisaient, mais au fond ce fut un travail comme les autres, et je n'eus pas réellement l'occasion d'y affirmer mes convictions sur la guerre.
Après avoir mis en scène "La Vie de Jean Valjean" (Les Misérables,1952) d'après l'oeuvre de Victor Hugo, (préférant la version cinématographique des années 30, en trois volets de Raymond Bernard avec Harry Baur, Charles Vanel et Charles Dullin.), la guerre revint au premier plan de ses préoccupations dans deux autres films : "Commando à Rhodes" (They Who Dare,1953) production anglaise et "La Gloire et la Peur" (Pork Chop Hill,1959), ce dernier film, très sous-estimé, illustre avec une ironie tragique l'inulité d'une bataille sanglante menée contre un objectif sans importance durant la guerre de Corée. Voici en quels termes Milestone parla du tournage et des désaccords qui l'opposèrent à Gregory Peck, son interprète principal : "Le film fut entièrement remonté avant la distribution. Je n'étais absolument pas d'accord avec M. Gregory Peck sur le montage qu'il souhaitait retenir, et j'abandonnai alors la partie, le laissant faire ce qu'il voulait. L'inconvénient, c'est que toute la partie chinoise fut enlevée, et qu'en voyant le film on se pose spontanément la question : "Mais contre qui ces gens se battent-ils donc?". Au début du film, j'avais prévu une partie introductive qui décrivait "l'ennemi", mais Peck l'élimina tout net."
"Les Révoltés du Bounty" (Mutiny on the Bounty,1962) avec Marlon Brando et Trevor Howard, fut le dernier film dirigé par Milestone, lequel s'éteignit à Los Angeles le 25 septembre 1980, soit cinq jour avant son 85ème anniversaire. Il était le cousin du violoniste Nathan Milstein.
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