ORANE DEMAZIS, LA PETITE FANNY DE PAGNOL
ORANE DEMAZIS 1904 - 1991
Actrice Française
Orane Demazis vivra éternellement sous l'invocation de Notre-Dame de la Garde. Point marseillaie pourtant, mais oranaise, d'où son prénom de princesse lointaine. Un morceau de Méditérranée sépare Orane de Fanny, l'Algérie de la Porte d'Orient.
Actrice française née le 18 septembre 1904 à Oran en Algérie. Après avoir poursuivit des études secondaires à Alger pour Paris où elle suit les cours du Conservatoire. C'est ainsi qu'elle débute une carrière théâtrale à l'Athénée sous la direction de Charles Dullin.
La future écaillère du Vieux-Port apparaît dans les programmes de "La Volupté de l'honneur" et "Chacun sa vérité", "La Prisonnière", "Jazz" et "Le Secret". Elle quitta Charles Dullin pour les salles de boulevard puis le "Théâtre de Paris où elle rencontre Marcel Pagnol qui venait de quitter la Canebière pour monter à Paris.
La jeune comédienne a trouvé un rôle important, Pagnol l'a remarquée : "Il sort de ses cartons une série de scènes écrites, semble-t'il sur le vif, les insère dans une comédie larmoyante et lance dans le ciel parisien cette nouvelle fusée qui éclate en fleur éblouissante à l'heure où le cinéma devient bavard et où triomphe "Topaze". "Noir&Blanc d'Olivier Barrot et Raymond Chirat -Editions Flammarion).
A la scène, Orane Demazis incarne Fanny dans "Marius" : " La saga du Café de la Marine commence, lourde de senteurs - pastis, épices, cordages, poissons et coquillages. A son inventaire, simple et franche, Fanny aime Marius le fils du cafetier et fait rêver Panisse, commerçant à son aise et veuf qui ne demande qu'â être consolé. Le beau Marius serre de près Fanny, mais il écoute trop l'appel des Sirènes. Un soir, il part vers les horizons sans cesse redécouverts et Fanny n'a plus que les yeux pour pleurer. Pagnol lui confie ce rôle en or à sa jeune interprètre de "Jazz" et tous deux gagnent la partie. On trouve Orane modeste, sage, avec de délicieux mouvements de pudeur, puis des élans enflammés, enfin des plaintes d'oiseau blessé. D'emblée, elle égale dans le succès ses partenaires : Raimu, Charpin, Pierre Fresnay.
Si bien que l'histoire exige une suite - et même des suites - (le dernier volet de la trilogie se fera attendre et sera écrit directement pour l'écran). En 1931, c'est "Fanny" qui remplit la salle du théâtre de Paris. La mignonne attend un bébé - mais Marius est toujours loin. Maître Panisse compatit et offre le mariage, nonobstant la différence d'âge. Elle accepte, le coeur serré, mais comme elle n'a qu'une parole, Panisse peut être tranquille. Bonheur calme et bourgeois que l'arrivée du marin au long cours trouble un peu. Le temps de s'entendre dire quelques vérités et il n'a plus qu'à repartir dans l'émotion générale. "Noir&Blanc d'Olivier Barrot et Raymond Chirat -Editions Flammarion). Les critiques se déchaînent alors contre Pagnol, accusé de conduire l'art cinématographique dans l'impasse du théâtre filmé.
Pierre Brisson avait décortiqué cette pièce dont il n'aimait guère la trame mais appréciait la façon. Il déclara : "Ses fleurs vont aux interprètes et Orane Demazis en a sa part" : "Tout à fait simple et juste, sensible sans excès, et qui ne se force à devenir éloquente qu'à la dernière extrémité lorsque l'auteur l'y oblige d'une façon impérieuse."
Dans l'ouvrage "Noir&Blanc d'Olivier Barrot et Raymond Chirat aux Editions Flammarion on peut lire sur le chapitre consacrée à Orane Demazis "Fanny" : "Peu à peu, au gré d'une prose généreuse qui s'apitoie sur l'enfant, la mère abandonnée et prône les vertus ancestrales, l'actrice prend soin de caresser les phrases et de polir les mots, de réserver un sort à la ponctuation et d'expirer sur les points de suspension. Or, ce qui gêne à la scène, irrite à l'écran.
Entendons-nous. Longtemps, Orane Demazis bénéficiera de l'indulgence laudative des spectateurs. Ainsi à propose de "Marius" filmé en 1931 par Alexander Korda, que pour "Fanny" tourné en 1932 par Marc Allégret et jusque dans l'interminable conclusion de l'aventure : "César" réalisé par Pagnol lui-même en 1937, autres temps, autre moeurs. Alors que la jeune mère attendrissait les spectateurs et les ravissait par ses plaintes, son visage navré, se attitudes étudiées , on considère aujourd'hui d'un oeil sec les mines éplorées qui touchaient autrefois." Ainsi se termine le troisième volet de la Trilogie de Pagnol, on y trouve davantage de séquences en plein air que dans les deux premières parties. Le cinéma venait de dominer le théâtre....!
L'admiration culmine avec les deux adaptations de Jean Giono : "Angèle" et "Regain" (1934-1937). Pagnol à la mise en scène s'enrichit du souffle du romancier. Olivier Barrot et Raymond Chirat écrivirent : "Orane, les traits crispés, la main comprimant la poitrine, vierge déchu et punie, souffre la passion d'Angèle - ou se statufie en Arsule, figure symbolique de "Regain". Fichu noué sous le menton et le cotillon poussièreux, on la voit résignée, poussant la meule de Gédémus, le rémouleur, et psalmodiant aux dernières images son amour pour Panturle. Vibrante, certes. A tous les vents". Serge Veber écrivit à la sortie de "Regain" en parlant d'Orane Demazis : "Il y a de très belles photos mais Madame Orane Demazis est moins facile à photographier que la Provence.
Orane Demazis avait séduit les admirateurs de Victor Hugo en incarnant Eponine des "Misérables" (1933) sûrement la plus belle version des "Misérables" de Ramond Bernard avec Harry Baur dans le rôle de Jean Valjean, Charles Vanel dans celui de Javert, et Charles Dullin en Thénardier.
C'est à nouveau, au côté de Fernandel qu' Orane Demazis su nous émouvoir dans "Le Schpountz" (1938) réalisé par Marcel Pagnol. C'est ainsi que s'achève le dernier tournage entre le metteur en scène provençal et Orane Demazis, la petite Fanny. Après cette séparation avec Pagnol, c'est Marc Didier qui réalisa "Le Moulin dans le soleil" (1938) qui essaya de capter le charme des films provençaux sans pour autant y réussir.
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