JEAN MARAIS, Dix ans déjà !
Acteur français
"Sa beauté, sa noblesse, sa fougue, son humanité sont imbattables." Jean Cocteau
De Jean Marais, le redoutable Charles Spaak a dit que c'était un "très mauvais acteur de théâtre et de cinéma". Quelle surprenante erreur de jugement ! Certes, au début de sa carrière, Jean Marais a connu quelques difficultés pour maîtriser une voix aux inflections enfantines fort déroutante puisqu'elle sortait d'une poitriner d'athlète. Cette voix était l'impression d'une pureté juvénile qui devait faire merveille dans certains rôles de jeune premier. C'est à trente ans, après avoir "trainé" pendant dix ans dans les studios et sur les scènes que Jean Marais rencontra brusquement la célèbrité avec "L'eternel retour" qui fit de lui avec son rpole wagnérien de Tristan une authentique vedette.
Jean Marais n'avait jamais caché la gratitude qu'il doit à Jean Cocteau de qui il fut l'interprète préféré et qui lui assura une solide notoriété. Dans "La belle et la bête", "L'aigle à deux têtes", "Les parents terribles", "Orphée", pour ne citer que les principaux films du poète, furent mises en évidence les qualités marquantes du comédien : beauté du visage, clarté du regard, prestance un peu hautaine, sans oublier une sensibilité voilée d'ironie. Devenu une idole, Jean Marais fut amené à jouer un peu tout, avec des hauts et des bas. Il acquit une nouvelle popularité avec les films de cape et d'épée "Le bossu", "Le capitan", "Le capitaine Fracasse", "Le masque de fer", ou il se dépensait sans compter, accomplissant le plus souvent lui-même les prouesses des cascades. Jean Marais est maintenant un solitaire paradoxalement sociable et affectueux. Charles Ford
___________________________________
C'est la rencontre avec Jean Cocteau qui devient son pygmalion, son amant, son mentor et lui ouvre les portes de sa destinée. Jean Marais fut le prince charmant du cinéma français. Apollon au regard clair, voix rauque et juvénile, d'une simplicité naturelle, il aborde divers registres, de la transposition d'un Tristan moderne dans "L'eternel retour" au masque du fauve tendre et cruel dans "La belle et la bête". On peut citer aussi "L'aigle à deux têtes" , sa partenaire et amie Edwige Feuillère nous quitta quelques jours à peine, après le décès de Jeannot (Jean Marais).
Il est le poète amoureux de la mort qui traverse les miroirs, dans "Orphée". Il entame dans la seconde partie de sa carrière cinématographique, les films de cape et d'épée, on se souviendra particulièrement "Le bossu", "Le capitan", mais aussi "Le miracle des loups" avec la complicité du cinéaste André Hunebelle, avec qui, il tournera aussi la série des "Fantomas" aux côtés de Louis de Funèsigle à deux têtes", il aura su nous émouvoir avec son insouciance joyeuse.
Jean Marais de son vrai nom Jean Alfred Villain-Marais est né le 11 décembre 1913 (à 13 heures) à Cherbourg. Il décède le 8 novembre 1998 à Cannes. Quand ses parents se séparent, Jean a quatre ans, il part avec sa mère et son frère Henri habiter Le Vésinet, dans la banlieue parisienne. Il est renvoyé successivement de plusieurs lycées, pour " turbulence et distraction". Dès son enfance, il sait ce qu'il veut faire dans la vie : dessiner et jouer la comédie. Dès 1932, il est appelé à effectuer son service militaire à Versailles. Après son service militaire, il fit divers petits métiers : retoucheur de photographie, cady de Golf. Il se présente chez Marcel l'Herbier, pour essayer d'obtenir un rôle au cinéma. Marcel l'Herbier l'aide en lui achetant un de ses tableaux à l'exposition des Indépendants, et lui fait faire un essai (avec Ève Francis) pour "ÉTIENNE" (1933) de Jean Tarride, d'après Jacques Deval. L'essai est un échec, mais Jean Marais y fait cependant de la figuration. Il se présente au Conservatoire, mais est refusé au concours d'entrée. Il décide donc de suivre les cours de Charles Dullin, en faisant de la figuration dans son théâtre, (un petit rôle dans "Jules César") et ainsi payer ses cours et par la même occasion, il découvre les grands classiques. Marcel l'Herbier lui procure également des petits rôles dans ses films "L'ÉPERVIER" en 1933, "LE SCANDALE" (1934) et "L'AVENTURIER" (1934).
Sa grande chance c'est, en 1937, de faire la connaissance de Jean Cocteau. Il gagne (mal) sa vie chez Dullin, où il fait surtout les hallebardiers (jusqu'à quatre dans la même soirée). Une amie lui fait faire un essai pour " Œdipe-Roi ", de Cocteau, au théâtre. Essai concluant, même si c'est finalement Michel Vitold qui joue le rôle principal. Jean Marais sera le chœur, et Malcolm dans " Macbeth ", monté simultanément. Puis Cocteau lui propose de créer " Les chevaliers de la table ronde " à la place de Jean-Pierre Aumont, retenu par un film. C'est le succès.
Cocteau donna naissance à la pièce " Les parents terribles ", ce fut un énorme succès au point que cela se jouait à guichets fermés. L'hôtel de Ville consacra sa séance du 20 décembre 1938 à la mise en accusation de la pièce au nom de la morale publique. Les censeurs parlaient d'inceste entre la mère et le fils. Une première tentative de " cinématographier " cette pièce échoue en 1939, puis c'est la mobilisation. Jean Marais découvre son futur chien Moulouk dans la forêt de Compiègne en 1940, ce fut le "coup de foudre". A sa démobilisation Marais rejoignit Cocteau à Perpignan
Les vrais débuts de Jean Marais au cinéma, dans un grand rôle, seront pour 1941 "LE PAVILLON BRULE", de Jacques de Baroncelli,ce ne fut pas un grand succès en dépit d'une distribution impréssionnante :Jean Marchat, Bernard Blier, Pierre Renoir, Marcel Herrand,Michèle Alfa et Elina Labourdette après l'échec de plusieurs projets importants, dont certains avec Marcel Camé, avec qui Jean Marais ne tournera finalement jamais.Jean Marais poursuit au cinéma avec "Le lit à colonnes" (1942) de Roland Tual, d'après le roman de Louise de Vilmorin aux côtés de Michèle Alfa, Fernand Ledoux, Odette Joyeux et Pierre Larquey. A cette même période, Charles Dullin proposa à Marais de tenir le rôle de Cléante dans "L'Avare, puis toujours au théâtre dans "Les Amants de Galice".
Puis il enchaîne avec un nouveau film, "CARMEN" dirigeait par le cinéaste Christian-Jaque avec Viviane Romance.La naissance de cette CARMEN, tournée durant la guerre, connut de nombreux aléas. Les autorités allemandes, furieuses d'apprendre cette co-production avec l'Italie fasciste, bloquèrent l'équipe à Nice en lui refusant les visas pour l'Italie. Ensuite, le tournage du film ne dura pas moins de neuf mois dans les studios romains, où André Paulvé, le producteur, fit venir un peintre espagnol pour rendre les décors authentiques. Des plans d'ensemble furent aussi tournés en Espagne et des extérieurs... dans les Abruzzes ! La première du film eut lieu au "Normandie", à Paris, le 8 août 1944, tandis que les convois militaires allemands quittaient précipitamment la capitale... Marais connaîtra ses premières cascades...
La grande consécration au cinéma, Jean Marais la devra encore à Jean Cocteau qui ecrivit le scénario et, pour qui en 1943, Delannoy filmera "L'ÉTERNEL RETOUR" avec Madeleine Sologne.Il s'agissait de l'adaptation moderne de "Tristan et Iseult". Le tournage eu lieu aux Studios de la Victorine. Le film fut un triomphe,et très important dans la carrière de Jean Marais, qui sera, parait-il le premier Fan-Club en France avec son pull-over jacquard et sa coupe de cheveu. Il s'agit sûrement du plus beau film de Jean Delannoy, très poétique, sans oublier la partition musicale de Georges Auric.
Peu après "L'eternel retour", Marais fut dirigé à nouveau par Christian-Jaque dans "VOYAGE SANS ESPOIR", d'après le roman de Pierre Marc Orlan, aux côtés de Simone Renant, Louis Salou et Lucien Coedel. Après un an de préparatifs, Jean Cocteau tourna "LA BELLE ET LA BETE" , l'oeuvre de Madame Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Le début du tournage fut reporté en août 1945, le film vit le jour à Paris le 29 octobre 1946 et sera considéré comme un film mythique. Outre l'interprétation exceptionnelle de Jean Marais dans un triple rôle, celui d'Avenant, de la Bête et du prince charmant, il y eut aussi Josette Day (la Belle), Marcel André, Mila Parély et Michel Auclair. Ce film renforca la popularité de Jean Marais.
Le film fut présenté au Festival de Cannes 1946 et fit partie de la selection française. Il obtint le Prix Louis Delluc.Dans son livre "Histoires de ma vie", Jean Marais déclare : "Le maquillage durait cinq heures. Trois pour le visage, une pour chaque main. Il était fait comme une perruque, chaque poil monté sur tulle, en trois parties que l'on collait. Certaines de mes dents étaient recouvertes de vernis noir afin de paraître pointues; les canines étaient pourvus de crocs tenus par des crochets d'or. C'est Pontet, un grand perruquier qui confectionna le masque. Je lui donnai pour exemple le pelage de mon chien Moulouk. Remarquez, lui dis-je, combien la nature diversifie les coloris du poil. Pontet comprit parfaitement. Il fit un travail extraordinaire, et mon masque prit une tournure tragiquement réelle. Le parc et le château de Raray, près de Senlis, servirent de décors naturels pour le château de la Bête
Jean Marais -Jean Cocteau "Pendant le tournage"
Jean Marais -Jean Cocteau -Josette Day -Michel Auclair
Il enchaîne dans le rôle du marquis de Montauran dans "LES CHOUANS" (1946) d'Henri Calef, d'après Balzac. Puis ce fut, "RUY BLAS" (1947) de Pierre Billon, d'après Victor Hugo dan ce film, Danielle Darrieux lui donne la réplique. Dans " Histoires de ma vie " (Éditions Ramsay), Jean Marais raconta quelques-unes des périlleuses cascades qu'il tint à effectuer luimême durant le tournage : traverser un vitrail suspendu à un lustre, monter à cheval sans étriers et, surtout, descendre à la nage un torrent. Le pompier engagé pour lui servir de doublure pendant les répétitions refusa de plonger dans les eaux furieuses et il fut alors décidé de tourner avec Marais. Celui-ci, roulé par les flots, se retrouva coincé dans un trou de rocher, pieds en l'air, tête en bas. Évidemment, la caméra l'avait perdu et l'acteur dut faire appel à ses réserves d'énergie pour sortir du piège liquide agrippé à une corde lancée par des techniciens. Et il fallut recommencer la scène trois fois !....
Jean Marais tourne deux films successifs avec Jean Cocteau : "L'AIGLE A DEUX TETES" qui avait été un gros succès théâtral, Jean Cocteau poursuivait la mise en film de sa pièce. Pour restituer la splendeur baroque des châteaux autrichiens ou bavarois, il demanda au décorateur Christian Bérard d'assumer la direction artistique de l'œuvre. Lui, Cocteau, voulait "se promener, invisible, sur la scène, et saisir les innombrables aspects, nuances, violences et regards qui échappent au spectateur, incapable de les suivre en détail, d'un fauteuil d'orchestre". Cocteau soulignait que sa pièce n'est pas de l'histoire, toutefois le personnage créé par Edwige Feuillère s'inspire largement de l'impératrice Elisabeth, souveraine presque mythique, comme l'affectionnait l'auteur de L'AIGLE A DEUX TETES. A signaler dans un tout petit rôle, tourné par amitié, la présence extraordinaire de la grande artiste que fut Yvonne de Bray. Produit par Alexandre Mnouchkine "L'aigle à deux têtes" avait la même distribution qu'au théâtre.
Puis "LES PARENTS TERRIBLES" en 1948, Jean Marais déclara que le film qui l'a comblé fut celui-ci.Il retrouva trois ans plus tard,sa partenaire de "La belle et la bête, Josette Day. Écrite par Jean Cocteau en 1938 pour son protégé Jean Marais, la pièce s'intitula primitivement - dans l'esprit de son auteur - "La Roulotte" puis "La Maison des Portes". C'est Roger Capgras, alors directeur du Théâtre des Ambassadeurs qui suggéra a Cocteau d'appeler cette œuvre "Les Parents terribles". La pièce fut créée le 14 novembre 1938 aux Ambassadeurs : elle fit scandale et fut un triomphe. Jean Marais s'est souvenu dans ses mémoires de cette époque : "Il (Cocteau) écrivit huit jours et huit nuits de suite, sans rature, presque sans repos. Et la pièce fut terminée". Le directeur de la photo Michel Kelber a fait, sous les directives de Cocteau, un travail admirable. "Il m'a donné le trou de serrure par lequel j'observe la famille des portes qui claquent. Mais ce trou de serrure est celui où l'enfance colle son œil et déforme le monde à son usage." (J. Cocteau). Les autres interprètes de ce film sont Marcel Vallée,Gabrielle Dorziat et Yvonne De Bray.
Suivront deux films sous la direction de Jean Delannoy, "AUX YEUX DU SOUVENIR" (1948) avec Michèle Morgan et "LE SECRET DE MAYERLING" (1949) avec Dominique Blanchar (fille de Pierre Blanchar) et Jean Debucourt. Le cinéaste défendait la thèse de l'assassinat de Rodolphe et Marie Vetsera.
"Aux yeux du souvenir" fut sélectionné au Festival de Venise 1949 et obtint la " Victoire " du meilleur film français de 1948 et connut un franc succès. " Nous sommes partis du fait divers réel : l'incident de vol survenu en 1947 sur la ligne atlantique entre les Açores et Dakar, au cours duquel le commandant de bord Lechevalier et son équipage ont sauvé leur avion en perdition. (..) Les faits réels étaient vraiment extraordinaires. Par exemple, le D.C. 6 transportait peu de passagers mais un fret énorme : des traités de paix destinés à toutes les ambassades d'Europe... Lechevalier aurait pu larguer tout cela pour s'alléger avant l'atterrissage en catastrophe à Dakar. Il a préféré vider les réservoirs. (..) Lechevalier a été fait officier de la Légion d'Honneur et le mécanicien chevalier. " (" Jean Delannoy ", Éd Dujarric, 1985).
"Moulouk" le chien de Jean Marais s'en alla le 28 octobre 1949. En 1950, c'est "ORPHÉE", sans doute le chef d'œuvre de Cocteau. La pièce d'origine est cette fois complètement remaniée en fonction des exigences de l'écran. Le film parvient à captiver le spectateur tout en étant bâti sur cetet complexe dissertation métaphysique. On subit un véritable enchantement, au sens propre du terme, un enchantement qui aurait fait les beaux temps du cinéma muet à la Méliès.Tout au long de sa vie, les thèmes de la légende d'Orphée hantèrent l'œuvre de Cocteau. Sous forme d'une pièce d'abord écrite en 1925, bien plus tard dans "LE TESTAMENT D'ORPHÉE", enfin et surtout avec ce film primé à la Biennale de Venise ("Prix de la Critique Internationale") où, à côté d'idées chères à l'écrivain, notamment celle que le poète doit mourir plusieurs fois pour naître, on assiste au rajeunissement inspiré de la fable antique. L'ange Heurtebise est ici devenu chauffeur mais les miroirs entretiennent toujours l'idée de la mort qui se rapproche puisque, en eux on se voit vieillir. Les références au SANG DU POÈTE sont nombreuses. Comme l'a dit l'auteur : "C'est toute ma vie que j'ai mise là-dedans."
François Périer
Il retrouve sa partenaire Michèle Morgan avec qui, il forme le couple idéal du cinéma français dans "LE CHATEAU DE VERRE" (1950) de René Clément. Le film fut très bien accueilli par la critique, Le château de verre" dérouta le public : "Clément construisit son dénouement en insérant un fragment de futur dans le présent - Michèle Morgan fait avancer la montre de Jean Marais - A ce moment, l'auteur désamorce tout suspense, intercale l'épisode de l'accident d'avion dans lequel elle trouvera la mort et qui, chronologiquement et logiquement, prend sa place à la fin du film. La légende veut que la paresse du public et la veulerie des producteurs aient contraint Clément à modifier son film. L'accident fut d'abord présenté une seconde fois à la fin, puis on supprima tout bonnement la première apparition. " (Gilles Jacob, " Le Cinéma moderne ", éditions Serdoc).
Dans "Les lettres françaises", Georges Sadoul écrivit ("Les Miracles n'ont lieu qu'une fois" (1951) est le contraire d'un film noir. Le destin qui sépare les amants, loin de toute métaphysique, est bien concret : d'une réalité tragique, la guerre...Dès lors, la tragédie de ce couple nous touche profondément". Le film ne fut pourtant qu'un demi-succès. Les extérieurs du film furent tournés à Florence, Rome et San Gimignano, dans la Province de la Sienne.
Quelques mois plus tard, Jean Marais rejoignit Yves Allégret qui réalisa "NEZ DE CUIR", d'après le roman de Jean de la Varende, avec Françoise Christophe et Jean Debucourt dans les principaux rôles. Jean Marais fait une apparition dans le comédie de Gilles Grangier "L'amour madame". Puis se joint au mythique cinéaste allemand Georg W. Pabst qui l'a sollicité pour le tournage de "La maison du silence" en 1952 aux côtés de Daniel Gélin et Franck Villard dans un film à sketches. Ce film n'aura pas le même impact que ses précèdentes oeuvres...
Après 1950, Jean Marais va donner au public l'image d'un jeune premier sportif, sachant manier l'épée et monter à cheval. Il est volontiers cascadeur, et a la réputation de ne jamais se faire doubler pour les scènes dangereuses
Marais enchaîne avec "Les Amants de minuit" (1952) de Roger Richebé avec Dany Robin, puis avec Henri Decoin, ce fut "DORTOIR DES GRANDES" (1953), il donna la réplique à Françoise Arnoul, Denise Grey, Jeanne Moreau et Louis De Funès (son partenaire avec qui, il tournera une décennie plus tard, le début de la série "Fantomas".Drame policier, réalisé avec un sens parfait du rythme, "DORTOIR DES GRANDES" est le vingt-sixième film d’Henri Decoin et l’une des nombreuses adaptations à l’écran d’un roman du Belge Stanislas-André Steeman. Jean Marais retrouve Jeanne Moreau dans "JULIETTA" (1953) de Marc Allégret, d'après le roman de Louise de Vilmorin, Dany Robin fait-elle aussi partie de la distribution. Marais refusa de tourner le film tel que celui-ci était présenté, trouvant que toute la partie humoristique du film avait été retiré, purement et simplement, ce qui décida le cinéaste Allégret à revoir la totalité du scénario avec un débutant nommé Roger Vadim.
Jean Marais et Denise Grey
Louis de Funès
On le voit aussi dans "LE GUERISSEUR" (1954) d'Yves Ciampi, consacré à la médecine empirique et aux thaumaturges, présente le docteur Laurent comme l'antithèse exacte du chirurgien. Aux côtés de Jean Marais, Danielle Delorme, Maurice Ronet et Pierre Mondy. Il apparait également dans le rôle de Louis XV dans "SI VERSAILLES M'ETAIT CONTE" (1953) de Sacha Guitry, avec une pléiade de vedettes, il aura le privilége de particper à deux autres films du maître Guitry : "NAPOLEON" (1954) et "SI PARIS NOUS ETAIT CONTE" (1955) dans le rôle de François 1er.
Il sera Edmond Dantès, l'illustre personnage célèbre de la littérature populaire: dans "LE COMTE DE MONTE-CRISTO" (1953) est le remake, après beaucoup d'autres adaptations d'Alexandre Dumas du film de Robert Vernay tourné en 1942 avec Pierre-Richard Wilm, le cinéaste récidiva avec Jean Marais dans un film en deux époques, en couleur. Au même moment, il répèta le soir au théâtre de la Rue Pigalle, "La machine infernale" ou il fut interpréte et metteur en scène. Il y eut plus de cent représentations dont Marais interrompu pour cause de tournage dans "FUTURES VEDETTES" (1955) de Marc Allégret avec Brigitte Bardot, Pascale Audret et Mylène Demangeot. La disparition de la comédienne Yvonne de Bray affecta le moral de Jean Marais qui fut anéanti par la terrible nouvelle, au début de l'année 1954.
Après un voyage aux Etats-Unis,Jean Marais revint en France, au chevet de Cocteau, après son infarctus du myocarde. L'acteur consacra toute l'année 1955, au cinéma. Tout d'abord "GOUBBIAH" en Yougoslavie, il incarna un pêcheur d'éponges en quête de l'amour, puis "Toute la ville accuse" de Claude Boissol (un ecrivain bienfaiteur trouve un sac rempli de billets de banque devant sa porte...), le film fut bien accueillit et l'acteur retrouva à nouveau Claude Boissol en 1958, pour tourner "Chaque jour a son secret", aux côtés de Danièle Delorme et Françoise Fabian.
Unique collaboration de Jean Renoir avec Jean Marais, dans "ELENA ET LES HOMMES"(1955) avec Ingrid Bergman, Mel Ferrer, Dora Doll, Pierre Bertin et Magali Noel. Jean Marais déclara avoir conservé un souvenir mitigé du tournage, ainsi que de son prestigieux metteur en scène.
Entièrement tournée à Nagasaki avec des techniciens japonais, ce fut la première coproduction franco-japonaise avec "TYPHON SUR NAGASAKI" (1956) mise en scène par Yves Ciampi, et Danielle Darrieux donna la réplique à Jean Marais, il ne s'était pas retrouvé depuis "Ruy Blas".
Documentariste renommé grâce à "FARREBIQUE" (1947) long métrage sur la paysannerie française, Georges Rouquier a réalisé ce film de fiction "S.O.S. NORONHA" (1957). Ce film apporte un beau rôle à Jean Marais.Frédéric Coulibaud, pionnier de l'aéropostale et toujours radio-naviguant sur les lignes d'Air France au moment du tournage, a vécu cette histoire racontée par Pierre Viré dans sa nouvelle, adaptée par Rouquier avec un évident souci de réalisme documentaire. C'est ainsi que la station de Noronha fut reconstituée en Corse par le décorateur Eugène Pierrac d'après les souvenirs et les plans de ceux qui l'avaient édifiée ou connue à l'époque.
Dans un "AMOUR DE POCHE" (1957), premier long métrage de Pierre Kast est l’adaptation de la nouvelle “Diminishing Draft” écrite dans les années 20 par un pionnier de la littérature américaine de science-fiction, Waldemar Kaempfert, chroniqueur scientifique d’un grand quotidien. Sur un scénario de France Roche.Outre Jean-Pierre Melville, plusieurs cinéastes amis de Kast font une apparition dans le film : Alexandre Astruc, Christian-Jaque, Léo Joannon, Alex Joffé, André Michel et Victor Vicas. Boris Vian y figure aussi, en directeur d’un établissement de bains où Jérôme/Jean Marais espère, en vain, ressusciter Monette/Agnès Laurent.
S.O.S. NORONHA" (1957) de Georges Rouquier
Marais interpréte un héros de la littérature dans "LA TOUR PRENDS GARDE !" (1957) de Georges Lampin, aux côtés de l'actrice Eleonora Rossi-Drago, (disparue récemment), d'après Alexandre Dumas, ce fut un film à gros budget.
Il participe également au film testamentaire de Sacha Guitry dans "LA VIE A DEUX", son rôle ne fut point, le plus intéressant dans ce film à sketches, il interpréta un séducteur illusionniste qui séduit Lili Palmer.
Jean Marais accepta le rôle proposé par le genie qu'était Luchino Visconti dans "LES NUITS BLANCHES" (1958), Marcello Mastroianni et Maria Schelle étaient les deux principaux interprètes du film.En dépit de la controverse suscitée par les partis pris esthétiques et narratifs de Visconti, LES NUITS BLANCHES atteignit les buts de ses auteurs. En fonction de son coût relativement modeste (en prenant en considération le fait que le décor de tout un quartier fut construit) et du Lion d'Argent dont il fut gratifié à la 18e Mostra de Venise, le film prouva aux producteurs que Visconti était une valeur sûre. Quant à Mastroianni, il obtint le Ruban d'Argent (l'Oscar italien) du meilleur acteur, de même que Rota, Chiari et Garbuglia reçurent respectivement, celui de la meilleure musique et de la meilleure direction artistique. (Visconti qui le dirigea sur scène dans "Deux sur une balançoire", avec Annie Girardot)
Quelques temps avant le tournage du film de Jean Cocteau, "LE TESTAMENT D'ORPHEE" (1960), Jean Marais fit une tentative de suicide, lié à sa séparation avec le danseur George Reich, qui lui même était amoureux d'un autre homme...Cocteau soucieux de la vie désespérée de Jean, lui proposa de jouer dans son film pour oublier sa mésaventure...Cependant des difficultés financières obligea le premier assistant du film, Claude Pinoteau à trouver l'aide financière auprès de divers artistes qui ont contribués au tournage du film, certains d'entre eux, ont même participé au tournage du film, tels que Nicole Courcel, Maria Casarès, Yul Brynner, François Périer, Daniel Gélin et bien sûr Jean Marais, sans oublier François Truffaut, Alain Resnais, et François Reichenbach. Jean Marais considéra ce film comme l'un des meilleurs films du poète. Il déclara : "C'est sans doute le film de Jean Cocteau que je préfère parce qu'il est unique dans l'histoire du cinéma."
Cette somme poétique ce testament farci de clés où brille l'étoile de Jean Cocteau fut la dernière réalisation cinématographique de l'auteur qui, trente ans durant, avait joué avec la caméra comme avec un jouet merveilleux. L'interprétation en est étonnante puisqu'aux noms énumérés au générique il faut ajouter ceux, prestigieux à divers titres, de quelques-uns de ses amis : Pablo Picasso, Luis-Miguel Dominguin, Lucia Bose, Serge Lifar, Me Henri Torrès et Charles Aznavour : Alice Sapritch figure une gitane et Madame Weisweiller la dame à l'ombrelle. Enfin Jean Cocteau a trouvé là le rôle de sa vie, lui dont on entendait souvent la voix mais qui n'avait fait que de fugitives apparitions...
Abel Gance attendit plus de trente ans pour pouvoir donner un complément à son chef d'oeuvre "Napoléon" du temps du muet pour donner naissance en 1960 d'"AUSTERLITZ" avec une pléiade de vedettes de l'époque, dont Pierre Mondy (Napoléon 1er), Martine Carol, Jean Marais (Carnot), Georges Marchal, Vittorio de Sica, Michel Simon, Orson Welles, Elvire Popesco, Jack Palance, Leslie Caron, Claudia Cardinale et Jean-Louis Trintignant....
En 1959, Jean Marais interprèta "LE BOSSU" réalisé par André Hunebelle, fut un énorme succès, il fut préparé pour le centenaire du célèbre roman de Paul Féval, restitue la flamme et la droiture généreuse du chevalier de Lagardère auquel Jean Marais confère son charme et la popularité que lui a conquise son intrépidité de "premier cascadeur de France". Sa composition dans la seconde partie demeure légendaire et l'association avec Bourvil se reproduira l'année suivante, avec "LE CAPITAN" (1960), toujours sous la houlette de Hunebelle, aux côtés du tandem Marais-Bourvil, Elsa Martinelli, Pierrette Bruno et Lise Delamare. Marais devait executer une cascade plus périlleuse que dans ses autres films de cape et d'épée, il devait escalader les hautes murailles du château de Val, en prenant appuis sur des poignards qu'il devait glisser dans les interstices des pierres... Marais apprécia la présence de son ami Bourvil, il éprouva une grande peine au décès prématuré de celui qui était devenu son ami au bout de deux films ensemble...
En 1961, Marais tourna une nouvelle version du "CAPITAINE FRACASSE" réalisé par Pierre Gaspard-Huit, avec Louis De Funès, Géneviève Grad, Gérard Barray, Philippe Noiret et Jean Rochefort, le film connaîtra un énorme succès populaire.
Louis de Funès et Philippe Noiret
Puis il joua le rôle du Prince de Clèves dans "LA PRINCESSE DE CLEVES" (1961)Delannoy et Cocteau avaient eu l'idée d'adapter le roman de Madame de La Fayette en 1944 immédiatement après la fin du tournage de L ÉTERNEL RETOUR. Ils avaient alors pensé confier à Jean Marais le rôle de Nemours et à Danielle Darrieux et Alain Cuny ceux des Clèves " Mais la fin de la guerre est arrivée et, avec elle, les jeeps et les films américains. Plus question de " Princesse de Clèves". Dix-sept ans après. à l'époque des blousons noirs, (...) au moment où intervenait la Nouvelle Vague dans un réalisme bien opposé, j'ai pensé qu'il y avait place aussi pour mon film. Je voulais faire une recherche picturale, absolument nécessaire aux sentiments exprimés, à la fois subtils et extraordinairement guindés, chez ces personnages engoncés dans leurs fraises espagnole (" Jean Delannoy ", Editions Dujarric 1985).
Jean Cocteau, pendant le tournage du film
Après avoir achevé le tournage de "PONCE PILATE" en Italie en 1961, sous la direction d'Irving Rapper et Gian Paolo Callegari, aux côtés de Jeanne Crain et Basil Rathbone, il retrouva le chemin des ses exploits dans un film de cape et d'épée : "LE MIRACLE DES LOUPS" (1961) dirigé par André Hunebelle. Il y retrouva Jean-Louis Barrault, qu'il connaissait depuis la Comédie Française avec à ses côtés Charles Dullin. Ce film comportait de nombreuses acrobaties, au point que Jean-Louis Barrault, qui interprétait le rôle de Louis XI, s'étonna un jour de voir Marais passer par une porte, il rétorqua "Mon Dieu ! moi qui t'attendais par la fenêtre !".
Cette même année, Marais joua le rôle du général Montholon dans "Napoléon II l'Aiglon" de Claude Boissol avec Bernard Verley dans le rôle de l'Aiglon. Il devait jouer auprès d'Alain Delon dans une nouvelle version de Marco Polo, qui n'eut jamais lieu...En 1962, Jean Marais tourna "LE MASQUE DE FER" réalisé par Henri Decoin avec Sylvia Koscina, Gisèle Pascal et Claudine Auger. Puis il enchaîna aussitôt avec le cinéaste Andre Hunebelle, à nouveau, avec la dixième adaptation des " MYSTERES DE PARIS" du roman d'Eugène Sue, avec une brillante distribution : Pierre Mondy, Dany Robin, Raymond Pellegrin , Georges Chamarat et Noel Roquevert. Le film d'Hunnebelle fut l'un des moins réussi de tous ceux tournés avec Jean Marais.
Cocteau fatigué, usé et frappé d'un deuxième infarctus du myocarde, pendant que Jean Marais continuait de tourner "L'honorable Stanislas" (1963) de Jean-Charles Dudrumet avec Géneviève Page. Marais accourrut au chevet de son ami Cocteau, Marais savait (par des amis) que le poète avait repris de l'opium et s'était remis à fumer. Il se remis doucement du mal être de son "coeur". Le poète s'installa dans la maison de Jean Marais à Marnes.
Jean Cocteau apprend le décès de son amie Edith Piaf, le 10 octobre 1963, lui-même s'éteindra, le lendemain des suites d'un oedème pulmonaire d'origine cardiaque. A l'annonce du décès, Jean Marais se précipita devant la dépouille de son tendre ami, qui était étendu devant la glace de la grande armoire du salon. Marais sanglota...
André Hunebelle lui proposa d'interpréter "FANTOMAS" (1964), d'après l'oeuvre de Pierre Souvestre et Marcel Allain, aux côtés de Jean Marais, Louis De Funès et Mylène Demangeot. Ce fut Jean Cocteau qui lui demanda d'accepter ce rôle, lui-même adoré la littérature populaire... André Hunebelle venait de signer des films d'espionnage et d'aventures inspirés de Jean Bruce quand, après Louis Feuillade, Edward Sedgwick, Paul Fejos, Jean Sacha et Robert Vernay, il tourna sa version de Fantômas. Ce qui en orienta le ton et celui de ses deux suites: "FANTÔMAS SE DÉCHAINE" (1965) et "FANTÔMAS CONTRE SCOTLAND YARD" (1966), dans un registre proche, auquel concourra l'image de Jean Marais à l'époque vedette de films de ce genre. La présence de Louis de Funès, lequel venait de tourner "Le gendarme de Saint-Tropez "qui allait faire de lui une vedette, fit glisser l'intérêt sur Juve, Fantômas devenant secondaire. Le courant ne passait pas entre les deux grands acteurs...
Cette même année, Marais tourna un film peu intéressant "Patate" de Robert Thomas, adapté d'une pièce de Marcel Achard, Danielle Darrieux, Pierre Dux, Sylvie Vartan et Noel Roquevert. Il fut aussi le récitant de "THOMAS L'IMPOSTEUR" (1964), film tiré du roman de Jean Cocteau et réalisé par Georges Franju. Et pour clôturer l'année 1964, Christian-Jaque proposa à Marais de venir se joindre à lui pour une aventure en Côte d'Ivoire dans "Le gentleman de Cocody"
Jean Marais fut Chevalier de la Légion d'honneur et accepta de tourner la suite de "L'honorable Stanislas, agent secret" à nouveau réalisé par Jean-Charles Dudrumet, ce fut "Pleins feux sur Stanislas", tourné en 1965, et Nadja Tiller remplaca Géneviève Page. Un tragique accident survint pendant le tournage du film "Le Saint prend l'affût" de Christian-Jaque, tourné à Epinay avec Jean Yanne, Dario Moreno, Henri Virlojeux. Le cascadeur Gil Delamare se tue sur l'autoroute du Nord,le 31 mai 1965, en faisant plusieurs tonneaux. Marais fut très affecté...et un film endeuillé...
__________voir 2ème partie____________