DIANE KEATON            1946 - 2025

DÉCÈS D'UNE ACTRICE D'EXCELLENCE 

Ce samedi 11 octobre 2025, on venait d'apprendre le décès de l'actrice américaine Diane Keaton à l'âge de 79 ans en Californie. Une grande actrice de sa génération. Jamais mariée, mère de deux enfants adoptifs, elle s'était exprimé sur sa vie privée, et avait déclaré n'avoir aucun regret y compris dans sa vie personnelle. "Je crois que je suis l'une des rares femmes célibataires de mon âge à avoir fait des films sans être mariée, peut-être que je suis une anomalie? avait plaisanté l'actrice qui a eu de longues histoires d'amour avec Warren Beatty et Al Pacino.

 

Un véritable talent derrière ce charme à fossettes toujours légèrement maniéré. Le fait que nous soyons des milliers à tombé plus ou moins amoureux d'elle rend la question plus piquante. Dès le début, son destin est lié à celui de Woody Allen : la version au théâtre de "Tombe les filles et tais-toi" (Play It Again Sam,1970), avait été - après une courte interruption pour tenir le principal rôle féminin de "Hair" - son premier rôle important au théâtre. Dans la version filmée (1972), elle est délicieuse. Assez jolie pour ne pas créer un personnage misérable, aimant dramatiser et séduisant comme celui joué par Woody Allen, elle finit par succomber d'une manière tendre et touchante.

 

De son vrai nom Diane Hall, Diane Keaton est née le 5 janvier 1946 à Los Angeles, d'un père ingénieur reconverti dans l'immobilier et d'une mère libraire. Pendant ses études, la jeune fille participe à toutes les représentations théâtrales de son collège sans toutefois envisager de faire du métier de comédien sa profession. Affligée d'énormes complexes, ces expériences lui servent plutôt à s'en libérer. Cependant, l'un de ses professeurs suggère à sa famille de la pousser dans cette voie. Grâce à son diplôme d'Art Dramatique obtenu à l'Université de Santa Ana, elle obtient une bourse et gagne New York afin de suivre les cours du Neighbourhood Playhouse. Nous sommes en 1967, à l'aube de la révolution sexuelle et c'est justement dans "Hair", comme indiqué ci-dessus, qu'elle est engagée comme simple doublure. Au bout d'un an, elle remplace Lynn Kellogg, mais refuse de se dévêtir dans la scène finale, ce qui attire l'attention sur elle et lui vaut quelques articles de journaux.

 

En 1969, sa rencontre avec Woody Allen sera déterminante. Leurs noms respectifs seront longtemps indissociables, formant un couple dans la vie et à l'écran.  Mais avant leur première collaboration, Diane Keaton avait tourné son premier film pour le cinéma "Le Parrain" (The Godfather,1972) de Francis Ford Coppola, dans lequel elle incarne l'épouse de Al Pacino, lui offre son premier rôle dramatique qu'elle juge pourtant sévèrement : "Pacino était superbe, De Niro était superbe, dit-elle. Moi, j'était de la musique d'accompagnement." C'est à partir de là, que la comédienne se rapproche de Allen pour tourner la version cinématographique de "Tombe les filles et tais-toi", réalisé par Herbert Ross. A cette même période, elle apparaît à la télévision dans "Love American Style", "The F.B.I." et "Mannix". Deux autres films tournés avec Allen lui ouvrent des voies très différentes. Dans "Woody et les robots" (Sleeper,1973), projetée dans le XXII e siècle, elle est une hôtesse intellectuelle et littéraire que l'on rencontre de temps en temps, si ce n'est dans la vie, au moins dans des cauchemars : elle se met merveilleusement en avant et Allen met le doigt sur son étourderie. Elle incarne une autre femme dans "Guerre et Amour" (Love And Death,1975) : une comtesse russe, dans la  Russie du XIX e siècle, qui sait utiliser son pouvoir de séduction. Le film à un côté amateur, mais l'actrice brille par un jeu d'une méchanceté malicieuse et tendre.

 

Puis c'est "Annie Hall" (1977) de Woody Allen, obtient l'un de ses plus gros succès, placé sous le double signe du rire et de l'émotion. "Annie Hall", comme les films précédents de Allen, met en scène les mêmes personnages, anti-héros, inadaptés, toujours perdants sur tous les points parce que trop sensibles. Ce film apparaît comme le plus personnel et le plus autobiographique. Histoire à peine déguisée de son idylle et de sa rupture avec Woody Allen, qui lui vaut l'Oscar de la meilleure actrice à Hollywood. Le succès du film n'a pas eu des effets seulement positifs. La tenue de Diane Keaton -foulard et chapeau de feutre, veste en toile et pantalons trop larges, sans parler du sac en bandoulière - était en son temps, merveilleusement originale. Pourtant, cette mode qui eut un règne bref, mais indiscuté, fut supplantée, à la fin des années 70, par un retour à l'élégance. Ce qui rendit le personnage dépassé.

 

La candeur est le problème de ce rôle car il est possible d'être très complaisant. Sa vulnérabilité lui permettait de donner le meilleur d'elle-même. Il est excusable de préférer le personnage ironique et calme, aux cheveux raides de "Tombe les filles et tait-toi" à l'étudiante libérée aux cheveux frisés qui gratte maintenant la guitare. Est-ce la vraie Diane Keaton? Ou jouait-elle un rôle ? En y réfléchissant bien et à contre-cœur on peut, au risque de se tromper, opter pour la première hypothèse. Et puis, le talent de Diane Keaton, actrice, n'a pas été totalement utilisé dans ce rôle: en effet, presque en même temps, elle apparaissait dans un personnage diamétralement différent : un professeur d'école primaire catholique tourmenté à la recherche d'aventures sexuelles dans le mélodrame de Richard Brooks, "A la recherche de Mr Goodbar" (Looking for Mr Goodbar,1977). La violence de ce film déplut à certains, mais il garde son caractère. Le jeune de Diane Keaton, sans jamais devenir exhibitionniste, est sérieux et courageux, elle n'hésite pas à se montrer nue à l'écran. Le sombre déterminisme du film est éclairé par une soif de sexualité frénétique mais émouvante.

 

"Intérieurs" (Interiors,1978), de Woody Allen est plus grave encore que "Annie Hall" et Diane Keaton interprète un personnage plus inhibé. Dans une famille de femmes aux aspirations artistiques, Renata, l'une des trois sœurs, se considère comme un poète accompli. Il est clair pour le public que le film s'attaque à la fausseté même de cette description flatteuse. La prétention à la distinction a tué sa personnalité; nous voguons en plein narcissisme. Alors que précédemment, dans "Woody et les robots", Diane Keaton avait ridiculisé cet état d'esprit, elle l'éclaire ici d'une sobre précision. Il faut également citer sa prestation exceptionnel dans "Manhattan" (1979) qui aussi un hommage à la ville qui a fait naître, Woody Allen à New York. Ce chef-d'œuvre fait partie d'un des plus grands succès du cinéaste.

 

Pour parfaire son portrait, il convient de mentionner "Reds" (1982), où elle incarne Louise Bryant, journaliste combative et bohème, compagne (mais jamais épousé) de John Reed interprété par Warren Beatty. La liaison qui se créa entre les acteurs pendant le tournage donne à leur jeu de la profondeur. Ce film réalisé par Warren Beatty remporte un immense succès. "L'Usure du temps" (Shoot the Moon,1982) d'Alan Parker soutient le rythme du psychodrame. Elle se révèle dans ce film une actrice merveilleuse, qui incarne l'épouse abandonnée d'Albert Finney, rôle qui renvoie à sa première apparition au cinéma en tant que femme d'Al Pacino - acariâtre, fragile, névrosée, et finalement rejetée - dans "Le Parrain".

 

Diane Keaton ne s'est jamais mariée, elle donnait l'impression de le souhaiter. La célébrité et le succès d'une carrière portent en eux leur récompense; mais tout se paie, et ce prix commençait à apparaître dans le jeu de cette actrice, qui se faisait de plus en plus sombre. Elle n'était certes, pas une évaporée, pas plus qu'elle n'était intellectuellement frigide. Si l'on en juge sa carrière jusqu'à ce jour. En 1987, le réalisateur George Roy Hill la dirige dans "La Petite fille au tambour" (The Little Drummer Girl) aux côtés de Klaus Kinski et Samy Frey. A noter également sa participation à deux autres films de Woody Allen : "Comédie érotique d'une nuit d'été" (A Midsummer Night's Sex Comedy,1982) et "Radio Days" (1987). Cette même année Diane Keaton tourne "Baby Boom" de Charles Shyer, pour son personnage de J.C. Wiatt, elle s'est inspirée dans ses vêtements et ses attitudes, des vedettes des comédies des années 40 à la Katharine Hepburn.

 

Avec le film "Le Prix de la passion" (The Good Mother,1989). Diane Keaton a également régalé le public avec des comédies légères dont "Le Père de la mariée" (Father of the Bride,1991) de Charles Shyer avec Steve Martin et en 1996, le réalisateur Hugh Wilson la met en scène aux côtés de Goldie Hawn et Bette Midler dans "Le Club des ex" (The First Wives Club). Ces trois anciennes meilleures copines se retrouvent aux obsèques d'une ancienne amie, elles imaginent ensemble une vengeance pour chacun des époux, car elles traversent toutes les mêmes difficultés après leurs séparations avec leurs maris respectifs. A noter sa participation au film de Jerry Zacks "Simples secrets" (Marvin's Room,1996) qui marque les retrouvailles entre Diane Keaton et Robert De Niro, après "Le Parrain 2" (The Godfather : Part II,1974), bien que les deux comédiens n'y aient aucune scène en commun.

 

En 2003, on la retrouve aux côtés de Jack Nicholson dans "Tout peut arriver" (Something's Gotta Give), une comédie romantique où elle incarne une autrice de théâtre célibataire. De même, elle est à l'affiche de "Morning Glory" (2010) de Roger Mitchell dans une ambiance "chien et chat". Quant au réalisateur  Bill Hoderman, il sut braver les interdits d'Hollywood pour mettre en scène des femmes âgées dans "Le Book Club" (Book Club,2018) avec quatre stars féminines qui n'avaient jamais joué ensemble, devinrent amies pendant le tournage : Diane Keaton, Jane Fonda, Candice Bergen et Mary Steeburgen. Quant à Diane Keaton, elle fut l'égérie de l'Oréal depuis 2006. 

*Affiches-ciné