UGO TOGNAZZI

Acteur, Réalisateur Italien                 1922 - 1990

Au autre acteur n'a su mieux qu'Ugo Tognazzi, en effet, mettre en évidence, avec une dérision souriante et mère, la pathétique bouffonnerie de l'existence et les regrettables faiblesses de la nature humaine. Avec Marcello Mastroianni, Vittorio Gassman, Nino Manfredi et Alberto Sordi, Ugo Tognazzi fut l'un des plus grands acteurs italiens de sa génération. 

Ugo Tognazzi est né le 23 mars 1922 à Cremone (Italie). Son père était inspecteur dans une compagnie d'assurances. A quatre ans, le petit Ugo participait déjà, à Bergame, à un spectacle donné au théâtre Donizetti, au profit d'une œuvre de bienfaisance...Ses études secondaires terminées, Ugo Tognazzi se destina au métier d'avocat et obtint son diplôme en droit. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il effectue son service militaire et organise de nombreux spectacles de variétés pour ses camarades.

 

Après avoir été archiviste, dès 1945, il s'oriente différemment et opte pour le métier de comédien, après avoir participé à une soirée organisée au théâtre Puccini, pour des comédiens amateurs. C'est ainsi qu'il s'installe à Milan et par la même occasion, il est engagé par la compagnie théâtrale de Wanda Osiris. Cette année 1945, lui permet de débuter au théâtre et au  music-hall notamment dans "W le donne !" avec Erika Sandri, "Paradiso per Tutti" avec Lauretta Masiero. Deux ans après "Castelli in aria", Mario Mattoli lui offre son premier rôle au cinéma en 1950 dans "Les Cadets de Gascogne" (I cadetti di Guascogna). Avec ses deux collaborateurs habituels, Scarnicci et Tarabrisi, Tognazzi participe à de nombreuses émissions radiophoniques et télévisées où, pendant six années, il fait équipe avec Raimondo Vianello. Jusqu'en 1960, Ugo Tognazzi ne cessera de tourner notamment pour Giorgio Simonelli, Steno, Giorgio Bianchi. En 1960, il met en scène au théâtre une comédie "Gog e Magog", une pièce en trois actes, dont il est également le protagoniste, aux côtés de Gianna Giachetti et de Antonella Sterni, présentée à Rome, au théâtre Quirino.

 

En 1961, il tourne sous la direction de René Clément "Quelle joie de vivre" avec Alain Delon et Gino Cervi et s'impose définitivement au public avec "Mission ultra secrète" (Il federale,1961) de Luciano Salce. La même année, il réalise son premier film avec "Le Souteneur" (Il Mantenuto) et remporte un énorme succès public et critique. Il devient grâce à "La Marche sur Rome" (La Marcia su Roma,1962) de Dino Risi l'un des meilleurs interprètes de la comédie italienne. Dès 1963, Ugo Tognazzi rencontre le cinéaste Marco Ferreri avec lequel il établit un partenariat artistique, ce qui lui permettra de démontrer ses talents immense de comédien mais aussi d'obtenir des rôles démesurés dans des films parfois critiqués par le public. Leur première collaboration fut "Le Lit conjugal" (Una Storia moderna,1963). Ce fut le premier film du cinéaste à être connu du grand public avec cinq millions d'entrée en box-office italien et à Tognazzi de recevoir le Ruban d'argent du meilleur acteur en 1964. Tous deux enchaînent avec "Contre-sexe" (Controsesso,1964) avec Nino Manfredi, puis la même année "Le Mari de la femme à barbe" (La Donna scimmia) avec Annie Girardot. Tognazzi donne la réplique à Catherine Spaak dans "Break-up, érotisme et ballons rouges" de Marco Ferreri, film tourné en 1965, sortie au cinéma en 1968.

 

Ugo Tognazzi a montré également toute l'étendue de ses talents de comédien dans des œuvres ambitieuses et parfois surprenantes, un autre partenariat, celui avec le cinéaste Dino Risi, dont il fut l'un des comédiens fétiches. Ensemble, ils ont tourné plus de quinze films ensemble, on retiendra "Elle est terrible" (La Voglia matta,1963) avec Catherine Spaak, "Les Heures de l'amour" (Le Ore dell'amore,1963) avec Emmanuelle Riva, "Les Monstres" (I Mostri,1963) avec Vittorio Gassman, conçu sous la forme de dix-neuf sketches. En 1964, il est entouré de Claudia Cardinale, Gian Maria Volonté et Bernard Blier dans "Le Cocu magnifique" (Il Magnifico cornuto). Un autre film, une autre collaboration "Fais-moi très mal mais couvre moi de baisers" (Straziami, ma di baci saziami,1968) avec Nino Manfredi, puis "Une Poule, un train et quelques monstres" (Vedo nudo,1969) pour lequel, Dino Risi expliqua que l'idée initiale était de faire une sorte de suite aux "Monstres" "sur le sexe devenu marchandise", de faire "les monstres du sexe". En 1971, Risi lui propose le rôle d'un juge dans un film policier "Au nom du peuple italien" (In nome del popolo italiano) avec Gassman. Avec ce film, le cinéaste confesse avoir voulu "raconter une haine ancestrale : celle du citoyen frustré contre le privilégié", et ceci dans un pays où les conflits de classe sont encore très vivaces, c'est ainsi qu'il a proposé deux idéologies, deux types italiens. "Gassman, avec son physique hautain, avec son agressivité triomphaliste, représente les classes privilégiées, l'Italie du boom économique et des désastres qu'il cache. Tognazzi, c'est l'Italie qui paie ses impôts, qui paie le prix de la corruption. (In "Le Monde,13 février 1975). Tognazzi retrouve Gassman et Risi dans "La Carrière d'une femme de chambre" (Telefoni bianchi,1975). Ils participeront encore une autre fois, en tournant quinze ans plus tard, la suite des "Nouveaux Monstres (I)" (I Nuovi monstri,1977). A noter le face à face Tognazzi, Patrick Dewaere dans "La Chambre de l'évêque" (La Stanza del vescovo,1977), pour lequel le comédien français fut déçu du résultat final.

 

Après ces différentes collaborations avec Marco Ferreri et Dino Risi, Tognazzi se diversifie avec des cinéastes différents. On peut citer les films de Pietro Germi "Beaucoup trop pour un seul homme" (L'Immorale,1966) avec Stefania Sandrelli, Alberto Lattuada "Venez donc prendre le café chez nous" (Venga a prendere il caffe...da noi,1970), Marco Ferreri "L'Audience" (L'Udienza,1972) avec Claudia Cardinale, Michel Piccoli et Vittorio Gassman. Le film a obtenu le prix de la Critique italienne, meilleur film de 1972 et celui de la Critique internationale au Festival de Berlin 1972. Il y eut aussi ces deux films réalisés par Mario Monicelli "Nous voulons les colonels" (Vogliamoi Colonelli,1973) qui s'inspire d'une tentative de putsch militaire qui eut lieu à Rome dans la nuit du 7 au 8 décembre 1970; puis "Romances et confidences" (Romanzo popolare,1974), qui fut un grand succès en Italie, mais la sortie en France eut lieu en mars 1978.

 

En 1971, Ugo Tognazzi fait une brillante interprétation dans "La Califfa" d'Alberto Bevilacqua aux côtés de Romy Schneider sur un fond musical d'Ennio Morricone. On peut peut oublier sa participation au film "La Grande bouffe"  (1973) aux côtés de Marcello Mastroianni, Michel Piccoli, Philippe Noiret et Andréa Ferréol. Ce film est désormais synonyme de scandale. Représentant officiel du cinéma français au Festival de Cannes puis à Paris, lors de sa sortie, de très violentes polémiques et sur le sujet même du film et sur l'opportunité de sa sélection. Mais Tognazzi est l'ami du cinéaste depuis 1963, ils ont tourné huit films ensemble. Cette même année, Tognazzi a participé à l'un des trois volets d'une trilogie sur les éléments schizoïdes qui caractérisent notre société avec "La Propriété c'est plus le vol" (La Proprieta non e più un furto) réalisé par Elio Petri.

 

En 1970, Ugo Tognazzi avait tourné sous la direction d'un réalisateur-acteur Vittorio Caprioli "Que fais-tu grande folle ?" (Splendori e miserie di madame Royale). "Splendeurs et misères de Madame Royale", telle était la traduction littéraire du titre original, ce film reçut un bon accueil, surtout grâce à la performance du comédien. En 1978, un nouveau tandem, celui avec Michel Serrault dans "La Cage aux folles" de Edouard Molinaro, où ils sont tous deux éblouissants, l'un représentant l'archétype de l'homosexuel efféminé (Serrault), l'autre (Tognazzi), celui d'un homosexuel masculin et posé, directeur d'un cabaret sur la Côte d'Azur. Le nom de Tognazzi a largement dépassé le cercle restreint des cinéphiles pour devenir un familier du grand public. Il y eut deux autres suites : "La Cage aux folles 2" (1980) de Molinaro et "La Cage aux folles 3"de Georges Lautner.

 

Les années 80, Tognazzi se diversifie, il tourne sous la direction de Bernardo Bertolucci "La Tragédie d'un homme ridicule" (La Tragedia di un uomo ridiculo,1981). En écrivant le rôle de Primo, Bertolucci pensait déjà à Tognazzi bien qu'ayant vu peu de ses films : "Tognazzi est originaire de Crémone, dit-il, qui se situe à 50 km de Parme. Il a apporté au film une saveur locale, une force de caractère, un sens du concret qui ont permis à la fiction de prendre corps." Ce film fut présenté au Festival de Cannes, en 1981, Ugo Tognazzi obtint le Prix d'interprétation masculine. On lui doit également sa participation au film d'Ettore Scola "La Terrasse" (La Terrazza,1980), puis celle du film de Pierre-Henry Salfati "Tolérance" (1989) qui fut son avant-dernier film . Tognazzi a été marié à l'actrice Franca Bettoja  en 1972, il a eu trois partenaires et quatre enfants. Il a été par ailleurs un grand spécialiste de l'art culinaire. Il a inventé plusieurs recettes pour l'émission de radio "Formula uno" et publié en 1976 un livre de cuisine mêlé à des souvenirs de tournage de "La Grande bouffe" intitulé "L'abbuffone". Dans les dernières années de sa vie, Ugo Tognazzi souffrait de dépression, il décède le 27 octobre 1990 à Rome d'une hémorragie cérébrale, il avait 68 ans.  

*Affiches-ciné * Cinetom