LOUIS SEIGNER, PATRIARCHE DU CLAN SEIGNER
LOUIS SEIGNER 1903 - 1991
Comédien Français
Si Louis Seigner, doyen de la Comédie-Française, est devenu sur scène l'incarnation même de Monsieur Jourdain, un film, réalisé par Jean Meyer, immortalise le spectacle du "Bourgeois gentilhomme" (1958), il personnifie avant tout à l'écran le Phynancier tel que l'aurait écrit et décrit Alfred Jarry.
Louis Seigner est né le 23 juin 1903 à Saint-Chef. Il apprend son métier aux conservatoires de Lyon et de Paris et débute dès 1927, au Théâtre des Célestins à Lyon; engagé dans la troupe de l'Odéon, il y restera jusqu'en 1943, où il entre à la Comédie-Française. Après une figuration dans "Une Histoire entre mille" (1931) de Max de Rieux, il obtient son premier rôle au cinéma dans "Chotard et Cie" (1933) de Jean Renoir. "De tous ces gens qui savent creuser leur trou confortable parmi les piles des billets et sous la lumière diffuse des lingots, l'homme de la banque suisse, qui sa vie durant, persécute Henri Dunant "D'homme à hommes" (1948) de Christian-Jaque, est le plus saisissant".
Lourd, massif, calant ses bajoues dans l'échancrure du faux-col, carré dans sa redingote, le huit-reflets visé sur la tête, le regard sans flamme derrière des verres fragiles, mesurant à l'économie ses mouvements, notre banquier concentre en lui des siècles de prévoyance laborieuse et, planté sur ses robustes jambes, affirme sa stabilité inébranlable et l'assurance impitoyable du requin. On avait déjà remarqué Seigner dans "Vautrin" (1943) de Pierre Billon avec Michel Simon, gravant à l'eau forte l'image du cacochyme M. de Nucingen.
Par la suite, il évolue dans les hautes sphères des "Grandes familles" (1958) de Denys de la Patellière ou de l'entourage du "Président" (1960) d'Henri Verneuil au côté de Gabin. Avec de pareils potentats, le cher Loulou du Théâtre Français enterre définitivement le chétif capitaine de "Chotard et Cie" ou l'ambassadeur d'Allemagne qui avale à contrecoeur les couleuvres de "L'Entente cordiale" (1939) de Marcel L'Herbier. En même temps que son embonpoint s'est affirmé, son opulence cinématographique a pris corps. Sa carrière, menée tambour battant, commence à Lyon, se poursuit avec une obstination heureuse à l'Odéon de Gémier et se déploie dans la gloire de la maison de Molière.
D'abord grande modestie au cinéma où il se contente parfois de rôles dérisoires "Défense d'aimer" (1942) de Richard Pottier ou "Goupi Mains-Rouges" (1943) de Jacques Becker. Comme pour beaucoup d'autres, Christian-Jaque discine ses qualités. Il lui confie les rôles du chef-d'orchestre qui sabote l'opéra de Berlioz dans "La Symphonie fantastique" (1941), du bourgeois lyonnais, tapi dans son appartement dont les persiennes se tirent si bien sur les vieux secrets "Un Revenant" (1946) avec Louis Jouvet et du geôlier retors de "La Chartreuse de Parme" (1947) avec Gérard Philipe.
L'autorité naturelle de l'interprète s'allie à un talent de composition qui lui permet de passer du paysan finaud de "La Carcasse et le Tord-cou" (1947) de René Chanas, au scénariste pétillant et volubile qui échafaude les péripéties de "La Fête à Henriette" (1952) de Julien Duvivier, du médecin solennel et faussement impassible du "Corbeau" (1943) d'Henri-Georges Clouzot, au conseiller à capuchon du duc d'Albe, prêt à envoyer au nom de la Sainte Inquisition, les conjurés flamands au bûcher "Patrie" (1945) de Louis Daquin, du fonctionnaire russe enervé par ses filles "L'homme au chapeau rond" (1946) de Pierre Billon au bourgeois normand familier de la Maison Tellier "Le Plaisir" (1951) de Max Ophuls.
Ne comptons pas pour du beurre -loin de là! - le président des assises, qui dirige avec une majesté bonhomme, les débats de "La Vérité" (1960) de Clouzot, ni le supérieur du collège troublé par "Les Amitiés particulières" (1964) de Jean Delannoy, dont le doigté et la fermeté s'allient pour sonder les reins et les coeurs. A l'ombre de ces rôles empesés, Louis Seigner a su s'épanouir, rire, étaler sa confortable bedaine et savourer de délectables repas, loin des artifices du poulet rôti en carton ou de l'eau rougie maquillée en vieux bourgogne. Louis Seigner interpréta Monsieur Jourdain 504 fois à la Comédie-Française ! A l'écran, il continua d'évoluer dans les hautes sphères de la bourgeoisie, du pouvoir et de la finance. Louis Seigner est mort dans l'incendie de son appartement parisien le 20 janvier 1991, il avait 87 ans, mais la relève est assurée par sa fille Françoise, comme lui sociétaire de la Comédie-Française, et ses petites filles Emmanuelle et Mathilde Seigner
"Noir&Blanc", Ed. Flammarion, Raymond Chirat & Olivier Barrot)
*Affiches-cine * Cinetom
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