BUSTER KEATON, GENIE DU BURLESQUE DU CINEMA MUET
BUSTER KEATON 1895 - 1966
Cinéaste, Acteur, Scénariste, Producteur Américain
Des yeux tristement expressifs perçant le secret d'un masque impassible, posé sur le corps extraordinairement mobile, le personne comique de Buster Keaton, par opposition aux grands comiques du muet, repose sur le jeu génial, sobrement esquissé et unique de l'acteur.
Keaton était en avance sur son temps. Pendant les années 20, il se trouva eclipsé par Charlie Chaplin et Harold Lloyd et, pourtant, l'oeuvre de Keaton est celle qui a le mieux survécu à l'épreuve du temps. Aujourd'hui, on voit généralement en lui le plus grand réalisateur comique d'entre tous. Comme Chaplin, il débute très jeune au music-hall. Vers la vingtaine, c'est un artiste confirmé qui se tourne vers le cinéma.
Joseph Francis Keaton naquit le 4 octobre 1895 à Piqua au Kansas. Sa naissance est aussi celle du cinéma, pendant une tournée de ses parents, membres d'une troupe de music-hall itinérante, le Mohawk Indian Medicine Show, dont faisait partie également le célèbre magicien et contorsionniste Harry Houdini. Joe K. Keaton était irlandais (peut-être mâtiné de sang indien), et avait participé à la conquête de l'Ouest comme aventurier et journaliste. Myra, sa minisucule épouse, grande fumeuse de pipe et acharnée joueuse de cartes, présentait avec lui un numéro d'acrobatie auquel l'enfant fut bientôt intégré, après avoir un soir rampé jusque sur la scène, soulevant l'enthousiasme de l'assistance.
Il fut appelé Buster, répéta-t'il toute sa vie, parce qu'à l'âge de six mois il était tombé du haut d'un escalier sans se faire le moindre mal ("buster" désigne un saut périlleux en argot de cirque). Avec ses parents il forma "Les Trois Keaton", et à chaque représentation se faisait piétiner, jeter par terre, ou servait de punching-ball. Revêtu de la même perruque grotesque que son père (et des mêmes favoris), du même costume (avec gilet et guêtres blanches), il était soumis à un traitement si violent que plus d'une fois les Keaton eurent maille à partir avec les autorités incapables de croire que tout cela n'était que comédie. Un gag typique le montrait recevant un grand coup de balai en pleine figure; il demeurait impassible durant quelques secondes avant de crier : "Aie!". C'est à cette dure école qu'il apprit l'importance du rythme dans le comique, l'endurance physique et surtout la nécessité de "geler" toute manifestation d 'émotion.
"Les Trois Keaton" reçurent dès 1912 des propositions cinématographiques, mais Joe Keaton ne voulait en aucun prix être mêlé à une forme de divertissement qui, selui lui, dévaluait et détruisait les vraies valeurs du music-hall. Buster, par contre, grand consommateur de films, était bien tenté; et ce fut bientôt la fin du trio : à la fois en raison de l'hostilité et de l'alcoolisme du père, et, tout simplement, parce que Buster, si petit qu'il fût, devenait trop lourd pour être projeté en tous sens. Le jeune homme n'eut aucun mal à s'employer dans des courts métrages comiques.
Ayant rencontré par hasard Fatty Arbuckle à New York, il refusa un engagement (pour 250 dollars par semaine) du Winter Garden Theatre, et accepta un salaire six fois moindre au cinéma : sa première apparition à l'écran date d'avril 1917, dans "Fatty boucher" (The Butcher Boy). Ce fut par ailleurs le premier film de la Comique Film Corporation, compagnie qu'Arbuckle venait de fonder et que supervisait Joseph M. Schenck. Vivement encouragé par les deux hommes, Buster s'intéressa presque aussitôt à l'aspect technique de la réalisation.
Après avoir produit cinq films, toute l'équipe gagna la Californie, emmenant la famille de Keaton, ainsi que l'une des soeurs Talmadge, Natalie. Vivant dans l'ombre de ses deux soeurs Norman et Constance, bien plus célèbres, la jeune fille s'occupait du secrétariat des studios, et c'est là que les Keaton la rencontrèrent. Elle devint vite la favorite de Myra. Il était évident que Buster et Natalie se marieraient (bien qu'il y ai eu d 'autres femmes dans sa vie). Mêlé à la communauté hollywoodienne, fréquentant des gens aussi prestigieux que Chaplin, Douglas Fairbanks; W.S. Hart ou Rudolph Valentino, Keaton, si peu porté à l'ostentation, devint, comme Arbuckle, un sujet de potins pour la presse à sensation. Célébré en 1921, son mariage donne l'impression d'avoir eu lieu sans qu'il comprenne exactement ce qui se passait (comme ailleurs ses deux autres, avec Mae Scribbers en 1933 et avec Eleanor Norris en 1940), et ce n'est pas loin de ressembler aux cataclysmes qu'il affronte dans tous ses films. Le divorce fut prononcée en 1932, au pire moment pour Keaton, déjà en perte de vitesse. Dans son autobiographie parue en 1960, "My Wonderful World of Slapstick", Keaton ne fait pas la moindre mention des Talmadge.
En Californie, Buster tourna six films de deux bobines avec Arbuckle, puis au milieu de 1918, il fut enrôlé dans l'armée où il passa sept mois à distraire les troupes américaines envoyées sur le front français. Il y fut victime d'une infection qui le laissa partiellement sourd pour le reste de sa vie. De retour aux Etats-Unis en 1919, il réalisa trois films en deux bobines avec Arbuckle alors que celui-ci s'apprêtait à se lancer dans le long métrage. Joseph Schenck offrit alors à Keaton sa propre compagnie, sans que cela ait donné lieu à un contrat formel. L'âge d'or de la comédie Keatonienne commençait. Entre 1920 et 1923 Keaton fit dix-neuf courts métrages et un long métrage, "Ce crétin de Malec" (The Saphead,1920), qui devait être suivi de dix autres en cinq ans, jusqu'au moment où en 1928 il changea de producteur. C'est à cause de son beau-frère (Schenck avait épousé Norma Talmadge) que Buster n'eut jamais de parts dans sa propre compagnie, et finit par faire "la plus grande erreur de sa vie" en passant par la MGM. Toutefois Schenck lui assura une totale liberté d'action, sans lui imposer de limites financières, ni intervenir dans la réalisation des films. Keaton était alors au sommet de sa forme. Il dormait moins de cinq heures par nuit et buvait sec sans accuser la moindre fatigue. Tout comme "Malec", "Frigo" est le nom dont Buster Keaton a été affublé en France. "Frigo déménageur" (Cops,1922) est le troisième des onze films de deux bobines de Keaton, distribué par First National, on peut citer également "Malec, champion de tire" (The High Sign,1921), "Malec chez les fantômes" (The Haunted House,1921), "Malec l'insaisissable" (The Goat,1921), "Malec Forgeron" (The Blacksmith,1922), "Malec aéronaute" (The Ballonatic,1923) ... "Les Trois Ages" (The Three Ages,1923) inaugure la série de dix longs métrages de la production indépendante connue sous le nom de Keaton Productions. Ce film de six bobines est donc le premier long métrage de Buster Keaton. A noter qu'Oliver Hardy fait ici une apparition.
Les films de Keaton sont caractérisés par l'énergie qui anime son personnage; tout ce que les autres expriment par des mimiques devient chez Keaton l'occasion de longs ballets acrobatiques, qu'il exécute lui-même, en plans longs et sans coupure aucune. Il n'y eut aucun trucage dans la scène du "Mécano de la General" (The General,1926) où il libère la voie d'un madrier posé à travers, ou dans le saut du haut du navire dans "La Croisière du Navigator" (The Navigator,1924) dont Beaton répéta toute sa vi qu'il s'agissait de son oeuvre préférée. Il en va de même lorsqu'il plonge sous un bateau, pour remonter un peu après, dans "Cadet d'eau douce" (Steamboat Bill Junior,1928). Dans "Le Figurant" (Spite Marriage,1929) une seule prise montre sa lutte désespérée contre le méchant du film, son plongeon dans l'eau, son retour, grâce au courant, jusqu'au canot de sauvetage, à partir duquel il remonte sur le bateau pour y reprendre le combat. Il raconta plus tard qu'au cours de sa carrière il avait dû se briser tous les os du corps. Dans "Malec chez les Indiens" (The Paleface,1921), il plonge d'un pont suspendu jusque dans un filet, d'une hauteur de près de trente mètres; dans "Les Lois de l'hospitalité" (Our Hospitality,1923) il faillit périr noyé dans une chute d'eau, et se brisa bel et bien le cou lors de la séquence du train de "Sherlock Junior" (1924). Il n'en continua pas moins de tourner et de faire des cascades, en dépit des maux de tête atroces. En 1924, Buster Keaton possédait son propre studio. Toute l'équipe était payée pour une durée de 52 semaines et devait réaliser deux films au cours de cette période, l'un au printemps, l'autre en automne. Keaton exigeait la perfection. Après la projection des rushs, on pouvait recommencer dès le lendemain les plans jugés insuffisants.
"Les Fiancées en folie" (Seven Chances,1925) est le cinquième long métrage de Buster Keaton réalisé durant sa période de maîtrise. Fait notable; il comporte une séquence, la première, tournée en Technicolor bichrome. Quant à son film "Ma Vache et moi" (Go West,1925), c'est certainement le film le plus misogyne de Keaton : le troupeau de vaches est une réplique directe du troupeau de fiancées qui, dans "Les fiancées en folie", poursuivait sans relâche le pauvre Buster cherchant à se marier pour toucher un héritage. Et le dernier gag où Keaton se voit proposer la fille du patron qui est amoureuse de lui et préfère partir avec sa...vache favorite est d'une audace surprenante à ce niveau.
Toutefois, c'est sa personnalité à la fois tragique et comique qui fait de lui le plus fascinant des grands comédiens du muet. L'intrigue de ses films tourne presque toujours autour du même sujet : la lutte nécessaire pour surmonter une violente réaction de rejet, de la part d'un père brutal ou d'une jeune fille indifférente. Par sa seule obstination et son courage qui tient de l'inconscience (l'idée du danger ne semble jamais l'effleurer), Buster parvient à se faire accepter. Dans la lutte tenace qui l'oppose aux forces malveillantes, il entreprend sans jamais faillir de rétablir l'ordre naturel des choses, sans se départir de son masque impassible. Il a un talent inquiétant pour détourner les objets à ses propres fins : il transforme une chaudière en chambre à coucher dans "La croisière du Navigator", conduit un cheval par téléphone dans "Frigo déménageur" (Cops,1922) et improvise un costume d'amiante pour éviter d'être brûlé vif dans "Malec chez les Indiens". Pour la récompense de son ingénuité, ou de sa totale innocence, la Providence est toujours de son côté, lui permettant de s'enfuir à bord d'un canoë volant à la fin de "Malec aéronaute" (The Balloonatic,1923), ou lui sauvant la vie lors de l'effondrement, particulièrement dangereux, d'un pan de mur dans "Cadet d'eau douce" : debout au point de chute d'une fenêtre restée ouverte, il en émerge couvert de poussière, mais sans la moindre égragniture. La légende dit que le caméraman lui-même refusa de regarder la scène...
Il est à noter que les plus grands films de Keaton furent des échecs commerciaux, alors que les comédies qu'il interpréta pour la MGM, "Le Plombier amoureux" (The Passionate Plumber,1932), "Un baiser s'il vous plaît" (Speak Easily,1932), ou "Le Roi de la bière" (What! No Beer?,1933), où il donne laborieusement la réplique à Jimmy Durante, firent d'énormes recettes. Keaton ne pensait pas beaucoup de bien de ces films, et chercha dans des périodes prolongées d'alcoolisme un refuge contre une industrie du cinéma qu'il comprenait de moins en moins. "Le Metteur en scène" (Free and Easy,1930) de Edward Sedgwick est considéré par les biographes de Keaton comme le premier film de sa décadence à la MGM. Le fait qu'il se déroule entièrement sur les plateaux et dans les milieux du cinéma a permis d'établir un certain nombre de parallèles entre la carrière du cinéaste et le rôle qu'on lui fit jouer. Dans "Buster se marie" (Parlor, Bedroom and Bath,1931), la majorité des scènes furent tournées dans la propriété de Buster Keaton à Beverly Hills.
Dix-sept années sinistres se succédèrent, au cours desquelles il eut à subir la médiocrité, les petits rôles, les gags à écrire pour des comédiens infiniment moins brillants que lui. Après "Boulevard du Crépuscule" (Sunset Boulevard,1950) de Billy Wilder et "Les Feux de la Rampe" (Limelight,1952) de Charles Chaplin, on se souvint soudain qu'il existait encore. La télévision l'accueillit chaleureusement, et les dix dernières années de son existence le virent apparaître dans des publicités, des émissions de toutes sortes, qui lui valurent enfin des revenus confortables, tandis que le public redécouvrait émerveillé des films que beaucoup croyaient à jamais perdus. Leur magnifique photographie a quelque peu souffert de la dégradation des pellicules, mais leur virtuosité technique est toujours aussi étonnante. Le visage de pierre de Keaton est aujourd'hui plus éloquent que jamais...
En 1957, la Paramount tournera une biographie un peu fade, "The Buster Keaton Story". Fort heureusement, il vivra assez longtemps pour voir ses premier films ressortir de l'ombre dans les années 60, et être salués comme d'authentiques chefs-d'oeuvres. Un Oscar remis à titre honoraire vient le récompenser en avril 1960. A l'occasion du Festival de Venise de 1965, il recevra la plus belle et la plus longue ovation jamais faite à un artiste lors de cette manifestation. Quelques années auparavant à Paris, à la Cinémathèque qui lui consacra une rétrospective, le public l'acclama littéralement. C'est dans cette situation d'artiste reconnu et à nouveau honoré qu'il vécut ses dernières années dans la banlieue de Los Angeles où il meurt le 1er février 1966.
Malec champion de Golf - 1920
Malec chez les fantômes - 1921
La Guigne de Malec - 1921
Malec l'insaisissable - 1921
Les Lois de l'hospitalité - 1923
Frigo et la baleine - 1923
Sherlock Junior - 1924
Les Fiancées en folies - 1925
1925
1926
Buster Keaton-Ciné-concert-Le mécano de la "General"-Mars 2013
Le Dernier Round - 1926
Sportif par amour - 1927
Cadet d'eau douce - 1928
L'Opérateur - 1928
Le Metteur en scène - 1930
Buster s'en va t'en guerre - 1931
1931
1950 1952
Un Monde fou, fou, fou, fou - 1963 de Stanley Kramer
____________________Décès de l'acteur Italien Tomas Milian