JEAN-PIERRE MELVILLE, L'UN DES PÈRES SPIRITUELS DE LA NOUVELLE VAGUE
JEAN-PIERRE MELVILLE 1927 - 1973
Cinéaste, Producteur Scénariste, Acteur Français
Des mots, des phrases que l'on oublie pas lorsque on évoque "L'Armée des Ombres" de Jean-Pierre Melville, comme celle formulée par Christian Barbier sur le sort de Mathilde incarnée par Simone Signoret en résistante, pendant l'Occupation : "Il faut tuer Mathilde", "Oh, non ! c'est pas possible, pas Mathilde....En effet, je ne voulais pas que Simone Signoret soit abattue sur le trottoir d'un boulevard lyonnais. J'avais 15 ans!
Dans cette longue traversée du désert qu'est l'histoire du cinéma français au cours des années 50, exception faite de Sacha Guitry, de Jean Renoir, Jacques Becker, Robert Bresson, Max Ophüls et un ou deux autres, on trouve en cherchant bien, quelques faits, quelques dates, qui permettent d'animer un peu la chronique et qui constituent autant de signes annonciateurs du joyeux tohu-bohu qui allait marquer la fin de la décennie des années 50.
Il est significatif de constater qu'à chaque fois il s'agit de films et de cinéastes apparus en dehors du système établi, voire contre lui, et ne parvenant à s'imposer qu'au prix de grandes difficultés. Cela est vrai de Tati, cela est vrai aussi de Melville, d'Astruc et de quelques autres qui furent empêchés de poursuivre leur effort. Mais c'est du côté de ces francs-tireurs qu'étaient l'esprit d'innovation, l'enthousiasme et la fureur de tourner, qui font d'eux les véritables précurseurs de la nouvelle vague, en un temps où la pensée même d'un tel phénomène était quelque chose d'inconcevable.
Jean-Pierre Melville est né le 20 octobre 1917 à Paris, de son véritable nom : Jean-Pierre Grumbach, issu d'une famille juive alsacienne. Son père lui offre une caméra et débute ainsi en tant que cinéaste-amateur en filmant tous ses proches. En 1933, au cinéma, alors qu'il n'a que quinze ans, ill est totalement séduit par le film de Frank Lloyd "Calvalcade". Sa vocation est née.
En 1937, après le baccalauréat, il faut son service militaire. Il gagne Londres en 1942 et prend le pseudonyme de Melville, en hommage à l'auteur de "Moby Dick". Avec les Forces Françaises Libres, il participe aux campagnes d'Afrique et d'Italie, débarque en Provence. Après la guerre, toujours hanté par le cinéma, il demande une carte d'assistant metteur en scène qui lui sera refusée. Il devient son propre producteur et tourne un court métrage : "Vingt quatre heures dans la vie d'un clown" (1946).
En 1947, il se fait connaître avec une adaptation cinématographique du roman de Vercors paru dans la clandestiné "Le Silence de la mer", avec Nicole Stephane et Howard Vernon. De même le premier film de Melville fut un film clandestin. Pas d'autoristation de la part du centre du Cinéma. Une équipe technique réduite au minimum. Une pellicule achetée au marché noir. C'était la première fois qu'on tournait un film de fiction avec des acteurs dans des décors naturels. La première fois qu'on essayait d'ébranler les structures syndicales, omniprésentes et dictatoriales, du système de production français, voir même mondial. (Jean-Pierre Melville, in "Le Cinéma selon Melville" par Rui Nogueira- Ed. Seghers,1973). "Le Silence de la mer fut tourné en extérieurs entre août et décembre 1947. La première présentation publique n'eut lieu que le 22 avril 1949 à Paris. Le film eut un grand succès et c'est après l'avoir vu que Jean Cocteau, enthousiasmé téléphona à Melville pour lui demander de porter à l'écran "Les Enfants terribles". Initialement, l'un des livres préférés de Melville adolescent.
Cocteau lui confie donc la mise en scène des "Enfants terribles" (1950). Le film suivant "Quand tu liras cette lettre" (1953), n'apportait pas de réponse éclairante : un scénario très conventionnel du vieux routier Jacques Deval, un couple vedette Juliette Gréco-Philippe Lemaire, alors en pleine idylle et au talent mal affirmé, une mise en scène également conventionnel, peut-être même sans conviction contribuèrent à un échec, après quoi en eut tendant à reléguer Melvikke au rang des nombreux espoirs déçus.
Melville achète les studios Jenner où il tournera les intérieurs de nombreux de ses films. Deux ans plus tard, il ressuscitait avec éclat; c'était avec "Bob le flambeur" (1955), film pour lequel la future nouvelle vague éprouva le coup de foudre et qui lui fit adopter Melville, au nombre de ses pères spirituels (d'où sa présence dans "A bout de souffle", cinq ans plus tard). On y retrouvait les caractéristiques qui seraient les siennes : souci du détail vrai, absence de vedettes et budget réduit. En effet, Roger Duchesne (Bob), victime de l'épuration en 1945, n'avait plus tourné depuis dix ans et était totalement oublié; quant à Isabelle Corey, dont tous les cinéphiles furent alors amoureux à commencer par Chabrol qui défendit le film dans les Cahiers du cinéma c'était une inconnue, découverte par Melville, qui d'un seul coup en fit presque une vedette.
Trois ans plus tard, il tourne "Deux hommes à Manhattan" mais c'est la même lettre d'amour à une ville, le même hommage au cinéma américain, la même flânerie, le même ton quasi-documentaire, le même ton personnel, intime. New York vue par Melville, ville qu'il adore et qu'il présentera à nouveau dans "L'Ainé des Ferchaux" (1962). Avec "Bob le flambeur et "Deux hommes à Manhattan" il révèle sa connaissance et sa passion pour le cinéma américain, celui d'Howard Hawks, de John Huston. Il s'était d'ailleurs composé une silhouette hollywoodienne, à mi-chemin entre le producteur et le héros de film noir : chapeau "Stetson" à larges bords, lunettes noires, cigare et imperméable. Il apparaît aussi comme le père spirituel de "la nouvelle vague" par ses méthodes de production et sa manière de filmer, à la manière d'un reportage, les rues de New York par exemple. Jean-Luc Godard lui confiera d'ailleurs le rôle du romancier américain dans "A bout de souffle". "Deux hommes dans Manhattan" est un échec commercial. Il déclara alors : "maintenant c'est terminé, je vais faire des films commerciaux. Jusqu'à présent, je n'en ai jamais fait, aussi vais-je réaliser des films qui feront de l'argent, mais je ne trahirai pas".
Il réalise "L'Aîné des Ferchaux", d'après Georges Simenon. A l'origine, c'est Alain Delon qui devaint interpréter le rôle de Michel, ayant signé un contrat avec le producteur Fernand Lumbroso. A la suite d'un désaccord sur le nom du metteur en scène, il y eut une rupture de contrat. C'est alors que l'imprésario de Jean-Paul Belmondo contacta Melville car l'acteur, après "Léon Morin prêtre" (1961) en jeune prêtre face à Emmanuelle Riva et "Le Doulos" (1963) souhaitait une nouvelle collaboration. Puis après quatre ans de silence, il réalise "Le Deuxième souffle" (1966) avec Lino Ventura, Paul Meuriss et Raymond Pellegrin. Melville dirige pour la première fois Alain Delon dans un de ses films les plus importants "Le Samouraï" (1967) sur une musique d'une rare qualité signé par François de Roubaix et la photo magistrale d'Henri Decae. En exergue, cette fameuse phrase inventée par le cinéaste et dite extraite du "Bushido" : "Il n'y a plas de plus profonde solitude que celle du samouraï, si ce n'est celle du tigre dans la jungle, peut-être..." donne le ton d'un film français digne des grands films noirs américains.
Ensuite, Melville amorcerait une évolution, jugée décevante par nombre de ses anciens admirateurs; en tout cas, la deuxième phase de sa carrière, plus classique, plus prudente aussi, il recourait à des acteurs comme Jean-Paul Belmondo, Alain Delon ou Lino Ventura, serait très différente de la première. Mais celle-ci suffit à lui assurer, une place importante dans une période ingrate du cinéma français. Melville a consacré trois films à la vie des français sous l'Occupation, qui de surcroît, la connaissez bien pour l'avoir vécue dans la Résistance : "Le Silence de la mer", "Léon Morin prêtre" et "L'Armée des ombres" (1969), d'après l'oeuvre de Joseph Kessel. A propos de ce film, le cinéaste déclara : "Je l'ai porté en moi 25 ans et 14 mois exactement. Il fallait que je le fasse et que je le fasse maintenant, complètement dépassionné, sans le moindre relent de cocorico. C'est un morceau de ma mémoire, de ma chair". (Cinéma 69, No140). Quant à l'avant-dernier film tourné par Melville : "Le Cercle rouge" (1970), pour interpréter cette histoire d'un casse, sans rôle féminin, le réalisateur s'est entouré d'Alain Delon, (André) Bourvil, Yves Montand, François Périer et Gian Maria Volonte. Ce film, déclara Melville, est de loin le plus difficile de ceux que j'ai tournés parce que j'en ai écrit toutes les péripéties et que je ne me suis pas fait de cadeaux en l'écrivant...et je suis arrivé à tourner ce que j'avais écrit. Un ultime film, un ultime braquage en bord de mer avec un duo inédit : Alain Delon et Catherine Deneuve dans "Un Flic" (1972). Jean-Pierre Melville décède d'un accident vasculaire cérébrale le 2 août 1973, il avait 55 ans. Il repose au cimetière de Pantin.
Le Silence de La Mer - 1947 - Jean-Pierre Melville - Howard Vernon
Bande-annonce de "Le Doulos", de Jean-Pierre Melville
LE SAMOURAÏ - 1967 - JP Melville - Alain Delon
L'ARMEE DES OMBRES -1969 - JP Melville - Lino Ventura - Simone Signoret - Paul Meurisse - Jean-Pierre Cassel - Christian Barbier
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Le saviez-vous ?
Rémy Grumbach est le neveu de Jean-Pierre Melville, lui-même réalisateur sur les plateaux de télévision des émissions de Michel Drucker "Les Rendez-vous du dimanche" ....
Melville est le premier cinéaste à avoir ajouté le prénom de Bourvil au générique du film "Le Cercle rouge" (1970). André Bourvil
Claude Mann est le dernier acteur vivant du film "L'Armée des ombres", on le voit souvent se promener pas loin des bords de Marne dans le Val de Marne...
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