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CINETOM
23 juin 2018

HARRY LANGDON, LE RÊVEUR DU CINÉMA BURLESQUE AMÉRICAIN

         HARRY LANGDON                   1884 - 1944

         Acteur, Cinéaste, Scénariste, Producteur Américain

 

  AA01HL6 (2)

   Copyright Bachfilms

 

Comique génial à la gloire trop brève, Harry Langdon l'inclassable rêveur du cinéma burlesque américain, est aujourd'hui encore, et en dépit de l'enthousiasme de ses fans, un méconnu. Né à Council Bluffs dans l'Iowa, le 15 juin 1884, fils d'officiers de l'Armée du salut, au hasard des déplacements de ses parents, il rejoignit une troupe ambulante en espérant échapper à la pauvreté.

Vers 1903, il mit au point un sketch comique intitulé "Johnny et sa nouvelle voiture" dans lequel il affrontait une épouse acariâtre et une guimbarde non moins rétive qui finissait par exploser. C'est avec ce numéro qu'il survécut tant bien que mal pendant près de vingt ans avant d'être découvert par Mack Sennett, en 1923. Avec le flair qui le caractérisait, le fameux producteur avait compris qu'il tenait là une nouvelle mine d'or. Ayant filmé le numéro de Langdon, il le soumit à ses gagmen, Harry Edwards, Arthur Ripley et Frank Capra, afin de voir quel parti ils pourraient bien tirer du personnage. Mais devant l'apparition du petit bonhomme au visage poupin et blafard, ce fut d'abord la consternation générale, comme le raconte Capra dans son autobiographie : "Ce Langdon est un véritable somnifère, fit l'un de nous. Cela lui prend cinq minutes pour cligner des yeux...Quel coup de baguette magique pourrait bien transformer ce raseur?" Confiant dans l'intuition de son patron, toute l'équipe se mit à la tâche. Dès le premier essai, ce fut l'euphorie : un nouveau comique était bien né.

Le problème reste posé, aujourd'hui encore, de savoir qui a réellement "inventé" Harry Langdon. Capra en revendique la paternité. S'il est indéniable que le futur grand cinéaste a bien trouvé la "clé" cinématographique de son comique, on ne peut croire cependant qu'il ait travaillé sur un matériau brut. Alors qu'il débutait à l'écran à près de quarante ans, Langdon avait eu largement le temps de se forger sa propre personnalité. L'histoire est venue, malheureusement pour Langdon, conforter les prétentions de Capra : quand, après leurs grands triomphes communs "Pleins les bottes" (Tramp, Tramp, Tramp,1926), "L'Athlète incomplet" (The Strong Man,1926) et "Sa dernière culotte" (Long Pants,1927), Langdon décidé de se mettre lui-même en scène, commença son déclin. "La comédie est une satire de la tragédie"

"Tramp, Tramp, Tramp" que l'on a d'abord traduit en français "Plein les bottes" est le film le plus célèbre d'Harry Langdon. Passionnément vantée par les Surréalistes, incomprise ou négligée par les autres, l'oeuvre de l'artiste a suscité les appréciations les plus contradictoires. Il est désormais impossible de revoir la majorité de ses films, contrairement à ceux de ses homologues Keaton et Chaplin, ce qui concourt à entretenir le débat. Les historiens du cinéma se sont accordés à reconnaître que ses deux films les plus importants sont ceux qu'il produisit et tourna sous la direction de Frank Capra. Harry Edwards qui l'avait dirigé dans la majorité de ses courts métrages depuis 1924, refusait de tourner à nouveau avec lui. A 29 ans, Capra fut donc sollicité pour tourner son film suivant "L'athlète incomplet" lequel fut classé par la critique parmi les dix meilleurs films de l'année 1926. Il faut noter que Langdon utilise pour la première fois dans une comédie le personnage d'une jeune aveugle, quatre ans avant Chaplin dans "Les Lumières de la ville".

Petit à petit, le succès colossal qu'il avait remporté provoqua chez Langdon ce que Capra appela dans ses mémoires "Le virus de la fatuité, alia "la grosse tête". Le tournage de "Sa dernière culotte" fut difficile et s'accomplit dans une athmosphère tendue entre le metteur en scène et sa vedette. La rupture eut lieu le dernière jour, au moment où Capra demanda à plusieurs reprises la présence de Langdon pour un gros plan de ses mains. Après s'être longuement fait attendre, Langdon arriva sur le plateau, entouré d'une foule de journalistes et insulta son réalisateur, furieux d'être obligé d'interrompre une interview avec deux importants reporters de New York, prétextant qu'il n'était pas nécessaire de déranger une vedette pour faire un plan de mains, que dans ce cas, ce travail incombait à la doublure. L'acteur sortit entouré de sa "cour" : "Vous avez vu ça? dit-il. Voilà ce qu'on gagne à vouloir faire un metteur en scène d'une petit gagman de second ordre." Après le tournage, Langdon fit courir le bruit que Capra n'était qu'un simple gagman qui avait voulu s'improviser metteur en scène et que lui, Langdon l'avait mis dehors du plateau lorsqu'il avait montré semblables prétentions. Le studio First National congédia Capra. Langdon, à l'instar de Chaplin qu'il admirait, dirigea son film suivant lui-même, "Papa d'un jour" (Three's a Crowd,1928). Ce fut un échéc retentissant. En deux années, l'acteur retomba de son piédestal et fut abandonné par les studios qui avaient vu naître sa gloire.  

Virtuose de la mimique, des réactions à retardement, des gestes ébauchés, des petits sourires timides, Harry Langdon proposa un étrange amalgame d'innocence et d'audace, notamment devant les femmes, sa préoccupation majuscule. Pour les approcher et les séduire, il se lança, toujours à distance respectueuse, dans de délicats ballets, mélange subtil de curiosité et de crainte, un peu comme un enfant qui hésite à entrer dans les vagues qui l'attirent. Les malheurs peuvent fondre sur Harry, c'est à peine s'il sort de son somnambulisme; il est, comme le définit si pertinemment Ado Kyrou, "l'homme qui ne veut pas se réveiller". A cet égard, la séquence d'ouverture de "Papa d'un jour", est un véritable morceau d'anthologie. Ni le jour ni son patron hargneux ne réussissent à le tirer réellement du sommeil; et s'il finit par se lever il n'en continue pas moins son rêve. "Malgré lui, il engourdit les objets, les gens du voisinage, la rue, tout le décor", ainsi que l'observe Paul Gilson dans un remarquable article intitulé "Les Emigrés de la Lune".

Il mit lui-même en scène "The Chaser" (1928) et "Heart Trouble" (1928) qui furent des échecs et l'obligèrent à accepter les rôles mineurs au parlant, on le verra encore dans "Deux bons copains" (Zenobia,1939) aux côtés de Oliver Hardy, lui-même remplaçant Stan Laurel. Les surréalistes le considérèrent comme un authentique poète du cinéma, l'égal de Chaplin. L'un des gags les plus fameux de "Plein les bottes" est celui de la danse d'Harry devant l'affiche représentant la femme dont il est amoureux. Lorsque celle-ci surgit en chair et en os à côté de son effigie, Harry n'en croit pas ses yeux. Il se lance dans un ballet éperdu, de gestes, de sourires et d'attouchements, qui émeut autant qu'il fait rire. Quant au cyclone final, on peut le comparer à celui de "Steambot Bill Junior" avec Buster Keaton : On remarquera que Keaton résiste farouchement aux éléments déchaînés, alors que Langdon se laisse porter par eux, les vainc "en douceur". 

Chaplin se tire des situations difficiles par son intelligence et son agressivité; Keaton par son stoïcisme et Lloyd par sa rapidité : Langdon, lui, se fraye un chemin à travers les embûches par une confiance aveugle. L'autre caractéristique du personnage d'Harry est son impossibilité à vouloir le mal et même à le voir, ce que Capra avait parfaitement compris : "La clé d'une bonne utilisation de Langdon, on la trouve dans le principe de la brique". Langdon peut être sauvé par la brique qui tombe sur la tête du gendarme, mais il est absolument exclu qu'il ait provoqué la chute de la brique."

Langdon perdit soudain toute son audience avec, coup sur coup, trois échecs financiers retentissants en 1929, comme indiqué ci-dessus. Il retourne à un rôle plus modeste d'acteur de complément, et demeurera ainsi, jusqu'à la fin de sa vie, un petit comédien déchu, travaillant parfois au scénario de certains films, Harry Langdon meurt, oublié le 22 décembre 1944, d'une hémorragie cérébrale. De tous les grands comiques américains, Langdon fut sans conteste le plus malchanceux et le plus méconnu. Son art burlesque est celui d'un personnage perpétuellement inadapté, névrosé, à la limite du pathétique. Déroutant, inquiétant même, peut-être ce goût d'amertume est-il à l'origine de son échec!.  

   

                                          1924  (Productions Mack Sennett)              

         AA01HL12

 

 

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                                 L'Athlète incomplet - 1926 - Frank Capra

         

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                                     Sa dernière culotte - 1927 - Frank Capra

 

           AA01HL7

 

Harry Langdon Long Pants 1927

 

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                          Deux Bons Copains - 1938 - Zenobia - Gordon Douglas                

          AA01HL11

Zenobia 1939 

 

                                             Affiche Europe de l'Est

                                                                    1942 

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