CHARLES LAUGHTON, LA NUIT DU CHASSEUR
CHARLES LAUGHTON 1899 - 1962
Acteur, Réalisateur, Producteur Anglais
S'il n'eut jamais le physique avantageux des jeunes premiers dont on fait les stars, et s'il en nourrit un durable complexe, Charles Laughton fut certainement un des comédiens les plus fins, les plus complets, les plus nuancés, qui aient prêté leur talent au cinéma américain. Bien d'autres, nantis de cet embonpoint et de cette rondeur, auraient été cantonnés dans les rôles comiques, mais cet Anglais pétri d'humour avait une physionomie si mobile, si éveillée, et parfois une flamme si ardente, dans le regard, qu'on lui confia les compositions les plus complexes. Ainsi-fut-il, à Hollywood, l'équivalent de notre Michel Simon.
Charles Laughton est né le 1er juillet 1899 à Scarborough en Angleterre, fils d'hôteliers qui espéraient le voir reprendre l'affaire familiale. Après son service militaire, il rejoint une troupe de théâtre amateur. Finalement, il vient à bout des réticences de ses parents qui l'envoient à la Royal Academy de Londres. Devenu rapidement célèbre, il rencontre un actrice, Elsa Lanchester, qu'il épousera en 1929. Grâce à elle, Charles Laughton interprète deux courts métrages muets : "Bluebottles" et "Daydreams", mais son premier film "officiel" est "Piccadilly" en 1929. Le succès d'une tournée aux Etats-Unis lui amène inévitablement des propositions de films : Boris Karloff et son partenaire dans "Une Soirée étrange" (The Old Dark House,1931) de James Whale. Sa rencontre avec Gary Cooper dans "Le Démon du sous-marin" (The Devil and the Deep,1932) le remplit de complexes : il est convaincu qu'il n'a aucune des qualités physiques que le public attend d'un grand acteur.
Pour s'amuser, il incarne, dans "Le Signe de la Croix" (The Sign of the Cross,1932) de Cecil B. DeMille, Néron, auquel il donne les mimiques de Mussolini. Encouragée par le succès retentissant obtenu par "Dr Jekyll et Mr Hyde" de Rouben Mamoulian en 1931, la firme Paramount décida de porter à l'écran l'année suivante le célèbre roman d'H.G. Wells : "L'île du Docteur Moreau" (Island of Lost Souls,1932) de Erle C. Kenton, mais le film n'obtint pas le succès escompté, malgré une énorme campagne publicitaire. Le film fût même proscrit en Grande Bretagne par la censure. Il choqua au contraire profondément le public et la critique par sa cruauté et l'aspect blasphématoire de son sujet. En Angleterre, Laughton devient Henry VIII dans "La Vie privée d'Henry VIII" (The Private Life of Henry VIII,1933) de Alexander Korda qui lui vaut un Oscar. Laughton avait rencontré Korda à Paris, et l'idée d'un film en costume, à partir d'une biographie historique, se fit jour au cours d'un repas plantureux. Produit sur une base de coopération sans salaires, le film connut un succès commercial fulgurant.
Revenu à Hollywood, sa composition d'un père tyrannique dans "Miss Barret" (The Barrets of Wimpole,1934) de Sidney Franklin est considérée comme exemplaire. A tel point que la MGM le pressent pour jouer Micawber dans "David Copperfield"; mais il persuade les producteurs de confier le rôle à W.C. Fields. Après un détour par la comédie dans "L'extravagant Mr Ruggles" (Ruggle of Red Gap,1935) de Leo McCarey, Laughton retrouve des emplois plus sévères : Javert dans "Les Misérables" (1935) la version de Richard Boleslvasky et le capitaine Bligh dans "Les Révoltés du Bounty" (Mutiny on the Bounty,1935) de Frank Lloyd. La conscience professionnelle de Charles Laughton alla beaucoup plus loin que l'on pût se l'imaginer, en effet, l'acteur rechercha la maison de couture qui jadis faisait les costumes du capitaine Bligh, il la retrouva et il put ainsi découvrir dans les archives le style des habits que son personnage exigeait. Il avait déclaré : "Blight me doit tout, et je ne lui dois rien. C'est ma peau que je lui ai donnée".
Mais l'atmosphère de Hollywood lui pèse; aussi prend-il prétexte de la mort du producteur Irving Thalberg pour rompre son contrat et quitter les Etats-Unis. En Grande-Bretagne, il tourne "Rembrandt" (1936). Après l'incontestable réussite de "La vie privée d'Henry VIII", le cinéaste Alexander Korda songeait à un autre film qui lui permettrait de tourner à nouveau avec Charles Laughton. Plusieurs projets s'échelonnèrent : une adaptation de "Cyrano de Bergerac" "Le Mouron rouge" (tourné avec Leslie Howard), "Fantôme à vendre" (tourné avec Robert Donat par René Clair). Korda se décida de tourner un "Beethoven" avec Laughton. Lorsqu'il apprit qu'Abel Gance terminait "Un grand amour de Beethoven" avec Harry Baur, il porta alors son choix sur "Rembrandt". Le film fut un acte d'amour, prodigieusement soigné sur le plan des décors et de la reconstitution historique, avec des meubles et des costumes authentiques. La presse l'accueillit avec les plus vifs éloges. Un critique anglais célèbre, C.A. le jeune écrivit même, à propos de la création de Charles Laughton : "Probablement la plus belle performance d'acteur jamais enregistrée sur de la pellicule." Mais le public bouda le film qui fut un échec financier retentissant. Un fiasco qui découragea Korda de la réalisation durant quatre années, alors que celui-ci avait déjà commencé une superproduction "I, Claudius" qui ne sera jamais terminée.
Associé à Erich Pommer, il fonde en 1938, la société "The Mayflower" qui produisit trois films dont "L'Auberge de la Jamaïque" (Jamaica Inn,1939) d'Alfred Hitchcock; aucun n'aura d'audience. Déçu dans ses ambitions, il accepte l'offre de la RKO de jouer dans "Quasimodo" (The Hunchback of Notre-Dame,1939) de William Dieterle dont ce fut la première version parlante du roman de Victor Hugo. Le film de Dieterle bénéficia d'un énorme budget permettant la reconstitution de tout un quartier médiéval et de la façade de Notre-Dame par Van Nest Polglase. Succédant à Lon Chaney, Charles Laughton, habitué à des "personnages plus grands que nature", subit trois heures de maquillage quotidien sous la direction de PercWestmore qui, par l'emploi de lentilles déformantes, une bosse de deux kilos, des prothèses en caoutchouc et de la cire dans les oreilles, le rendit totalement méconnaisable. L'acteur suggéra d'engager Maureen O'Hara, qui venait d'être sa partenaire dans son précèdent film avec Hitchcock.
Les années 40 n'apportent pas à Charles Laughton les rôles qu'il pouvait espérer. Il apparaît dans "Eve a commencé" (It started with Eve,1941) de Henry Koster aux côtés de Deanna Durbin et participe en 1942 à trois productions "All-Stars", dont "Six Destins" (Tales of Manhattan,1942), du français Julien Duvivier. On critique maintenant les personnages qu'il interprète. Il réagit vivement en travaillant d'arrache-pied; et les deux films suivants "Le Fantôme de Canterville" (The Canterville Ghost,1944) de Jules Dassin et "Le Suspect" (The Suspect,1944) de Robert Siodmak, prouvent qu'il est meilleur acteur que jamais. (Robert Siodmak, qui aimait beaucoup ce film, s'entendit très bien avec Charles Laughton). Il incarne en 1945 le populaire "Capitaine Kidd" (Captain Kidd), rôle qu'il reprendra en 1952 dans la version parodique avec Abbott et Costello dans "Abbott and Costello Meet Captain Kidd) de Charles Lamont.
Entre 1948 et 1953, ses participations sont nombreuses, mais peu marquantes, excepté peut-être sa personnification de Maigret dans "L'Homme de la Tour Eiffel" (The Man on the Eiffel Tower,1949) unique film réalisé par un comédien américain : Burgess Meredith. La véritable vedette du film est la ville de Paris photographiée en extérieurs, des Grands Boulevards à Saint-Germain des Près, chaque confrontation entre Maigret et Radek est prétexte à visiter un lieu différent avec une dernière séquence très impressionnante de poursuites sur les poutrelles entrecroisés de la Tour Eiffel. En 1943, Laughton avait été dirigé par le cinéaste Jean Renoir dans "Vivre libre" (This Land is Mine). John Farrow en fit de même avec "La Grande Horloge" (The Big Clock,1948) aux côtés de Ray Milland et Maureen O'Sullivan; avec "La Sarabande des pantins" (O. Henry's Full House,1952) la Fox proposait ici un film de prestige en réunissant deux grands auteurs, Steinbeck et O. Henry ainsi que de nombreux artistes Charles Laughton, Marilyn Monroe, Richard Widmark, Anne Baxter, Jean Peters, Jeanne Crain et Farley Granger.
En 1954, David Lean dirige Laughton dans "Chaussure à son pied" (Hobson's Choice) qui jouait dans son premier et dernier film anglais depuis "Le Cargo des innocents" (Stand by For Action,1942) de Robert Z. Leonard, son interprétation du personnage de Hobson fut perçue par la critique comme une sorte de Roi Lear, rôle que tiendra ultérieurement le comédien sur scène à Strasfort-On-Avon, la ville de Shakespeare. Charles Laughton réalisa lui-même, en 1955, "La Nuit du Chasseur" (The Night of the Hunter), film subtil, méconnu, qui n'a été apprécié à sa juste valeur que par quelques cinéphiles. Avant d'entreprendre sa première et dernière mise en scène cinématographique, à l'âge de 55 ans, Laughton se fit projeter, au "Museum of Modern Art", de New York, tous les films de D.W. Griffith : "Le vieux maître", déclarait-il, "a inventé la syntaxe et la grammaire de la mise en scène et ce qu'il a inventé est encore utilisé par tous les metteurs en scène d'Hollywood". En toute logique, Laughton se devait également d'engager la plus grande actrice de Griffith, Lillian Gish. Quant à Robert Mitchum, il déclarait, avoir trouvé là son meilleur rôle. Adapté très fidèlement d'un "best seller", sur des images stylisées et avec l'utilisation expressionniste de la lumière par Stanley Cortez, "La Nuit du chasseur" fut présenté, modestement, en noir et blanc, sur écran normal, au moment où le Cinemascope-Couleur faisait une entrée fracassante. Ce fut un échec. Mais si ce film unique déconcerta le public et la critique d'alors, il n'a, depuis, cessé d'exercer une véritable fascination sur les spectateurs qui se sont succédés, depuis..le film est considéré comme l'un des chefs d'oeuvres du film noir.
En 1955, Charles Laughton s'apprêtait à tourner son second film d'après "Les Nus et les Morts", de Norman Mailer, mais à la suite d'un désaccord avec ses producteurs, ce fut Raoul Walsh qui devait en assurer la mise en scène, en 1958. "Témoin à charge" (Witness for the Prosecution,1958) de Billy Wilder vaut à sa femme Elsa Lanchester et à lui-même des nominations aux Oscars. Il abandonne un temps les studios pour remonter sur les planches où il joue avec de jeunes acteurs encore inconnus, Albert Finney et Vanessa Redgrave. Dans "Spartacus" (1960), sa composition de Gracchus aux côtés de Sir Laurence Olivier et de Sir Peter Ustinov est un des élements majeur de l'oeuvre de Stanley Kubrick. Charles Laughton meurt à New York, le 15 décembre 1962, avant la sortie de son dernier film "Tempête à Washington" (Advise and Consent,1962) de Otto Preminger, où son interprétation du sénateur sudiste était de loin la meilleure performance de l'année. Ce film marque le retour à l'écran de Gene Tierney.
Une Soirée étrange - 1932 de James Whale
Si j'avais un million - 1932 de James Cruze, Ernst Lubitsch, Norman Z. McLeod...
1933
La Vie privée d'Henry VIII - 1933 de Alexander Korda
Le Fou des îles - 1933 de Stuart Walker
Miss Barrett - 1934 de Sidney Franklin
1935
L'Extravagant Mr Ruggles - 1935 de Leo McCarey
1936
1939
Charles Laughton 'The Hunchback of Notre Dame'
La Taverne de la Jamaïque - 1939 de Alfred Hitchcock
Six Destins - 1942 de Julien Duvivier
Le Cargo des Innocents - 1942 de Robert Z. Leonard
Le Fantôme de Canterville - 1944 de Jules Dassin
1945
1947
1948
1949
La Femme au voile bleu - 1951 de Curtis Bernhardt
L'Homme de la Tour Eiffel - 1950 de Burgess Meredith
Abbott et Costello rencontrent le Capitaine Kidd - 1952 de Charles Lamont
1953
Chaussure à son pied - 1954 de David Lean
1955 (Réalisation)
La Nuit Du Chasseur - Scène du bateau sur la rivière, 1ère Partie
1960
Sous dix drapeaux - 1960 de Duilio Coletti
1962
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